Les sanctions prononcées en cas de crimes « d’honneur » doivent être à la hauteur de la gravité du crime. Les lois ne doivent pas prévoir des peines d’emprisonnement plus courtes pour les meurtres « d’honneur » que pour les autres meurtres. Il convient de traiter les crimes « d’honneur » comme des homicides passibles des peines les plus sévères, comme les meurtres avec circonstances aggravantes ou les assassinats, qui traduisent l’intention de l’agresseur. Il est recommandé d’abroger toute loi qui laisse à la justice une liberté d’appréciation des circonstances atténuantes, par exemple « l’état » de l’agresseur ou les transactions privées intervenues, pour la détermination de la peine prononcée contre le défendeur.
Toute disposition prévoyant des peines réduites ou l’impunité dans les affaires de crimes « d’honneur » doit être exclue. La loi doit interdire la diminution de la sanction dans les cas de violence envers des femmes et des filles lorsque :
- le meurtre commis est un crime passionnel ;
- la victime n’était pas vierge ;
- l’auteur des violences a été témoin d’un acte d’adultère ou de relations sexuelles extraconjugales commis par la victime, ou l’en soupçonne ;
- l’auteur des violences a commis le crime « d’honneur » à cause du comportement, de la désobéissance ou de tout autre « acte illégal ou dangereux » de la victime ;
- le violeur épouse la victime.
ÉTUDE DE CAS : le Liban a supprimé de son Code pénal la réduction des peines pour les crimes « d’honneur » en 1999. Toutefois, l’article 252 permet toujours de commuer une peine si le coupable a commis le délit sous le coup d’une violente colère due à un « acte injuste et dangereux » de la victime. La peine peut aussi être réduite en vertu de l’article 193 (si le motif était honorable et obéissait aux règles de la chevalerie et de la bienséance) et de l’article 253 (en présence de circonstances atténuantes) et ces deux articles sont également appliqués à des délits commis sous le prétexte de « l’honneur », en particulier si leur auteur était l’époux de la victime.
Les tribunaux libanais ont jugé qu’un époux bénéficiait des dispositions de l’article 252 lorsqu’il avait abattu son épouse « sous l’emprise d’une rage extrême » après que sa femme l’eut quitté et eu une liaison (elle avait auparavant demandé le divorce, qui lui avait été refusé). Le tribunal a estimé que le mari satisfaisait les trois éléments requis pour obtenir une réduction de peine au titre de l’article 252, à savoir que l’épouse avait commis un acte « répréhensible » en quittant le domicile conjugal et en ayant une liaison, qu’elle avait porté atteinte à « l’honneur », à la dignité et à la virilité de son mari en le traitant de noms offensant sa dignité et en commettant un adultère, et qu’il était établi que le crime avait été immédiat, spontané et commis sous le coup de la rage. Le tribunal a relevé également que l’acte répréhensible commis par la victime était « particulièrement dangereux » compte tenu de l’état d’esprit et de la « mentalité » du mari, qui était ouvrier sidérurgiste. Voir : affaire n° 10/1999 – décision n° 85/1999, Cour criminelle du Liban-Nord, cité dans Danielle Hoyek et al, “Murder of Women in Lebanon: “Crimes of Honour” Between Reality and the Law” (Meurtres de femmes au Liban – Les crimes d’honneur : la réalité et le droit), “Honour”: Crimes, Paradigms, and Violence against Women, p. 124 (2005). Dans deux autres affaires, le tribunal n’a pas voulu appliquer l’article 252. Dans la première, il a estimé que le frère de la victime avait manifestement résolu de tuer sa sœur longtemps après que l’effet de la rage se fut dissipé. Voir : affaire n° 582/2001, décision n° 413/2001, Chambre de première instance de la Cour criminelle du Liban-Nord, citée dans ibidem, p. 124-25. Dans la seconde affaire, même si le frère de la victime se trouvait manifestement dans une rage extrême après avoir appris l’infidélité conjugale de la victime, le juge a statué que l’adultère de la sœur n’était pas potentiellement dangereux et qu’il n’était pas suffisant pour justifier que son frère l’ait tuée. Voir : affaire n° 36/1998, décision n° 11/1998, Cour criminelle du Liban-Nord, citée dans ibidem, p. 125.
Dans leur application de l’article 193, les juges ont considéré qu’il existait une revendication légitime de motif honorable obéissant aux règles de la chevalerie et de la bienséance lorsque le coupable était l’époux, mais pas lorsqu’il s’agissait d’un autre parent de la défunte, par exemple une mère ou un frère. Voir : ibidem, et affaires citées p. 122-23.
Toutefois, dans la plupart des décisions où « l’honneur » est invoqué, les tribunaux libanais appliquent l’article 253, qu’ils appliquent ou non les articles 252 ou 193. L’article 253 permet simplement au juge de réduire les peines en présence de « circonstances atténuantes ». Ce qui constitue une circonstance atténuante n’est pas défini, ce qui laisse une grande liberté d’appréciation aux tribunaux, lesquels ont utilisé ce pouvoir discrétionnaire pour réduire les peines d’auteurs de délits commis sous le prétexte de « l’honneur », par exemple dans des affaires de meurtres d’épouses, de sœurs ou de filles enceintes d’enfants illégitimes ou soupçonnées d’infidélité. Les tribunaux retiennent comme circonstances atténuantes les « circonstances » du délit, ou les coutumes tribales ou autres ayant cours dans la région où le délit a eu lieu, ou « l’agitation psychologique » de l’accusé lorsqu’il a tué sa victime. Voir : ibidem, et affaires citées p. 125-27.