Peu d’évaluations rigoureuses des stratégies efficaces de prévention et de réponse aux VEFF ont été menées à bien. Les évaluations réalisées le sont souvent dans des situations d’après-conflit ou de conflit prolongé ; elles se penchent rarement sur l’efficacité d’interventions pendant le conflit à proprement parler. On observe quelques lacunes criantes :
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Des examens plus rigoureux des programmes de réponse aux VEFF, dans le but d'identifier les bonnes pratiques et de lever les obstacles aux programmes établis de prestation de services aux survivantes.
Il serait souhaitable que les programmes de prestation de services dans les situations de conflit et d’après-conflit reposent sur une approche intégrée de la gestion des cas et de l’assistance psychologique aux survivantes, et identifient les parcours d’aiguillage vers les services de santé, de protection et juridiques/judiciaires demandés par la survivante elle-même. Cette approche, propice à un environnement positif dans lequel la survivante a le droit, en fonction de son âge et des circonstances, de choisir les services auxquelles elle désire accéder, est dite « approche axée sur la survivante » (Directives interagences de gestion des cas de violences sexistes, 2017).
La plupart des études sur les programmes de prestation de services dans les situations d’après-conflit se concentrent sur les résultats en matière de santé reproductive et sur l’efficacité des services d’assistance psychosociale, mais l’adoption de ces services par les survivantes varie en fonction de l’approche et du contexte. La prestation de services d’assistance juridique donne des résultats mitigés : certaines initiatives provoquent ainsi un nouveau traumatisme chez les survivantes. De plus, nous manquons de données sur la capacité des programmes de prestation de services à prévenir de nouveaux cas de VEFF en combattant l'impunité des auteurs de ces violences.
D’autres études sont nécessaires pour déterminer les démarches de prestation de services qui donnent les meilleurs résultats pour les survivantes, et comment lever les obstacles à l’accès aux services établis. L’intersectionnalité mérite une attention particulière, afin de comprendre les besoins spécifiques et les obstacles particuliers auxquels sont confrontés les femmes et les filles en fonction de leur identité (p. ex. adolescentes, LGBTI, femmes âgées, etc.). Des études sont par ailleurs nécessaires pour comprendre quand et comment ces services peuvent être implantés, et déterminer si la localisation de ces services influence leur pérennité. Des données supplémentaires sont nécessaires pour en savoir plus sur l'utilisation des services d’accompagnement, l’efficacité des systèmes de gestion des cas, les bonnes pratiques en matière de prestation de services d’assistance juridique pour éviter de provoquer un nouveau traumatisme, et sur les approches ciblant les adolescentes. Les programmes de prestation de services doivent faire l'objet d’examens plus rigoureux pour mieux identifier et évaluer les bonnes pratiques.
Figure 1 : Programme plurisectoriel à l'intention des survivantes
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Mieux comprendre en quoi l’émancipation économique et les programmes de transfert d’argent influencent la prévention et la réponse aux VEFF
Dans les situations d’après-conflit, certains programmes visent à combattre les VEFF par le biais d’activités d’émancipation économique : développement des compétences professionnelles, interventions sur les moyens de subsistance, formation professionnelle, programmes d’épargne et de prêts dans les villages. Une poignée de programmes évalués avec rigueur, tel que le programme EA$E de l’IRC au Burundi, montre qu’il est possible de réduire considérablement les cas de VEFF en associant aux interventions sur les moyens de subsistance des compétences d’atténuation des conflits et de communication (Holmes & Bhuvanendra, 2014). Des recherches approfondies sont toutefois nécessaires pour mesurer la capacité des programmes d’émancipation économique à réduire les VEFF dans les situations de conflit et d’après-conflit.
Des études complémentaires sont nécessaires pour déterminer le meilleur moyen d'intégrer les programmes ciblant les compétences relationnelles ou encourageant la modification des rôles d’homme et de femme, dans le but de diminuer les préjudices et d’améliorer la protection des femmes et des filles recevant des transferts d’argent. Une étude a été menée récemment sur les transferts d’argent dans le gouvernorat de Raqqa, en Syrie : il s’agit de la première étude à méthodes mixtes examinant l’impact des programmes de transfert d’argent sur les VEFF dans un contexte de conflit aigu. Celle-ci a révélé que les destinataires de transferts d’argent ont certes été plus à même de satisfaire leurs besoins fondamentaux et ont dit appliquer des stratégies d’adaptation moins négatives, mais les violences conjugales signalées par les participantes au programme avaient augmenté (Falb et al., 2019).
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Évaluations des interventions communautaires à composantes multiples, dont les approches remettant en question les normes patriarcales de genre dans les situations de conflit, dans le but de comprendre leur influence sur les VEFF et de renforcer les bonnes pratiques.
Les interventions communautaires à composantes multiples sont des interventions à plusieurs niveaux qui reposent sur une approche intégrée, constituée d’un ensemble de services de réponse à destination des survivantes et d’activités de prévention des VEFF. Bien que les interventions communautaires à composantes multiples soient courantes dans les situations de conflit et d’après-conflit, leur formulation complexe et leur approche communautaires font que très peu d’entre elles ont été évaluées. Malgré les obstacles à l'utilisation d'une méthodologie rigoureuse, il existe des possibilités d'utiliser des modèles d’évaluation complexes dans des contextes tels que les crises prolongées. Dans ce genre de contexte, les interventions communautaires à composantes multiples peuvent et doivent être évaluées à partir d'une méthodologie aussi rigoureuse que possible (p. ex., des essais randomisés contrôlés ou des évaluations quasi-expérimentales avec un groupe d’intervention et un groupe de comparaison, si possible).
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Documentation des stratégies efficaces contribuant à prévenir et à améliorer les réponses aux violences à l’encontre des adolescentes.
Les initiatives de prévention et de réponse aux VEFF doivent mieux inclure les adolescentes. Les filles dans cette tranche d’âge sont confrontées à d’immenses barrières sociales qui les empêchent de mener leur vie en sécurité, en bonne santé et en autonomie. L’adolescence est, de base, une période très difficile et un tournant, et les jeunes filles sont plus susceptibles d’être concernées par les violences, l’exploitation et les sévices dans les situations de conflit et d’après-conflit. De nombreuses jeunes filles peinent en outre à accéder à des services de santé vitaux du fait de leur âge. Il faut donc que les services s’adaptent mieux aux besoins des jeunes, en mettant l’accent sur le respect de la vie privée et la confidentialité (tout en gardant à l’esprit les éventuelles lois de signalement qu’il convient de respecter si nécessaire, lorsque celles-ci existent), et en identifiant des sources fiables pour relayer les bonnes informations et démentir les informations erronées. Bien que les données sur la prévalence des violences sexuelles et physiques contre les jeunes filles s’accumulent, on déplore toujours l’absence de données rigoureuses sur les stratégies efficaces de prévention et d’atténuation des risques de VEFF et de protection des jeunes filles dans les situations de conflit et d’après-conflit (Murphy et al., 2019).