Législation

Dans cette base de connaissances, en référence à certaines dispositions ou articles de la loi, dans un jugement ou aspects d'une pratique ne signifie pas que la loi, le jugement ou la pratique réputée en pleine un bon exemple ou une pratique prometteuse.

Certaines des lois mentionnés dans ce document peuvent contenir des dispositions autorisant la peine de mort. Tenant compte des résolutions 62/149, 63/168, 65/206 et 67/176 de l'Assemblée générale des Nations Unies, appelant à la mise en place d'un moratoire sur la peine de mort et son abolition définitive, la peine mort ne devrait pas être inclus dans les dispositions sur les peines pour les crimes de violence contre les femmes et les filles.

Autres Dispositions Relatives aux Lois sur la Violence Familiale Outils
Le harcèlement sexuel dans le sport Outils
Dispositions relatives à l’immigration Resources for developing legislation on sex trafficking of women and girls

Le fait d'ériger les pratiques néfastes en infraction pénale peut avoir un effet dissuasif non négligeable. Dans de nombreux pays où sévissent les pratiques analysées dans le présent module, celles-ci ne sont pas inscrites au Code pénal ou ne le sont que depuis peu.

Lors de la criminalisation des pratiques néfastes, il est important de prendre en compte les questions suivantes :

  • La force publique dispose-t-elle de ressources et de moyens suffisants pour mettre en œuvre les nouvelles lois pénales de façon adaptée ? Dans le cas contraire, comment est-il possible d'y remédier ?
  • Les lois coutumières soutiennent-elles cette législation ou sont-elles contradictoires ? En cas de contradiction, il convient de se référer au chapitre ci-dessus sur l’abrogation des dispositions contradictoires des lois coutumières et religieuses et de veiller à ce que la nouvelle législation fasse clairement état de la primauté des dispositions de la constitution ou du droit national.
  • Une campagne de sensibilisation a-t-elle été menée auprès de la population afin de lui faire prendre conscience des conséquences préjudiciables de ces pratiques, de la nécessité d'y renoncer et du fait qu'elles constitueront une infraction au titre des nouvelles lois ?
  • L’idée de permettre aux victimes d'engager des poursuites contre des membres de leur entourage susceptibles de s'être rendus coupables de pratiques néfastes est-elle acceptée par la société ?
  • La mise en application d'une loi pénale affecterait-elle de façon disproportionnée et/ou isolerait-elle un groupe ethnique particulier ?
  • La manière dont la nouvelle infraction pénale sera mise en œuvre tiendra-t-elle compte de l'intérêt supérieur de la fillette ? Ce point est d'autant plus important que de nombreuses pratiques néfastes, comme les mutilations génitales féminines ou le « repassage » des seins, sont perpétrées par les parents de la victime ou par les personnes s'occupant de celle-ci, ou avec leur soutien, et que des sanctions pénales telles que de lourdes peines d'emprisonnement risqueraient de nuire considérablement à l'intérêt de l'enfant victime.
  • Il est possible d'ériger les pratiques néfastes en infraction par l’adoption d’une loi interdisant expressément ces pratiques, comme le Sénégal l'a fait pour les mutilations génitales féminines, ou en recourant à des dispositions générales du droit pénal qui sanctionnent diverses actions dont les pratiques néfastes, comme dans le cas de la France avec les mutilations génitales féminines. Les États retenant cette dernière option doivent tout particulièrement s'efforcer de sensibiliser l'opinion sur le fait que des pratiques jadis légales risquent désormais de donner lieu à des poursuites pénales.

    Dans tous les cas, la législation érigeant en infraction des pratiques préjudiciables spécifiques ne devrait être adoptée que dans le cadre d'une stratégie gouvernementale globale visant à modifier les usages locaux et les croyances individuelles qui sous-tendent ces pratiques si profondément enracinées.

