Législation

Dans cette base de connaissances, en référence à certaines dispositions ou articles de la loi, dans un jugement ou aspects d'une pratique ne signifie pas que la loi, le jugement ou la pratique réputée en pleine un bon exemple ou une pratique prometteuse.

Certaines des lois mentionnés dans ce document peuvent contenir des dispositions autorisant la peine de mort. Tenant compte des résolutions 62/149, 63/168, 65/206 et 67/176 de l'Assemblée générale des Nations Unies, appelant à la mise en place d'un moratoire sur la peine de mort et son abolition définitive, la peine mort ne devrait pas être inclus dans les dispositions sur les peines pour les crimes de violence contre les femmes et les filles.

Autres Dispositions Relatives aux Lois sur la Violence Familiale Outils
Le harcèlement sexuel dans le sport Outils
Dispositions relatives à l’immigration Resources for developing legislation on sex trafficking of women and girls

Le fait d'ériger les pratiques néfastes en infraction pénale peut avoir un effet dissuasif non négligeable. Dans de nombreux pays où sévissent les pratiques analysées dans le présent module, celles-ci ne sont pas inscrites au Code pénal ou ne le sont que depuis peu.

Lors de la criminalisation des pratiques néfastes, il est important de prendre en compte les questions suivantes :

  • La force publique dispose-t-elle de ressources et de moyens suffisants pour mettre en œuvre les nouvelles lois pénales de façon adaptée ? Dans le cas contraire, comment est-il possible d'y remédier ?
  • Les lois coutumières soutiennent-elles cette législation ou sont-elles contradictoires ? En cas de contradiction, il convient de se référer au chapitre ci-dessus sur l’abrogation des dispositions contradictoires des lois coutumières et religieuses et de veiller à ce que la nouvelle législation fasse clairement état de la primauté des dispositions de la constitution ou du droit national.
  • Une campagne de sensibilisation a-t-elle été menée auprès de la population afin de lui faire prendre conscience des conséquences préjudiciables de ces pratiques, de la nécessité d'y renoncer et du fait qu'elles constitueront une infraction au titre des nouvelles lois ?
  • L’idée de permettre aux victimes d'engager des poursuites contre des membres de leur entourage susceptibles de s'être rendus coupables de pratiques néfastes est-elle acceptée par la société ?
  • La mise en application d'une loi pénale affecterait-elle de façon disproportionnée et/ou isolerait-elle un groupe ethnique particulier ?
  • La manière dont la nouvelle infraction pénale sera mise en œuvre tiendra-t-elle compte de l'intérêt supérieur de la fillette ? Ce point est d'autant plus important que de nombreuses pratiques néfastes, comme les mutilations génitales féminines ou le « repassage » des seins, sont perpétrées par les parents de la victime ou par les personnes s'occupant de celle-ci, ou avec leur soutien, et que des sanctions pénales telles que de lourdes peines d'emprisonnement risqueraient de nuire considérablement à l'intérêt de l'enfant victime.
  • Il est possible d'ériger les pratiques néfastes en infraction par l’adoption d’une loi interdisant expressément ces pratiques, comme le Sénégal l'a fait pour les mutilations génitales féminines, ou en recourant à des dispositions générales du droit pénal qui sanctionnent diverses actions dont les pratiques néfastes, comme dans le cas de la France avec les mutilations génitales féminines. Les États retenant cette dernière option doivent tout particulièrement s'efforcer de sensibiliser l'opinion sur le fait que des pratiques jadis légales risquent désormais de donner lieu à des poursuites pénales.

    Dans tous les cas, la législation érigeant en infraction des pratiques préjudiciables spécifiques ne devrait être adoptée que dans le cadre d'une stratégie gouvernementale globale visant à modifier les usages locaux et les croyances individuelles qui sous-tendent ces pratiques si profondément enracinées.

    GénéralitésObservations générales relatives aux sanctions Définition claire des pratiques néfastes Extraterritorialité et extraditionCirconstances atténuantesConsentement

    Qu’une pratique préjudiciable soit érigée ou non en infraction, la législation s’y rapportant doit reposer sur une approche globale axée sur les droits fondamentaux de l’être humain. Elle doit veiller à ce que soient poursuivis en justice et sanctionnés les auteurs de pratiques néfastes, mais aussi intégrer « la prévention de la violence, le renforcement du pouvoir d’action, le soutien et la protection de la victime, ainsi que la mise en place de mécanismes assurant l’application effective de ses dispositions ». Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, reprenant le Rapport de la réunion du Groupe d'experts des Nations Unies sur les bonnes pratiques législatives en matière de violences contre les femmes (en anglais).

