Législation

Dans cette base de connaissances, en référence à certaines dispositions ou articles de la loi, dans un jugement ou aspects d'une pratique ne signifie pas que la loi, le jugement ou la pratique réputée en pleine un bon exemple ou une pratique prometteuse.

Certaines des lois mentionnés dans ce document peuvent contenir des dispositions autorisant la peine de mort. Tenant compte des résolutions 62/149, 63/168, 65/206 et 67/176 de l'Assemblée générale des Nations Unies, appelant à la mise en place d'un moratoire sur la peine de mort et son abolition définitive, la peine mort ne devrait pas être inclus dans les dispositions sur les peines pour les crimes de violence contre les femmes et les filles.

Autres Dispositions Relatives aux Lois sur la Violence Familiale Outils
Le harcèlement sexuel dans le sport Outils
Dispositions relatives à l’immigration Resources for developing legislation on sex trafficking of women and girls

Le fait d'ériger les pratiques néfastes en infraction pénale peut avoir un effet dissuasif non négligeable. Dans de nombreux pays où sévissent les pratiques analysées dans le présent module, celles-ci ne sont pas inscrites au Code pénal ou ne le sont que depuis peu.

Lors de la criminalisation des pratiques néfastes, il est important de prendre en compte les questions suivantes :

  • La force publique dispose-t-elle de ressources et de moyens suffisants pour mettre en œuvre les nouvelles lois pénales de façon adaptée ? Dans le cas contraire, comment est-il possible d'y remédier ?
  • Les lois coutumières soutiennent-elles cette législation ou sont-elles contradictoires ? En cas de contradiction, il convient de se référer au chapitre ci-dessus sur l’abrogation des dispositions contradictoires des lois coutumières et religieuses et de veiller à ce que la nouvelle législation fasse clairement état de la primauté des dispositions de la constitution ou du droit national.
  • Une campagne de sensibilisation a-t-elle été menée auprès de la population afin de lui faire prendre conscience des conséquences préjudiciables de ces pratiques, de la nécessité d'y renoncer et du fait qu'elles constitueront une infraction au titre des nouvelles lois ?
  • L’idée de permettre aux victimes d'engager des poursuites contre des membres de leur entourage susceptibles de s'être rendus coupables de pratiques néfastes est-elle acceptée par la société ?
  • La mise en application d'une loi pénale affecterait-elle de façon disproportionnée et/ou isolerait-elle un groupe ethnique particulier ?
  • La manière dont la nouvelle infraction pénale sera mise en œuvre tiendra-t-elle compte de l'intérêt supérieur de la fillette ? Ce point est d'autant plus important que de nombreuses pratiques néfastes, comme les mutilations génitales féminines ou le « repassage » des seins, sont perpétrées par les parents de la victime ou par les personnes s'occupant de celle-ci, ou avec leur soutien, et que des sanctions pénales telles que de lourdes peines d'emprisonnement risqueraient de nuire considérablement à l'intérêt de l'enfant victime.
  • Il est possible d'ériger les pratiques néfastes en infraction par l’adoption d’une loi interdisant expressément ces pratiques, comme le Sénégal l'a fait pour les mutilations génitales féminines, ou en recourant à des dispositions générales du droit pénal qui sanctionnent diverses actions dont les pratiques néfastes, comme dans le cas de la France avec les mutilations génitales féminines. Les États retenant cette dernière option doivent tout particulièrement s'efforcer de sensibiliser l'opinion sur le fait que des pratiques jadis légales risquent désormais de donner lieu à des poursuites pénales.

    Dans tous les cas, la législation érigeant en infraction des pratiques préjudiciables spécifiques ne devrait être adoptée que dans le cadre d'une stratégie gouvernementale globale visant à modifier les usages locaux et les croyances individuelles qui sous-tendent ces pratiques si profondément enracinées.

    GénéralitésObservations générales relatives aux sanctions Définition claire des pratiques néfastes Extraterritorialité et extraditionCirconstances atténuantesConsentement

    Qu’une pratique préjudiciable soit érigée ou non en infraction, la législation s’y rapportant doit reposer sur une approche globale axée sur les droits fondamentaux de l’être humain. Elle doit veiller à ce que soient poursuivis en justice et sanctionnés les auteurs de pratiques néfastes, mais aussi intégrer « la prévention de la violence, le renforcement du pouvoir d’action, le soutien et la protection de la victime, ainsi que la mise en place de mécanismes assurant l’application effective de ses dispositions ». Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, reprenant le Rapport de la réunion du Groupe d'experts des Nations Unies sur les bonnes pratiques législatives en matière de violences contre les femmes (en anglais).

