- Les ONG peuvent engager des actions internationales de plaidoyer à l’ONU ou par le biais d’organisations régionales telles que Le Système européen des droits de l’homme (en anglais), le Système interaméricain des droits de l’homme (en anglais), et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Chacune de ces structures régionales fonctionne selon des mécanismes différents et avec des organes différents qui surveillent la situation des droits fondamentaux des femmes et des filles et qui peuvent être utilisés pour faire avancer le projet.
- Les actions internationales de plaidoyer et de suivi auprès des Nations Unies peuvent être menées par le biais des organes de l’ONU chargés des droits de l’homme, créés par la charte et les traités, et des institutions spécialisées, notamment les rapporteurs spéciaux (en anglais). Lorsqu’il s’agit de faire respecter les dispositions des traités internationaux, l’ONU ne se contente pas des informations qui lui sont rapportées par des personnes ou par des ONG en matière de violations des droits de l’homme. Les organes des droits de l’homme de l’ONU surveillent eux-mêmes périodiquement le respect des obligations contenues dans les traités. La procédure de compte rendu et de suivi peut être engagée par deux moyens :
(1) L’obligation faite aux États de présenter des rapports
- Lorsqu’un État a ratifié l’un de ces traités, il est tenu de présenter à intervalles réguliers des rapports à l’organe qui en surveille l’application. Les États sont tenus de présenter ces rapports en précisant comment ils respectent les obligations qui découlent du traité. Les organes de surveillance des traités rédigent des conclusions au vu des rapports présentés par les États et des informations envoyées par les ONG. Ces conclusions sont disponibles, pays par pays, sur le site du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Les organes de l’ONU chargés des droits de l’homme qui supervisent l’application des traités internationaux les plus importants sont énumérés ci-dessous :
- Comité des droits de l’homme
- Comité des droits économiques sociaux et culturels
- Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD)
- Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW)
- Comité contre la torture et Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (en anglais)
- Comité des droits de l’enfant
- Comité sur les travailleurs migrants
- Comité des droits des personnes handicapées
- Des ONG ont utilisé avec succès la période pendant laquelle les États préparent leur rapport pour en faire un outil de plaidoyer. Le plus souvent, elles présentent un autre rapport, dit « rapport fantôme », qui brosse un tableau assez différent de la manière dont l’État respecte les obligations du traité. La démarche type consiste à développer dans ce rapport fantôme les informations contenues dans le rapport officiel, mais en fournissant une analyse différente de ces mêmes informations. Les ONG accréditées peuvent aussi suivre un certain nombre de procédures du Comité en qualité d’observateurs. Voir : Les mécanismes d’établissement de rapports et de suivi (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights, 2007.
(2) Les rapports rédigés à l’initiative des Comités ou des ONG
- Certains organes de surveillance de l’ONU fournissent des rapports sur des actions gouvernementales même en dehors du calendrier prévu par les traités. En ce qui concerne les Rapporteurs spéciaux de l’ONU, comme la Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes et la Rapporteuse spéciale sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme peut lancer une analyse sur des sujets ou des évolutions spécifiques qui sera publiée dans un rapport. Des défenseurs et des ONG peuvent aussi porter un problème particulier à la connaissance d’un organe de l’ONU, par exemple la Commission sur le statut de la femme, qui étudiera la question et fera des recommandations. Les mécanismes d’établissement de rapports et de suivi (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights, 2007.
(3) L’utilisation de l’Index universel des droits de l’homme
- L’Index universel des droits de l’homme, créé à l’intention du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et alimenté par lui, est d’abord un outil permettant de faciliter la consultation des documents publiés par les organes de suivi des traités de l’ONU sur les droits de l’homme et par les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. L’Index fournit à toute partie intéressée, y compris aux groupes de la société civile et aux ONG, un nouvel outil pour rechercher des observations et recommandations émises par ces organes spécialisés. Les défenseurs peuvent ainsi retrouver rapidement les informations pertinentes en effectuant une recherche par pays, par région, par organe de suivi et en fonction des droits et des groupes concernés. Par exemple, une recherche sur Angola et CEDAW permet de trouver immédiatement toutes les annotations du Comité au sujet des rapports fournies par l’Angola, ainsi que ses recommandations, lesquelles peuvent servir d’ébauche pour les actions de plaidoyer.
(4) Procédures de communication/plainte et d’enquête prévues par le Protocole facultatif à la CEDAW
- Le Protocole facultatif à la CEDAW est entré en vigueur en 2000 et 99 ratifications ont été enregistrées à ce jour. Ce Protocole facultatif dote la CEDAW d’un mécanisme de mise en application qui lui manquait. Il prévoit deux procédures principales : un mécanisme de plainte individuelle et une procédure d’enquête. Les femmes victimes de discrimination dans un État partie au Protocole facultatif peuvent présenter au Comité une communication, en application du règlement intérieur du Protocole. Le Comité en référera à l’État partie concerné et prendra sa décision après en avoir obtenu une réponse. Pour être recevable, une communication doit respecter certaines règles :
- La communication doit être présentée par écrit ; il n’y a pas de séance orale.
- L’État dans lequel les sévices sont réputés avoir eu lieu doit avoir adhéré à la Convention et au Protocole facultatif au moment des faits (ou bien ces sévices doivent avoir persisté après la date à laquelle il est devenu partie).
- La communication ne peut être anonyme. Toute demande doit fournir le nom de la femme ou du groupe de femmes victime(s) des sévices. Cette obligation est très controversée car, comme l’ont plaidé de nombreuses associations, les femmes les plus vulnérables auront plus de difficultés à présenter leurs doléances. Elle a cependant été maintenue.
