Ce type de pratique néfaste consiste à jeter délibérément de l’acide sur une victime, généralement au visage. Outre un traumatisme psychologique, les attaques à l’acide causent de graves souffrances, entraînent des infections, défigurent la victime de manière irréversible et peuvent la rendre aveugle d’un œil ou des deux. Elles sont perpétrées pour différentes raisons, y compris par vengeance parce que l’agresseur a essuyé un refus à la suite d’une demande en mariage ou d’avances amoureuses ou sexuelles ; pour des conflits fonciers ; en raison d’un prétendu déshonneur ; et par jalousie. Bien que cette pratique soit essentiellement observée au Bangladesh, au Cambodge, en Inde et au Pakistan, des cas ont également été signalés en Afghanistan et dans certaines régions d’Afrique et d’Europe. Les experts associent en partie le recours à cette pratique à la facilité avec laquelle on peut se procurer les acides. Voir : Statistiques, Cambodian Acid Survivors Charity (en anglais) ; Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, p. 22.
La législation visant à réprimer les attaques à l’acide doit inclure les éléments suivants :
- Aux termes de la loi, une attaque à l’acide doit s’entendre de toute agression perpétrée au moyen d’un acide. Comme elle peut être motivée par plusieurs raisons différentes, la loi doit viser les actes constituant l’infraction plutôt que le mobile.
- La loi doit sanctionner toutes les personnes qui commettent une attaque à l’acide et inclure expressément les proches de la victime.
- Elle doit aussi sanctionner celles et ceux qui se rendent complices de cette pratique néfaste et inclure les proches de la victime.
- Elle doit disposer que les attaques à l’acide sont des délits dont l’intention est « transférable » en prévoyant des peines identiques que la personne blessée ait été ou non celle qui était visée.
- Cette pratique doit être punie par des peines d’emprisonnement, des amendes et des programmes d’éducation.
- Les dispositions juridiques relatives aux peines encourues doivent refléter la gravité des infractions commises.
- Une peine plus sévère doit être appliquée dans le cas où une victime décède des suites d’une attaque à l’acide. L’agresseur doit être poursuivi au titre des dispositions du code pénal sur l’homicide. La peine d’emprisonnement et d’amende prévue dans le texte législatif réprimant expressément l’attaque à l’acide doit être aussi lourde que celle encourue en vertu des dispositions du code pénal sur l’homicide, à l’exception de la peine capitale.
- Les vendeurs d’acides doivent être tenus de posséder une autorisation aux termes de la loi.
- La loi doit sanctionner la vente d’acides sans autorisation.
- Elle doit exiger des vendeurs d’acide qu’ils consignent chaque vente et l’identité de l’acheteur dans un registre tenu à jour.
- Elle doit également exiger des prestataires de soins médicaux qu’ils signalent aux forces de l’ordre tous les cas de préjudices corporels causés par l’acide.
- Aux termes de la loi, la police doit être tenue d’ouvrir une enquête sur tous les cas de préjudices corporels causés par l’acide signalés par un prestataire de soins médicaux.
- La loi doit mettre en place et financer des campagnes de sensibilisation publique et une formation destinée à tous les secteurs au sujet de cette pratique néfaste et de ses conséquences.
- Il faut modifier ou abroger les textes de loi et autres pratiques qui perpétuent cette pratique néfaste, par exemple les prétendus crimes d’honneur.
- La loi doit autoriser les victimes à engager des poursuites civiles contre leurs agresseurs. Les dommages et intérêts doivent inclure le coût de la chirurgie plastique.
- Elle doit prévoir une restitution ou une indemnisation qui soit distincte de toute procédure pénale, ainsi que des mécanismes susceptibles d’être aisément mis en œuvre par la victime pour faire exécuter l’injonction de restitution auprès de l’auteur des faits.
- La loi doit par ailleurs indiquer qu’un tribunal peut modifier ou émettre une injonction de restitution à une date ultérieure, si l’étendue exacte du préjudice de la victime n’est pas connue au moment de l’audience relative à la demande de restitution ou du jugement de l’affaire.
- La loi doit garantir l’offre de services juridiques, médicaux et d’autres services de réadaptation aux victimes.
(Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, p. 22-23.)
Pratique encourageante : Bangladesh, Loi sur la prévention des attaques à l’acide (2002) et Loi relative au contrôle des acides (2002) (en anglais)
En 2002, le gouvernement bangladais a adopté deux lois, l’une relative au contrôle des acides et l’autre à la prévention des attaques à l’acide. Ces textes visent à sanctionner les personnes impliquées dans les attaques à l’acide ainsi qu’à limiter l’importation et la vente libre des acides.