     

    Pour garantir, outre leur condamnation, la prévention des pratiques néfastes, la loi doit instaurer d’autres mesures de protection et voies de recours civiles.

    Généralités et Ordonnances de protectionProcès civils Interdiction de recourir aux mécanismes traditionnels de règlement des différends qui sont préjudiciablesRéparationDispositions relatives à la protection de l’enfanceLois relatives à l’immigration et à l’asile
    les services aux victimesSensibilisation et éducation du grand public Outils
    Dispositions relatives à la protection des enfants Resources on Forced and Child Marriage
    Définition claire et précise des mutilations gébitales féminines Outils
    Définition et formes de la maltraitance des veuves Autres dispositions relatives à la mal traitance des veuves Outils

    Les ordonnances de protection

    Le législateur doit prévoir la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les victimes de violences liées à la dot ou intégrer cette forme de violence dans un cadre relatif à la violence familiale permettant ce type de recours. De nombreux États ont prévu dans leur droit pénal et civil la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les plaignantes/survivantes d’actes de violence familiale. Dans le système pénal, une ordonnance de protection, ou injonction d’éloignement, peut offrir un recours similaire à l’ordonnance civile de protection. L’injonction d’éloignement peut être décidée dans le cadre d’une procédure pénale lorsqu’un auteur de violence est accusé d’une infraction pénale. (Voir par exemple la Loi du Minnesota, États-Unis, sur la violence familiale § 518B.01 (22) (1979, en anglais).)

     

    Pratique encourageante : en plus d’adopter une loi spécifique sur la dot, l’Inde a intégré les violences liées aux demandes de dot illégales dans sa définition de la violence familiale et offre la possibilité de rendre des ordonnances de protection. Voir http://www.apwld.org/pdf/India_ProtectionDVact05.pdf (en anglais). Au Pakistan, une précédente version du projet de loi sur la violence familiale classait les demandes de dot au rang des violences familiales en les définissant comme le fait de « harceler, maltraiter, blesser ou mettre en danger une personne dans l’objectif de la contraindre, ou de contraindre un de ses proches, à satisfaire une demande illégale de dot ou de tout autre bien ou valeur mobilière ». Voir : Les meilleures dispositions législatives pour combattre les pratiques néfastes contre les femmes au Pakistan (en anglais), p. 11 (note 22). Cependant, la dernière version de la loi pakistanaise sur la violence familiale (en anglais) ne fait plus référence aux demandes de dot. De son côté, la Loi du Bangladesh sur la prévention de l’oppression contre les femmes et les enfants (2000, en anglais) comprend des dispositions sur les assassinats liés à la dot, mais ne traite pas de la question des ordonnances de protection.  Le législateur doit inclure la violence et le harcèlement liés aux demandes de dot dans la définition de la violence familiale. Voir la section sur la définition des violences liées à la dot.

     

    Les ordonnances civiles de protection peuvent prendre la forme d’ordonnances d’urgence ou d’ordonnances sur requête (décision provisoire prise sans en référer à la partie adverse), valables pour un temps limité, ou d’ordonnances de protection pour une durée plus longue sur demande de la plaignante/survivante. Ces ordonnances de longue durée peuvent nécessiter une audience approfondie devant un juge en présence de la partie adverse. Adoptée il y a plus de 30 ans, la Loi du Minnesota sur la violence familiale, § 518B.01 (4) (1979, en anglais) a été l’une des premières lois au monde sur les ordonnances de protection. Cette forme de recours s’est avérée être l’une des plus efficaces dans les affaires de violence familiale. Voir : Les ordonnances de protection (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights. Les violences liées à la dot étant une forme de violence familiale, le législateur doit veiller à ce que les plaignantes/survivantes de ce type de violences puissent bénéficier d’une ordonnance de protection.