    GénéralitésObservations générales relatives aux sanctions Définition claire des pratiques néfastes Extraterritorialité et extraditionCirconstances atténuantesConsentement

    Qu’une pratique préjudiciable soit érigée ou non en infraction, la législation s’y rapportant doit reposer sur une approche globale axée sur les droits fondamentaux de l’être humain. Elle doit veiller à ce que soient poursuivis en justice et sanctionnés les auteurs de pratiques néfastes, mais aussi intégrer « la prévention de la violence, le renforcement du pouvoir d’action, le soutien et la protection de la victime, ainsi que la mise en place de mécanismes assurant l’application effective de ses dispositions ». Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, reprenant le Rapport de la réunion du Groupe d'experts des Nations Unies sur les bonnes pratiques législatives en matière de violences contre les femmes (en anglais).

     

    Pour garantir, outre leur condamnation, la prévention des pratiques néfastes, la loi doit instaurer d’autres mesures de protection et voies de recours civiles.

    Généralités et Ordonnances de protectionProcès civils Interdiction de recourir aux mécanismes traditionnels de règlement des différends qui sont préjudiciablesRéparationDispositions relatives à la protection de l’enfanceLois relatives à l’immigration et à l’asile
    les services aux victimesSensibilisation et éducation du grand public Outils
    Dispositions relatives à la protection des enfants Resources on Forced and Child Marriage
    Définition claire et précise des mutilations gébitales féminines Outils
    Définition et formes de la maltraitance des veuves Autres dispositions relatives à la mal traitance des veuves Outils

    Les ordonnances de protection

    Le législateur doit prévoir la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les victimes de violences liées à la dot ou intégrer cette forme de violence dans un cadre relatif à la violence familiale permettant ce type de recours. De nombreux États ont prévu dans leur droit pénal et civil la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les plaignantes/survivantes d’actes de violence familiale. Dans le système pénal, une ordonnance de protection, ou injonction d’éloignement, peut offrir un recours similaire à l’ordonnance civile de protection. L’injonction d’éloignement peut être décidée dans le cadre d’une procédure pénale lorsqu’un auteur de violence est accusé d’une infraction pénale. (Voir par exemple la Loi du Minnesota, États-Unis, sur la violence familiale § 518B.01 (22) (1979, en anglais).)

     

    Pratique encourageante : en plus d’adopter une loi spécifique sur la dot, l’Inde a intégré les violences liées aux demandes de dot illégales dans sa définition de la violence familiale et offre la possibilité de rendre des ordonnances de protection. Voir http://www.apwld.org/pdf/India_ProtectionDVact05.pdf (en anglais). Au Pakistan, une précédente version du projet de loi sur la violence familiale classait les demandes de dot au rang des violences familiales en les définissant comme le fait de « harceler, maltraiter, blesser ou mettre en danger une personne dans l’objectif de la contraindre, ou de contraindre un de ses proches, à satisfaire une demande illégale de dot ou de tout autre bien ou valeur mobilière ». Voir : Les meilleures dispositions législatives pour combattre les pratiques néfastes contre les femmes au Pakistan (en anglais), p. 11 (note 22). Cependant, la dernière version de la loi pakistanaise sur la violence familiale (en anglais) ne fait plus référence aux demandes de dot. De son côté, la Loi du Bangladesh sur la prévention de l’oppression contre les femmes et les enfants (2000, en anglais) comprend des dispositions sur les assassinats liés à la dot, mais ne traite pas de la question des ordonnances de protection.  Le législateur doit inclure la violence et le harcèlement liés aux demandes de dot dans la définition de la violence familiale. Voir la section sur la définition des violences liées à la dot.

     

    Les ordonnances civiles de protection peuvent prendre la forme d’ordonnances d’urgence ou d’ordonnances sur requête (décision provisoire prise sans en référer à la partie adverse), valables pour un temps limité, ou d’ordonnances de protection pour une durée plus longue sur demande de la plaignante/survivante. Ces ordonnances de longue durée peuvent nécessiter une audience approfondie devant un juge en présence de la partie adverse. Adoptée il y a plus de 30 ans, la Loi du Minnesota sur la violence familiale, § 518B.01 (4) (1979, en anglais) a été l’une des premières lois au monde sur les ordonnances de protection. Cette forme de recours s’est avérée être l’une des plus efficaces dans les affaires de violence familiale. Voir : Les ordonnances de protection (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights. Les violences liées à la dot étant une forme de violence familiale, le législateur doit veiller à ce que les plaignantes/survivantes de ce type de violences puissent bénéficier d’une ordonnance de protection.

