Législation

Dans cette base de connaissances, en référence à certaines dispositions ou articles de la loi, dans un jugement ou aspects d'une pratique ne signifie pas que la loi, le jugement ou la pratique réputée en pleine un bon exemple ou une pratique prometteuse.

Certaines des lois mentionnés dans ce document peuvent contenir des dispositions autorisant la peine de mort. Tenant compte des résolutions 62/149, 63/168, 65/206 et 67/176 de l'Assemblée générale des Nations Unies, appelant à la mise en place d'un moratoire sur la peine de mort et son abolition définitive, la peine mort ne devrait pas être inclus dans les dispositions sur les peines pour les crimes de violence contre les femmes et les filles.

Autres Dispositions Relatives aux Lois sur la Violence Familiale Outils
Le harcèlement sexuel dans le sport Outils
Dispositions relatives à l’immigration Resources for developing legislation on sex trafficking of women and girls

Le fait d'ériger les pratiques néfastes en infraction pénale peut avoir un effet dissuasif non négligeable. Dans de nombreux pays où sévissent les pratiques analysées dans le présent module, celles-ci ne sont pas inscrites au Code pénal ou ne le sont que depuis peu.

Lors de la criminalisation des pratiques néfastes, il est important de prendre en compte les questions suivantes :

  • La force publique dispose-t-elle de ressources et de moyens suffisants pour mettre en œuvre les nouvelles lois pénales de façon adaptée ? Dans le cas contraire, comment est-il possible d'y remédier ?
  • Les lois coutumières soutiennent-elles cette législation ou sont-elles contradictoires ? En cas de contradiction, il convient de se référer au chapitre ci-dessus sur l’abrogation des dispositions contradictoires des lois coutumières et religieuses et de veiller à ce que la nouvelle législation fasse clairement état de la primauté des dispositions de la constitution ou du droit national.
  • Une campagne de sensibilisation a-t-elle été menée auprès de la population afin de lui faire prendre conscience des conséquences préjudiciables de ces pratiques, de la nécessité d'y renoncer et du fait qu'elles constitueront une infraction au titre des nouvelles lois ?
  • L’idée de permettre aux victimes d'engager des poursuites contre des membres de leur entourage susceptibles de s'être rendus coupables de pratiques néfastes est-elle acceptée par la société ?
  • La mise en application d'une loi pénale affecterait-elle de façon disproportionnée et/ou isolerait-elle un groupe ethnique particulier ?
  • La manière dont la nouvelle infraction pénale sera mise en œuvre tiendra-t-elle compte de l'intérêt supérieur de la fillette ? Ce point est d'autant plus important que de nombreuses pratiques néfastes, comme les mutilations génitales féminines ou le « repassage » des seins, sont perpétrées par les parents de la victime ou par les personnes s'occupant de celle-ci, ou avec leur soutien, et que des sanctions pénales telles que de lourdes peines d'emprisonnement risqueraient de nuire considérablement à l'intérêt de l'enfant victime.
  • Il est possible d'ériger les pratiques néfastes en infraction par l’adoption d’une loi interdisant expressément ces pratiques, comme le Sénégal l'a fait pour les mutilations génitales féminines, ou en recourant à des dispositions générales du droit pénal qui sanctionnent diverses actions dont les pratiques néfastes, comme dans le cas de la France avec les mutilations génitales féminines. Les États retenant cette dernière option doivent tout particulièrement s'efforcer de sensibiliser l'opinion sur le fait que des pratiques jadis légales risquent désormais de donner lieu à des poursuites pénales.

    Dans tous les cas, la législation érigeant en infraction des pratiques préjudiciables spécifiques ne devrait être adoptée que dans le cadre d'une stratégie gouvernementale globale visant à modifier les usages locaux et les croyances individuelles qui sous-tendent ces pratiques si profondément enracinées.

    GénéralitésObservations générales relatives aux sanctions Définition claire des pratiques néfastes Extraterritorialité et extraditionCirconstances atténuantesConsentement

    Qu’une pratique préjudiciable soit érigée ou non en infraction, la législation s’y rapportant doit reposer sur une approche globale axée sur les droits fondamentaux de l’être humain. Elle doit veiller à ce que soient poursuivis en justice et sanctionnés les auteurs de pratiques néfastes, mais aussi intégrer « la prévention de la violence, le renforcement du pouvoir d’action, le soutien et la protection de la victime, ainsi que la mise en place de mécanismes assurant l’application effective de ses dispositions ». Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, reprenant le Rapport de la réunion du Groupe d'experts des Nations Unies sur les bonnes pratiques législatives en matière de violences contre les femmes (en anglais).