    Outre l’ordonnance de protection traditionnelle, le législateur doit envisager d’étendre les voies de recours ou d’en créer d’autres tenant compte des mécanismes spécifiques de la violence liée à la dot. Par exemple, la Loi indienne de 2005 permet de rendre des ordonnances de protection en cas de violence familiale et d’aliénation de biens, des ordonnances de résidence limitant l’utilisation du domicile conjugal par l’auteur de violences et ordonnant à ce dernier de fournir à la victime un autre logement, et des ordonnances de garde des enfants et d’indemnisation. Le législateur peut s’inspirer de l’article 19(1) de la loi indienne pour intégrer des dispositions relatives aux ordonnances de résidence dans une loi sur les violences liées à la dot. L’ordonnance de résidence doit permettre au juge : d’interdire au contrevenant d’exproprier la victime du domicile conjugal ou de l’en priver de toute autre manière, quel que soit le droit réel qu’il exerce sur ce domicile ; d’ordonner au contrevenant de quitter le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant ou à tout membre de sa famille de pénétrer dans le domicile conjugal où vit la victime ; d’interdire au contrevenant d’aliéner, d’hypothéquer ou de céder le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant de dénoncer ses obligations à l’égard de ce domicile ; ou d’ordonner au contrevenant de payer à la victime un logement comparable. La loi indienne autorise le magistrat à enjoindre au contrevenant « de rendre à la personne lésée sa dot ou tout autre bien ou valeur mobilière auquel elle a droit » (article 19(8)). La loi doit être rédigée en des termes contraignants afin de faire obligation aux policiers d’exécuter les ordonnances de protection.

     

    ÉTUDE DE CAS : la loi ne doit pas interdire de prononcer des ordonnances de protection contre des femmes. Par exemple, dans l’affaire Smt. Sarita c. Smt. Umrao, 2008 (1) R. Cr. D 97 (Raj), un recours a été déposé aux termes de la loi indienne sur la violence familiale au motif que, comme une femme ne pouvait pas être partie défenderesse, la requête à l’encontre de la belle-mère de la victime devait être retirée. La requérante a fait valoir qu’elle était autorisée à porter plainte contre « les membres de la famille » de son mari et que, comme ce terme ne désignait pas un genre en particulier, sa belle-mère en faisait partie. La haute cour du Rajasthan a conclu que le terme « membre de la famille » était très large et pouvait inclure tous les membres de la famille du mari, y compris les femmes. Dans les affaires Nand Kishor et autres c. État du Rajasthan, MANU/RH/0636/2008, et Rema Devi c. État du Kerala, I (2009) DMC 297, le tribunal a conclu qu’une femme pouvait être partie défenderesse. Voir : Collectif des avocats, Décisions de justice marquantes rendues aux termes de la loi indienne sur la violence familiale (en anglais).

     

    Les ordonnances de protectionLes ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteContenu des ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteLes ordonnances de protection après audienceContenu des ordonnances de protection après audienceDispositions relatives aux avertissements, durée des ordonnances de protection et autres dispositions essentielles Dispositions relatives à la garde des enfants dans les ordonnances de protectionDroit de la famille et divorceDroit de garde et autres dispositionsProcès civils pour demander des dommages et intérêtsLes droits des femmes à la propriété et à l’héritage
    Autres dispositions relatives aux lois dus les violences lié.es à la dot de la violence familiale
    Après la campagne : et mainteant ?Ressources pour actions le plaidoyer en faveur de l’adoption de lois nouvelles ou d’une réforme des lois
    Introduction Financement de la mise en œuvre Les employeurs et les syndicats Ressources pour l'application des lois
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    Dépénalisation de l’adultère et moyens de défense

    Dernière modification: February 26, 2011

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    Il est souhaitable d’abroger toute infraction pénale relative à l’adultère ou aux relations sexuelles extraconjugales entre adultes consentants. Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), Division de la promotion de la femme des Nations Unies, 26-29 mai 2009, p. 18. Souvent, ces lois sont discriminatoires envers les femmes dans leur formulation ou dans la pratique.

     

    Exemple : en Haïti, un décret modifiant les infractions d’agression sexuelle et supprimant la discrimination contre les femmes a dépénalisé l’adultère.

