- L’État doit être tenu par la loi d'élaborer et de mettre en œuvre au niveau national un plan et une stratégie destinés à éliminer les MGF en moins d’une génération ou dans la décennie à venir.
- Ce plan et cette stratégie s’inscriront dans une politique coordonnée et volontariste fournissant un cadre de référence à tous les organismes de l’État, notamment dans les domaines juridique, sanitaire et social.
- Ce plan (ou stratégie) apportera une information juste et précise, qui sera présentée dans toutes les langues locales pertinentes, ainsi qu’aux personnes illettrées.
- La législation prévoira l'intégration des services de protection de l'enfance dans le plan et la stratégie prévus au niveau national.
- La législation exigera que des moyens financiers suffisants soient consacrés à la mise en œuvre du plan et de la stratégie.
Pratiques encourageantes : Les Plans d'action national et international de la Norvège
Le Plan de lutte interministériel de la Norvège contre les mutilations génitales féminines (2008-2011) (en anglais)
La première loi norvégienne contre les MGF remonte à 1995. Le premier plan d’action contre cette pratique date de 2000. Le Plan de lutte contre les mutilations génitales féminines (2008-2011) (en anglais) actuellement appliqué par la Norvège est un exemple de plan d’action et de stratégie au niveau national décidé par un gouvernement. Fruit de la collaboration de sept ministères, ce plan d’action part du constat de la nécessité de mettre en place une réponse coordonnée de la part des pouvoirs publics nationaux, régionaux et locaux, ainsi que des groupes et des communautés religieuses concernés. Il met en place un comité consultatif national destiné à favoriser la coopération, et définit les responsabilités respectives des ministères pour telle ou telle partie du programme d'action, en chargeant le ministère de l’Enfance et de l'Égalité de coordonner la lutte contre les MGF. Ce plan d’action se décline selon six catégories d’objectifs, dont chacune définit d’autres étapes tout en précisant les ministères responsables :
- Application concrète de la législation ;
- Acquisition de compétences et transfert de connaissances ;
- Prévention et sensibilisation de l'opinion ;
- Services de santé disponibles ;
- Action plus soutenue dans les périodes de vacances ;
- Enfin, action internationale renforcée.
Le Plan international de lutte contre les mutilations génitales féminines du gouvernement norvégien (2003) (en anglais)
Parallèlement à ce plan d’action national, la Norvège s’est dotée en 2003 d’un programme international de soutien à la lutte contre les MGF, aussi bien à l'intérieur de ses frontières qu'à l'étranger. Ce programme, qui procède d'une démarche centrée sur les droits de l'homme, s'articule autour de trois grands axes : 1) la prévention des MGF et la promotion de la mobilisation sociale contre cette pratique ; 2) le traitement et la réadaptation des fillettes et des femmes ayant subi des MGF ; et 3) l'acquisition de compétences, à tous les niveaux de la lutte contre les MGF
Exemples;
Réseau européen pour la prévention et l'éradication des pratiques traditionnelles néfastes
- Le Réseau européen pour la prévention et l'éradication des pratiques traditionnelles néfastes a coordonné une initiative à laquelle ont participé les pouvoirs publics et des représentants de la société civile de 15 pays européens. À l’issue de cette collaboration, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède se sont chacun dotés d’un plan d’action inédit ou réactualisé pour lutter contre les MGF. Le plan d’action de l’Irlande est examiné ci-après. Voir : Hankkeen liitetiedot Naisresurssikeskus Pihlaja.
