Législation

Dans cette base de connaissances, en référence à certaines dispositions ou articles de la loi, dans un jugement ou aspects d'une pratique ne signifie pas que la loi, le jugement ou la pratique réputée en pleine un bon exemple ou une pratique prometteuse.

Certaines des lois mentionnés dans ce document peuvent contenir des dispositions autorisant la peine de mort. Tenant compte des résolutions 62/149, 63/168, 65/206 et 67/176 de l'Assemblée générale des Nations Unies, appelant à la mise en place d'un moratoire sur la peine de mort et son abolition définitive, la peine mort ne devrait pas être inclus dans les dispositions sur les peines pour les crimes de violence contre les femmes et les filles.

Autres Dispositions Relatives aux Lois sur la Violence Familiale Outils
Le harcèlement sexuel dans le sport Outils
Dispositions relatives à l’immigration Resources for developing legislation on sex trafficking of women and girls

Le fait d'ériger les pratiques néfastes en infraction pénale peut avoir un effet dissuasif non négligeable. Dans de nombreux pays où sévissent les pratiques analysées dans le présent module, celles-ci ne sont pas inscrites au Code pénal ou ne le sont que depuis peu.

Lors de la criminalisation des pratiques néfastes, il est important de prendre en compte les questions suivantes :

  • La force publique dispose-t-elle de ressources et de moyens suffisants pour mettre en œuvre les nouvelles lois pénales de façon adaptée ? Dans le cas contraire, comment est-il possible d'y remédier ?
  • Les lois coutumières soutiennent-elles cette législation ou sont-elles contradictoires ? En cas de contradiction, il convient de se référer au chapitre ci-dessus sur l’abrogation des dispositions contradictoires des lois coutumières et religieuses et de veiller à ce que la nouvelle législation fasse clairement état de la primauté des dispositions de la constitution ou du droit national.
  • Une campagne de sensibilisation a-t-elle été menée auprès de la population afin de lui faire prendre conscience des conséquences préjudiciables de ces pratiques, de la nécessité d'y renoncer et du fait qu'elles constitueront une infraction au titre des nouvelles lois ?
  • L’idée de permettre aux victimes d'engager des poursuites contre des membres de leur entourage susceptibles de s'être rendus coupables de pratiques néfastes est-elle acceptée par la société ?
  • La mise en application d'une loi pénale affecterait-elle de façon disproportionnée et/ou isolerait-elle un groupe ethnique particulier ?
  • La manière dont la nouvelle infraction pénale sera mise en œuvre tiendra-t-elle compte de l'intérêt supérieur de la fillette ? Ce point est d'autant plus important que de nombreuses pratiques néfastes, comme les mutilations génitales féminines ou le « repassage » des seins, sont perpétrées par les parents de la victime ou par les personnes s'occupant de celle-ci, ou avec leur soutien, et que des sanctions pénales telles que de lourdes peines d'emprisonnement risqueraient de nuire considérablement à l'intérêt de l'enfant victime.
  • Il est possible d'ériger les pratiques néfastes en infraction par l’adoption d’une loi interdisant expressément ces pratiques, comme le Sénégal l'a fait pour les mutilations génitales féminines, ou en recourant à des dispositions générales du droit pénal qui sanctionnent diverses actions dont les pratiques néfastes, comme dans le cas de la France avec les mutilations génitales féminines. Les États retenant cette dernière option doivent tout particulièrement s'efforcer de sensibiliser l'opinion sur le fait que des pratiques jadis légales risquent désormais de donner lieu à des poursuites pénales.

    Dans tous les cas, la législation érigeant en infraction des pratiques préjudiciables spécifiques ne devrait être adoptée que dans le cadre d'une stratégie gouvernementale globale visant à modifier les usages locaux et les croyances individuelles qui sous-tendent ces pratiques si profondément enracinées.