Ces lois contiennent les dispositions importantes suivantes :
- l’établissement d’un fonds pour la création d’un conseil national de contrôle des acides ;
- l’établissement d’un centre de réadaptation pour les victimes d’attaques à l’acide ;
- les soins aux victimes d’attaques à l’acide ;
- l’offre d’une aide juridique aux victimes d’attaques à l’acide ;
- la fermeture des commerces qui vendent des acides et l’interdiction d’en faire le transport ;
- l’annulation temporaire des autorisations de vente d’acides ;
- la peine capitale pour les personnes reconnues coupables d’attaque à l’acide et une amende pouvant atteindre 100 000 takas (soit environ 1 709 dollars américains) ;
- le jugement devant des tribunaux spéciaux ;
- le jugement par contumace ;
- la possibilité pour les magistrats d’entendre les témoins en tout lieu.
(Voir : Base de données du secrétaire général de l’ONU sur la violence contre les femmes (en anglais), texte intégral : Loi de 2002 relative au contrôle des acides (en bengali), Loi de 2002 sur la prévention des attaques à l’acide (en bengali).)
Pratique encourageante : Cambodge, projet de loi visant à combattre les attaques à l’acide
Face au nombre croissant d’attaques à l’acide perpétrées au Cambodge, le gouvernement a rédigé un nouveau projet de loi réglementant la vente et l’utilisation de produits chimiques. Celui-ci prévoit des peines plus lourdes pour les contrevenants, essentiellement des peines de réclusion à perpétuité. Il établit par ailleurs la création d’un centre médical public et offre aux victimes des programmes renforcés d’intégration sociale et de soins de santé.
(Voir : Cambodge : des peines sévères prévues pour les auteurs d’attaques à l’acide (en anglais), IRIN, 28 avril 2010.)
Pratique encourageante : Pakistan, proposition d’une Loi sur la prévention des attaques à l’acide et sur le contrôle des acides, 2010 (en anglais)
Un projet de loi qui, s’il est adopté, réglementera pour la première fois la fabrication et la fourniture d’acides au Pakistan se trouve actuellement devant le Parlement. Ce texte (Loi sur la prévention des attaques à l’acide et sur le contrôle des acides, 2010, en anglais) offre une définition large du délit que constitue le fait de « causer volontairement un préjudice corporel à l’aide de substances ou moyens dangereux », adopte une formulation permettant de sanctionner l’agresseur même lorsque la personne blessée n’était pas la victime visée, et prévoit au maximum une peine de réclusion à perpétuité pour les personnes déclarées coupables de ce type d’actes. Il inclut une disposition relative aux voies de recours civiles permettant aux victimes de demander des dommages et intérêts aux agresseurs et prévoit un mécanisme d’application dans les cas où les agresseurs ne verseraient pas les dommages et intérêts ordonnés. Il réglemente par ailleurs la vente d’acides et érige en infraction le fait de vendre ces substances sans autorisation. Il fait enfin obligation aux vendeurs d’acides de consigner de façon détaillée chaque acte de vente.
Ce projet de Loi sur la prévention des délits à l’acide et sur le contrôle des acides, 2010 (en anglais) dispose :
SERA PRÉSENTÉ DEVANT L’ASSEMBLÉE NATIONALE
UN PROJET DE LOI visant à modifier les divers codes et lois se rapportant à la protection contre les attaques à l’acide et à la réadaptation et à l’indemnisation des victimes de ces attaques.
ATTENDU QUE la Constitution reconnaît les droits fondamentaux des femmes et des enfants à la sécurité et à la dignité et que nul ne peut être privé de sa vie et de sa liberté,
ET ATTENDU QU’il est opportun d’institutionnaliser des mesures visant à prévenir les attaques à l’acide, à protéger les femmes et les enfants contre ces attaques et à réglementer les questions associées à ces points ou qui en découlent,
nous adoptons par la présente ce qui suit :
1. Titre court et entrée en vigueur
(1) La présente loi peut être nommée Loi sur la prévention des attaques à l’acide et sur le contrôle des acides, 2010.
(2) Elle entre en vigueur immédiatement.
