Qu’est-ce que le plaidoyer en vue d’une réforme du système judiciaire ?

Dernière modification: March 01, 2011

Ce contenu est disponible dans

Les options
Les options
  • Le plaidoyer pour une réforme de la législation peut s’accompagner d’une action pour une réforme plus vaste du système juridique et judiciaire, qui a pour but non seulement de créer une nouvelle loi ou de modifier une loi existante mais aussi de garantir que cette loi sera correctement appliquée. Le plaidoyer en vue d’une réforme du système est l’activité qui consiste à tenter d’obtenir l’élaboration et l’adoption de politiques et de procédures destinées à assurer l’adoption et l’application de lois nouvelles ou la modification de lois existantes. Les actions pour des réformes dans les domaines du logement, de la santé, de l’emploi, de l’éducation et de la prise en charge des enfants peuvent elles aussi aider les victimes de violences.
  • Ce type de plaidoyer peut chercher à améliorer la manière dont doivent réagir les forces de l’ordre, les procureurs et les juges. Les exemples ci-après montrent toute l’importance du travail des défenseurs, qui repèrent des failles dans la mise en application des lois et tentent d’améliorer le mode opératoire en travaillant avec les membres du système judiciaire de façon à créer de nouveaux mécanismes, de nouvelles procédures et de nouveaux programmes.

(1)   Réformer les politiques en matière d’application de la loi

  • Une réforme élargie du système judiciaire visant à améliorer l’action de la police face à la violence familiale peut passer par des politiques ou des lois qui changent la façon dont les policiers peuvent, devraient ou doivent procéder à une arrestation, ou les conditions de celle-ci. Ainsi, dans les cas de blessures sans gravité, le principe de la « raison suffisante » autorise les agents des forces de l’ordre à arrêter une personne au vu des éléments repérés sur les lieux (biens endommagés, blessures visibles ou sentiment de peur chez la femme) et permettant de conclure qu’il y a eu agression. La police peut arrêter une personne sans avoir été témoin des faits. L’étape suivante est celle d’une politique faisant obligation à la police de procéder à une arrestation dans tous les cas d’agression au sein du foyer. Voir : Tentatives de réforme des systèmes d’application de la loi (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights.

(2)   Réformer le fonctionnement des parquets

  • Un autre exemple de réforme du système judiciaire est fourni par des pays où le ministère public a créé des unités spécialisées chargées uniquement de poursuivre les auteurs de violences familiales. Nombre de parquets suivent des lignes d’orientation autorisant les poursuites sans que la victime ait fait de déposition, s’il y a suffisamment d’autres éléments de preuve indépendants. On dit parfois qu’il s’agit de poursuites fondées sur les preuves ou en l’absence de témoignages directs des victimes. De tels principes d’action transmettent aux contrevenants et à la communauté un message signifiant que l’État a fait de la violence familiale l’une de ses priorités. Voir : Tentatives de réforme des ministères publics (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights, 2006.
  • Certains bureaux de procureurs ont également cherché à améliorer leur mode d’action face aux violences en créant des mécanismes permettant aux victimes et aux témoins d’être mieux informés et mieux soutenus. Certains travaillent en collaboration avec des associations de femmes battues pour fournir ces services, tandis que d’autres ont créé en leur sein un poste de défenseur des victimes/témoins chargé d’assister les victimes tout au long de la procédure pénale. Voir : Tentatives de réforme des ministères publics (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights, 2006.

(3)   Réformer le système judiciaire

  • Les défenseurs peuvent contribuer de plusieurs manières à améliorer le mode de réaction face à la violence familiale. Mais ils doivent pour cela connaître le système judiciaire du pays où la réforme va être encouragée. La Rule of Law Initiative (Initiative pour la suprématie du droit) lancée par l’Association du barreau américain (ABA) mesure les progrès effectués dans le sens de la réforme par le biais de son Index des réformes judiciaires, un outil qui utilise 30 indicateurs objectifs permettant d’évaluer un système judiciaire. Voir la page d’accueil de l’Association du barreau américain et ses Programmes de réformes judiciaires (les deux sites en anglais).
  • Le plaidoyer en faveur d’une réforme du système judiciaire peut prendre la forme de l’observation des procédures au sein des tribunaux, de l’organisation de formations, de la création de tribunaux spécialisés et de l’adoption de procédures particulières. Par exemple, l’observation des procédures (en anglais) permet de repérer de manière systématique les points à améliorer dans le mode d’action du système judiciaire face à la violence familiale. Les résultats de ces observations peuvent être utilisés pour les actions de plaidoyer. La visibilité de ces questions est améliorée et la présence d’observateurs dans la salle d’audience peut conduire les magistrats à mieux traiter les affaires de violence familiale. Des formations destinées aux juges peuvent fournir à ces derniers certaines informations leur permettant de mieux évaluer les besoins des femmes battues et de faire en sorte que les auteurs de violences rendent compte de leurs actes. Voir : Le rôle des magistrats (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights, 2006. Le suivi des procédures au tribunal a été efficace dans beaucoup de pays, notamment en Macédoine et au Brésil. Voir: Court Monitoring.