    GénéralitésObservations générales relatives aux sanctions Définition claire des pratiques néfastes Extraterritorialité et extraditionCirconstances atténuantesConsentement

    Qu’une pratique préjudiciable soit érigée ou non en infraction, la législation s’y rapportant doit reposer sur une approche globale axée sur les droits fondamentaux de l’être humain. Elle doit veiller à ce que soient poursuivis en justice et sanctionnés les auteurs de pratiques néfastes, mais aussi intégrer « la prévention de la violence, le renforcement du pouvoir d’action, le soutien et la protection de la victime, ainsi que la mise en place de mécanismes assurant l’application effective de ses dispositions ». Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, reprenant le Rapport de la réunion du Groupe d'experts des Nations Unies sur les bonnes pratiques législatives en matière de violences contre les femmes (en anglais).

     

    Pour garantir, outre leur condamnation, la prévention des pratiques néfastes, la loi doit instaurer d’autres mesures de protection et voies de recours civiles.

    Généralités et Ordonnances de protectionProcès civils Interdiction de recourir aux mécanismes traditionnels de règlement des différends qui sont préjudiciablesRéparationDispositions relatives à la protection de l’enfanceLois relatives à l’immigration et à l’asile
    les services aux victimesSensibilisation et éducation du grand public Outils
    Dispositions relatives à la protection des enfants Resources on Forced and Child Marriage
    Définition claire et précise des mutilations gébitales féminines Outils
    Définition et formes de la maltraitance des veuves Autres dispositions relatives à la mal traitance des veuves Outils

    Les ordonnances de protection

    Le législateur doit prévoir la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les victimes de violences liées à la dot ou intégrer cette forme de violence dans un cadre relatif à la violence familiale permettant ce type de recours. De nombreux États ont prévu dans leur droit pénal et civil la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les plaignantes/survivantes d’actes de violence familiale. Dans le système pénal, une ordonnance de protection, ou injonction d’éloignement, peut offrir un recours similaire à l’ordonnance civile de protection. L’injonction d’éloignement peut être décidée dans le cadre d’une procédure pénale lorsqu’un auteur de violence est accusé d’une infraction pénale. (Voir par exemple la Loi du Minnesota, États-Unis, sur la violence familiale § 518B.01 (22) (1979, en anglais).)

     

    Pratique encourageante : en plus d’adopter une loi spécifique sur la dot, l’Inde a intégré les violences liées aux demandes de dot illégales dans sa définition de la violence familiale et offre la possibilité de rendre des ordonnances de protection. Voir http://www.apwld.org/pdf/India_ProtectionDVact05.pdf (en anglais). Au Pakistan, une précédente version du projet de loi sur la violence familiale classait les demandes de dot au rang des violences familiales en les définissant comme le fait de « harceler, maltraiter, blesser ou mettre en danger une personne dans l’objectif de la contraindre, ou de contraindre un de ses proches, à satisfaire une demande illégale de dot ou de tout autre bien ou valeur mobilière ». Voir : Les meilleures dispositions législatives pour combattre les pratiques néfastes contre les femmes au Pakistan (en anglais), p. 11 (note 22). Cependant, la dernière version de la loi pakistanaise sur la violence familiale (en anglais) ne fait plus référence aux demandes de dot. De son côté, la Loi du Bangladesh sur la prévention de l’oppression contre les femmes et les enfants (2000, en anglais) comprend des dispositions sur les assassinats liés à la dot, mais ne traite pas de la question des ordonnances de protection.  Le législateur doit inclure la violence et le harcèlement liés aux demandes de dot dans la définition de la violence familiale. Voir la section sur la définition des violences liées à la dot.

     

    Les ordonnances civiles de protection peuvent prendre la forme d’ordonnances d’urgence ou d’ordonnances sur requête (décision provisoire prise sans en référer à la partie adverse), valables pour un temps limité, ou d’ordonnances de protection pour une durée plus longue sur demande de la plaignante/survivante. Ces ordonnances de longue durée peuvent nécessiter une audience approfondie devant un juge en présence de la partie adverse. Adoptée il y a plus de 30 ans, la Loi du Minnesota sur la violence familiale, § 518B.01 (4) (1979, en anglais) a été l’une des premières lois au monde sur les ordonnances de protection. Cette forme de recours s’est avérée être l’une des plus efficaces dans les affaires de violence familiale. Voir : Les ordonnances de protection (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights. Les violences liées à la dot étant une forme de violence familiale, le législateur doit veiller à ce que les plaignantes/survivantes de ce type de violences puissent bénéficier d’une ordonnance de protection.