    Outre l’ordonnance de protection traditionnelle, le législateur doit envisager d’étendre les voies de recours ou d’en créer d’autres tenant compte des mécanismes spécifiques de la violence liée à la dot. Par exemple, la Loi indienne de 2005 permet de rendre des ordonnances de protection en cas de violence familiale et d’aliénation de biens, des ordonnances de résidence limitant l’utilisation du domicile conjugal par l’auteur de violences et ordonnant à ce dernier de fournir à la victime un autre logement, et des ordonnances de garde des enfants et d’indemnisation. Le législateur peut s’inspirer de l’article 19(1) de la loi indienne pour intégrer des dispositions relatives aux ordonnances de résidence dans une loi sur les violences liées à la dot. L’ordonnance de résidence doit permettre au juge : d’interdire au contrevenant d’exproprier la victime du domicile conjugal ou de l’en priver de toute autre manière, quel que soit le droit réel qu’il exerce sur ce domicile ; d’ordonner au contrevenant de quitter le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant ou à tout membre de sa famille de pénétrer dans le domicile conjugal où vit la victime ; d’interdire au contrevenant d’aliéner, d’hypothéquer ou de céder le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant de dénoncer ses obligations à l’égard de ce domicile ; ou d’ordonner au contrevenant de payer à la victime un logement comparable. La loi indienne autorise le magistrat à enjoindre au contrevenant « de rendre à la personne lésée sa dot ou tout autre bien ou valeur mobilière auquel elle a droit » (article 19(8)). La loi doit être rédigée en des termes contraignants afin de faire obligation aux policiers d’exécuter les ordonnances de protection.

     

    ÉTUDE DE CAS : la loi ne doit pas interdire de prononcer des ordonnances de protection contre des femmes. Par exemple, dans l’affaire Smt. Sarita c. Smt. Umrao, 2008 (1) R. Cr. D 97 (Raj), un recours a été déposé aux termes de la loi indienne sur la violence familiale au motif que, comme une femme ne pouvait pas être partie défenderesse, la requête à l’encontre de la belle-mère de la victime devait être retirée. La requérante a fait valoir qu’elle était autorisée à porter plainte contre « les membres de la famille » de son mari et que, comme ce terme ne désignait pas un genre en particulier, sa belle-mère en faisait partie. La haute cour du Rajasthan a conclu que le terme « membre de la famille » était très large et pouvait inclure tous les membres de la famille du mari, y compris les femmes. Dans les affaires Nand Kishor et autres c. État du Rajasthan, MANU/RH/0636/2008, et Rema Devi c. État du Kerala, I (2009) DMC 297, le tribunal a conclu qu’une femme pouvait être partie défenderesse. Voir : Collectif des avocats, Décisions de justice marquantes rendues aux termes de la loi indienne sur la violence familiale (en anglais).

     

    Les ordonnances de protectionLes ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteContenu des ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteLes ordonnances de protection après audienceContenu des ordonnances de protection après audienceDispositions relatives aux avertissements, durée des ordonnances de protection et autres dispositions essentielles Dispositions relatives à la garde des enfants dans les ordonnances de protectionDroit de la famille et divorceDroit de garde et autres dispositionsProcès civils pour demander des dommages et intérêtsLes droits des femmes à la propriété et à l’héritage
    Autres dispositions relatives aux lois dus les violences lié.es à la dot de la violence familiale
    Après la campagne : et mainteant ?Ressources pour actions le plaidoyer en faveur de l’adoption de lois nouvelles ou d’une réforme des lois
    Introduction Financement de la mise en œuvre Les employeurs et les syndicats Ressources pour l'application des lois
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    Les sources de données et Collection

    Dernière modification: October 30, 2010

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    Données quantitatives sur la violence à l’égard des femmes et des filles