ÉTUDE DE CAS : dans le Minnesota (États-Unis), une association à but non lucratif appelée WATCH (en anglais) se consacre au suivi des audiences lors des procès pour violence à l’égard des femmes. Elle a observé au fil des années de nombreux changements au sein du système judiciaire, auxquels elle a également participé. WATCH forme des bénévoles qui assistent aux audiences, tous les jours, et rapportent leurs observations. WATCH peut ainsi recueillir des données fiables et détaillées. L’association recueille également des données exhaustives sur les affaires portées devant ces tribunaux, ce qui, ajouté aux observations obtenues en salle d’audience, lui permet de repérer les tendances et les problèmes systémiques. Pour terminer, les employés et les bénévoles de WATCH plaident en faveur d’une évolution du système en fonction de ces tendances et problèmes. Ils fournissent des informations et font des recommandations aux organes législatifs et exécutifs, aux personnels des tribunaux et au grand public de façon à encourager une évolution dans le sens de la protection des droits des femmes dans le système judiciaire. WATCH organise également des formations et fournit les ressources nécessaires à ceux qui envisagent de démarrer un programme d’observation des tribunaux. Par exemple, l’association a suivi la mise en œuvre de la nouvelle loi du Minnesota faisant de la strangulation un crime et analysé la façon dont les déclarations des victimes quant aux conséquences de l’infraction ont une incidence sur la lourdeur la peine.

  • Des tribunaux spécialisés et des procédures judiciaires spéciales (en anglais) permettent également de mieux garantir que l’auteur répondra de ses actes et que la victime sera mieux protégée, en rationalisant le système, en améliorant l’accès des victimes aux ressources mises à leur disposition et en garantissant une plus grande compétence des juges et des autres membres du système. Voir le rapport 2008 du Groupe d’experts des Nations Unies sur les bonnes pratiques législatives en matière de violence contre les femmes (en anglais) qui fait un certain nombre de recommandations dans sa partie III quant à l’élaboration des textes législatifs en matière de violence à l’égard des femmes, notamment la création de tribunaux spécialisés (III.2.H), les procédures d’enquête et procédures judiciaires (III.7) et la condamnation (III.9). Voir : Le rôle des magistrats (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights, 2006. Un certain nombre de pays ont commencé à utiliser des tribunaux spécialisés, notamment l’Espagne et le Liberia, comme indiqué dans l’étude de cas ci-dessous. Link to : Pratique encourageante : la loi espagnole prévoit des tribunaux spécialisés dans la violence contre les femmes, Section La violence familiale of this Knowledge Asset

ÉTUDE DE CAS : le Tribunal « E » spécialisé dans les affaires de violences sexuelles au Liberia

Alors que le Liberia, en Afrique de l’Ouest, commençait à se redresser après deux décennies de conflits internes et de guerre civile, la situation des femmes victimes de violences sexuelles demeurait désespérée. Après une guerre civile où le viol et les violences sexuelles avaient été utilisés en toute impunité comme armes de guerre, le Liberia a vu se répéter le même schéma d’impunité dans la période qui a suivi. Voir : The Advocates for Human Rights Liberia is Not Ready: 2010 (Le Liberia n’est pas prêt : 2010), p. 35. Le Liberia a adopté une nouvelle loi réprimant le viol en 2005, mais les tribunaux mettaient trop de temps à traiter ces affaires et les associations de défense des droits des femmes, comme l’Association des femmes avocates du Liberia, ont décidé qu’il était nécessaire de créer des tribunaux spécialisés pour juger exclusivement des affaires de violences sexuelles contre les femmes. Au terme de deux ans de plaidoyer, la création du Tribunal « E » a été approuvée. Un nouveau bâtiment a été construit avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) qui a également participé à la formation des procureurs et des policiers, et les affaires ont commencé à être présentées devant le tribunal. Lors de l’ouverture du tribunal, plus de 140 personnes étaient en attente de jugement pour des faits de viol. Il est en première instance le seul à pouvoir connaître des affaires de viol, de sodomie et autres formes d’agression sexuelle, y compris les sévices sur enfants. Voir : Le tribunal spécialisé sur les affaires de violence sexuelle est en voie d’être constitué (en anglais), IRIN, 21 mars 2008 ; La nouvelle guerre, c’est le viol, IRIN, 23 novembre 2009.

 

(4)   Réformer les liaisons interinstitutions

  • Les procureurs, les juges, les défenseurs des droits, le personnel médical, les agents de la force publique, les techniciens des services des urgences, les familles et les membres de la communauté peuvent aussi travailler de concert à améliorer la réaction de l’État face à la violence faite aux femmes en créant des comités d’observation de la mortalité due à la violence familiale. Ces comités étudient les cas de décès consécutifs à des violences infligées dans le foyer, ainsi que les événements ayant abouti à l’homicide ou aux homicides, afin d’en déterminer les causes ; il examine également l’affaire en l’espèce et les affaires similaires afin d’identifier les problèmes systémiques ayant contribué aux actes commis et au défaut de protection de la victime. Voir : Les comités d’étude de la mortalité due à la violence familiale (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights, 2006. Le Programme de St Paul pour la sécurité (en anglais) est un exemple de réforme interinstitutions axé sur la justice pénale. Ce Programme émet des propositions spécifiques à l’adresse de chacune de ces institutions, notamment sur ce qu’il faut à la victime pour être en sécurité, sur ce que les personnels doivent se communiquer entre eux pour faire leur travail, et sur ce que chacun d’entre eux et chaque institution doit faire pour que l’auteur des faits réponde de ses actes. Voir Case Study : St. Paul Blueprint for Safety.