     

    Pour garantir, outre leur condamnation, la prévention des pratiques néfastes, la loi doit instaurer d’autres mesures de protection et voies de recours civiles.

    Généralités et Ordonnances de protectionProcès civils Interdiction de recourir aux mécanismes traditionnels de règlement des différends qui sont préjudiciablesRéparationDispositions relatives à la protection de l’enfanceLois relatives à l’immigration et à l’asile
    les services aux victimesSensibilisation et éducation du grand public Outils
    Dispositions relatives à la protection des enfants Resources on Forced and Child Marriage
    Définition claire et précise des mutilations gébitales féminines Outils
    Définition et formes de la maltraitance des veuves Autres dispositions relatives à la mal traitance des veuves Outils

    Les ordonnances de protection

    Le législateur doit prévoir la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les victimes de violences liées à la dot ou intégrer cette forme de violence dans un cadre relatif à la violence familiale permettant ce type de recours. De nombreux États ont prévu dans leur droit pénal et civil la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les plaignantes/survivantes d’actes de violence familiale. Dans le système pénal, une ordonnance de protection, ou injonction d’éloignement, peut offrir un recours similaire à l’ordonnance civile de protection. L’injonction d’éloignement peut être décidée dans le cadre d’une procédure pénale lorsqu’un auteur de violence est accusé d’une infraction pénale. (Voir par exemple la Loi du Minnesota, États-Unis, sur la violence familiale § 518B.01 (22) (1979, en anglais).)

     

    Pratique encourageante : en plus d’adopter une loi spécifique sur la dot, l’Inde a intégré les violences liées aux demandes de dot illégales dans sa définition de la violence familiale et offre la possibilité de rendre des ordonnances de protection. Voir http://www.apwld.org/pdf/India_ProtectionDVact05.pdf (en anglais). Au Pakistan, une précédente version du projet de loi sur la violence familiale classait les demandes de dot au rang des violences familiales en les définissant comme le fait de « harceler, maltraiter, blesser ou mettre en danger une personne dans l’objectif de la contraindre, ou de contraindre un de ses proches, à satisfaire une demande illégale de dot ou de tout autre bien ou valeur mobilière ». Voir : Les meilleures dispositions législatives pour combattre les pratiques néfastes contre les femmes au Pakistan (en anglais), p. 11 (note 22). Cependant, la dernière version de la loi pakistanaise sur la violence familiale (en anglais) ne fait plus référence aux demandes de dot. De son côté, la Loi du Bangladesh sur la prévention de l’oppression contre les femmes et les enfants (2000, en anglais) comprend des dispositions sur les assassinats liés à la dot, mais ne traite pas de la question des ordonnances de protection.  Le législateur doit inclure la violence et le harcèlement liés aux demandes de dot dans la définition de la violence familiale. Voir la section sur la définition des violences liées à la dot.

     

    Les ordonnances civiles de protection peuvent prendre la forme d’ordonnances d’urgence ou d’ordonnances sur requête (décision provisoire prise sans en référer à la partie adverse), valables pour un temps limité, ou d’ordonnances de protection pour une durée plus longue sur demande de la plaignante/survivante. Ces ordonnances de longue durée peuvent nécessiter une audience approfondie devant un juge en présence de la partie adverse. Adoptée il y a plus de 30 ans, la Loi du Minnesota sur la violence familiale, § 518B.01 (4) (1979, en anglais) a été l’une des premières lois au monde sur les ordonnances de protection. Cette forme de recours s’est avérée être l’une des plus efficaces dans les affaires de violence familiale. Voir : Les ordonnances de protection (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights. Les violences liées à la dot étant une forme de violence familiale, le législateur doit veiller à ce que les plaignantes/survivantes de ce type de violences puissent bénéficier d’une ordonnance de protection.