     

    Pour garantir, outre leur condamnation, la prévention des pratiques néfastes, la loi doit instaurer d’autres mesures de protection et voies de recours civiles.

    Généralités et Ordonnances de protectionProcès civils Interdiction de recourir aux mécanismes traditionnels de règlement des différends qui sont préjudiciablesRéparationDispositions relatives à la protection de l’enfanceLois relatives à l’immigration et à l’asile
    les services aux victimesSensibilisation et éducation du grand public Outils
    Dispositions relatives à la protection des enfants Resources on Forced and Child Marriage
    Définition claire et précise des mutilations gébitales féminines Outils
    Définition et formes de la maltraitance des veuves Autres dispositions relatives à la mal traitance des veuves Outils

    Les ordonnances de protection

    Le législateur doit prévoir la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les victimes de violences liées à la dot ou intégrer cette forme de violence dans un cadre relatif à la violence familiale permettant ce type de recours. De nombreux États ont prévu dans leur droit pénal et civil la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les plaignantes/survivantes d’actes de violence familiale. Dans le système pénal, une ordonnance de protection, ou injonction d’éloignement, peut offrir un recours similaire à l’ordonnance civile de protection. L’injonction d’éloignement peut être décidée dans le cadre d’une procédure pénale lorsqu’un auteur de violence est accusé d’une infraction pénale. (Voir par exemple la Loi du Minnesota, États-Unis, sur la violence familiale § 518B.01 (22) (1979, en anglais).)

     

    Pratique encourageante : en plus d’adopter une loi spécifique sur la dot, l’Inde a intégré les violences liées aux demandes de dot illégales dans sa définition de la violence familiale et offre la possibilité de rendre des ordonnances de protection. Voir http://www.apwld.org/pdf/India_ProtectionDVact05.pdf (en anglais). Au Pakistan, une précédente version du projet de loi sur la violence familiale classait les demandes de dot au rang des violences familiales en les définissant comme le fait de « harceler, maltraiter, blesser ou mettre en danger une personne dans l’objectif de la contraindre, ou de contraindre un de ses proches, à satisfaire une demande illégale de dot ou de tout autre bien ou valeur mobilière ». Voir : Les meilleures dispositions législatives pour combattre les pratiques néfastes contre les femmes au Pakistan (en anglais), p. 11 (note 22). Cependant, la dernière version de la loi pakistanaise sur la violence familiale (en anglais) ne fait plus référence aux demandes de dot. De son côté, la Loi du Bangladesh sur la prévention de l’oppression contre les femmes et les enfants (2000, en anglais) comprend des dispositions sur les assassinats liés à la dot, mais ne traite pas de la question des ordonnances de protection.  Le législateur doit inclure la violence et le harcèlement liés aux demandes de dot dans la définition de la violence familiale. Voir la section sur la définition des violences liées à la dot.

     

    Les ordonnances civiles de protection peuvent prendre la forme d’ordonnances d’urgence ou d’ordonnances sur requête (décision provisoire prise sans en référer à la partie adverse), valables pour un temps limité, ou d’ordonnances de protection pour une durée plus longue sur demande de la plaignante/survivante. Ces ordonnances de longue durée peuvent nécessiter une audience approfondie devant un juge en présence de la partie adverse. Adoptée il y a plus de 30 ans, la Loi du Minnesota sur la violence familiale, § 518B.01 (4) (1979, en anglais) a été l’une des premières lois au monde sur les ordonnances de protection. Cette forme de recours s’est avérée être l’une des plus efficaces dans les affaires de violence familiale. Voir : Les ordonnances de protection (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights. Les violences liées à la dot étant une forme de violence familiale, le législateur doit veiller à ce que les plaignantes/survivantes de ce type de violences puissent bénéficier d’une ordonnance de protection.

    Outre l’ordonnance de protection traditionnelle, le législateur doit envisager d’étendre les voies de recours ou d’en créer d’autres tenant compte des mécanismes spécifiques de la violence liée à la dot. Par exemple, la Loi indienne de 2005 permet de rendre des ordonnances de protection en cas de violence familiale et d’aliénation de biens, des ordonnances de résidence limitant l’utilisation du domicile conjugal par l’auteur de violences et ordonnant à ce dernier de fournir à la victime un autre logement, et des ordonnances de garde des enfants et d’indemnisation. Le législateur peut s’inspirer de l’article 19(1) de la loi indienne pour intégrer des dispositions relatives aux ordonnances de résidence dans une loi sur les violences liées à la dot. L’ordonnance de résidence doit permettre au juge : d’interdire au contrevenant d’exproprier la victime du domicile conjugal ou de l’en priver de toute autre manière, quel que soit le droit réel qu’il exerce sur ce domicile ; d’ordonner au contrevenant de quitter le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant ou à tout membre de sa famille de pénétrer dans le domicile conjugal où vit la victime ; d’interdire au contrevenant d’aliéner, d’hypothéquer ou de céder le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant de dénoncer ses obligations à l’égard de ce domicile ; ou d’ordonner au contrevenant de payer à la victime un logement comparable. La loi indienne autorise le magistrat à enjoindre au contrevenant « de rendre à la personne lésée sa dot ou tout autre bien ou valeur mobilière auquel elle a droit » (article 19(8)). La loi doit être rédigée en des termes contraignants afin de faire obligation aux policiers d’exécuter les ordonnances de protection.