     

     

    Moyens de défense

    Suppression de « l’honneur » comme moyen de défense

    La loi ne doit pas autoriser que « l’honneur » puisse être utilisé comme moyen de défense pour des délits de violence contre des femmes ou des filles. Le législateur doit abroger toutes les dispositions pénales qui permettent d’invoquer « l’honneur » ou toute autre idéologie susceptible d’être interprétée comme liée à « l’honneur », telle que la moralité, la coutume ou l’éthique.

    Légitime défense

    Dans les dispositions relatives à la légitime défense, il convient de rechercher attentivement toute formulation vague laissant la possibilité d’interpréter une atteinte à « l’honneur » comme un préjudice. « Un acte dangereux ou injuste » est une expression vague, qui laisse le juge libre de décider si les dispositions sur la légitime défense s’appliquent aux crimes « d’honneur » ; par exemple, l’auteur d’une infraction pourrait prétendre que la conduite sexuelle de la victime constitue un acte injuste afin de justifier le crime « d’honneur ». Il doit être indiqué clairement dans la loi que les dispositions relatives à la légitime défense ne s’appliquent pas aux infractions commises pour défendre son « honneur », à l’adultère et au fémicide familial.

    Le législateur doit s’assurer qu’aucune loi n’empêche les femmes et les filles d’invoquer la légitime défense. En Irak, par exemple, la loi interdit à une femme d’invoquer la légitime défense si elle a tué un homme qui l’avait attaquée après l’avoir trouvée en train de commettre un adultère. Voir : Usage de la violence par les femmes dans les relations intimes (en anglais), StopVAW.

    Mariage entre le violeur et sa victime

    Il convient d’abroger les dispositions qui permettent à un violeur d’échapper à la sanction s’il épouse sa victime. La loi doit interdire la pratique du mariage de l’auteur du délit et de sa victime comme réparation du délit. Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), Division de la promotion de la femme des Nations Unies, 26-29 mai 2009, p. 25.

     

     

    Exemple : Code pénal brésilien, 2005, article 107. En 2005, le Brésil a abrogé une disposition qui exonérait de sanction l’agresseur s’il épousait sa victime dans les affaires de crimes « d’honneur ». Ces crimes incluaient le viol et « l’atentado violento ao pudor, dans lequel l’agresseur oblige la victime, par l’usage de la violence ou de menaces graves, à commettre un acte sexuel ». Voir : Silvia Pimentel et al, “The Legitimate Defense of Honour or Murder with Impunity? A Critical Study of Case Law and Legislation in Latin America” (Légitime défense ou meurtre en toute impunité ? Étude critique de la jurisprudence et de la législation en Amérique latine), “Honour”: Crimes, Paradigms, and Violence against Women, p. 252 (2005). La loi permettait aussi de réduire la peine prononcée dans certaines circonstances associées à des « atteintes aux coutumes » sans violence, si l’agresseur avait épousé un tiers et si la victime n’avait pas ouvert une enquête criminelle dans les 60 jours du mariage. Voir : ibidem, p. 252-53. 

     

     

    Crimes passionnels et provocation

    Lorsque la loi reconnaît le crime passionnel comme moyen de défense, elle doit indiquer clairement que cette défense ne comprend pas ou ne s’applique pas aux crimes « d’honneur », à l’adultère, aux violences familiales ou à l’homicide familial. Voir : Recommandation générale n° 19 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, § 24(r)(ii), recommandant l’adoption de lois supprimant la défense de « l’honneur » comme motif légitimant un acte de violence ou un meurtre commis contre un membre féminin de la famille ; Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), Division de la promotion de la femme des Nations Unies, 26-29 mai 2009, pp. 19-20.

    Le crime passionnel et la provocation invoqués comme moyens de défense ont fréquemment des effets asymétriques discriminatoires envers les femmes. Bien que ces moyens de défense puissent utiliser une formulation neutre sur le plan du genre, les hommes en sont souvent les bénéficiaires. Dans les crimes « d’honneur » où le défendeur invoque le crime passionnel, les victimes sont souvent des femmes et des filles. En outre, l’exigence de preuves n’est pas aussi stricte pour les crimes passionnels, ce qui permet d’invoquer cet argument en défense même lorsque l’agresseur n’a pas été témoin de l’acte de provocation ou d’adultère. Ainsi, l’agresseur pourrait se fonder sur des accusations ou des suspicions et non pas sur des observations. Dans les cas où la preuve du flagrant délit est nécessaire pour invoquer « l’honneur » ou le crime passionnel en défense, des agresseurs ont réussi à s’en prévaloir, même quand le crime était prémédité. Le flou législatif, les mentalités discriminatoires, le pouvoir discrétionnaire des juges confèrent une grande latitude sur la question de savoir si un agresseur se trouvait encore sous l’emprise de la passion. Les États ont l’obligation d’abroger les lois pénales qui créent une discrimination à l’égard des femmes et, dans ce contexte, l’application de la loi entraîne une discrimination de fait envers les femmes et les filles.