    Outre l’ordonnance de protection traditionnelle, le législateur doit envisager d’étendre les voies de recours ou d’en créer d’autres tenant compte des mécanismes spécifiques de la violence liée à la dot. Par exemple, la Loi indienne de 2005 permet de rendre des ordonnances de protection en cas de violence familiale et d’aliénation de biens, des ordonnances de résidence limitant l’utilisation du domicile conjugal par l’auteur de violences et ordonnant à ce dernier de fournir à la victime un autre logement, et des ordonnances de garde des enfants et d’indemnisation. Le législateur peut s’inspirer de l’article 19(1) de la loi indienne pour intégrer des dispositions relatives aux ordonnances de résidence dans une loi sur les violences liées à la dot. L’ordonnance de résidence doit permettre au juge : d’interdire au contrevenant d’exproprier la victime du domicile conjugal ou de l’en priver de toute autre manière, quel que soit le droit réel qu’il exerce sur ce domicile ; d’ordonner au contrevenant de quitter le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant ou à tout membre de sa famille de pénétrer dans le domicile conjugal où vit la victime ; d’interdire au contrevenant d’aliéner, d’hypothéquer ou de céder le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant de dénoncer ses obligations à l’égard de ce domicile ; ou d’ordonner au contrevenant de payer à la victime un logement comparable. La loi indienne autorise le magistrat à enjoindre au contrevenant « de rendre à la personne lésée sa dot ou tout autre bien ou valeur mobilière auquel elle a droit » (article 19(8)). La loi doit être rédigée en des termes contraignants afin de faire obligation aux policiers d’exécuter les ordonnances de protection.

     

    ÉTUDE DE CAS : la loi ne doit pas interdire de prononcer des ordonnances de protection contre des femmes. Par exemple, dans l’affaire Smt. Sarita c. Smt. Umrao, 2008 (1) R. Cr. D 97 (Raj), un recours a été déposé aux termes de la loi indienne sur la violence familiale au motif que, comme une femme ne pouvait pas être partie défenderesse, la requête à l’encontre de la belle-mère de la victime devait être retirée. La requérante a fait valoir qu’elle était autorisée à porter plainte contre « les membres de la famille » de son mari et que, comme ce terme ne désignait pas un genre en particulier, sa belle-mère en faisait partie. La haute cour du Rajasthan a conclu que le terme « membre de la famille » était très large et pouvait inclure tous les membres de la famille du mari, y compris les femmes. Dans les affaires Nand Kishor et autres c. État du Rajasthan, MANU/RH/0636/2008, et Rema Devi c. État du Kerala, I (2009) DMC 297, le tribunal a conclu qu’une femme pouvait être partie défenderesse. Voir : Collectif des avocats, Décisions de justice marquantes rendues aux termes de la loi indienne sur la violence familiale (en anglais).

     

    Les ordonnances de protectionLes ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteContenu des ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteLes ordonnances de protection après audienceContenu des ordonnances de protection après audienceDispositions relatives aux avertissements, durée des ordonnances de protection et autres dispositions essentielles Dispositions relatives à la garde des enfants dans les ordonnances de protectionDroit de la famille et divorceDroit de garde et autres dispositionsProcès civils pour demander des dommages et intérêtsLes droits des femmes à la propriété et à l’héritage
    Autres dispositions relatives aux lois dus les violences lié.es à la dot de la violence familiale
    Après la campagne : et mainteant ?Ressources pour actions le plaidoyer en faveur de l’adoption de lois nouvelles ou d’une réforme des lois
    Introduction Financement de la mise en œuvre Les employeurs et les syndicats Ressources pour l'application des lois
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    Égalité des droits et des responsabilités dans le mariage

    Dernière modification: February 27, 2011

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     La législation doit garantir l’égalité des droits et des responsabilités des femmes avec les hommes dans le mariage. Voir la section Définition de la discrimination à l’égard des femmes.

