Le législateur doit inclure des dispositions garantissant des prestations et des services pour répondre aux besoins physiques, psychologiques et sociaux des victimes de la traite. Voir : Protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes, art. 6, § 3 ; Législation type complète visant à combattre la traite des personnes, Polaris Project, art. 3.9, 2006 (en anglais) ; Dispositions types des lois nationales contre la traite, « Mesures de protection pour les victimes de la traite – Suggestion de formulation », Centre des femmes et de l’action des pouvoirs publics, p. 6, 2005 (en anglais) ; Loi type sur la protection des victimes de la traite des êtres humains rédigée à l’intention des États fédérés des États-Unis d’Amérique, division D, 2005 (en anglais).
Le module 3 du Manuel de l’ONUDC contre la traite des êtres humains à l’intention des praticiens du droit pénal (2009, en anglais) évoque l’impact psychologique d’une situation de traite et ses effets sur les victimes.
Les prestations et les services doivent inclure la prise en charge des affaires, l’offre d’un logement, de soins de santé, de services d’interprétation (le cas échéant) et de services juridiques, ainsi que des possibilités en matière d’éducation et de formation. En 2008 et 2009, l’Association Animus, organisation bulgare, a créé des programmes de formation professionnelle du fait de l’importance de réintégrer les victimes de la traite dans l’économie. Voir : Réponse de l’Association Animus (en bulgare/anglais) à une lettre d’information, février 2010.
Les services d’aide au logement doivent couvrir plusieurs formes d’hébergement : d’urgence, provisoire et permanent. Les services de santé doivent traiter les affections préexistantes des victimes et les conséquences immédiates et durables de la situation de traite, et soigner notamment la toxicomanie et la dépendance à des substances chimiques. Les victimes de la traite doivent avoir accès à des services juridiques, et notamment être représentées par des avocats spécialistes du droit pénal et du droit de l’immigration. Voir : Évaluation des besoins en matière de traite à des fins sexuelles pour l’État du Minnesota, recommandation 2.1, 2008 (en anglais).
ÉTUDE DE CAS :
En juin 2009, l’organisation non gouvernementale albanaise Différents et égaux a publié un rapport intitulé Étude sur la réintégration sociale et économique des victimes de la traite en Albanie (en albanais/anglais), élaboré à partir d’interviews de victimes et d’organismes d’assistance ainsi que de travaux de recherche annexes. Ce rapport offrait une synthèse des deux principaux types d’assistance aux victimes de la traite disponibles en Albanie, incluant à la fois des programmes d’hébergement et d’autres services.
Le gouvernement albanais a créé le Centre national d’accueil des victimes de la traite (NRCVT), qui offre un hébergement sûr aux personnes qui ont fait l’objet de la traite ou risquent de l’être. Un autre centre d’accueil, Vie et espoir, situé à la frontière avec la Grèce, vient en aide pendant sept à dix jours aux personnes qui arrivent à la frontière. Les organisations non gouvernementales Différents et égaux, Vatra et Une autre vision offrent un logement indépendant ou semi-indépendant. Reconnaissant par ailleurs l’importance d’un hébergement et d’une assistance de transition et à long terme, ces organisations fournissent trois types d’aide : une assistance initiale visant à répondre aux besoins immédiats d’une victime de la traite, une assistance à moyen terme pour aider la victime à construire une vie semi-indépendante et une assistance à long terme pour garantir sa réintégration dans la société tout en assurant un contrôle et un suivi. Les victimes bénéficient aussi d’autres services de la part des organisations non gouvernementales et des institutions de l’État, parmi lesquels une assistance juridique, des conseils psychologiques, une aide à l’emploi et une assistance médicale.
Les organisations non gouvernementales mentionnées plus haut se sont alliées au NRCVT pour créer la Coalition nationale des foyers albanais (NCASh) et élaborer des normes relatives à l’assistance aux victimes de la traite. Au nombre des initiatives positives citées dans le rapport figurent des mécanismes de coopération plus formels reposant sur des protocoles d’accord entre le Bureau national de coordination de la lutte contre la traite et des organisations non gouvernementales, un système de gestion globale de l’information, une Commission sur la protection des données, une formation sur la traite des êtres humains à l’intention des municipalités et un programme octroyant des microcrédits aux entreprises créées par des victimes de la traite.
Bien que des progrès importants aient été réalisés en Albanie, le rapport de juin 2009 contient un certain nombre de recommandations pour renforcer l’action contre la traite, dont l’allocation constante d’un financement tant public que privé aux foyers et aux services d’aide au logement, la réparation financière des victimes par l’intermédiaire d’un fonds public, la décentralisation des services d’aide aux victimes rendus ainsi disponibles au niveau local, une attention accrue à l’emploi pour les victimes et au suivi des employeurs pour s’assurer qu’ils n’exploitent pas leurs employés, la gratuité des services de santé pour les victimes, un dispositif de protection des témoins et une attention particulière aux enfants des victimes de la traite. Voir : Réponse de Différents et égaux, février 2010 ; Étude sur la réintégration sociale et économique des victimes de la traite en Albanie, 2009 (en albanais/anglais).
L’accès aux prestations et services ne doit pas être conditionné par la participation des victimes à l’enquête et aux poursuites visant le trafiquant présumé, ni dépendre de la situation des victimes au regard de la législation sur l’immigration. Voir : Protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes, art. 6, § 2-4. Les services doivent être assurés dès lors qu’une victime de la traite est identifiée, pendant toute la durée d’une procédure pénale, d’une action civile ou autre engagée contre les trafiquants présumés, et jusqu’à ce que la victime soit rétablie. Voir : Évaluation des besoins en matière de traite à des fins sexuelles pour l’État du Minnesota, recommandation 2.1, 2008 (en anglais).
Les pouvoirs publics doivent prévoir des fonds pour ces prestations et services, et ces fonds pourraient être accordés à des organisations non gouvernementales à même de fournir ce type d’assistance aux victimes. Plusieurs pays ont suivi ce modèle. La République tchèque a assigné 283 000 dollars à des organisations non gouvernementales pour qu’elles aident à tous les niveaux et hébergent 76 victimes en 2008. Voir : Rapport 2009 du département d’État américain sur la traite des personnes, p. 120 (en anglais). Le Royaume-Uni a affecté 1,95 million de dollars à un centre d’hébergement pour victimes de la traite à des fins sexuelles (voir p. 294). Au Danemark, les organisations non gouvernementales se sont vu octroyer près de 1,7 million de dollars pour fournir une aide juridique et médicale, un soutien psychologique en vue de la réadaptation des victimes et un hébergement (p. 121). La République de Corée a quant à elle financé la prise en charge des victimes à hauteur de 10,9 millions de dollars, cette somme étant assignée à des centres de soutien psychologique, des foyers et des centres d’hébergement offrant aux victimes une aide juridique et médicale, des conseils et des formations professionnelles (p. 177-178).