     

     

     

     

    ÉTUDE DE CAS : Code pénal brésilien, article 25. Au Brésil, comme dans beaucoup de pays, l’homicide n’est pas un crime s’il est commis en état de légitime défense. Toutefois, la manière dont la loi brésilienne sur la légitime défense a été appliquée et interprétée démontre comment un moyen de défense peut avoir un impact asymétrique et discriminatoire à l’égard des femmes. L’article 25 du Code pénal brésilien définit la légitime défense comme étant le fait pour une personne de réagir à « une violation injuste, présente ou imminente, de ses droits ou de ceux d’autrui ». Après l’adoption par le Brésil d’un amendement à son Code pénal destiné à limiter la possibilité pour les meurtriers d’invoquer la passion ou l’émotion dans les cas d’homicide conjugal (l’homicide « privilégié », à savoir commis sous le coup d’une émotion violente immédiatement après une provocation injuste de la victime, peut encore être invoqué pour diminuer la peine infligée au défendeur), des auteurs d’homicide ont réussi à faire valoir que la défense de « l’honneur » d’un homme constituait une légitime défense. En d’autres termes, un acte adultère ou similaire commis par une femme et ses effets sur l’honneur d’un homme (un « droit » fondamental) sont jugés équivalents à un acte physique « injuste » et « imminent » d’agression contre l’homme lui-même, ce qui légitime le meurtre de la femme.

     

    Bien que les juridictions supérieures aient commencé à infirmer les acquittements fondés sur la défense de « l’honneur » à partir des années 50, et que la Cour suprême du Brésil ait expressément rejeté la défense de « l’honneur » en 1991 comme n’ayant aucun fondement dans le droit brésilien, elle a survécu dans les juridictions inférieures, en particulier en milieu rural, lorsque les affaires d’homicides sont jugées par des jurés (qui ont des préjugés sociaux) et que les juges disposent d’un grand pouvoir discrétionnaire. Dans le droit civil brésilien, les décisions des juridictions supérieures ne créent pas de précédents opposables aux juridictions inférieures, générant ainsi de nombreux conflits de jurisprudence au sujet de la défense de « l’honneur ». Par exemple, après la décision de la Cour suprême de 1991, la juridiction inférieure chargée de la même affaire a de nouveau acquitté le défendeur coupable d’un double meurtre, retenant l’argument de « l’honneur », le juge ayant déclaré que cet argument était « au cœur » de l’affaire. Voir : Human Rights Watch, Injustice pénale : les violences contre les femmes au Brésil (en anglais), 1991. Comme l’a noté un observateur : « Le recours à “l’honneur” comme argument de défense est révélateur de la persistance d’un conflit dans la culture brésilienne au sujet de la sexualité féminine, et dans les institutions au sujet de la place de l’honneur et du périmètre de la légitime défense ». Voir : Mala Htun, “Culture, Institutions, and Gender Inequality in Latin America” (Culture, institutions et inégalité des sexes en Amérique latine), Culture matters : how values shape human progress, p. 197 (2000). Il apparaît que ce moyen de défense a encore cours à ce jour dans les États intérieurs du pays. Voir : Law & Society Review, vol. 39, p. 315.

