Le suivi de types particuliers de violence à l’égard des femmes et des filles se heurte à un certain nombre de difficultés:
- La violence domestique et le harcèlement sexuel devraient être considérés comme des comportements. Ces deux types de violence consistent en des actes répétés, distincts, qui devraient être considérés comme un schéma particulier de violence à l’égard des femmes et des filles. Par exemple, en Italie, l’Enquête nationale menée par l’État en 2006 (en anglais) sur la violence à l’égard des femmes a révélé qu’un tiers des femmes ayant répondu au questions avaient connu des épisodes de violences à la fois physiques et sexuelles et que la majorité des victimes en avaient subi plusieurs.
(Voir : section on Domestic Violence et: Sexual Harassment: Explore the Issue (Le harcèlement sexuel : examen de la question), StopVAW,The Advocates for Human Rights)
- Les données peuvent être peu nombreuses sur la prévalence de certains types de violences à l’égard des femmes. Le Rapport du Secrétaire général sur l’Étude approfondie de toutes les formes de violence à l’égard des femmes a noté les difficultés rencontrées dans l’évaluation de la prévalence du harcèlement sexuel dans les pays qui ne disposent d’aucune législation le réprimant, et que dans les pays en développement « [i]l n’existe aucune information ou presque sur l’ampleur du harcèlement sexuel ». Voir : Rapport du Secrétaire général, p. 78. Voir aussi: Recommandation Rec(2002)5 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.
- Tous les États ne s’accordent pas nécessairement sur la définition de certains types de violence à l’égard des femmes, si bien que les données ne sont pas toujours comparatives. L’agression sexuelle est l’exemple d’une forme de violence dont la définition ne fait pas l’objet d’un consensus général. Voir : Recommandation Rec(2002)5 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.
- D’autres formes de violence à l’égard des femmes peuvent se prêter à des définitions complexes et à des pratiques dissimulées, comme par exemple le trafic à des fins sexuelles ou les mutilations génitales féminines (MGF). L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a publié le Référentiel d’aide à la lutte contre la traite des personnes, dont l’outil 10.1, « Processus d’évaluation et de suivi », fournit des éléments et ressources en la matière. Si l’accord pouvait se faire sur une définition des MGF, il serait plus facile d’obtenir une documentation plus exacte dans les pays concernés comme dans les communautés de diaspora. Voir : Éliminer les mutilations sexuelles féminines : Déclaration interinstitutionnelle (2008). Pour un exemple de module d’Enquêtes démographiques et sanitaires sur les MGF, voir : DHS module on measuring FGM. Voir aussi : Indicators on violence against women and state response (Les indicateurs de la violence à l’égard des femmes et la réponse de l’État), p. 14-15.
- Les enquêteurs doivent veiller à ce que les groupes de populations marginalisées, tels que les fillettes, les personnes âgées, les minorités ethniques, les détenues et les handicapées, soient inclus dans toute étude de suivi sur la violence à l’égard des femmes et des filles.
- Lorsque l’étude de suivi porte sur des pratiques néfastes, comme les MGF, les questionnaires devraient comporter des questions sur les pratiques communautaires au cas où de nouvelles pratiques se seraient substituées aux pratiques illégales.
- Les enquêteurs devraient observer les exemples de pratiques encourageantes et leurs résultats, comme des recours novateurs en faveur des victimes de violences, de nouvelles méthodes assurant leur sécurité, ou des progrès en matière de sensibilisation de l’opinion. Par exemple, certains pays peuvent permettre aux victimes potentielles de MGF d’obtenir des ordonnances de protection, ou insérer des dispositions concernant les violences sexuelles dans les politiques des universités et autres institutions. Voir : Indicators on violence against women and state response (Les indicateurs de la violence à l’égard des femmes et la réponse de l’État), p. 31 et Higher Education Protocols (Les protocoles de l’enseignement supérieur), StopVAW, The Advocates for Human Rights.