    Outre l’ordonnance de protection traditionnelle, le législateur doit envisager d’étendre les voies de recours ou d’en créer d’autres tenant compte des mécanismes spécifiques de la violence liée à la dot. Par exemple, la Loi indienne de 2005 permet de rendre des ordonnances de protection en cas de violence familiale et d’aliénation de biens, des ordonnances de résidence limitant l’utilisation du domicile conjugal par l’auteur de violences et ordonnant à ce dernier de fournir à la victime un autre logement, et des ordonnances de garde des enfants et d’indemnisation. Le législateur peut s’inspirer de l’article 19(1) de la loi indienne pour intégrer des dispositions relatives aux ordonnances de résidence dans une loi sur les violences liées à la dot. L’ordonnance de résidence doit permettre au juge : d’interdire au contrevenant d’exproprier la victime du domicile conjugal ou de l’en priver de toute autre manière, quel que soit le droit réel qu’il exerce sur ce domicile ; d’ordonner au contrevenant de quitter le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant ou à tout membre de sa famille de pénétrer dans le domicile conjugal où vit la victime ; d’interdire au contrevenant d’aliéner, d’hypothéquer ou de céder le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant de dénoncer ses obligations à l’égard de ce domicile ; ou d’ordonner au contrevenant de payer à la victime un logement comparable. La loi indienne autorise le magistrat à enjoindre au contrevenant « de rendre à la personne lésée sa dot ou tout autre bien ou valeur mobilière auquel elle a droit » (article 19(8)). La loi doit être rédigée en des termes contraignants afin de faire obligation aux policiers d’exécuter les ordonnances de protection.

     

    ÉTUDE DE CAS : la loi ne doit pas interdire de prononcer des ordonnances de protection contre des femmes. Par exemple, dans l’affaire Smt. Sarita c. Smt. Umrao, 2008 (1) R. Cr. D 97 (Raj), un recours a été déposé aux termes de la loi indienne sur la violence familiale au motif que, comme une femme ne pouvait pas être partie défenderesse, la requête à l’encontre de la belle-mère de la victime devait être retirée. La requérante a fait valoir qu’elle était autorisée à porter plainte contre « les membres de la famille » de son mari et que, comme ce terme ne désignait pas un genre en particulier, sa belle-mère en faisait partie. La haute cour du Rajasthan a conclu que le terme « membre de la famille » était très large et pouvait inclure tous les membres de la famille du mari, y compris les femmes. Dans les affaires Nand Kishor et autres c. État du Rajasthan, MANU/RH/0636/2008, et Rema Devi c. État du Kerala, I (2009) DMC 297, le tribunal a conclu qu’une femme pouvait être partie défenderesse. Voir : Collectif des avocats, Décisions de justice marquantes rendues aux termes de la loi indienne sur la violence familiale (en anglais).

     

    Les ordonnances de protectionLes ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteContenu des ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteLes ordonnances de protection après audienceContenu des ordonnances de protection après audienceDispositions relatives aux avertissements, durée des ordonnances de protection et autres dispositions essentielles Dispositions relatives à la garde des enfants dans les ordonnances de protectionDroit de la famille et divorceDroit de garde et autres dispositionsProcès civils pour demander des dommages et intérêtsLes droits des femmes à la propriété et à l’héritage
    Autres dispositions relatives aux lois dus les violences lié.es à la dot de la violence familiale
    Après la campagne : et mainteant ?Ressources pour actions le plaidoyer en faveur de l’adoption de lois nouvelles ou d’une réforme des lois
    Introduction Financement de la mise en œuvre Les employeurs et les syndicats Ressources pour l'application des lois
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    Harmonisation de la nouvelle législation avec l'existante (droit officiel et droit coutumier)

    Dernière modification: January 26, 2011

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    Les options

    En adoptant une nouvelle législation relative aux pratiques néfastes, le législateur doit également procéder à l'examen des lois existantes et abroger ou remanier celles qui sont en contradiction avec l'égalité pour les femmes et les filles et avec l'éradication des pratiques néfastes, ou celles qui génèrent des obstacles dans ce sens. Toute nouvelle législation doit de ce fait comporter une disposition exigeant l'abrogation ou la modification des lois, dans quelque domaine que ce soit, qui entrent en conflit avec l’objectif fondamental que constitue le droit des femmes à l'égalité, à la sécurité et à l'éducation

    À cet effet, le législateur doit élaborer et réviser des lois dans d'autres domaines, afin que celles-ci reflètent bien la volonté de garantir l’égalité des femmes et des fillettes. Quelques exemples :

