Il convient de s’appuyer sur les principes fondamentaux suivants lors de l’élaboration d’une loi relative aux pratiques néfastes :
- la loi doit clairement interdire la discrimination et la violence contre les femmes et protéger les femmes de la discrimination et de la violence ;
- elle doit être exhaustive et ériger en infraction pénale toutes les formes de violence à l’égard des femmes (voir le Manuel de législation sur la violence à l’égard des femmes publié par les Nations Unies, 3.1.2) ;
- le législateur doit reconnaître les pratiques néfastes comme une forme de discrimination et de violence contre les femmes ;
- il doit évaluer la forme prise par ces pratiques dans un domaine donné ainsi que leur ampleur, et rédiger des lois interdisant les coutumes, les pratiques et les comportements sociaux et culturels qui sont discriminants envers les femmes et les filles et qui perpétuent les pratiques néfastes ;
- les lois doivent exiger des gouvernements qu'ils recueillent des données sur la fréquence des pratiques néfastes et sur les différents types de pratiques dans leurs pays respectifs, et faire en sorte que les magistrats du parquet, les prestataires de services et le personnel médical soient sensibilisés aux diverses pratiques néfastes potentielles et formés à déceler les victimes ainsi qu'à intervenir de façon utile ;
- toute loi doit clairement condamner, interdire et sanctionner les pratiques néfastes, notamment les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, le mariage des enfants, la maltraitance des veuves, les crimes d'honneur, les violences liées à la dot, les fœticides et les infanticides féminins ;
- elle doit définir, réprimer et punir de manière spécifique les pratiques néfastes. Bien que des poursuites pour pratiques néfastes puissent être engagées au titre de dispositions générales du droit, comme celles qui répriment les coups et blessures, ou de certaines mesures constitutionnelles garantissant, par exemple, l'égalité des personnes ou la protection contre la violence, le législateur doit, pour que les textes soient applicables de manière effective, élaborer des lois sanctionnant spécifiquement les pratiques néfastes ;
- le législateur doit veiller à ce que les pratiques néfastes fassent l'objet de lois « individuelles » sur un type de pratique donné ou soient intégrées à une « loi globale » portant sur les diverses formes de violence contre les femmes ;
- il doit prévoir des protections contre les pratiques néfastes dans le cadre des violences familiales et de la protection de l'enfance ;
- la loi doit exiger qu'il soit fait preuve de la diligence requise pour prévenir toutes les formes de violence contre les femmes, enquêter sur ces actes et en punir les auteurs, y compris les violences traditionnellement considérées comme relevant de la famille ou de la culture ;
- la législation doit être globale dans le sens où elle doit non seulement ériger en infraction les pratiques néfastes mais aussi prévoir l'adoption de mesures obligatoires visant à empêcher ces pratiques, ainsi qu'allouer des fonds et mettre en place des formations en vue de la mise en œuvre des textes ;
- elle doit veiller à ce que les auteurs de pratiques néfastes soient tenus de rendre des comptes et exiger que la sanction infligée reflète la gravité des faits ;
- la loi doit écarter la possibilité d'invoquer des circonstances atténuantes lors du prononcé du jugement d'une personne accusée de pratiques néfastes ;
- elle doit garantir un soutien juridique, médical, éducatif, économique et social aux victimes ;
- elle doit prévoir la possibilité de rendre des ordonnances de protection civiles pour les victimes de pratiques néfastes ;
- elle doit rendre obligatoire la collecte de données sur la fréquence des pratiques néfastes spécifiques dans la zone où elle s’applique, ainsi que sur leurs conséquences et les réponses apportées ;
- la législation doit mettre en place et imposer un financement des mesures de sensibilisation aux pratiques néfastes et aux droits fondamentaux des femmes destinées à tous les secteurs et à la formation des représentants de l'État, des professionnels de la justice et des prestataires de services ;
- elle doit prévoir une coopération avec la société civile et les chefs traditionnels et religieux.
(Voir : Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, art. 5 ; Fiche d'information des Nations Unies n° 23, Pratiques traditionnelles néfastes préjudiciables à la santé des femmes et des enfants (en anglais) ; Recommandation générale n° 19 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et Plan d'action visant à l'élimination des pratiques traditionnelles préjudiciables affectant la santé des femmes et des enfants.)
Ainsi, la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités (Commission des droits de l’homme de l’ONU) a adopté un Plan d'action visant à l'élimination des pratiques traditionnelles préjudiciables affectant la santé des femmes et des enfants incluant des recommandations à propos de certaines formes de pratiques néfastes, dont la préférence accordée aux garçons, les mariages précoces, les pratiques d'accouchement et la violence contre les femmes et les filles. Le Plan énonce les éléments d'action suivants en matière de violence contre les femmes et les filles :
Violence contre les femmes et les filles
(43) La violence contre les femmes et les filles est un phénomène mondial qui dépasse les frontières géographiques, culturelles et politiques et ne varie que dans ses manifestations et sa gravité. La violence en raison du sexe a existé de tout temps et existe encore à l'heure actuelle. Elle peut être manifeste, ou dissimulée et physique ou mentale. La violence contre les femmes, en particulier la mutilation des organes génitaux, la coutume consistant à brûler vive l'épouse survivante, la violence exercée en raison de la dot, le viol, l'inceste, les coups, le meurtre des foetus et des nouveau-nés de sexe féminin, le trafic et la prostitution, constituent une violation des droits de l'homme et ne relèvent pas simplement de la morale. Ces pratiques ont de graves incidences néfastes sur l'évolution économique et sociale des femmes et de la société et sont une expression de la situation inférieure dans laquelle les femmes sont maintenues dans la société.