     

    ÉTUDE DE CAS :

    la législation doit mettre au point et promouvoir l’utilisation d’un contrat de mariage modèle qui protège les droits des femmes, y compris des veuves. Global Rights a pris l’initiative de promouvoir l’utilisation par les femmes du Maghreb d’un contrat de mariage garantissant leurs droits. Le Code marocain de la famille (art. 47, 48), le Code algérien de la famille (art. 19) et le Code tunisien de statut personnel (art. 11) autorisent les époux à négocier et à ajouter des clauses dans le contrat de mariage. Les femmes peuvent utiliser ces contrats pour protéger leurs droits durant le mariage et au moment de sa dissolution en prévoyant des clauses sur la propriété des biens et leur partage, les enfants, la monogamie, le droit de la femme de travailler, la prise en compte de la contribution non rémunérée au ménage, et les questions exigeant son consentement. Par exemple, le contrat de mariage type traite des droits de propriété et des relations financières, il autorise les époux à prévoir des dispositions concernant la propriété, la gestion, l’utilisation et la transmission de biens acquis avant le mariage et durant celui-ci.

     

    Dans le contrat de mariage, il convient aux époux de se mettre d’accord sur l’organisation de leurs relations financières de façon équitable à propos des points suivants :

    • la participation aux charges du ménage : la contribution de chaque époux en argent, en biens et/ou en efforts aux charges de ménage, et clarification de tous les frais qui rentrent dans la définition de charges de ménage ;
    • obligation d’entretien (pension alimentaire) : l’obligation financière du mari vis-à-vis de sa femme et de ses enfants après la dissolution du mariage ;
    • propriété et division des biens : détermination des biens personnels et biens communs (liquide, mobilier, immobilier), attribution de la propriété des biens pendant le mariage, pouvoirs d’utilisation, de gestion et de disposition des biens personnels et/ou communs par chaque époux pendant le mariage, et division des biens lors de sa dissolution.

     

    Le contrat comporte une partie relative aux enfants du couple.

    À propos de la garde des enfants :

    Les deux époux exercent conjointement la garde des enfants tant que les liens conjugaux subsistent et ceci afin de veiller sur leurs intérêts et leur éducation.

    En cas de dissolution du mariage, le père s’engage dès à présent à ne pas intenter une action de déchéance de la garde à l’encontre de la mère gardienne sur la base des motifs de plein droit (insérer des clauses contenues dans les législations nationales selon lesquelles le père peut automatiquement faire retirer le droit de garde à la mère, telles le remariage de la mère, changement de résidence de la mère), mais à se baser le cas échéant uniquement sur d’autres motifs objectifs s’agissant de l’intérêt et du bien-être de l’enfant.

     

    À propos de la tutelle des enfants :

    Les deux époux exercent conjointement la tutelle de l’enfant tant que les liens conjugaux subsistent ainsi que lors de la dissolution du mariage. L’époux désigne par la présente l’épouse comme tutrice testamentaire de leurs enfants.

    L’élaboration de ce contrat modèle doit être faite en consultation avec les femmes, les veuves et la société civile et prendre en compte le contexte du moment. Voir Global Rights. Conditions bien pensées, conflits évités : Promouvoir les droits humains des femmes au Maghreb à travers l’utilisation stratégique du contrat de mariage, 2008.

     

    Enfants

    La législation doit garantir aux hommes et aux femmes les mêmes droits et responsabilités pour les questions se rapportant à leurs enfants en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d’adoption. CEDAW, art. 16 (1) (d), (f). Les lois et pratiques qui retirent la garde d’un enfant à une veuve après la mort de son mari violent le droit des femmes de ne pas être victimes de discrimination dans les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux. Le législateur doit veiller à ce que les veuves deviennent automatiquement tutrices de leurs enfants à la mort de leur mari. Les lois doivent reconnaître que tout enfant a droit à la protection et aux soins de ses parents ainsi qu’au droit de résider avec eux. Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, art. 19 (1) ; Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, art. 20 (b). La séparation d’un enfant de ses parents contre son gré doit être prohibée, sauf si une autorité compétente décide, conformément aux lois applicables en la matière, que cette séparation est dans l’intérêt même de l’enfant. Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, art. 19 (1) ; Convention relative aux droits de l’enfant, art. 9 (1).