- Tous les recours doivent avoir été épuisés sur le plan national avant qu’une affaire puisse être portée au niveau international.
- Le Comité peut également demander aux États de prendre des mesures provisoires à tout moment du processus. La procédure d’enquête autorise le Comité à enquêter sur des violations graves et systématiques des droits des femmes dans un État donné s’il a reçu communication de l’existence d’une telle situation de la part d’une personne ou d’un groupe. Cette procédure confidentielle implique la nomination d’un groupe restreint de membres du comité chargés d’enquêter sur la plainte et de présenter leur rapport à l’État en question. Voir: Comment les femmes peuvent-elles utiliser le Protocole facultatif de la CEDAW ? (en anglais), DisAbled Women’s Network Ontario.
ÉTUDES DE CAS : les décisions du CEDAW
Le Comité a rendu dix décisions (en anglais) à la suite des plaintes déposées en application du Protocole facultatif. Dans cinq affaires, la plainte a été déclarée « irrecevable » faute de preuves suffisantes, parce que les recours par la voie judiciaire ordinaire n’avaient pas été épuisés ou pour d’autres motifs qui ont empêché le Comité de se prononcer au fond.
Dans quatre cas, le Comité a considéré qu’il y avait eu violation de la Convention. Dans l’affaire A.T. c. Hongrie, décision rendue en janvier 2005, la plaignante déclarait avoir été victime avec ses enfants de violences graves et de mauvais traitements de la part de son concubin et n’avoir reçu aucune protection de l’État hongrois. La plainte portait notamment sur des violences physiques, des menaces de sévices sexuels et le refus de pension alimentaire pour les enfants. Les allégations de violences physiques étaient accompagnées de certificats médicaux. Non seulement la législation hongroise ne prévoyait aucune procédure d’injonction ni ordonnance de protection pouvant venir en aide à la plaignante, mais le concubin avait obtenu des tribunaux civils hongrois le droit d’accès à l’appartement familial au motif que les sévices n’étaient pas établis et qu’il ne pouvait être fait obstacle à son droit de propriété (l’appartement était propriété commune). La plaignante avait demandé de l’aide auprès des tribunaux pénaux et civils et auprès des autorités de protection de l’enfance, mais n’en avait reçu aucune assistance ou protection. Après en avoir débattu avec le Comité, l’État hongrois a adopté en 2003 une résolution sur la prévention de la violence familiale et sur les modalités permettant d’y remédier, notamment en prévoyant la présentation d’une proposition de loi sur les injonctions, l’aide juridictionnelle gratuite dans certaines circonstances, le recueil des données sur la violence familiale et la mise en œuvre d’un certain nombre d’autres initiatives. Pourtant, en 2004, la plaignante affirmait qu’aucune de ces propositions n’avait été correctement mise en œuvre. Le Comité a considéré que la Hongrie avait violé les droits de la plaignante protégés par la Convention et a adressé des recommandations à la Hongrie pour que le pays prenne des mesures afin de protéger la plaignante et, plus globalement, faire respecter les droits protégés par la Convention.
Dans A.S. c. Hongrie, décision rendue en août 2006, la plaignante affirmait avoir été soumise à une stérilisation forcée. Au cours d’un accouchement d’urgence par césarienne, il lui avait été demandé de signer un formulaire qui, comme il est apparu plus tard, incluait une partie (à peine lisible et en des termes qu’elle ne comprenait pas) impliquant son consentement à une stérilisation. Après la césarienne, alors qu’elle demandait quand elle pourrait avoir un autre enfant, elle a compris qu’elle avait été stérilisée. Elle a alors porté plainte devant les tribunaux civils, mais a été déboutée essentiellement parce que le tribunal avait estimé qu’elle n’avait pas prouvé qu’il lui serait absolument impossible d’avoir un autre enfant, soit par une opération annulant la première soit par d’autres voies. Le Comité a estimé que la Hongrie avait violé de nombreuses dispositions de la Convention et a recommandé à la Hongrie de dédommager la plaignante et de prendre des mesures pour que de tels incidents ne puissent se reproduire, notamment en révisant la législation nationale et en surveillant les pratiques des hôpitaux.
Sahide Goekce (décédée) c. Autriche et Fatma Yildirim (décédée) c. Autriche, dont les décisions ont été rendues en août 2007, sont deux affaires similaires qui ont été présentées par des organisations luttant contre la violence familiale au nom de femmes tuées par leur époux. Dans les deux cas, bien que la police soit intervenue à de nombreuses reprises en réponse à des plaintes pour sévices et menaces, et que les victimes aient obtenu de nombreuses ordonnances de protection, toutes les demandes déposées en vue de faire placer en détention et poursuivre les auteurs des violences avaient été refusées par les responsables des autorités locales. Les auteurs de la plainte affirmaient que l’Autriche n’avait pas su prendre les mesures suffisantes pour protéger la vie et la sécurité des victimes, poursuivre efficacement ceux qui avaient violé leur droit à ne pas être victimes de violences sexistes, et plus globalement protéger la sécurité des femmes. Le Comité a estimé qu’alors même que l’Autriche disposait d’un système acceptable de lutte contre la violence et les mauvais traitements, elle n’avait pas su faire en sorte que les personnes chargées d’appliquer ce système agissent de façon à assurer une protection efficace aux victimes prises isolément. En conséquence, l’Autriche avait violé un certain nombre des dispositions de la Convention. Le Comité a recommandé à l’Autriche d’améliorer l’application et le suivi de sa législation en matière de violence familiale, de renforcer les programmes de formation et de prendre des mesures pour améliorer l’application de la loi, notamment en renforçant les poursuites à l’encontre des auteurs de violences familiales.
Voir : Les décisions du CEDAW (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights, 2008.