- Le dépistage systématique consiste à « interroger les femmes sur leurs expériences de la violence/maltraitance, qu’elles en présentent ou non des signes ou des symptômes » (Bott et al., 2004). L’alternative consiste pour les services de santé à attendre que les survivantes prennent l’initiative d’évoquer ou de déclarer les violences pour y réagir.
- Lorsqu’il est bien mené, le dépistage systématique définit les principaux problèmes de violence que connaît la survivante, ce qui permet de déterminer les soins et le soutien dont elle a besoin de la part du prestataire qui procède à ce dépistage et d’autres intervenants de l’établissement ou de la communauté. Le dépistage systématique accroît les possibilités de fourniture de soins appropriés aux survivantes.
- En l’absence d’un dépistage systématique, les prestataires ne repèrent généralement qu’une fraction des femmes ayant besoin d’aide face à la maltraitance ou à la violence sexuelle. Ce type de dépistage est de plus en plus considéré comme la norme dans les services de santé féminine aux États-Unis et dans d’autres pays industrialisés (American Medical Association, 1992; Buel, 2001).
- Il existe toutefois des préoccupations largement répandues inspirées par les risques liés au dépistage systématique, en particulier dans les contextes où les ressources sont insuffisantes ce qui limite la formation des prestataires à ce type de dépistage est limitée (Garcia Moreno, 2002b) ainsi que l’appui fourni aux prestataires qui procèdent au dépistage. Le dépistage systématique peut être préjudiciable aux femmes dans les situations où les prestataires sont insensibles aux problèmes de violence ou mal équipés pour y répondre de manière appropriée, où la discrétion et la confidentialité ne peuvent pas être garanties et où il n’existe pas de services d’orientation appropriés. Un dépistage systématique mal pratiqué peut exposer les femmes à des risques supplémentaires de violence (Bott et al., 2004).
- Lorsqu’ils envisagent de procéder à un dépistage systématique, les prestataires devraient bien comprendre les quatre formes fondamentales de ce type de dépistage :
- Le dépistage universel consiste à interroger toutes les femmes sur la maltraitance lors de toutes les visites initiales. Il existe que les normes minimales de sécurité et de qualité des soins soient respectées.
- L’intégration sélective consiste à procéder à un dépistage systématique dans certains services (par exemple les services d’urgence) ou dans certains domaines susceptibles de permettre des améliorations de la santé générale (par exemple les soins prénatals, la lutte contre le VIH/sida, la planification familiale, etc.) (Velzeboer, 2003). Ce peut-être un moyen efficace par rapport au coût de repérer les femmes à risque, mais à condition que le personnel soit bien formé et motivé. Il est essentiel par ailleurs de coordonner toutes les entrevues, pour que les femmes n’aient pas à se répéter plusieurs fois, ce qui est susceptible de les retraumatiser (Acosta, 2002).
- Le dépistage systématique ciblé porte sur les groupes de femmes dont il a été déterminé qu’elles sont exposées à un risque élevé de violence. Selon le contexte, ces groupes comprennent souvent les filles dans les mariages enfantins, le personnel de maison, les filles dans les foyers monoparentaux, les travailleuses du sexe, les femmes et les filles en situation d’urgence, les femmes malades mentales, handicapées et séropositives pour le VIH.
- Le dépistage sélectif est celui que se pratique uniquement en présence de signes ou d’indications d’actes de violence possibles.
- Le dépistage universel peut ne pas être faisable dans la plupart des pays en développement en raison des pénuries de ressources. Toutefois, l’intégration sélective d’un dépistage systématique dans les services de santé génésique, de santé mentale et d’urgence est recommandée, de même qu’un dépistage sélectif des femmes et des filles présentant des signes d’abus dans les autres services de santé (Morrison, Ellsberg and Bott, 2007). Les prestataires de services doivent être formés de manière à connaître les conséquences pour la santé de la violence à l’égard des femmes et des filles et à reconnaître certains des indicateurs de santé possibles signalant des abus.
- Quel que soit le type de dépistage pratiqué, les organismes de santé ont l’obligation déontologique de ne pas nuire. Ils doivent être capables de prendre des précautions fondamentales pour protéger la vie, la santé et le bien-&etre des femmes, avant de procéder à un dépistage systématique. Ces précautions sont les suivantes :
- Respect de la vie privée des femmes et de la confidentialité.
- Prestataires de soins ayant les connaissances théoriques et pratiques et l’attitude voulues pour :
- Réagir de manière compassionnée, sans juger, indiquant clairement que la violence n’est jamais méritée et que les femmes ont le droit de vivre à l’abri de la violence.
- Dispenser des soins médicaux appropriés pour traiter les blessures et prendre en charge les conséquences de la violence pour la santé, notamment par la prophylaxie contre les IST et le VIH et la contraception d’urgence après un viol.
- Donner des informations sur les droits garantis par la loi et sur les ressources juridiques ou les services sociaux disponibles dans la communauté.
- Évaluer les dangers de la situation des femmes et aider les femmes en danger à prendre des dispositions pour leur sécurité.
- Orienter les survivantes vers des services sûrs et fiables lorsque ceux-ci ne sont pas disponibles dans leur établissement.
- En outre, les établissements de santé qui effectuent un dépistage devraient disposer d’un protocole de dépistage écrit, d’une méthode de consignation de l’information recueillie lors du dépistage et d’un système de suivi et évaluation pour déterminer l’acceptation des services et la qualité des prestations en rapport avec le dépistage.