     

    Administration des biens et conclusion de contrats

    La législation doit accorder aux époux des droits égaux en matière d’administration des biens et de signature de contrats.

    Pratique encourageante : la Loi de 1996 relative à l’égalité des personnes mariées (en anglais) adoptée par la Namibie abroge les restrictions imposées à la capacité juridique de la femme de conclure des contrats et d’ester en justice, y compris celles limitant sa capacité de :

    i)                    faire enregistrer un bien immobilier à son nom ;

    ii)                  agir en qualité d’exécutrice testamentaire de la succession d’un défunt ;

    iii)                agir en qualité de syndic de faillite ;

    iv)                être directrice d’une société ; et

    v)                  s’engager comme caution ; et

    vi)                la position de la common law qui fait du mari le chef de famille est abrogée, sous réserve qu’aucune disposition de la présente loi ne sera interprétée comme empêchant un mari et sa femme de convenir de confier à l’un d’eux, ou aux deux, un rôle ou une responsabilité particulière au sein de la famille (art. 3).

    L’article 5 dispose que les époux mariés sous le régime de la communauté de biens ont une capacité égale pour :

    a)                  disposer des actifs du patrimoine commun ;

    b)                  contracter des dettes dont le patrimoine commun sera responsable ; et

    c)                  gérer le patrimoine commun.

     

    Régimes matrimoniaux

    La législation doit prévoir un régime matrimonial de communauté de biens modifiée ou partielle en vue d’améliorer la protection des veuves et de toutes les femmes. Dans ce régime, les biens et l’argent acquis durant le mariage sont considérés comme des biens communs, même s’ils sont enregistrés au nom d’un seul des époux. Les revenus et l’héritage légué en commun aux deux époux – à moins qu’il n’en soit disposé autrement – sont considérés comme des biens communs. Les biens et les actifs acquis avant le mariage restent des biens séparés qui appartiennent en propre à chacun des époux. Un régime matrimonial de communauté modifiée ou partielle peut garantir une meilleure protection aux femmes qu’un régime de communauté universelle. Par exemple dans le cas où les femmes ne sont pas autorisées à hériter de leur père ou de leur mari, elles peuvent apporter dans le mariage leurs propres biens, comme le stridhan (dot, cadeaux faits à l’épouse), qui leur appartiennent durant le mariage et après sa dissolution. Autoriser un régime de communauté universelle qui transforme les biens acquis par la femme avant le mariage en biens communs risque de compromettre cette protection pour les femmes qui n’ont pas la possibilité d’hériter. Par ailleurs, un régime de communauté modifiée ou partielle peut protéger les femmes qui apportent leurs propres biens au moment du mariage contre d’éventuels mauvais traitements infligés par leur époux. Ce régime de communauté de biens peut prévenir la maltraitance exercée par des hommes qui se marient pour obtenir des biens en ayant l’intention de divorcer de leur épouse par la suite. Il peut aussi prévenir les violences exercées par des hommes qui se marient pour obtenir des biens de l’épouse et/ou de sa famille, ce qui est un facteur de risque de violences liées à la dot. Voir le chapitre Les violences liées à la dot.

    Les époux doivent avoir des droits égaux dans la gestion commune des biens du couple. Qui plus est, ils doivent avoir le droit d’être conjointement propriétaires des principaux biens, notamment la terre et le domicile, qui ne peuvent être hypothéqués, loués ou vendus qu’avec le consentement des deux époux. L’absence de documents démontrant le contraire doit entraîner la présomption de propriété commune des principaux biens des couples mariés. Voir : Anna Knox et autres, Relier les droits et la réalité : un cadre progressif de protections juridiques essentielles pour le droit de propriété des femmes (en anglais), ICRW (Centre international de recherche sur les femmes) ; Réseau juridique canadien VIH/sida, Respecter, protéger et s’engager : une législation pour les droits des femmes dans le contexte du VIH/sida, vol. 2 : Questions relatives à la famille et à la propriété (en anglais), 2009.