     

    ÉTUDE DE CAS : la loi ne doit pas interdire de prononcer des ordonnances de protection contre des femmes. Par exemple, dans l’affaire Smt. Sarita c. Smt. Umrao, 2008 (1) R. Cr. D 97 (Raj), un recours a été déposé aux termes de la loi indienne sur la violence familiale au motif que, comme une femme ne pouvait pas être partie défenderesse, la requête à l’encontre de la belle-mère de la victime devait être retirée. La requérante a fait valoir qu’elle était autorisée à porter plainte contre « les membres de la famille » de son mari et que, comme ce terme ne désignait pas un genre en particulier, sa belle-mère en faisait partie. La haute cour du Rajasthan a conclu que le terme « membre de la famille » était très large et pouvait inclure tous les membres de la famille du mari, y compris les femmes. Dans les affaires Nand Kishor et autres c. État du Rajasthan, MANU/RH/0636/2008, et Rema Devi c. État du Kerala, I (2009) DMC 297, le tribunal a conclu qu’une femme pouvait être partie défenderesse. Voir : Collectif des avocats, Décisions de justice marquantes rendues aux termes de la loi indienne sur la violence familiale (en anglais).

     

    Les ordonnances de protectionLes ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteContenu des ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteLes ordonnances de protection après audienceContenu des ordonnances de protection après audienceDispositions relatives aux avertissements, durée des ordonnances de protection et autres dispositions essentielles Dispositions relatives à la garde des enfants dans les ordonnances de protectionDroit de la famille et divorceDroit de garde et autres dispositionsProcès civils pour demander des dommages et intérêtsLes droits des femmes à la propriété et à l’héritage
    Autres dispositions relatives aux lois dus les violences lié.es à la dot de la violence familiale
    Après la campagne : et mainteant ?Ressources pour actions le plaidoyer en faveur de l’adoption de lois nouvelles ou d’une réforme des lois
    Introduction Financement de la mise en œuvre Les employeurs et les syndicats Ressources pour l'application des lois
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    Fonctions et missions du parquet

    Dernière modification: February 26, 2011

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    La législation doit indiquer clairement que le parquet est tenu d’enquêter sur tous les délits de violences à l’égard des femmes et des filles, dont les crimes « d’honneur ». Elle doit énoncer les objectifs des poursuites dans les affaires de crimes « d’honneur », à savoir : 1) protéger la victime ; 2) dissuader le défendeur de commettre de nouvelles violences en le rendant comptable de ses actes ; 3) faire passer à la collectivité le message que la violence familiale ne sera pas tolérée. Voir : Le rôle du parquet (en anglais), StopVAW.

    La législation doit faire reposer sur le parquet, et non sur les victimes ou leur famille, la responsabilité d’engager des poursuites contre les auteurs de crimes « d’honneur ». Tous les crimes « d’honneur », quel que soit le type et la gravité du préjudice subi, doivent systématiquement faire l’objet de poursuites. La législation doit indiquer clairement qu’il incombe au parquet d’engager des poursuites dans les affaires « d’honneur » indépendamment de toute transaction privée. Elle doit disposer que les transactions privées ou les indemnisations amiables entre la famille de la victime et l’auteur de violence ne doivent pas faire obstacle à l’engagement de poursuites pénales contre les crimes « d’honneur ». Dans les pays où des lois religieuses ou coutumières prévoient des possibilités de pardon et d’indemnisation, le législateur doit veiller à ce qu’elles ne déchargent pas le parquet de sa responsabilité de poursuivre les auteurs de violence. Lorsqu’il n’existe pas de délit pénal de crime « d’honneur », la loi doit donner au parquet pour instruction d’utiliser d’autres textes législatifs, visant par exemple les coups et blessures, le harcèlement, l’enlèvement, les menaces de violence ou le meurtre, afin de poursuivre les auteurs de violence. Voir : la partie Incrimination pénale des crimes « d’honneur » et des délits connexes.