ÉTUDE DE CAS : Le Centre national contre la violence en Mongolie effectue le suivi des politiques et de la prévalence de la violence sexuelle et du viol
En 2008, le Centre national contre la violence (en anglais) de Mongolie a terminé une étude de suivi sur la violence sexuelle et le viol et sur la législation pertinente. L’objet de cette étude était d’évaluer la mise en œuvre des lois sur le viol, y compris le viol conjugal, l’inceste et le viol par partenaire amoureux occasionnel, et d’élaborer pour la Mongolie des recommandations de politiques et de programmes permettant de mieux protéger les victimes. Les enquêteurs ont recueilli des données auprès de 700 personnes, dont 100 professionnels de la législation. et ont appliqué des approches quantitatives et qualitatives pour examiner les politiques en vigueur et les documents existants.
Ils ont enquêté sur la prévalence de chacune des formes de viol. La moitié des personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes de viol conjugal. Une sur dix seulement a dit qu’elle demanderait de l’aide en pareil cas, parce que la réputation de la famille était en jeu et que les forces de l’ordre ne reconnaissent pas qu’il s’agit d’un crime. Selon l’étude, aucun incident de viol marital n’a jamais été signalé.
Les enquêteurs ont également découvert que le viol par partenaire amoureux occasionnel est très répandu chez les adolescents et les jeunes adultes : 34,2 % des personnes interrogées ont déclaré que ce type de viol est « fréquent ». Il n’est jamais signalé, sauf conséquences graves, comme une MST, ou une grossesse non voulue. Huit personnes interrogées sur dix ont indiqué que la sensibilisation à ce type de viol était insuffisante.
L’enquête a porté sur la sensibilisation du public et sur les comportements vis à vis de l’inceste par le biais d’un questionnaire fourni à 100 personnes de 18 à 58 ans. Quatre personnes interrogées sur dix ont répondu que l’inceste existait dans les foyers mongols et la moitié d’entre elles ont indiqué que la victime potentielle la plus probable était la belle-fille. Les dossiers des tribunaux confirment ces dires : la plupart des auteurs des faits étaient les beaux-pères. Le questionnaire a également révélé que les raisons essentielles du non signalement de l’inceste est que la victime est sous l’emprise de l’auteur et pense que les forces de l’ordre refuseront de s’occuper de l’affaire. Les enquêteurs ont découvert que c’est principalement vers les ONG que les victimes d’inceste ou de viol lors d’une relation amoureuse occasionnelle se tournent pour réclamer de l’aide.
Les chercheurs ont constaté que les causes les plus fréquentes du refus de la police d’enquêter plus avant sur un cas de viol étaient l’absence de « preuves tangibles » que la victime avait refusé les rapports sexuels ou que l’auteur des faits n’avait pas eu recours à la force. Si le rapport du médecin légiste ne signale aucune blessure, l’affaire est abandonnée.
Les enquêteurs ont relevé l’existence de nombreux obstacles à une réponse de l’État centrée sur la sécurité des victimes : celles-ci doivent répéter leurs déclarations à de multiples reprises, il n’y a pas d’agents spécialisés en victimologie ni formés à la dynamique du viol, les victimes sont rendues responsables, traitées comme des criminelles et obligées d’attendre pendant des heures ou des jours pour obtenir l’aide de la police, ou se font dire que c’est à elles de trouver le criminel. Les victimes sont dissuadées d’engager des poursuites judiciaires et la plupart acceptent une indemnisation financière en échange du retrait de leur plainte.
Un certain nombre de recommandations ont été émises, notamment :
- Modifier la loi mongole pour y inclure des dispositions sur l’inceste, le viol conjugal et le viol par partenaire amoureux occasionnel.
- Modifier la législation sur le viol afin d’y inclure le viol sans utilisation de la force et le viol par tromperie.
- Modifier la législation sur le viol afin d’y inclure des dispositions prévoyant des procédures de réparation et de restitution.
- Former des agents de sexe féminin aux procédures d’enquêtes protégeant la vie privée des victimes et leur sécurité.
- Élaborer un code de déontologie s’appliquant aux relations avec les victimes vulnérables et veiller à ce qu’il soit respecté par les agents.
- Les Centres de crise pour victimes de violence sexuelle devraient offrir des services d’assistance juridique, de soins médicaux et psychologiques et de réhabilitation.