    • élaboration d'un droit civil homogène en matière de droit de la famille et de droit de la propriété, primant clairement sur toute loi coutumière ou religieuse contradictoire ;
    • élaboration de lois interdisant les discriminations à l’égard des minorités ;
    • élaboration de lois sur l’immigration qui garantissent, de manière prioritaire, les droits des femmes et des filles ;
    • élaboration de lois garantissant l’amélioration de la situation des femmes en matière d’emploi et garantissant les droits des femmes et des filles à la santé et à l’éducation ;
    • élaboration de lois incitant tous les secteurs de la société à soutenir les femmes et les filles pour leur permettre de participer à la protection de leurs droits fondamentaux et à la disparition des pratiques néfastes.

     

    Amendements aux lois

    Afin de produire pleinement ses effets, la nouvelle législation sur la violence à l’égard des femmes devrait s’accompagner de la révision et de la modification, le cas échéant, de toutes les autres dispositions législatives pertinentes pour que les droits fondamentaux des femmes et l’élimination de la violence à leur endroit soient inscrits dans la législation de manière cohérente. Manuel ONU, 3.1.6.

    • La législation doit prévoir que soient révisées ou supprimées les dispositions contenues dans d’autres domaines du droit, comme le droit de la famille et du divorce, le droit de la propriété, les règles et règlements concernant le logement, le droit de la sécurité sociale et le droit du travail, qui seraient contraires à la législation adoptée, afin d’assurer l’homogénéité du cadre juridique qui défend les droits fondamentaux des femmes et l’égalité entre les sexes, ainsi que l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Manuel ONU, 3.1.6.
    • Le législateur doit prévoir et autoriser les amendements aux différentes lois relatives à l'éradication des pratiques néfastes lorsque surviennent des conséquences inattendues de ces textes ou qu'apparaissent des types de pratiques imprévus.

    Ainsi, le recours au personnel médical pour procéder aux mutilations génitales féminines a constitué une initiative malencontreuse visant à légitimer cette pratique ou à la rendre moins dangereuse. Cette « médicalisation » des MGF doit être prise en compte dans l'élaboration de nouvelles lois et dans les modifications à apporter à l'actuelle législation. Non seulement la législation devra rendre responsable devant la loi le personnel médical effectuant de tels actes, mais les sanctions pénales devront être alourdies et les responsables devront se voir infliger des sanctions administratives à titre individuel, telles que l'interdiction d'exercer la médecine. Voir le module sur les mmutilations génitales féminines (MGF).

    • Le législateur devra réexaminer et modifier les lois à mesure que certains phénomènes comme les migrations, la mondialisation, les situations de conflit, ainsi que les évolutions technologiques et d'autres évènements, modifieront la nature et le mode opératoire des pratiques néfastes existantes.

    Par exemple, un meilleur accès à la technologie médicale a permis à un plus grand nombre de personnes de déterminer aisément le sexe d'un fœtus, ce qui a contribué à une utilisation abusive de ces techniques pour faciliter les avortements sélectifs en raison de la préférence accordée aux fils. De ce fait, en Inde, la Loi relative aux techniques de diagnostic prénatal (et amendements) (1994, en anglais) interdit et réprime le recours à toute forme de technologie pour déterminer et divulguer le sexe d'un foetus. Le texte avait à l'origine été promulgué en 1994 pour mettre un terme aux avortements liés au sexe du foetus et enrayer le déséquilibre démographique entre les sexes au sein de la population indienne. En raison des progrès récents, la loi continue toutefois d'être modifiée pour prendre en considération les nouvelles techniques qui permettent de sélectionner le sexe du foetus avant et après la conception.

     

     

    ÉTUDE DE CAS : Sierra Leone – Mariage forcé : un crime contre l'humanité

    Le rapport du Groupe d’experts des Nations Unies intitulé Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais) définit les situations de conflit et d'après-conflit comme des facteurs perpétuant les pratiques néfastes telles que le mariage forcé. Le document insiste sur le fait que l'affaire Procureur c. Brima, Kamara et Kanu (Affaire AFRC) (en anglais) en Sierra Leone a constitué un « jugement historique en reconnaissant, pour la première fois dans l'histoire, le mariage forcé en tant que crime contre l'humanité au titre du droit international pénal ». Dans cette affaire, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a porté son attention sur le recours à la force et à la coercition, sur l'existence d'une relation conjugale et sur le préjudice subi par la victime dans le cadre du conflit armé sévissant dans le pays. {Au cours du conflit, des combattants ont enlevé des jeunes filles et des femmes pour en faire des « épouses de brousse ». Ces femmes et ces jeunes filles ont été violées et ont servi d'esclaves sexuelles. Elles ont également été contraintes d'effectuer certains travaux comme la cuisine et le ménage ainsi que des tâches de portage. Dans les situations de ce type, le mariage forcé s'accompagnait d'esclavage sexuel et de travail forcé. Le Tribunal a toutefois distingué les crimes de mariage forcé et d'esclavage sexuel, définissant le mariage forcé comme la « situation où l’auteur du délit, par ses paroles ou par ses agissements, ou par ceux de quelqu’un dont les actes relèvent de sa responsabilité, oblige une autre personne par l’usage de la force, la menace d’usage de la force ou la contrainte, à lui servir de partenaire conjugal, causant des souffrances graves ou un traumatisme physique, mental ou psychologique à la victime ». Pour la première fois de l'histoire, le Tribunal a considéré le mariage forcé comme un « autre acte inhumain » au titre des crimes contre l'humanité définis par le droit international pénal. Voir : Procureur c. Brima, Kamara et Kanu (affaire AFRC) (en anglais), Tribunal spécial pour la Sierra Leone, 2008, § 190.

    Abrogation des dispositions contradictoires des lois coutumières et religieuses

    Les pratiques néfastes préjudiciables aux femmes sont profondément ancrées dans les croyances culturelles et les usages. Le droit d’adopter et de pratiquer la culture de son choix est un droit fondamental précieux, mais il ne prévaut pas sur le fait de protéger les femmes et les enfants des pratiques néfastes qui les privent de la jouissance de leurs autres droits fondamentaux universellement reconnus. Le cadre juridique et politique international établit clairement que les États ne peuvent invoquer la culture, la tradition ou la religion pour justifier ou défendre les pratiques néfastes. Dans le cadre des nouvelles lois, le législateur doit par conséquent faire en sorte que le droit et les usages coutumiers n'autorisent ni ne tolèrent ces pratiques.

    De nombreux pays possèdent plusieurs systèmes de justice et il n'est pas rare de voir coexister un système officiel avec un système coutumier, voire avec un dispositif coutumier reconnu par l'État. Il peut survenir des contradictions entre ces dispositifs, aussi bien au niveau de la formulation des lois que de leur mise en œuvre. L'un peut protéger les femmes des discriminations tandis qu'un autre peut s'avérer contradictoire, dans ses lois ou dans la pratique, et être discriminant envers les femmes. Le législateur devra tout particulièrement réexaminer les éventuelles contradictions entre le droit coutumier et le droit religieux. Il devra également se pencher sur les situations de doubles systèmes de justice, où le droit civil s'applique parallèlement au droit coutumier ou au droit religieux régissant le droit de la famille ou le droit immobilier, lesquels ont souvent été susceptibles d'engendrer des discriminations à l'égard des femmes. La nouvelle législation doit résoudre les contradictions entre le droit coutumier et le droit officiel en respectant les droits fondamentaux des victimes et les principes d'égalité entre les sexes. Voir : Manuel ONU, p. 15. Lorsqu'il n'existe pas de garantie constitutionnelle de la primauté du droit officiel sur le droit coutumier, le législateur devra envisager, dans la nouvelle législation, une disposition accordant la primauté au système juridique le plus en conformité avec les normes juridiques internationales. Les nouveaux textes doivent veiller à ce que toute loi relative à la primauté du droit officiel prévoie la participation de responsables locaux et coutumiers pour faciliter la mise en œuvre de ces garanties. La nouvelle législation doit s'attacher à ce que le recours à un dispositif de jugement coutumier n'empêche pas la victime de se tourner vers le système de justice officiel.

    Le législateur doit aussi envisager de faire précéder les dispositions condamnant les pratiques néfastes de références aux obligations juridiques internationales exigeant des États qu'ils modifient ce type de pratiques. Par exemple, au titre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, les États sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel qui constituent des discriminations à l'égard des femmes (art. 5(a)). De même, la Recommandation générale n° 19 du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dispose :

    « Les attitudes traditionnelles faisant de la femme un objet de soumission ou lui assignant un rôle stéréotypé perpétuent l’usage répandu de la violence ou de la contrainte, notamment les violences et les sévices dans la famille, les mariages forcés, les meurtres d’épouses pour non-paiement de la dot, les attaques à l’acide, l’excision. De tels préjugés et de telles pratiques peuvent justifier la violence fondée sur le sexe comme forme de protection ou de contrôle sur la femme. Cette violence, qui porte atteinte à l’intégrité physique et mentale des femmes, les empêche de jouir des libertés et des droits fondamentaux, de les exercer et d’en avoir connaissance au même titre que les hommes. »

    Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes s'est également déclaré préoccupé par les pratiques qui défendent la culture au détriment de la suppression des discriminations. Dans les Observations finales du Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes : Népal (1999), le Comité a déploré le fait que, dans son interprétation des lois discriminatoires, la Cour suprême du Népal accorde la priorité à la préservation de la culture et des traditions. Par ailleurs, le Comité des droits de l'homme a attiré l'attention sur les droits des minorités qui constituent une atteinte aux droits des femmes. Dans son Observation générale n° 28, il établit que les « droits que l'article 27 du Pacte reconnaît aux membres des minorités pour ce qui est de leur langue, de leur culture et de leur religion ne sauraient autoriser un État, un groupe ou une personne à violer le droit des femmes d'exercer à égalité avec les hommes tous les droits énoncés dans le Pacte, y compris le droit à l'égale protection de la loi » (§ 32). Le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique exige également que les États parties interdisent « toutes les formes de pratiques néfastes qui affectent négativement les droits humains des femmes » et prennent toutes les mesures législatives et autres pour protéger les femmes du risque de subir des pratiques néfastes ou toute autre formes de violence, d’abus et d’intolérance (art. 5). De la même manière, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant exhorte les États à « prendre toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du Bien-être, de la dignité, de la croissance et du développement normal de 1'enfant », y compris les coutumes et les pratiques qui constituent une discrimination fondée sur le sexe (art. 21).

    Voir le module sur les crimes « d'honneur ».

    Voir le chapitre ci-dessus intitulé Garantie d'une protection constitutionnelle à propos de la primauté de la constitution et des lois nationales.

     

    Pratique encourageante : Afrique du Sud - Loi de 2000 relative à la défense de l'égalité et à la prévention des discriminations injustes (n° 20876), ch. 2, art. 8 (en anglais)

    En Afrique du Sud, la Loi relative à la défense de l'égalité et à la prévention des discriminations injustes (en anglais) interdit toutes les formes de discrimination fondée sur le sexe, y compris les mutilations génitales féminines et les politiques discriminatoires en matière de propriété et d'accès aux services médicaux, à l'éducation et à l'emploi. Le texte restreint en particulier les pratiques traditionnelles, coutumières et religieuses qui perpétuent ces formes de discrimination liée au sexe, ainsi que d'autres :

    Interdiction des discriminations injustes fondées sur le sexe

    8. Aux termes de l’article 6, nul ne peut faire subir à autrui des pratiques discriminatoires en raison de son sexe, notamment

    a) des violences liées au sexe ;

    b) des mutilations génitales féminines ; 

    c) le mécanisme empêchant les femmes d'hériter des biens familiaux ;

    d) toute pratique, notamment traditionnelle, coutumière ou religieuse, portant atteinte à la dignité des femmes et compromettant l'égalité entre hommes et femmes, y compris toute pratique portant préjudice à la dignité et au bien-être des fillettes ;

    e) toute politique ou tout comportement qui restreint de façon injuste la possibilité pour les femmes de jouir de leurs droits fonciers et des ressources financières ou d'une autre nature ;

    f) toute discrimination pour cause de grossesse ;

    g) toute restriction de l'accès des femmes aux services sociaux ou aux prestations sociales, notamment en matière de santé, d'éducation et de sécurité sociale ;

    h) la privation de l'accès à certaines opportunités, notamment à des services ou des opportunités contractuelles de rendre des services moyennant contrepartie, ou l'absence de mesures pour répondre raisonnablement aux besoins de ces personnes ;

    i) l'inégalité des chances généralisée subie par les femmes du fait d'une répartition du travail fondée sur des critères sexuels.

    (Les passages soulignés le sont par nos soins