2. Modification de l’article 332, Loi XLV de 1860
Dans le Code pénal pakistanais, 1860 (Loi XLV de 1860), ci-après appelé ledit Code, l’alinéa 1 de l’article 332 est modifié comme suit :
« 332. Préjudice corporel
(1) Une personne qui fait souffrir, blesse, rend malade ou infirme une autre personne ou qui mutile, estropie, DÉFIGURE, DÉFORME ou démembre un organe QUEL QU’IL SOIT du corps d’une autre personne ou tout autre partie du corps de cette personne sans entraîner la mort cause un préjudice corporel. »
3. Insertion des articles 336A et 336B, Loi XLV de 1860
Dans ledit Code, après l’article 336, les articles 336A et 336B ci-après sont insérés :
« 336A. Préjudice corporel à l’aide de substances ou moyens dangereux
Une personne qui cause volontairement un préjudice corporel au moyen du feu ou d’une autre substance incandescente, d’un poison ou d’une substance corrosive ou d’un acide, d’une substance explosive ou d’arsenic, ou toute autre substance nocive pour le corps humain par contact, inhalation, ingestion ou injection, est considérée comme ayant causé un préjudice corporel à l’aide de substances ou moyens dangereux.
336B. Sanction pour avoir causé volontairement un préjudice corporel à l’aide de substances ou moyens dangereux
(1) Toute personne qui, en commettant un acte avec l’intention de causer un préjudice corporel à une autre personne ou en sachant qu’elle risque de causer un tel préjudice, fait du mal à une autre personne à l’aide de substances ou moyens dangereux, est punie d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à la perpétuité et/ou d’une amende qui ne peut être inférieure à cinq cent mille roupies.
(2) Sans préjudice de la disposition prévue à l’alinéa 1 du présent article, le tribunal peut, à toute étape de la procédure initiée par une personne lésée, ordonner à l’accusé de verser une aide financière pour compenser les dépenses encourues et les pertes subies par ladite personne lésée. Cette aide peut inclure sans toutefois s’y limiter :
a) les pertes de revenu ;
b) les frais médicaux.
(3) L’accusé doit verser à la personne lésée l’aide financière dans le délai indiqué dans l’ordonnance délivrée au titre de l’alinéa 2 et conformément aux instructions fournies par le tribunal à cet égard.
(4) Dans le cas où l’accusé ne peut effectuer le paiement demandé dans les termes prévus à l’alinéa 3, le tribunal peut ordonner à un employeur ou à un débiteur de l’accusé de régler directement la personne lésée ou de remettre au tribunal une partie des salaires ou rémunérations ou créances dus à l’accusé ou perçus par lui, dont le montant peut être ajusté en fonction de l’aide financière que doit verser l’accusé ou recouvré sous la forme d’arriérés de revenus fonciers. » […]
5. Modification de l’article 2(1), Loi XII de 1919
Dans la Loi relative aux poisons, 1919 (Loi XII de 1919), ci-après appelée ladite Loi, à l’article 2,
(i) le texte qui suit remplace l’alinéa 1 :
« (1) Le gouvernement provincial peut, selon des règles conformes à la présente Loi, réglementer ou prohiber, sur une partie ou l’ensemble des territoires sous sa juridiction, la fabrication, la possession, l’utilisation, la vente et l’achat au détail ou en gros de poisons ou de tout poison spécifié, sauf en cas d’autorisation accordée au titre de la présente Loi et des règles et conformément aux conditions de cette autorisation. »
(ii) après l’alinéa 2, les alinéas 3, 4 et 5 ci-après sont ajoutés :
« (3) Sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, il est interdit de fabriquer, distribuer, fournir ou vendre en gros ou au détail un poison à moins de détenir une autorisation à cette fin au titre des dispositions de l’article 2A.
(4) Sous réserve des dispositions de la présente Loi et des règles,
(a) un pharmacien est autorisé à fabriquer, posséder, utiliser, fournir ou vendre dans sa pharmacie toute préparation, mixture ou extrait contenant un poison dans le cadre de ses activités courantes de commerce de détail ;
(b) un médecin ou un vétérinaire est autorisé à posséder, utiliser, fournir ou vendre un poison dans le cadre de l’exercice légal de sa profession ;
(c) un dentiste est autorisé à posséder et utiliser un poison dans le cadre de l’exercice légal de sa profession.
(d) Toute autre catégorie de personnes publiée par le gouvernement provincial dans le journal officiel est également autorisée à posséder et utiliser un poison dans le cadre de l’exercice légal de sa profession.