    Les auteurs de crimes « d’honneur » étant souvent des membres de la famille, il peut être judicieux de prévoir une procédure de poursuites en l’absence de la victime s’il existe des éléments indépendants suffisants. Dans ce cas, la collecte initiale des preuves, notamment du témoignage de la victime, constitue une phase essentielle, et le parquet doit être encouragé à coopérer avec la police pour élaborer et appliquer des stratégies efficaces permettant de recueillir des preuves supplémentaires à l’appui du témoignage. Voir : Réformes des procédures de poursuites (en anglais), StopVAW. Ces éléments de preuve doivent inclure les actes de violence, faits d’exploitation et autres mauvais traitements ayant pu être commis auparavant par le défendeur. Parallèlement, une victime de crime « d’honneur » doit avoir la possibilité de témoigner au tribunal d’une manière qui protège sa vie privée, qui assure la confidentialité, qui garantisse sa sécurité pendant et après les audiences, et qui ne constitue pas une seconde agression. Il convient de préciser que le refus de la victime de témoigner ne constitue pas une infraction. Voir : Résolution adoptée par l’Assemblée générale : Mesures en matière de prévention du crime et de justice pénale pour éliminer la violence contre les femmes, doc. ONU A/RES/52/86.

    La législation doit imposer l’élaboration de directives ou de protocoles applicables aux poursuites visant les crimes « d’honneur ». Le Manuel ONU recommande que les lois prévoient l’élaboration par les services ministériels compétents, en collaboration avec la police, le parquet, les juges, les professionnels de la santé et de l’éducation, de règlements, directives et autres protocoles à mettre en œuvre dans un délai défini après l’entrée en vigueur des lois (p. 21-22). Les objectifs de l’intervention de la police énoncés dans les directives établies doivent être de protéger la victime ou la personne en situation de risque, de procéder à l’arrestation, à l’inculpation et à la condamnation des coupables, et d’empêcher de nouvelles violences. Les mesures prises par le parquet doivent être guidées par la nécessité de prendre en compte les besoins des victimes de crimes « d’honneur », de respecter leur dignité et leur intégrité, de minimiser les intrusions dans leur vie, et de maintenir un niveau d’exigence élevé en matière de preuves. Voir : Texte révisé des stratégies et mesures concrètes types relatives à l’élimination de la violence contre les femmes dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale (en anglais). Les protocoles ou politiques établies peuvent s’inscrire dans un schéma d’ensemble contre la violence familiale, sans perdre de vue toutefois les spécificités des violences commises au nom de l’honneur. Celles-ci sont souvent ciblées sur les femmes et les filles ; elles peuvent toucher particulièrement les populations immigrées ou d’origine étrangère ; elles font souvent intervenir plusieurs coupables au sein de la même famille ou en dehors, et elles impliquent des facteurs de contrainte moins perceptibles tels que des restrictions à la liberté de mouvement, d’association et de communication, qui ne sont pas nécessairement prévues dans les lois sur la violence familiale, lesquelles portent en général sur les violences physiques.

     

    Pratique encourageante : au Royaume-Uni, le Crown Prosecution Service (CPS, ministère public de l’Angleterre et du Pays de Galles) a publié des Lignes directrices relatives aux poursuites dans les affaires de violence familiale (en anglais), qui englobent les crimes « d’honneur » et enjoignent les procureurs à relier la violence familiale et les crimes « d’honneur ». Voir aussi : Politique du CPS en matière de poursuites dans les affaires de violence familiale (en anglais), Crown Prosecution Service.

    Les directives et les protocoles destinés au parquet doivent donner une définition claire des crimes « d’honneur » concordant avec une définition nationale. En l’absence de définition nationale, il est possible de définir les crimes « d’honneur » comme étant « toute forme de violence à l’égard des femmes et des filles commise au nom de codes traditionnels prétendument d’honneur ». Voir : la partie Définition des crimes « d’honneur ». Le parquet doit tenir les victimes informées, à tous les stades de la procédure judiciaire et dans une langue qu’elles comprennent, de leurs droits, de l’évolution de l’affaire – notamment de la possibilité de participer, du calendrier, de l’avancement du dossier et des résultats –, des services et des autres mesures d’accompagnement disponibles, des demandes de réparations envisageables, et de la mise en liberté de l’auteur des violences s’il se trouvait en détention ou en prison. La législation doit faire obligation à un procureur qui classe une affaire de crime « d’honneur » d’en expliquer les raisons à la victime. Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de violences contre les femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, p. 40.