Le plan national d’action mis en place par l’Irlande est un bon exemple d’initiative non gouvernementale, pilotée par plusieurs organismes et destinée à promouvoir une stratégie coordonnée et la collaboration des différents services impliqués dans la lutte contre les MGF. Il a été élaboré par un comité national de pilotage constitué essentiellement d'Irish Aid et d'organisations non gouvernementales d'aide au développement. Ce plan est parti du constat qu’il n'existait pas en Irlande de stratégie coordonnée de lutte contre les MGF, ni de groupe de travail commun aux différents organismes concernés. Ces organismes, aussi bien gouvernementaux que non gouvernementaux, ne communiquaient donc pas entre eux et leur action dans le domaine des MGF manquait singulièrement d'efficacité. S’inspirant d’exemples de coopération réussie en ce domaine dans des pays comme la Norvège ou la Suède, le plan d’action irlandais définit les modalités d’une politique commune aux différents organismes impliqués, dans le souci de parvenir à une mobilisation concertée contre les MGF. Ce plan d’action a plusieurs objectifs : 1) empêcher que des MGF ne soient pratiquées en Irlande ; 2) apporter des soins de santé de qualité et appropriés aux femmes et aux fillettes qui ont subi des MGF ; et 3) contribuer à la campagne mondiale pour l’élimination des MGF. Il définit cinq axes stratégiques, déterminant des actions procédant d’une combinaison « de mesures politiques et juridiques prises au sommet et d'initiatives de développement des communautés issues de la base, afin d’avoir un impact maximal » : le niveau juridique, le droit d’asile, la santé, la collectivité et l’aide au développement.
Ratification des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme
Tout gouvernement désireux de se doter d’un véritable plan d'action contre les MGF doit ratifier les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme qui traitent de cette pratique et appeler à l'abolition de cette dernière.
Ces traités doivent toutefois être ratifiés sans formuler de réserve qui affaiblirait l’obligation de l’État signataire de promouvoir les droits des femmes ou d'éliminer les MGF. Les réserves apportées à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ou à la Convention relative aux droits de l’enfant, indiquant que le droit coutumier ou les principes de l'islam prévalent sur les articles des traités prohibant la discrimination à l’égard des femmes ou, plus généralement, qui leur sont contraires, remettent en cause l'esprit même du traité.
L’engagement sans ambiguïté des États, démontré par la ratification sans réserve des traités relatifs aux droits de l’homme, insuffle aux mouvements sociaux l’impulsion nécessaire au changement de la société.
Après ratification, la législation existante et à venir doit être modifiée ou rédigée de manière à être conforme aux dispositions des instruments ratifiés. Une telle ratification demandera que soit élaborées, appliquées et suivies de nouvelles lois et de nouvelles politiques destinées à protéger les femmes et les fillettes menacées par les MGF et à éliminer cette pratique.
Garantie d’une protection constitutionnelle
Toute stratégie nationale doit également exiger la présence, dans la constitution du pays, d’une disposition assurant le droit des femmes et des fillettes à ne pas subir de MGF. La constitution est en effet généralement le texte juridique de plus haute autorité, auquel les lois et l'action du gouvernement doivent nécessairement se conformer. Elle doit par conséquent, dans sa rédaction, comprendre des dispositions :
- assurant l’égalité des femmes et des filles ;
- protégeant expressément les droits des enfants ;
- établissant la primauté des garanties constitutionnelles et, plus généralement, du droit officiel sur le droit coutumier ou religieux ;
- interdisant expressément les pratiques néfastes, et notamment les MGF.
Exemples de garanties constitutionnelles
- Éthiopie - La Constitution éthiopienne ne mentionne pas de manière explicite les MGF, mais elle précise bien la primauté de ses dispositions sur toute autre loi ou usage et protège les femmes et les fillettes des « coutumes néfastes », et donc, par interprétation, des MGF.
- Article 9 Primauté de la Constitution (en anglais)
(1) La Constitution est la loi suprême du pays. Toute loi, pratique coutumière ou décision d’un organisme d’État ou d’un représentant des pouvoirs publics qui contrevient à la présente Constitution est nulle et non avenue.
(2) Tout citoyen, organe de l'État, organisation politique ou autre association, ainsi que ses représentants officiels, a le devoir de respecter et de faire respecter la Constitution.
(3) Il est interdit d’exercer le pouvoir étatique autrement que selon les modalités définies aux termes de la Constitution.
(4) Tout accord international ratifié par l’Éthiopie fait partie intégrante de la loi du pays. (Les passages soulignés le sont par nos soins)
- Article 35 Droits de la femme (en anglais)
(1) Concernant la jouissance des droits et des garanties définis par la Constitution, la femme est à égalité avec l'homme.
(2) La femme a, dans le cadre du mariage, des droits égaux à ceux de l’homme, tels qu’ils sont énoncés dans la présente Constitution.
(3) Étant donné les inégalités et les discriminations dont ont souffert les femmes en Éthiopie par le passé, celles-ci ont droit, pour compenser ce lourd héritage, à des mesures de discrimination positive. Ces mesures auront pour objet d’accorder une attention particulière aux femmes, afin de leur permettre de prendre leur place et de participer, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la vie politique, sociale et économique, ainsi qu'au fonctionnement des institutions publiques et privées.
(4) L’État fait respecter le droit des femmes de faire disparaître les influences des coutumes néfastes. Les lois, coutumes et pratiques qui oppriment les femmes ou leur font subir un préjudice corporel ou mental sont interdites.
(5) (a) Les femmes ont droit à un congé maternité, en conservant l'intégralité de leur rémunération. La durée de ce congé maternité sera fixée par le législateur, en tenant compte de la nature du travail, de la santé de la mère et du bien-être de l'enfant et de sa famille.
(b) Le congé maternité peut, conformément aux dispositions de la législation, inclure un congé prénatal avec conservation de l’intégralité de la rémunération.
(6) Les femmes ont le droit d’être consultées à part entière lors de la formulation des politiques nationales de développement ou de la conception et de l’exécution des projets, notamment lorsque ces projets touchent à leurs intérêts.
(7) Les femmes ont le droit d’acquérir, de gérer, de contrôler, d’utiliser et de céder des biens. Elles ont en particulier les mêmes droits que les hommes en matière d’usage, de cession, de gestion et de contrôle des biens fonciers. Elles bénéficieront également de l’égalité de traitement en matière d'héritage.
(8) Les femmes ont droit à l’égalité en termes d’emploi, d'avancement, de rémunération et de transfert des droits à la retraite.
(9) Dans le souci de prévenir les complications susceptibles de survenir lors de la grossesse ou au moment de l'accouchement, et afin de sauvegarder leur santé, les femmes ont le droit de bénéficier d'une éducation, d’informations et de moyens dans le domaine du planning familial. (Les passages soulignés le sont par nos soins.)
- Ghana - Constitution du Ghana (en anglais) – Là encore, les MGF sont considérées comme une pratique nocive, interdite par la Constitution, dont il est dit expressément qu'elle prime sur toutes les autres lois, officielles ou non.
- Chapitre 1, paragraphe 1(2) - La Constitution est la loi suprême du Ghana et toute autre loi s'avérant en contradiction avec l’une de ses dispositions est considérée comme nulle, dans la mesure de sa non-conformité.
(1) Chacun a le droit d’estimer, de pratiquer, de professer, d’entretenir et de promouvoir la culture, la langue, les traditions ou la religion de son choix, dans le cadre des dispositions de la présente Constitution.
(2) Toute pratique coutumière qui déshumanise un individu ou porte atteinte à son bien-être physique ou psychique est interdite.
(1) Sous réserve des dispositions prévues à l’alinéa (2) du présent article, l’État agit en faveur de l’intégration des valeurs coutumières pertinentes dans la vie de la nation par l'éducation, au sein du système scolaire classique ou non, et la prise en compte délibérée de considérations culturelles dans les domaines appropriés de la planification nationale.
(2) L’État veille à ce que les valeurs coutumières et culturelles pertinentes soient adaptées et développées en tant que partie intégrante des besoins croissants de la société dans son ensemble ; et en particulier à ce que les pratiques traditionnelles portant atteinte à la santé et au bien-être de la personne soient abolies.
(3) L’État favorise le développement des langues ghanéennes et la fierté suscitée par la culture ghanéenne.
(4) L’État s’efforce de préserver et de protéger les lieux présentant un intérêt historique et les objets de la culture. (Les passages soulignés le sont par nos soins.)