    Pratique encourageante : le législateur doit modifier la législation en vue de prévoir un régime matrimonial de communauté modifiée ou partielle comme régime par défaut à moins que les époux n’y renoncent devant un notaire ou une autre autorité. La Turquie a introduit des réformes législatives dans son Code civil qui renforcent les droits fondamentaux des femmes en matière de biens matrimoniaux. Avant ces réformes, le régime matrimonial par défaut était la séparation de biens, système dans lequel chacun des époux était propriétaire de tout bien enregistré à son nom. La plupart des biens étant enregistrés au nom du mari, les femmes étaient privées d’une bonne partie des biens du ménage au moment de la dissolution du mariage. Les réformes ont introduit un régime par défaut de partage des biens acquis de sorte que les époux reçoivent une part égale de tous les biens acquis durant le mariage. Chacun d’entre eux garde le droit de propriété individuelle de ses biens propres ou de ceux acquis avant le mariage ou encore reçus à titre de cadeaux personnels durant le mariage. Les modifications accordent également aux époux des droits égaux sur les biens acquis et sur le domicile conjugal. Toutefois la loi n’a pas d’effet rétroactif pour les biens acquis avant 2002 à moins que les époux n’aient fait enregistrer leur mariage avant 2003. Voir COHRE, À la recherche de l’égalité : Enquête sur la loi et la pratique en matière de droits des femmes à l’héritage au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), 2006 (en anglais) ; Women for Women’s Human Rights (WWHR), Code civil turc (en anglais).
    Pratique encourageante : le législateur doit faire adopter des lois reconnaissant les unions informelles et libres et veiller à ce que les lois relatives aux biens matrimoniaux s’appliquent à ces unions. L’Éthiopie présume que la propriété est conjointe en l’absence de documents, le régime par défaut étant la communauté partielle ou universelle. La gestion commune des biens du couple exigeant le consentement des époux est obligatoire. L’Éthiopie reconnaît également l’union libre sous réserve qu’elle ait duré au moins trois ans et qu’elle soit enregistrée.
    Pratique encourageante : le Maroc a modifié son Code de la famille en 2004 pour y introduire des dispositions qui contribuent à l’égalité entre hommes et femmes. Le Code accorde au mari et à la femme la responsabilité conjointe de la famille et il donne aux femmes adultes le droit d’exercer librement et de manière indépendante leur propre tutelle. Il permet également aux époux de mettre au point dans un document écrit un accord de gestion des biens acquis durant le mariage. En cas de désaccord entre les époux, une autorité judiciaire doit se baser sur les règles d’administration de la preuve pour établir la contribution de chacun des époux à l’augmentation des biens de la famille. Voir : COHRE, À la recherche de l’égalité : Enquête sur la loi et la pratique en matière de droits des femmes à l’héritage au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), 2006 (en anglais).

    Le législateur doit abroger les lois qui font des régimes matrimoniaux suivants le régime par défaut et en faire des régimes optionnels, choisis d’un commun accord par les époux devant un notaire ou une autre autorité compétente :

    • Le partage des biens communs basé sur l’utilisation. Ce régime donne le bien à l’époux qui l’a acquis, à moins qu’il ne soit utilisé conjointement par les deux époux ou pour la famille. Fonder le partage des biens sur l’utilisation est ambigu et ne contribue pas à l’égalité entre hommes et femmes.
    • La séparation des biens. Chacun des époux possède en propre les biens qu’il a acquis avant le mariage ainsi que ceux acquis durant le mariage et enregistrés à son nom ou reçus à titre de cadeau personnel ou en héritage. Dans les régions où la plupart des biens sont enregistrés au nom de l’homme, ce régime a des conséquences discriminatoires pour la femme au moment de la dissolution du mariage car elle n’a aucun titre de propriété et donc aucun droit sur ces biens.
    • La communauté absolue ou universelle. Tous les biens acquis par les époux avant le mariage et durant celui-ci deviennent des biens communs. Dans les pays où les femmes n’ont pas les mêmes droits à l’héritage que les hommes, les biens personnels, les actifs, la dot et l’héritage qu’elles apportent dans le mariage constituent pour elles des réserves importantes. Le régime de communauté universelle leur retire cette garantie en cas de dissolution du mariage ou de séparation. Dans les régions où est pratiqué le système de la dot et du prix de la mariée ou dans celles qui reconnaissent le divorce par répudiation (talaq) selon la tradition musulmane sunnite, ce régime matrimonial risque de les rendre plus vulnérables à la violence familiale et de les priver d’une procédure régulière au moment du divorce.