    • Il est indispensable de disposer de statistiques fiables sur la prévalence, les causes et les conséquences de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles pour élaborer une législation efficace, plaider en faveur de cette législation et formuler des stratégies et protocoles de mise en œuvre . Voir : Researching Violence Against Women:  A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants).
    • C’est ainsi que le PNUD-Albanie, l’UNICEF et le projet du PNUD sur les armes légères ont soutenu l’Institut albanais de la statistique lors de son enquête nationale sur la violence domestique en Albanie. Le rapport d’enquête, Violence domestique en Albanie : enquête de population (en anglais) a été publié en mars 2009. L’objectif de cet important projet était de créer une base de données sur la violence domestique en Albanie, ce qui était une première dans le pays.
    • Les données statistiques devraient être recueillies périodiquement.
    • Les données quantitatives peuvent aussi être obtenues en mesurant les indicateurs de la réponse de l’État et les performances des programmes. Cette recherche devrait notamment quantifier le nombre des poursuites, des condamnations, des non-lieux, des ordonnances de protection rendues et des récidives.
    • Les données quantitatives peuvent aussi être obtenues en encodant les données qualitatives pour en faire des unités quantifiables. C’est le moyen de présenter et résumer des données qualitatives nombreuses, par exemple des centaines d’entretiens. Voir les sections Données qualitatives et Analyse des données obtenues au cours des entretiens.
    • Les données devraient être ventilées par sexe, race, âge, origine ethnique, liens de parenté entre l’auteur des violences et la victime, et autres caractéristiques pertinentes, et les services de l’État devraient être tenus de les compiler et des les analyser. Voir : Manuel de législation de l’ONU, 3.3.2.
      • Par exemple, le Kazakhstan a créé au sein du Département de la Sécurité publique du ministère des Affaires internes (en anglais) une banque de donnée automatisée qui permet d’obtenir notamment les statistiques sur l’âge des victimes, les conséquences de la violence et le règlement judiciaire de l’affaire.
    • L’État devrait soit commanditer, soit engager lui-même, une étude préliminaire sur la question de la violence à l’égard des femmes et des filles qui servirait de point de référence pour de futures études.
      • Par exemple, l’Étude préliminaire sur la violence domestique et le VIH (2008) (en anglais) menée par le Centre des études des médias (en anglais) et l’organisation indienne Breakthrough (en anglais) est le résultat d’une campagne de lutte contre la violence domestique et la discriminations à l’encontre des femmes porteuses du VIH/sida, campagne qui a duré trois ans. L’étude a posé des jalons sur les connaissances, attitudes et pratiques actuelles concernant la violence domestique, le VIH/sida et la Loi sur la protection des femmes contre la violence domestique (2005) en Inde (en anglais), ainsi que sur les attitudes concernant la communication entre époux, l’utilisation des préservatifs et les négociations dont celle-ci fait l’objet, ainsi que sur les sources d’information sur ces questions.

      • En 2009-2010, l’UNFPA et le Service national des statistiques en Arménie (en anglais) ont mené une enquête pour recueillir des données sur la violence sexiste qui, en l’absence de chiffres officiels, devaient apporter la preuve de l’urgence de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles. Il s’agissait de créer une base de référence officielle à l’usage des décideurs arméniens qui pouvait être utilisée dans les directives et programmes de lutte contre la violence sexiste. Les informations ont été recueillies au niveau des 11 grandes circonscriptions administratives de l’Arménie. À partir des adresses fournies par le recensement de 2001, les enquêteurs se sont rendus dans 5 000 foyers, munis d’un questionnaire sur la violence sexiste. Les données ont été encodées et entrées dans une base de données informatisée et un groupe de travail a été formé à leur analyse. Dirigé par un sociologue, expert des questions de sexospécificité, ce groupe de travail était constitué de responsables ministériels et de la police, ainsi que de membres de la société civile. Les résultats seront publiés dans le cours du deuxième trimestre 2010. Voir : www.genderbasedviolence.net

     

    Données qualitatives sur la violence à l’égard des femmes et des filles

    • Les données qualitatives sont celles qui vont au-delà des statistiques. Elles proviennent des entretiens, des descriptions, des études de cas et des observations. Le Rapport du Secrétaire général sur l’Étude approfondie de toutes les formes de violence à l’égard des femmes (2006) précise à ce sujet : « Les approches qualitatives sont nécessaires pour compléter les enquêtes quantitatives afin, par exemple, de saisir les complexités et les nuances des expériences vécues selon le point de vue des personnes interrogées... les résultats des recherches qualitatives sont utiles pour évaluer les besoins des femmes et les obstacles auxquels elles se heurtent, ainsi que les besoins des communautés, et pour concevoir des campagnes de prévention, planifier et évaluer les interventions, et associer les acteurs locaux via la recherche participative. » Section 217.

