Les évaluateurs indépendants, parmi lesquels peuvent figurer des organisations telles que des universités, des institutions de recherche ou des organisations de conseil spécialisées dans le domaine de la violence sexiste, peuvent renforcer ou encadrer une équipe d’évaluation interne. Ils peuvent avoir leur utilité pour évaluer les initiatives de sécurité dans les contextes suivants (adapté d’après ACDI, 2006, disponible aussi en français) :
- L’organisation de mise en œuvre ou le donateur souhaitent assurer l’objectivité de l’évaluation, conférer une crédibilité accrue aux résultats positifs obtenus et donner des idées ou des suggestions sur la façon d’améliorer l’initiative. L’intervention d’évaluateurs indépendants peut être particulièrement utile lorsque les questions traitées sont très sensibles ou lorsque les survivantes ne sont pas satisfaites des résultats du programme (ex.: femmes signalant que la qualité de la réponse de la police a diminué alors que la police indique des améliorations des temps de réponse et du traitement des survivantes).
- Les données recueillies pour le suivi sont complexes ou faibles et exigent un évaluateur expérimenté sachant adapter les méthodes et les stratégies pour mener à bien l’évaluation en l’absence de données complètes, par exemple dans les cas suivants :
- Lorsque l’on a prévu d’employer un large éventail de méthodes de recueil de l’information, ce qui exige des comparaisons et des analyses détaillées. Il peut s’agir ici de méthodes de recueil de données quantitatives et qualitatives auprès des institutions de sécurité, des organismes de supervision ainsi que d’autres prestataires de services, de groupes communautaires et de survivantes.
- Lorsque les données sont recueillies à différents moments et qu’il faut les analyser pour déterminer quels sont les changements qui sont survenus et pourquoi ils sont survenus. Cette tâche peut être difficile en l’absence de cohérence de la tenue des registres ou de la documentation dans le temps et lorsqu’il y a des lacunes dans le données, auxquels cas des conseils experts peuvent être nécessaires.
- Lorsqu’il est difficile de déterminer clairement les informations qui sont nécessaires pour répondre aux questions de l’évaluation (ex.: si l’on ne sait pas s’il faut se concentrer sur l’évaluation des capacités institutionnelles, du cadre juridique et politique, des prestations de services ou de la supervision du secteur de la sécurité).
Considérations générales relatives à l’emploi d’un évaluateur indépendant (adapté d’après Women against Violence Europe, 2006 et Popovic, N., 2008)
- Les termes de référence de l’évaluateur indépendant doivent préciser clairement les points à inclure dans l’évaluation et exiger expressément qu’au moins un des membres de l’équipe d’évaluation possède des connaissances spécialisées dans le domaine du genre et, pour bien faire, celui de la violence à l’égard des femmes. Si cela n’est pas possible, il conviendra de prévoir des séances d’information portant spécifiquement sur la violence sexiste à l’intention de l’équipe d’évaluation, notamment des activités d’orientation concernant les méthodes spécifiques de recueil des données sur la violence à l’égard des femmes et les pratiques éthiques relatives à la participation des femmes et des filles.
- Lorsqu’il n’y a pas de fonds disponibles pour mener des évaluations indépendantes de grande envergure, les institutions de sécurité peuvent inviter un expert extérieur à dispenser périodiquement des séminaires sur l’évaluation afin de renforcer les capacités en matière d’évaluations internes.