    Le législateur doit remplacer ces régimes matrimoniaux par un régime de communauté modifiée ou partielle comme régime par défaut.

     

    Contribution non rémunérée des femmes à la famille

    La législation doit également garantir que les régimes matrimoniaux prennent en compte la contribution informelle des femmes à la propriété conjointe du couple. Les lois doivent reconnaître le travail domestique non rémunéré, l’éducation des enfants, et le travail agricole comme contributions à la valeur des biens du ménage. Un régime matrimonial qui prévoit un partage égal de tous les biens acquis durant le mariage – sauf les cadeaux personnels faits à l’un des époux – au moment de sa dissolution traduit la reconnaissance de la contribution non rémunérée des femmes à la famille et aux biens du ménage.

    ÉTUDE DE CAS :

    un système formel de prise en compte du travail non rémunéré et de la participation des femmes peut renforcer leur droit à l’héritage. Un tel régime peut également éviter les effets nocifs d’une affaire comme Gyamaah c. Buor (Haute Cour du Ghana, 1962). Une veuve qui avait aidé son mari, le défunt, à développer et cultiver 11 plantations de cacao a sollicité une décision de justice déclarant qu’elle avait droit à une part des plantations à la mort de son mari. La propriété de ces terres était revenue à d’autres personnes qui étaient les héritiers selon les lois coutumières relatives à l’héritage. Le tribunal de première instance a conclu que la veuve avait droit à une part des biens car elle avait participé à l’exploitation des plantations. En appel, la Haute Cour a annulé le jugement, faisant valoir que la veuve n’avait aucun droit sur les biens et qu’elle pouvait recevoir une part uniquement parce que l’héritier avait accepté préalablement de partager une partie non précisée des biens avec elle. La Cour a considéré que, sur la base de la coutume des parties, l’épouse n’avait pas droit à recevoir une part spécifique des biens, mais qu’elle recevrait la part « aussi petite soit-elle » que l’héritier défendeur pourrait décider de lui donner selon son bon vouloir. Il est significatif que selon l’avis émis par la Haute Cour, si l’aide apportée par la veuve avait pris la forme d’une contribution financière importante, elle aurait « eu droit à recevoir une part des biens acquis par son mari », mais qu’une aide sous la seule forme de travail ne lui donnait pas ce droit.

     

    Recueil d’informations et suivi

    La législation doit comprendre un réexamen global de toutes les lois écrites et coutumières en vue de garantir l’égalité des droits et des responsabilités entre les hommes et les femmes dans le mariage. Ce processus doit veiller tout particulièrement à établir une cohérence entre les lois et au sein de celles-ci. Par exemple, le législateur doit faire en sorte que les textes législatifs respectent et incluent les dispositions constitutionnelles qui garantissent aux femmes l’égalité dans le mariage et dans les rapports familiaux.

    La législation doit prescrire que les régimes coutumier et religieux accordent aux hommes et aux femmes l’égalité des droits et des responsabilités dans le mariage ou, à défaut, elle doit prévoir que les dispositions du droit civil qui garantissent l’égalité l’emporteront sur d’autres régimes discriminatoires. La législation doit également disposer que les conflits entre le droit civil et le droit coutumier ou religieux soient résolus d’une manière qui protège l’égalité entre les hommes et les femmes et respecte les droits des femmes. Le législateur doit prévoir une sensibilisation et une information des communautés, des dignitaires religieux et des chefs traditionnels à propos de ces lois, afin de faciliter leur mise en œuvre.

    La législation doit imposer des études sur les lois et traditions dans tout le pays, afin de favoriser la compréhension de la nature et de l’ampleur de la discrimination subie par les femmes et les filles dans le cadre du mariage et des systèmes de propriété. Ces études doivent couvrir les mariages officiels, de facto, polygames (le cas échéant) et coutumiers, ainsi que les unions libres. La législation doit mettre en place et soutenir des mécanismes de contrôle chargés d’évaluer l’application des lois régissant l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux.