Dans bien des pays, les femmes se heurtent à de multiples obstacles pour obtenir réparation en justice. Les victimes de la violence savent qu’on ne les croira pas et qu’elles risquent d’être ostracisées ou traitées avec mépris. Elles s’inquiètent pour leur sécurité et la sécurité de leurs familles, conscientes que le fait de s’adresser à la justice risque d’entraîner de graves répercussions. Elles n’ont peut-être pas la capacité, la possibilité ou les moyens de se rendre au tribunal ou au siège de l’administration compétente. Elles ne sont peut-être pas en mesure de lire les informations de nature juridique ou en comprendre la teneur. Elles n’ont peut- être pas les moyens nécessaires pour s’occuper de leurs enfants ou acquitter les frais de justice et les frais de dossier. De nombreuses victimes ne font pas confiance au système judiciaire, et à raison: la plupart des affaires ayant trait à la violence ne sont pas poursuivies et punies comme il convient par l’État et les victimes de la violence deviennent souvent aussi les victimes du système judiciaire. Ces atteintes répétées à leurs droits se produisent quand les femmes ont peur ou sont incapables d’accéder à la justice, quand elles ne sont pas traitées avec respect et compassion par celle-ci, quand l’appareil judiciaire ne leur offre pas l’assistance et le soutien nécessaires pour refaire leurs vies, et quand l’auteur des violences n’est pas puni. Ces atteintes sont fortement ancrées dans la structure, les politiques et les pratiques du système judiciaire formel.
Les migrantes et autres femmes marginalisées, comme les femmes handicapées se heurtent à des difficultés supplémentaires; un appareil judiciaire souple devrait pouvoir anticiper et relever les défis qui se posent aux plus vulnérables de ses citoyennes.
Le système judiciaire devra améliorer ses capacités d’intervention auprès des victimes de la violence en s’attaquant à ces atteinte. Il doit assurer le règlement rapide des dossiers (de trois à six mois à partir du début de l’affaire), proposant aux victimes de multiples recours, comme des ordonnances de protection, des dédommagements, des indemnités, une assistance physique et psychologique, et une aide à l’emploi. Il conviendra également d’éliminer les obstacles qui entravent le bon fonctionnement de la justice, comme la corruption, l’absence de transparence, les poursuites judiciaires timides et ineffectives, les frais d’examens médicaux et les frais de justice, des salles d’audience peu sûres, le manque d’infrastructure rurale, la faible représentation féminine dans l’appareil judiciaire et son personnel, des systèmes d’archivage insuffisants et la mauvaise gestion des salles d’audience, ce qui retarde l’application de la justice.
En réalité, de nombreuses victimes de la violence courent des risques supplémentaires en essayant de s’adresser à la justice. En évoquant publiquement les sévices dont elles ont été victimes, ces femmes s’exposent à la colère de leur agresseur et à l’indifférence, voire l’animosité des professionnels de la justice pour leur cas. C’est pourquoi la préoccupation prioritaire des actions judiciaires devra être d’assurer la sécurité des victimes.