L’amélioration de la réponse du secteur de la santé à la violence sexiste a des répercussions sur un grand nombre d’aspects du fonctionnement des établissements de soins. C’est ainsi, par exemple, qu’une bonne prise en charge des femmes qui ont subi des violences peut exiger des salles de consultation privées, des politiques et des protocoles écrits sur le traitement des cas de violence, un flux de clientes qui facilite l’apport de soins valables, l’accès à des moyens contraceptifs d’urgence et un répertoire des ressources disponibles dans la communauté. Une façon d’évaluer les ressources dont dispose un établissement de santé consiste à confier la tâche à un observateur indépendant qui se rend dans l’établissement et qui évalue la situation sur place, de visu. Une autre possibilité consiste à demander à un groupe de membres du personnel de remplir une check-liste ou de répondre à un questionnaire auto-administré portant sur les ressources qui sont importantes pour fournir des soins de qualité aux survivantes de la violence.
Parmi les méthodes utilisables figurent notamment :
- Les observations cliniques
- Les interviews confidentielles avec le personnel, qui sont une excellente source d’information sur l’infrastructure, les protocoles et les capacités de l’établissement. Toutefois, elles exigent un investissement de temps et des mesures d’assurance de la confidentialité, et les employés de l’établissement risquent de ne pas vouloir s’associer à des évaluations critiques de leur employeur.
- Les questionnaires/ check-listes de gestion, qui sont des mécanismes de suivi faciles à utiliser et relativement économes en ressources. On peut se servir d’une check-liste de gestion pour effectuer un suivi des mesures prises par l’établissement pour assurer une réponse appropriée aux besoins des femmes victimes de la violence sexiste.
- L’examen des protocoles et des politiques.
Exemple de check-liste de suivi des éléments clés minimum des soins de santé de qualité pour les femmes victimes/survivantes de la violence sexiste
Toutes les organisations du secteur de la santé ont l’obligation morale de veiller à la qualité des soins qu’elles dispensent à toutes les femmes et de procéder pour ce faire à des évaluations complètes et/ou à des activités ordinaires de suivi en continu. L’évaluation pourra également porter sur les éléments minimum requis pour assurer la sécurité des femmes et pour fournir des soins de qualité, compte tenu de l’incidence élevée de la violence sexiste, ainsi qu’il est indiqué ci-dessous:
1. Valeurs et engagement institutionnels : L’institution s’est-elle engagée à lutter contre la violence à l’égard des femmes, en adoptant une « approche systémique » ? La haute direction est-elle consciente de la violence sexiste à l’égard des femmes en tant que problème de santé publique et violation des droits de la personne, et a-t-elle exprimé son soutien en faveur d’efforts visant à améliorer la réponse du service de santé face à la violence ?
2. Alliances et réseaux d’orientation/aiguillage : L’institution a-t-elle mis en place dans la communauté un réseau de services, y inclus de groupes de femmes et d’autres appuis, vers lesquels les femmes peuvent être aiguillées ? Cette information est-elle accessible à tous prestataires de soins de santé ?
3. Respect de la vie privée et confidentialité : L’institution possède-t-elle une salle distincte et sûre où les femmes peuvent consulter les prestataires de soins ? Y a-t-il des protocoles pour assurer le respect de la vie privée et la sécurité des femmes ainsi que la confidentialité des consultations et des dossiers ? Les prestataires de soins et toutes les personnes qui entrent en contact avec les femmes ou ont accès aux dossiers comprennent-elles les protocoles ?
4. Compréhension et respect des lois et règlements locaux et nationaux : Tous les prestataires connaissent-ils les lois et règlements locaux et nationaux sur la violence sexiste, notamment ce qui constitue un crime, le traitement des preuves médico-légales, les droits des femmes en matière de plainte contre l’auteur des faits et de leur protection contre de futurs actes de violence, les formalités que doivent remplir les femmes pour se séparer d’un conjoint violent ? Les prestataires de soins comprennent-ils leurs obligations en vertu de la loi, y inclus celles relatives à la fourniture de rapports (dans les cas d’abus sexuels, par exemple) ainsi que les règlements régissant l’accès aux dossiers médicaux (tels que les droits d’accès des parents aux dossiers des adolescents) ? L’institution facilite-t-elle et soutient-elle le plein respect des obligations ?
5. Sensibilisation et formation en continu des prestataires : L’institution dispense-t-elle des formations en continu, ou collabore-t-elle avec des organisations qui dispensent de telles formations au personnel sur la violence sexiste, les normes et pratiques néfastes, les obligations juridiques et la prise en charge médicale des cas ?
6. Protocoles de prise en charge des cas de violence sexiste: L’institution possède-t-elle des protocoles clairs, facilement disponibles, pour le dépistage, les soins et l’aiguillage des patientes victimes de violence sexiste ? Ces protocoles ont-ils été élaborés de manière participative et compte tenu de retours d’information du personnel de tous les niveaux ainsi que des clientes ? Les membres du personnel connaissent-ils les protocoles et sont-ils capables de les appliquer ?
7. Fournitures de prophylaxie post-exposition, de contraception d’urgence et autres : L’institution a-t-elle de fournitures, facilement disponibles et son personnel a-t-il été formé de manière appropriée pour les diffuser et les utiliser ?
8. Matériels de formation et d’éducation : Des informations sur la violence à l’égard des femmes sont-elles visibles et disponibles, notamment sur les droits des femmes et sur les services locaux auprès desquels les femmes peuvent trouver de l’aide ?
9. Dossiers médicaux et systèmes d’information : Y a-t-il des systèmes en place pour documenter les informations sur la violence à l’égard des femmes ainsi que pour réunir des données et des statistiques de service standardisées sur le nombre de victimes de violence ? Les dossiers sont-ils tenus dans de bonnes conditions de sécurité ?
10. Suivi et évaluation: L’institution a-t-elle des mécanismes intégrés de suivi et évaluation en continu de ses travaux, y inclus pour recueillir les retours d’information de tout le personnel ainsi que des femmes ayant recours aux services ? Y a-t-il des occasions périodiques d’échanges d’information pour les prestataires de soins et les cadres ? Y a-t-il un mécanisme permettant aux clientes de fournir des retours d’information sur les soins ?
Source : Adapté d’après Bott, Guedes/Fédération internationale pour la planification familiale. 2004.
Exemples d’outils :
How to Conduct a Situation Analysis of Health Services for Survivors of Sexual Assault [Comment mener une analyse de situation des services de santé pour les survivantes d’agression sexuelle] (South African Gender-based Violence and Health Initiative et Medical Research Council of South Africa). Ce guide fournit des outils et décrit les étapes de la réalisation d’une analyse de situation portant sur la qualité des services de santé pour les victimes/survivantes d’agression sexuelle. Il contient notamment une check-liste d’établissement pour recueillir des informations sur l’infrastructure de l’établissement où les survivantes sont traitées et où ont lieu les examens médico-légaux, y inclus sur les médicaments, les équipements et les tests disponibles dans l’établissement. Il comprend également un questionnaire standardisé pour prestataires de soin destiné à être utilisés dans les entrevues personnelles avec les prestataires traitant les survivantes. On notera que cet outil ne prend pas en considération la stigmatisation et la discrimination, le temps d’attente des patientes avant de voir un prestataire de soins, ni ce qui se passe après l’examen par le prestataire. Disponible en anglais.
Clinic Interview and Observation Guide [Guide d’observation/d’entrevue clinique] (Fédération internationale pour la planification familiale/Région de l’hémisphère occidental). Cet outil d’évaluation permet de recueillir des informations sur les humaines, matérielles et écrites dont dispose l’établissement de soins. La première partie du guide consiste en une entrevue avec un petit groupe de prestataires (le directeur de l’établissement, un médecin et un conseiller, par exemple). Cette section contient des questions, fermées pour la plupart, sur les services, notamment sur les ressources humaines de l’établissement, les protocoles écrits relatifs au dépistage de la violence sexiste, aux soins et aux systèmes d’orientation, et sur les autres ressources, par exemple la disponibilité de moyens contraceptifs d’urgence. La seconde partie du guide porte sur l’observation de l’infrastructure physique et des activités de l’établissement, notamment sur la disponibilité d’espaces de consultation discrets, ainsi que sur la disponibilité de matériels d’information sur la violence sexuelle. Disponible en anglais et en espagnol.
STI/HIV Self-Assessment Module [Module d’auto-évaluation des capacités relatives aux IST/VIH] (Fédération internationale pour la planification familiale/Région de l’hémisphère occidental). Ce module contient un questionnaire conçu pour déterminer sur l’organisation possède les capacités, notamment les systèmes de gestion, nécessaires pour assurer des prestations de services de santé sexuelle et génésique de haute qualité. Le questionnaire permet aux membres du personnel de différents niveaux d’évaluer la mesure dans laquelle l’établissement a pris en considération une multitude de questions en rapport avec la violence sexiste, notamment la violence sexuelle. Disponible en anglais et en espagnol.
Management of Rape Victims Questionnaire [Questionnaire de prise en charge des victimes de viol] (Azikiwe, Wright, Cheng & D’Angelo). Ce questionnaire auto-administré a été conçu à l’intention des directeurs de programme de services d’urgence d’hôpitaux pédiatriques et pour adultes pour leur permettre de fournir des rapports sur la prise en charge des survivantes de viols dans leur service. Ses 22 questions permettent de recueillir des informations sur le volume des cas de viol pris en charge par le service, le dépistage des IST, les politiques de contraception d’urgence et les médicaments offerts ou prescrits à cette fin, les politiques de prophylaxie post-exposition non professionnelle au VIH et les médicaments offerts ou prescrits à cette fin, et le suivi des patientes. Disponible à l’achat en anglais chez Elsevier.
Standardized Interview Questionnaires and Facilities Checklist [Questionnaires d’entrevue et check-liste d’établissement standardisés] (Christofides, Jewkes, Webster, Penn-Kekana, Abrahams and Martin). Ce questionnaire d’entrevue personnelle a été conçu pour recueillir des informations auprès des prestataires de soins de santé qui traitent les survivantes de viol. Il s’articule en 5 sections portant sur les caractéristiques démographiques des prestataires, les types de services disponibles pour les survivantes de viol, la disponibilité dans l’établissement de protocoles de soins pour les survivantes de viol, la formation des praticiens pour la prise en charge des survivantes de viol et les attitudes des praticiens concernant le viol et les femmes qui ont été violées. Les réponses sont utilisées pour établir une échelle mesurant la qualité des soins cliniques. En outre, l’outil comprend une check-liste à remplir par les agents de terrain à chaque centre de soins, notant la présence ou l’absence d’équipements et de médicaments et la qualité structurale des installations. Disponible en anglais.
Quality of Care Composite Score [Score composite de la qualité des soins] (Christofides, Jewkes, Webster, Penn-Kekana, Abrahams and Martin). Le score composite de la qualité des soins est une mesure auto-déclarée utilisée au niveau de chaque praticien pour évaluer les soins cliniques dispensés par les médecins et les infirmières traitant les victimes de viol, en termes d’indicateurs de stratégies de prévention des IST et de prévention des grossesses, de counselling et de qualité des examens médico-légaux. Il comprend 11 éléments tels que le traitement des IST et les vêtements ou sous-vêtements faisant l’objet d’analyses médico-légales. Disponible en anglais.