- Lors de la conception du protocole de dépistage et de son application, les prestataires de soins de santé devront tenir compte des obstacles individuels et communautaires qui s’opposent à ce que les femmes communiquent des informations, tels que les tabous qui empêchent de parler de la violence, les sentiments de honte et/ou de culpabilité, les préoccupations relatives à la confidentialité, etc. Les questions du protocole devraient être adaptées pour tenir compte de ces facteurs et mises à l’essai pour s’assurer qu’elles sont appropriées. Une étude effectuée en République dominicaine a constaté qu’une question initiale générale sur l’état des relations avec le partenaire de la femme interrogée constituait une bonne entrée en matière. Dans une étude qualitative menée au Kenya, il a été noté que « le flou des limites entre les rapports sexuels contraints et consensuels » exigeait un libellé plus précis des questions pour obtenir des réponses valables (Kilonzo et al., 2008).
Exemple : Un dépistage cohérent favorise le repérage de femmes ayant été victimes de violences
Une étude menée au Venezuela a conclu que l’instrument de dépistage ci-dessous, employé systématiquement avec chaque cliente, avait permis de déterminer que 38 % des nouvelles clientes avaient été victimes de violences, alors qu’un dépistage non systématique ne repérait que 7 % victimes. Cette étude a été réalisée par la Fédération internationale pour la planification familiale/Région de l’hémisphère Ouest en collaboration avec l’affiliée vénézuélienne de la Fédération, l’Asociación Civil de Planificación Familiar (PLAFAM).
Source : Extrait de Guedes et al., 2002b. “Addressing Gender Violence in a Reproductive and Sexual Health Program in Venezuela” in Responding to Cairo: Case Studies of Changing Practice in Reproductive Health and Family Planning [Lutte contre la violence sexiste dans un programme de santé reproductive et sexuelle au Venezuela, dans Répondre au Caire : Études de cas sur le changement de la pratique en santé reproductive et en planification familiale], p. 266.
Exemples supplémentaires d’outils de dépistage :
Living Up to Their Name: Profamilia Takes on Gender-based Violence [Fidèle à son nom : Profamilia s’attaque à la violence sexiste] (Goldberg/Population Council, 2006). Voir page 13. Disponible en anglais.
Improving the Health Sector Response to Gender-Based Violence: A Resource Manual for Health Care Professionals [Amélioration de la réponse du secteur de la santé à la violence sexiste : manuel de ressources pour les professionnels de la santé] (Bott, S., Guedes, A., Guezmes, A. and Claramunt, C./International Planned Parenthood Federation, Western Hemisphere Region, 2004). Voir pages 109-143. Disponible en anglais et en espagnol.
Screening for Domestic Violence: A Policy and Management Framework for the Health Sector [Le dépistage de la violence domestique : politique et cadre de gestion pour le secteur de la santé] (Martin, L. and Jacobs, T. 2003). Voir page 14. Disponible en anglais.
Intimate Partner Violence and Sexual Violence Victimization Assessment Instruments for Use in Healthcare Settings [Instruments d’évaluation de la victimisation dans les cas de violences et de violences sexuelles commises par le partenaire intime à utiliser dans les établissements de santé] (Basile, Hertz, Back/Centers for Disease Control, 2007). Ce guide fournit aux praticiens et aux cliniciens un inventaire actualisé des outils permettant de déterminer la victimisation par la violence entre partenaires intimes et/ou la violence sexuelle. L’ouvrage a été examiné et finalisé pour y inclure des contributions d’experts de ces formes de violence ainsi que de coordinateurs de programmes de lutte contre le viol et d’éducation des États-Unis. Il est organisé en deux parties consacrées respectivement à la violence entre partenaires intimes et à la violence sexuelle, contenant chacune un tableau des outils d’évaluation avec des détails sur leur élaboration, leurs composantes, leur application, leur suivi et leurs propriétés psychométriques ainsi que les outils d’évaluation eux-mêmes. Disponible en anglais (avec 2 outils en espagnol).
Screen to End Abuse [Le dépistage pour mettre fin à la maltraitance] (Family Violence Prevention Fund). Cette vidéo comprend cinq vignettes cliniques qui démontrent diverses techniques de dépistage et de réponse à la violence domestique dans le cadre des soins de santé primaires. D’une durée de 32 minutes, elle est disponible en VHS, CD et en clip vidéo en boucle (visionnement continu). Disponible en anglais.
Exemples de ressources :
Responding to Intimate Partner Violence and Sexual Violence against Women: WHO Clinical and Policy Guidelines (World Health Organization, 2013). Disponible en anglais (pages 17-19).
Barriers in Screening Women for Domestic Violence: A Survey of Social Workers, Family Practitioners, and Obstetrician-Gynecologists [Obstacles au dépistage de la violence domestiques chez les femmes : enquête auprès des travailleurs sociaux, médecins généralistes et obstétriciens-gynécologues (Tower, L. 2006). Disponible en anglais.
Model Protocol on Screening Practices for Domestic Violence Victims with Disabilities [Modèle de protocole sur les pratiques de dépistage des victimes de violence domestique porteuses de handicaps] (Hoog, C. 2003). Disponible en anglais.
Improving Screening of Women for Violence: Basic Guidelines for Healthcare Providers [Amélioration du dépistage de la violence chez les femmes : orientations fondamentales pour les prestataires de soins de santé] (Stevens, 2005). Disponible en anglais.