    Les données qualitatives peuvent être obtenues par des méthodes diverses :

    • Les entretiens avec les survivantes, les défenseurs des droits des femmes, les avocats, la police, les procureurs, les juges, les agents de probation, les professionnels de santé et les prestataires de services sociaux.
    • Les groupes de discussion, comme des groupes de prestataires de services. Pour plus d’information sur les groupes de discussion, voir le guide pratique : Researching Violence Against Women:  A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants), Chapitre 9.
      • Par exemple, l’ONG ukrainienne Progressive Women (en anglais) a réuni un groupe de discussion de survivantes et leur a posé la question : « À votre avis, quelle serait la solution parfaite en matière de violence domestique ? » L’ONG a relevé que les victimes avaient des idées originales : le numéro d’urgence devrait compter 2 à 3 chiffres rapprochés sur le cadran pour être facile à composer en situation de stress ; une patrouille de police mixte devrait arriver dans les 15 minutes ; les victimes devraient être questionnées en dehors de la présence de l’auteur des faits ; l’affaire devrait être portée devant des tribunaux spécialisés ; les peines devraient pouvoir inclure des travaux d’intérêt général et un séjour dans un « Centre de réhabilitation pour délinquants », et l’appui des services sociaux à la victime devrait être prolongé pendant plusieurs mois. Il est important de noter que les victimes demandaient la pénalisation de la violence domestique, de façon à ce que la charge de la preuve passe de la femme à l’État.
    • L’observation participative par laquelle l’enquêteur rejoint un groupe qu’il est chargé d’observer, par exemple un groupe de soutien aux victimes, ce qui lui permet d’acquérir une expérience directe. C’est un bon moyen pour comprendre la différence entre la réalité et ce qui serait souhaitable en matière d’application de la loi.
      • Par exemple, dans Violence domestique au Brésil : Examen des obstacles et des approches de promotion de la réforme législative (2010) (en anglais), les enquêteurs observant un groupe de discussion ont noté que les victimes se désespéraient et avaient le sentiment qu’elles n’étaient pas juridiquement protégées parce que l’État était inefficace dans sa lutte contre la violence domestique. Une victime demandait « comment expliquer à ses enfants qu’il est immoral de battre [une femme] si aucune autorité judiciaire ne relaie le message ? » p. 88.

      • En Ukraine, des militantes enquêtant sur la question de savoir pourquoi les femmes ne signalaient pas les violences à la police ont accompagné les patrouilles se rendant que les lieux, ont interrogé les victimes et ont assisté aux procès. Elles ont pu constater le peu de diligence à traiter leur cas lorsque les victimes appellent la police, et le fait que la sanction la plus fréquente était l’amende, laquelle étant prélevée sur le budget familial aggravait la situation financière de la victime. Elles ont observé que l’auteur des violences n’était détenu que pendant 12 heures et continuait dans la plupart des cas de vivre avec la victime, que les médecins généralistes ne voulaient pas fournir les documents nécessaires décrivant les blessures, que les médecins légistes ne pouvaient examiner la victime que sur requête de la police, l’obtention de cette requête exigeant une procédure complexe. Source : ONG ukrainienne Progressive Women.
    • Les recherches dans les comptes rendus d’audiences
      (Voir la section sur le Suivi des comptes rendus d’audiences, ci-dessous)
    • L’observation des procédures judiciaires
      (Voir la section sur le Suivi des tribunaux ci-dessous)
    • Les reportages dans les médias
      Comme exemple de rapport de suivi qualitatif, voir La violence sexiste en Tanzanie : évaluation des directives, des services et des actions encourageantes (en anglais) (2008). Parmi les approches utilisées figuraient des entretiens avec des informateurs clés et des groupes de discussions. Le rapport indique que les femmes et les filles sont souvent jugées responsables d’avoir provoqué la violence sexiste et que les victimes signalent rarement les violences aux forces de l’ordre, ne se font pas soigner, ni ne demandent l’aide des services compétents. Le rapport décrit aussi les lacunes de la législation tanzanienne et le manque de capacités des prestataires de services. Il fait également mention d’interventions encourageantes.