- Les organisations indépendantes peuvent solliciter des appuis financiers de l’État ou de donateurs internationaux aux fins de procéder d’elles-mêmes à des évaluation des institutions de sécurité. C’est ainsi, par exemple, qu’un consortium d’organisations de recherche et de femmes a pu mener une évaluation indépendante des commissariats de police pour femmes en Amérique latine (disponible en anglais et en espagnol)
Exemple : Étude comparée d’initiatives visant à améliorer l’accès à la justice pour les femmes en situation de violence (Brésil, Équateur, Nicaragua, Pérou)
Une analyse comparée indépendante effectuée en 2007-2008 sur les contributions des commissariats de police pour femmes à l’accès à la justice pour les femmes en situation de violence et à l’exercice de leurs droit a fait appel à diverses méthodes participatives. L’étude visait à émettre des propositions pour l’amélioration des politiques publiques dans le secteur et a procédé en coordonnant les activités de chercheurs s’intéressant à ces commissariats de police, en commençant par le Nicaragua et le Brésil qui les avaient étudiés précédemment et qui avaient des contacts au niveau national et/ou local. En Équateur, au Pérou et au Nicaragua, où les commissariats sont des institutions nationales, les services de l’État ont autorisé les travaux. Au Brésil, où les forces de police relèvent des États fédérés, l’autorisation a été accordée par le responsable de la police de l’État. Dans tous les cas, les commissariats ont été consultés en continu durant toute l’étude, ainsi que les autres parties prenantes. Les chercheurs ont conclu à la nécessité d’une étude comparée en raison de l’importance de ces commissariats dans toute l’Amérique latine et du manque d’études régionales. La conception du projet a été éclairée par un examen préliminaire de la littérature et des consultations avec des spécialistes.
Ont pris part au projet le Centre de recherches pour le développement international (principal bailleur de fonds), des centres de recherche – établissements d’enseignement et centres non gouvernementaux connus pour leurs recherches sur la violence à l’égard des femmes, le genre et les droits des femmes – et les commissariats. L’étude a été dirigée par le Centre de planification et d’études sociales de l’Équateur en partenariat avec le Département des études sur le genre de l’université de Campinas (Brésil), InterCambios/PATH (Nicaragua) et le Centre Flora Tristán pour les femmes/Mouvement Manuela Ramos (Pérou). Le Centre de recherches sur l’Amérique latine et les Caraïbes de l’université York (Canada) a également pris part au projet.
L’équipe de recherche régionale a appliqué les méthodes participatives suivantes :
- Collaboration à la conception de chaque phase, sur les composantes de la recherche et au cours de l’analyse des résultats;
- Consultations avec les parties prenantes nationales et locales, notamment les commissariats, d’autres institutions des États, des organisations féministes et de femmes, des chercheurs et des réseaux locaux. Des réunions périodiques ont eu lieu pour présenter la conception de la recherche et les constats préliminaires à chaque stade, ce qui a été d’une immense utilité pour assurer la pertinence des recherches, améliorer l’accès à l’information et favoriser l’appropriation des résultats définitifs.
Un protocole éthique [en espagnol] a été établi, axé sur la sûreté et la sécurité des participants et des chercheurs, la confidentialité, la rigueur scientifique et l’obtention d’avantages.
L’étude a procédé à une analyse intégrale des femmes, intersectorielle, et du pouvoir. Au lieu de s’attacher à déterminer si les commissariats s’acquittaient de leurs mandats institutionnels, le cadre était axé sur l’examen des perceptions qu’ont les femmes des violences à leur égard et de l’accès à la justice, ainsi que sur les voies dont elles disposent pour accéder à la justice et éliminer la violence. Les modèles des commissariats et des services ont été étudiés du point de vue de leur réponse aux attentes des femmes et de leurs contributions à la défense des droits des femmes conformément aux obligations des États en vertu de leurs engagements au niveau régionale et international. L’étude s’est déroulée en trois grandes phases :
- Une étude de cartographie des modèles selon une perspective historique et nationale (en anglais, espagnol et portugais).
- Une enquête de population représentative sur les femmes adultes à chaque site de recherche, portant sur leurs connaissances et leurs perceptions concernant leurs droits, la violence à l’égard des femmes et les commissariats [en espagnol pour l’Équateur et le Pérou; en portugais pour le Brésil].
- Des entrevues détaillées et de départ avec les survivantes, et des entrevues avec les agents et autorités des commissariats et d’autres institutions des États et d’organisations de femmes et autres entités fournissant des services spécialisés. Un guide des entrevues et un protocole sont disponibles [en espagnol].
Voir l’étude de cas intégrale (en anglais).
Source : Nadine Jubb, 2010, d’après Jubb, et. al., 2010, Women’s Police Stations in Latin America: An Entry Point for Stopping Violence and Gaining Access to Justice [Les postes de police pour femmes en Amérique latine : un point d’entrée pour éliminer la violence et ouvrir l’accès à la justice]. CEPLAES.