(44) Les gouvernements devraient condamner ouvertement toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des enfants, en particulier des filles, et s'engager à faire face au problème et à éliminer ces pratiques.
(45) Afin de mettre un terme à toutes les formes de violence à l'égard des femmes, tous les médias existants devraient être mobilisés dans le but d'inciter la société à rejeter ce comportement humain totalement inacceptable.
(46) Les gouvernements devraient mettre en place des mécanismes de surveillance pour contrôler la représentation dans les médias de toutes formes de violence à l'égard des femmes.
(47) La violence étant une forme d'aberration sociale, les gouvernements devraient encourager la transformation des attitudes sociales afin que les victimes de la violence ne souffrent pas de handicaps permanents ou de sentiment de culpabilité et ne se mésestiment pas.
(48) Les gouvernements devraient promulguer et revoir régulièrement des lois visant à lutter efficacement contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes et des enfants, en particulier le viol. À cet égard, des peines sévères devraient être imposées aux auteurs de viols et de trafic et des tribunaux spécialisés devraient être créés pour traiter de ces affaires rapidement et exercer un effet de dissuasion.
(49) Tous les gouvernements devraient condamner clairement le meurtre des foetus et des nouveau-nés de sexe féminin en tant que violation flagrante du droit fondamental des filles à la vie.
(50) Les affaires de viol devraient être traitées à huis clos, aucun détail ne devrait être donné et les victimes devraient bénéficier d'une aide judiciaire.
(51) Les gouvernements devraient condamner et rendre illégales les pratiques traditionnelles concernant la dot et le prix de l'épouse. La pratique consistant à brûler vive l'épouse survivante devrait également être condamnée et une lourde peine devrait être imposée aux coupables.
(52) Les familles, le personnel médical et les témoins devraient être encouragés à signaler et à faire enregistrer toutes les formes de violence.
(53) Davantage de femmes devraient occuper des postes au sein des forces de l'ordre, de l'appareil judiciaire, de la profession médicale et des services consultatifs.
(54) Tous les membres du personnel responsable de l'application des lois devraient être sensibilisés à la discrimination fondée sur le sexe et la formation dans ce domaine devrait faire partie de tous les stages et cours de perfectionnement des établissements de formation des membres de la police.
(55) Des mécanismes permettant d'établir des réseaux et des échanges de renseignements sur la violence devraient être créés puis renforcés.
(56) Les gouvernements devraient offrir aux victimes de toutes les formes de violence des refuges et des services de conseil et de réadaptation. Ils devraient également fournir aux victimes une assistance judiciaire gratuite.
(57) Les gouvernements devraient organiser des campagnes d'information pour accroître les connaissances juridiques des femmes et diffuser des informations par tous les moyens disponibles, en particulier par l'entremise des programmes des ONG et dans le cadre des cours d'alphabétisation et des programmes scolaires.
(58) Les gouvernements devraient encourager la recherche sur la violence à l'égard des femmes et créer des bases de données sur ce sujet et les mettre à jour.
(59) Les collectivités devraient être davantage mises en garde contre la violence exercée en raison du sexe, y compris dans les foyers.
(60) Au niveau national, les gouvernements devraient encourager la création d'institutions indépendantes et autonomes de supervision chargées d'enquêter sur les violations des droits des femmes, par exemple des commissions nationales pour les femmes composées de particuliers et d'experts indépendants du gouvernement.
(61) Les gouvernements qui ne l'ont pas encore fait sont priés instamment de ratifier la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant, afin de veiller au respect total de l'égalité des sexes dans tous les domaines de la vie. Les États parties à ces conventions doivent en mettre en oeuvre les dispositions afin d'atteindre les objectifs qui y sont énoncés, notamment l'élimination de toutes les pratiques traditionnelles préjudiciables.
(62) Les ONG devraient faire tout leur possible pour porter tous les renseignements existants sur les violences systématiques et massives commises à l'égard des femmes et des enfants, en particulier des filles, à l'attention des organes compétents de l'ONU, notamment du Centre pour les droits de l'homme et de la Commission de la condition de la femme, ainsi que des institutions spécialisées, pour que ces derniers prennent les mesures nécessaires. Ces renseignements devraient également être communiqués aux gouvernements intéressés, aux commissions de défense des droits des femmes et aux organisations de protection des droits de l'homme.
(63) Les organisations de défense des droits des femmes devraient mobiliser tous les efforts, y compris dans le domaine de la recherche, pour éliminer les notions préjudiciables et intériorisées qui donnent une image diminuée de la femme. Elles devraient prendre des mesures pour accroître la prise de conscience parmi les femmes de leur potentiel et de leur valeur, l'absence de cette prise de conscience étant l'un des facteurs contribuant au maintien de la discrimination.