(5) Sous réserve des dispositions de la présente Loi et des règles,
(a) il est contraire à la loi de vendre un poison non thérapeutique à une personne, à moins que celle-ci :
(i) n’y ait été autorisée par écrit selon les règles en vigueur par une personne autorisée à accorder un tel certificat aux termes du présent article, ou
(ii) ne soit connue du vendeur ou d’un pharmacien travaillant pour le compte du vendeur responsable de la vente comme étant autorisée à acheter un tel poison ;
b) le vendeur d’un tel poison ne doit le remettre cette marchandise qu’après avoir :
(i) consigné ou fait consigner la vente dans un registre ad hoc, en indiquant conformément aux règles en vigueur la date de la vente, le nom et l’adresse de l’acheteur et de la personne (le cas échéant) qui a délivré le certificat requis au titre du paragraphe a ci-dessus, le nom et la quantité de l’article vendu et la fin à laquelle l’acheteur déclare en avoir besoin, et
ii) fait signer le registre à l’acheteur. »
6. Insertion de l’article 2(A), Loi XII de 1919
Dans ladite Loi, après l’article 2, l’article ci-après est inséré :
« 2A. Autorisation pour la vente de poisons
(1) Sous réserve des dispositions de la présente Loi et des règles à suivre, une autorité chargée de délivrer les autorisations peut accorder une telle autorisation :
(a) pour la conception de poisons,
(b) pour la fabrication et la distribution ou la vente en gros de poisons,
(c) pour la vente au détail de poisons, ou
(d) pour l’importation de poisons via une frontière douanière,
dans une pharmacie, d’autres locaux ou lieux d’exercice des activités indiqués dans l’autorisation, à toute personne qu’elle juge compétente pour détenir une telle autorisation.
(2) Une demande d’autorisation au titre du présent article est soumise de la façon prescrite à l’autorité chargée de délivrer les autorisations, qui peut, à sa discrétion, y répondre favorablement ou négativement.
(3) L’autorité chargée de délivrer les autorisations n’accordera une autorisation au titre du présent article que lorsqu’elle aura acquis la conviction que les locaux du requérant sont adaptés à la fin à laquelle la demande d’autorisation est soumise, et disposent des équipements nécessaires, notamment en termes d’hygiène, à cette fin.
(4) Tous les pharmaciens, revendeurs, vendeurs, fabricants, distributeurs et autres personnes qui ont besoin d’une autorisation au titre de l’alinéa 1 soumettent à l’autorité chargée de délivrer les autorisations une demande à cet effet dans un délai de six mois à compter de la date d’élaboration des règles aux termes de la présente Loi. »
7. Remplacement de l’article 6, Loi XII de 1919
Dans ladite Loi, le texte qui suit remplace l’article 6 :
« 6. Sanctions
(1) Quiconque
(a) enfreint l’une des conditions énoncées à l’article 2 ou l’une des règles conçues au titre de l’article 2,
(b) importe au Pakistan, sans y être dûment autorisé, via une frontière douanière fixée par le gouvernement fédéral, un poison dont l’importation est à l’heure actuelle soumise à des restrictions selon l’article 3, ou
(c) enfreint l’une des conditions d’une autorisation qui lui a été accordée au titre de l’article 2A, est puni
(i) dans le cas d’un délinquant primaire, d’une peine de réclusion d’un an maximum et/ou d’une amende pouvant atteindre cent mille roupies,
(ii) dans le cas d’un délinquant récidiviste, d’une peine de réclusion de deux ans maximum et/ou d’une amende pouvant atteindre deux cent mille roupies.
(2) Tout poison à l’origine de la commission d’un délit au titre du présent article, ainsi que les contenants, emballages ou empaquetages qui lui sont associés, peuvent être saisis et, sans préjudice des dispositions contenues dans le Code de procédure pénale, 1898 ; les infractions au présent article sont des infractions pour lesquelles la police peut procéder à une arrestation sans mandat d’arrêt, qui interdisent tout maintien ou mise en liberté sous caution et qui ne peuvent pas faire l’objet d’un arrangement à l’amiable. »
8. Insertion de l’article 6A, Loi XII de 1919
Dans ladite Loi, après l’article 6, l’article ci-après est inséré :
« 6A Annulation et suspension d’autorisations
S’il est établi qu’une personne a enfreint l’une des dispositions de la présente Loi ou l’une des règles relatives à un poison et que l’infraction est telle que l’importation, l’exportation, la fabrication ou la vente d’un poison par cette personne est susceptible, selon l’autorité chargée de délivrer les autorisations, de mettre en danger la santé publique, cette autorité peut, après avoir donné à ladite personne la possibilité d’être entendue, annuler l’autorisation de conception, de fabrication, de distribution, de vente ou d’importation de poison dont elle est titulaire ou suspendre cette autorisation pendant une durée déterminée. »
REMARQUE : cette proposition de Loi sur la prévention des attaques à l’acide et sur le contrôle des acides (2010) offre la possibilité de condamner une personne reconnue coupable d’attaque à l’acide à une simple amende. Nous ne recommandons pas l’inclusion d’une telle disposition dans la législation sur les attaques à l’acide. Les peines doivent être à la hauteur de la gravité de l’infraction et, partant de ce principe, la seule condamnation à une amende ne constitue pas une sanction appropriée pour un tel acte.