    Il convient de désigner dans chaque région des procureurs spécialisés, chargés de superviser les affaires de crimes « d’honneur » et de servir d’autorités de référence en la matière. Par ailleurs, tous les procureurs doivent suivre des formations sur le fonctionnement de la violence à l’égard des femmes, de la violence familiale et des crimes « d’honneur » ; sur la prise en charge et la protection des victimes et des témoins et les organismes d’aide locaux ; sur le contexte et les sensibilités culturelles, le cas échéant ; sur la coordination et le travail de conseil avec la police ; sur les risques associés aux crimes « d’honneur », par exemple le recours à des interprètes, l’identification des victimes potentielles et l’évaluation des risques. Les formations destinées aux procureurs doivent être dispensées de façon coordonnée avec celles prévues pour les policiers et les juges afin que les crimes « d’honneur » soient positionnés au sein du même cadre et que la communication soit facilitée.

    La législation doit prescrire au parquet de coordonner son travail avec les associations de défense, les professionnels de la santé, la police, les services de protection de l’enfance, les entreprises locales, les médias, les employeurs, les chefs religieux, le clergé et les organismes travaillant auprès des victimes et des communautés immigrées. Voir : Action communautaire concertée (en anglais), StopVAW.

    Pratique encourageante : aux États-Unis, le Tribunal de la quatrième circonscription judiciaire du comté de Hennepin, dans l’État du Minnesota, a mis en place un Centre de services spécialisés dans les violences familiales (en anglais) devant servir de lieu de référence pour « les personnes victimes ou menacées de violence de la part d’un membre de la famille ou du foyer familial ». Le Centre de services est tenu par des employés du tribunal qui peuvent aider les victimes à accomplir les démarches administratives nécessaires pour obtenir une protection judiciaire temporaire contre des auteurs de violences. Il héberge également d’autres employés municipaux, du comté et d’associations, qui sont disponibles pour apporter aux victimes de violence familiale une assistance juridique ou autre. Le Centre de services du comté de Hennepin a été le premier de ce type à être créé aux États-Unis en 1994 ; depuis, plusieurs autres centres ont été ouverts ailleurs sur le même modèle. Ces centres tendent à réduire les obstacles, notamment bureaucratiques, qui dissuadent les femmes de solliciter une protection lorsqu’elles sont en danger, par exemple parce qu’ils leur évitent la complication d’aller dans plusieurs lieux différents pour obtenir ce dont elles ont besoin.

     

    • La législation doit créer un système de suivi des crimes « d’honneur » destiné au parquet. Au nombre des indicateurs de suivi figurent notamment l’origine ethnique, l’âge, le sexe, le handicap, la religion et l’usage d’armes ou d’autres substances. Toute infraction pénale sous la forme de comportement menaçant, de violence ou de mauvais traitement commis au nom de « l’honneur », doit être répertoriée à la fois dans les crimes « d’honneur » et dans les violences familiales. Toutes les affaires répertoriées doivent être transmises au procureur spécialisé pour un dernier examen et confirmation. Voir : le chapitre sur le suivi des lois visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes. Des systèmes de partage d’informations doivent également donner des renseignements sur les ordonnances de protection et injonctions d’éloignement prononcées, afin que les procureurs puissent savoir si une décision de ce type est en vigueur. 

    Voir : Projet pilote du CPS sur le mariage forcé et les crimes prétendument « d’honneur » – Conclusions (en anglais), Crown Prosecution Service (ministère public de l’Angleterre et du Pays de Galles), 2008 ; Recommandations pour les travaux futurs sur le mariage forcé et les crimes prétendument « d’honneur » (en anglais), Crown Prosecution Service, 2008.

    Pratique encourageante : en 2009, le ministère public britannique a poursuivi un père pour avoir assassiné sa fille au nom de « l’honneur », et a obtenu sa condamnation. Bien que ni son corps ni aucune arme n’aient été retrouvés, les autorités ont jugé sa disparition suffisamment longue pour laisser présumer qu’elle était morte, et le jury a conclu, au vu des éléments connus, que la victime avait été assassinée. L’accusation s’est servie du témoignage de membres de la famille de la victime, d’une lettre écrite par la victime sous la contrainte, du témoignage d’un expert sur la violence familiale, et d’éléments sur le caractère du défendeur établis d’après une précédente condamnation pour coups et blessures graves sur d’autres personnes. Le père de la victime a été condamné à la prison à vie, et les oncles de la victime ont été acquittés. Voir : Crime d’honneur : un père condamné pour avoir tué sa fille en 1999 (en anglais), Crown Prosecution Service, 17 décembre 2009.