- Il convient d’interroger des avocats, procureurs, juges, agents de probation, médecins légistes, policiers, médecins et autres professionnels de santé, ONG et défenseurs des droits des femmes, universitaires, professionnels des médias et chefs religieux. Les entretiens avec les plaignantes/survivantes ne doivent être conduits que lorsque la confidentialité et la sécurité peuvent être garanties. Voir la section Questions de déontologie propres aux entretiens avec les survivantes de la violence. La question de l’accès de la plaignante/survivante au système judiciaire devrait être systématiquement abordée au cours de l’entretien, ainsi que celle des obstacles rencontrés par elle et de l’efficacité des recours. Voir : Manuel de législation de l’ONU, 3.3.1.
- Les questions devraient toujours être précédées d’une brève introduction décrivant le projet de suivi et donnant les coordonnées des enquêteurs.
- Lorsqu’il y a lieu, les enquêteurs devraient déclarer au début de l’entretien que les sources resteront confidentielles et anonymes. Ils devraient assurer la personne interrogée que ses déclarations seront attribuées à une personne décrite de façon générale, comme par exemple un « médecin dans un hôpital pour femmes » ou un « substitut du procureur ». Les descriptions doivent être assez générales pour que la personne interrogée ne puisse pas être identifiée ultérieurement par des tiers ; par exemple, si un seul membre du bureau du procureur est interrogé, il conviendra de le décrire comme un « représentant du système judiciaire » ou autre désignation analogue.
- Les enquêteurs devraient toujours procéder à des entretiens tests pour s’assurer que les questions sont compréhensibles et qu’il est possible d’y répondre. Il est important que l’enquêteur se familiarise avant le premier entretien avec les questions ou avec la méthodologie, pour pouvoir converser de manière détendue avec la personne interrogée. Dans l’idéal, celle-ci ne se sentira pas obligée de répondre et établira un bon rapport avec l’enquêteur. Celui-ci doit veiller de son côté à écouter toutes les réponses sans réactions semblant indiquer un jugement de sa part. Voir : Researching Violence Against Women: A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants), 2005, Chapitre Dix, sur les techniques d’enquêtes qualitatives sur la violence à l’égard des femmes.
- Les enquêteurs devraient déterminer à l’avance comment ils enregistreront les renseignements communiqués. Le meilleur moyen consiste souvent à se faire accompagner d’un collègue qui note les réponses sur papier ou sur ordinateur. Celui-ci pourra noter les questions non posées pendant l’entretien et le signaler à la fin de l’entretien ou, le cas échéant, demander des éclaircissements. Après l’entretien, les enquêteurs devraient réviser rapidement les questions et réponses avec leur collègue et corriger les erreurs éventuelles avant qu’ils n’oublient. La qualité de leur travail en dépend. Ils devraient aussi, le cas échéant, dresser une liste de questions complémentaires à poser à la personne, noter tout problème survenu au cours de l’entretien et, chose importante, toute idée nouvelle applicable aux entretiens ultérieurs.
- Le meilleur moyen d’obtenir des informations sur les mêmes points de la part des diverses personnes interrogées est l’entretien structuré. Toutefois, les réponses peuvent amener d’autres questions imprévues qui, si elles relèvent du domaine couvert par l’entretien, permettent de glaner des informations importantes. En revanche, certaines personnes peuvent brouiller les pistes ou orienter l’enquêteur dans des directions qui leur permettent d’éviter des questions difficiles. Il faudra souvent poser des questions soigneusement formulées juste après l’entretien ou lors d’entretiens ultérieurs pour pouvoir établir tous les faits.
- Les questions devraient être organisées en séquence logique, en regroupant celles qui portent sur des sujets similaires. Les enquêteurs devraient repérer les questions touchant à des sujets sensibles et les poser vers la fin de l’entretien, lorsque la personne se sera détendue et qu’un rapport de confiance aura été créé. En règle générale, les enquêteurs devraient toujours commencer par les questions auxquelles il est facile de répondre.