     

     

    ÉTUDE DE CAS : en 2001, la Jordanie a amendé l’article 340, aux termes duquel un homme ayant tué ou battu son épouse ou une parente après l’avoir vue commettre un adultère pouvait invoquer « l’honneur » pour sa défense. Cependant, la loi amendée n’interdit pas au juge d’appliquer aux crimes « d’honneur » l’article 98 du Code pénal comme défense ou comme circonstance atténuante, article dont beaucoup affirment qu’il est plus important que l’article 340 dans les affaires de crimes « d’honneur ». L’article 98 permet d’obtenir une peine allégée (pouvant se limiter à six mois de prison, et dépassant rarement deux ans) lorsque le crime a été commis sous le coup de la colère à cause d’un acte injuste et dangereux de la victime. Selon une traduction, l’article 98 dit que « [l]’auteur d’un crime qui le commet sous l’emprise de la fureur suite à un acte répréhensible [ghair muhiq] ou dangereux de sa victime, bénéficie de circonstances atténuantes » (Code pénal jordanien de 1961, art. 98). Voir : Catherine Warrick, “The Vanishing Victim: Criminal Law and Gender in Jordan” (La victime escamotée : les femmes dans le droit pénal en Jordanie), Law & Society Review, vol. 39, p. 315 et 337 (2005). En 1964, la Cour de cassation jordanienne a statué que, si le défendeur ne satisfaisait pas strictement aux exigences de l’article 340 (notamment celle d’avoir été effectivement témoin de l’adultère allégué), le tribunal pouvait appliquer l’article 98 dans les affaires de crimes « d’honneur ». Voir : Penn State International Law Review, vol. 23, p. 251 et 276 (2004). Dans ce type d’affaires, et malgré le caractère prémédité de nombreux crimes « d’honneur », l’homme peut faire valoir que le fait de voir son « honneur » bafoué a déclenché une crise de fureur ayant entraîné les blessures ou le décès de la femme. Un certain nombre d’hommes ont ainsi pu échapper à l’accusation de meurtre, même quand ils avaient tué une femme sur un simple soupçon de comportement malséant. Même avant que l’article 340 soit amendé, la plupart des auteurs de crimes « d’honneur » avaient donc recours à l’article 98 pour échapper aux sanctions. Le législateur chargé de modifier ou de rédiger des textes législatifs doit passer au peigne fin les lois existantes pour vérifier que d’autres dispositions ne permettent pas de laisser les responsables impunis ou d’alléger les peines prononcées.

    Aucun schéma clair n’apparaît dans l’application par la Cour de cassation jordanienne de l’article 98 aux crimes « d’honneur », et la Cour semble avoir une vision large de ce qui constitue un acte « répréhensible » ou « dangereux » de la part de la victime, notamment une grossesse. Voir : Kathryn Arnold, “Are the Perpetrators of Honor Killings Getting Away With Murder? Article 340 of the Jordanian Penal code Analyzed Under the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women” (Les crimes d’honneur : des assassinats impunis ? L’article 340 du Code pénal jordanien analysé à la lumière de la CEDAW), American University International Law Review, vol. 16, p. 1343 (2001). 

    En 1975, la Cour de cassation a statué :

    « Le fait que la loi ait prévu une réduction de la peine dans un cas particulier ne signifie pas que le juge ne puisse pas appliquer également les règles générales énoncées aux articles 97 et 98. Les règles générales sont appliquées lorsque les dispositions traitant de ces cas particuliers ne s’appliquent pas. L’adultère commis par la victime est un acte juridiquement significatif qui touche à l’honneur du défendeur ; c’est pourquoi ce n’est pas enfreindre la loi que de lui accorder une réduction de peine. »

    (Voir : Cour de cassation pénale 19/68 494 (1968) (ayant statué qu’un meurtre, perpétré deux jours après que le défendeur eut appris que sa sœur se livrait à un adultère, avait été commis sous le coup de la fureur et n’était donc pas prémédité) ; voir aussi Cour de cassation pénale 58/73 849 (1973) (ayant jugé qu’un garçon qui avait tué sa sœur le lendemain était excusable selon le droit jordanien, le meurtre n’ayant pas été prémédité dans la mesure où, de l’avis de la Cour, le garçon n’avait pas eu le temps de « calmer sa colère »).)

    (Voir : Kathryn Arnold, “Are the Perpetrators of Honor Killings Getting Away With Murder? Article 340 of the Jordanian Penal code Analyzed Under the Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women” (Les crimes d’honneur : des assassinats impunis ? L’article 340 du Code pénal jordanien analysé à la lumière de la CEDAW), American University International Law Review, vol. 16, p. 1343 (2001))