    Sources des données sur la violence à l’égard des femmes

    Les données peuvent être obtenues par enquêtes ou auprès des services des statistiques administratives ou de la justice pénale :

    • Les données peuvent être obtenues en organisant des enquêtes dédiées au cours desquelles ne sont posées que des questions relatives à la violence à l’égard des femmes. Ces enquêtes fournissent des résultats plus complets, mais les coûts sont plus élevés et récurrents.
    • Les données peuvent aussi être obtenues lors d’enquêtes sur des sujets plus vastes, par exemple la santé, le questionnaire comprenant une section sur la violence à l’égard des femmes. C’est ainsi qu’en Angleterre, le questionnaire d’une enquête sur la criminalité incluait une section sur la violence au foyer. Voir : Safety and Security: A Proposal for Internationally Comparable Indicators of Violence (La sécurité : Proposition d’indicateurs sur la violence comparables au niveau mondial) (2008). Le Rapport national sur la santé familiale en Inde (2005) (en anglais) incluait également un questionnaire sur le pourcentage de femmes ayant subi des violences domestiques dans une relation avec un partenaire intime.
    • Les bureaux nationaux des statistiques sont une source importante de données. Ils peuvent mener des enquêtes et recueillir des données auprès du système judiciaire pénal.
    • Les données peuvent aussi être obtenues auprès de sources administratives, telles que les prestataires des services de santé, le système judiciaire pénal, les prestataires de services sociaux, les organismes gérant les logements sociaux et autres. Toutefois, le recours à ces sources peut poser des problèmes lorsqu’il s’agit d’élaborer un tableau d’ensemble, pour des raisons diverses, notamment :
      1. Elles ne recueillent de données qu’auprès des victimes qui ont signalé les sévices qu’elles ont subi, chose que la majorité des femmes et des filles ne fait pas ; les chiffres sont donc fortement sous-estimés et ne reflètent pas la réalité.
      2. Les données ne sont pas ventilées par sexe, âge ou liens de parenté.
      3. Il est difficile de rationaliser le recueil des données à l’échelle du pays, comme d’en assurer la cohérence.

    Les données devraient être recueillies en respectant les Principes fondamentaux de la statistique officielle de l’ONU.

    Pour plus d’informations sur la méthodologie des enquêtes, voir le Guide pratique de l’OMS-PATH : Researching Violence Against Women:  A Practical Guide for Researchers and Activists (2005) (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants).

     

    Association du suivi quantitatif et du suivi qualitatif

    • La démarche la plus efficace pour le suivi de la législation relative à la violence à l’égard des femmes et des filles est d’utiliser une combinaison associant le suivi quantitatif et le suivi qualitatif. Les chiffres indiquant le nombre de plaintes et d’affaires de violence domestique portées devant les tribunaux ont plus de sens lorsqu’ils sont associés aux informations qualitatives obtenues lors d’entretiens avec les défenseurs des droits des femmes ou avec les survivantes qui savent quels obstacles elles ont dû surmonter pour accéder au tribunal. L’utilisation des deux méthodes permet aux chercheurs de repérer les incohérences et les vérités qui n’apparaissent pas immédiatement à la lumière d’une seule de ces deux méthodes.
    • Ce type de suivi exige que l’on effectue une « analyse de situation » décrivant les multiples facteurs entrant en jeu, notamment : les spécificités de la loi, la relation que font les interviewés du récit des victimes et la réponse de l’État à cette violence. Le rapport devrait pouvoir estimer si la réponse de l’État est adaptée à l’objectif de la mise en sécurité de la victime et de la poursuite de l’auteur des violences, et émettre des recommandations pertinentes à toutes les parties prenantes.

    (Voir : Researching  Violence Against Women:  A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants) (2005), Chapitre Trois)

    • Par exemple, l’Enquête de référence sur la violence sexuelle et sexiste au Rwanda (en anglais) (2008) associe les chiffres des violences sexuelles et physiques aux données qualitatives indiquant l’impact de cette violence sur les survivantes, et elle évalue les réactions des parties prenantes dans la lutte contre la violence sexiste et la prévention de celle-ci.