- Les « enchaînements » déterminent l’ordre dans lequel seront posées les questions selon les réponses précédemment obtenues. Ils permettent d’éviter que l’enquêteur donne l’impression de ne pas écouter les réponses et contribuent à la fluidité de l’entretien. Mais il faut aussi s’assurer que si certaines questions ont été « enchaînées » (ou sautées) suite à une réponse obtenue, d’autres questions, peut-être importantes pour la personne interrogée, ne seront pas exclues. Les « enchaînements » doivent être considérés comme des propositions et non comme des schémas rigides. Voir : Researching Violence Against Women: A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants), 2005, Chapitre Huit.
Analyse des données des entretiens
- Les notes prises au cours des entretiens doivent être lues et relues plusieurs fois. En s’immergeant dans les comptes rendus, les enquêteurs peuvent repérer les thèmes récurrents, les facteurs de complications et les réponses contradictoires, lesquels pourront exiger des investigations complémentaires. Il existe de nombreux outils en ligne (par exemple Swivel, ou Many Eyes) qui permettent de structurer et de visualiser les données qualitatives des comptes rendus d’entretiens et qui peuvent aider à repérer les thèmes et les corrélations.
- Le codage des données, qui est l’attribution d’étiquettes à certains thèmes d’entretien, est un bon moyen de gérer les données. Il permet de classer et comparer les informations obtenues de sources différentes. Les données peuvent être codées à la main sous forme de notes marginales, ou sur l’ordinateur. Il n’y a pas de règle standard en la matière, mais le codage ne doit pas affecter le résultat. Par exemple, le fait d’attacher un code à une idée complexe formulée par une personne interrogée ne devrait pas empêcher son utilisation dans le rapport. Voir : Researching Violence Against Women: A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants), 2005, Chapitre Treize.
- Il existe de nombreux outils en ligne, souvent gratuits et relativement simples à utiliser, qui permettent de structurer et de visualiser des données qualitatives comme celles des comptes rendus d’entretiens et qui peuvent être d’une aide précieuse pour le repérage des thèmes, des schémas et des corrélations. Il suffit de télécharger ses données dans leur programme et de visualiser les résultats en un click. Certains outils, tels que Wordle et Tagcrowd indiquent de simples regroupements de mots, ou « nuages de mots clés », tandis que Many Eyes et Leximancer offrent des options de visualisation plus sophistiquées.
- Il est possible, au fur et à mesure que s’accumulent les données s’accumulent et sont analysées, de tirer des conclusions préliminaires. Il convient de vérifier ces conclusions lors des entretiens ultérieurs et de les réviser éventuellement en approfondissant l’analyse.
Établissement des faits et constats
Les enquêteurs devraient :
- Penser au non-dit après avoir été attentifs à ce qui a été dit.
- Repérer et noter les thèmes et idées fournis par la personne interrogée.
- Dresser la liste de tous les thèmes identifiés ; regrouper les thèmes semblables et les classer par ordre d’importance pour l’objet de la recherche.
- Rechercher les corrélations entre les thèmes qui peuvent ne pas apparaître immédiatement comme liés, afin de voir les données d’un œil neuf.
- Classer les données recueillies pour chaque thème dans un même ensemble et chercher des corrélations entre ces données, ainsi qu’entre les différents thèmes ; rechercher les corrélations les plus importantes entre les gens, les événements, les perceptions et les comportements.
- Décider de ce qui est important pour la recherche. ; chercher les normes et schémas les plus fréquents dans les comportements, les idées, les perceptions, les attitudes et les expressions ; noter toutes les différences importantes.
- Commencer à rédiger le rapport.
Adapté à partir de : Researching Violence Against Women: A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants) (2005), p. 205.
- Par exemple, dans Violence domestique au Brésil : Examen des obstacles et des approches de promotion de la réforme législative (2010) (en anglais) l’auteur a posé les constats suivants :
- Au Brésil, un crime commis en public par un étranger est considéré comme plus grave qu’un crime commis en privé par un partenaire intime. Telle est l’opinion du public, mais aussi des autorités, comme le démontre l’inefficacité de la réponse de la police ainsi que du système judiciaire (p. 77).
- Les citoyens ne respectent pas la Loi Maria da Penha (2006) (en anglais) parce qu’elle est si peu souvent appliquée (p. 89).
- L’auteur en a conclu que l’État brésilien a manqué à son devoir de protéger les femmes en tant que citoyennes ayant des droits égaux à ceux des hommes (p. 77).