La législation sur le harcèlement sexuel en milieu éducatif doit faire obligation aux ministères de l’Éducation nationale, aux instances éducatives régionales et aux établissements d’enseignement de 1) prévenir, 2) enquêter sur, et 3) faire cesser les actes de harcèlement sexuel.
Prévention, élaboration de directives et formation
La loi anti-discrimination de la Suède donne un exemple de dispositions générales imposant aux écoles de prévenir le harcèlement sexuel :
Un éducateur tel que défini à la section 14 est tenu de prendre des mesures pour prévenir et empêcher qu’un enfant, un élève ou un étudiant qui participe à ses activités ou a demandé à y participer soit victime de harcèlement sexiste […] ou de harcèlement sexuel.
Voir : Loi anti-discrimination (en anglais), ch. 3, art. 15.
Les lois doivent imposer à chaque établissement éducatif d’élaborer et diffuser des directives anti-harcèlement, ce qui constituerait un important moyen de prévention.
Dans l’État de Californie, le Code de l’éducation (en anglais), art. 231.5, offre un exemple de texte obligeant les écoles à élaborer et diffuser aux élèves et au personnel des directives internes en matière de harcèlement sexuel :
…b) Chaque établissement éducatif de l’État de Californie établit des directives écrites en matière de harcèlement sexuel...
c) Les directives écrites de l’établissement éducatif en matière de harcèlement sexuel comprennent des informations sur l’endroit où il est possible de se procurer les règles et procédures à suivre pour signaler des cas de harcèlement sexuel et pour exercer les recours disponibles.
d) Un exemplaire des directives écrites de l’établissement éducatif en matière de harcèlement sexuel est affiché en un lieu visible dans le bâtiment administratif principal ou dans un autre endroit du campus ou du site de l’établissement. Par « lieu visible », on entend le lieu, ou les lieux, du bâtiment administratif principal ou ailleurs, où les informations concernant les règles, règlements, procédures et codes de conduite sont affichées.
e) Un exemplaire des directives écrites de l’établissement éducatif en matière de harcèlement sexuel, en ce qu’elles concernent les élèves, est fourni dans le cadre de tout programme d’accueil organisé pour les nouveaux élèves au début de chaque trimestre, semestre ou session d’été, selon le cas.
f) Un exemplaire des directives écrites de l’établissement éducatif en matière de harcèlement sexuel est fourni à chaque membre de l’équipe enseignante, à tous les membres du personnel administratif et à tous les membres du personnel auxiliaire au début de chaque trimestre ou semestre de l’année scolaire, ou lors du recrutement d’un nouvel employé.
g) Un exemplaire des directives écrites de l’établissement éducatif en matière de harcèlement sexuel figure dans toute publication de l’établissement énonçant l’ensemble des règles, règlements, procédures et codes de conduite applicables dans l’établissement.
Par ailleurs, les établissements doivent veiller à ce que leurs directives reflètent les lois nationales anti-discrimination ainsi que les obligations relatives à la prévention de la violence et de la discrimination à l’égard des femmes et des filles et découlant des traités internationaux. [Internal link to section Droit international above] Les recommandations suivantes peuvent constituer une trame utile pour l’élaboration par les établissements scolaires de leurs directives internes de lutte contre le harcèlement sexuel:
Les directives internes d’un établissement scolaire en matière de harcèlement sexuel doivent :
- affirmer la détermination de l’établissement à prévenir le harcèlement sexuel ;
- donner des exemples d’agissements couverts par la politique interne ;
- indiquer le type d’activités et de lieux où des agissements prohibés pourraient se produire ;
- expliquer les méthodes que l’établissement compte employer pour enquêter sur les incidents de harcèlement sexuel ;
- dire clairement que l’établissement prendra des mesures pour empêcher les faits de harcèlement sexuel de se reproduire ;
- définir les procédures à suivre pour déposer une plainte officielle pour harcèlement sexuel ;
- indiquer les noms, fonctions et coordonnées des personnes chargées de recevoir et de gérer les plaintes ;
- ordonner aux membres du personnel et aux autres personnes travaillant dans l’enceinte de l’établissement de signaler les faits de harcèlement sexuel dont ils sont témoins ou dont ils ont connaissance ;
- interdire toutes représailles à l’égard des personnes qui signalent des faits de harcèlement ou qui participent aux procédures associées ;
- expliquer que la confidentialité sera maintenue autant que possible (pour les victimes, les personnes présentes, etc.) et que les victimes ou les témoins ne seront pas obligés d’être confrontés aux auteurs du harcèlement ;
- indiquer que l’objectif de toute enquête ou procédure est de parvenir à une solution juste qui comprenne des mesures appropriées et correctives.
Pour élaborer leurs directives internes en matière de harcèlement sexuel, les établissements scolaires doivent :
- impliquer dans le processus d’élaboration toutes les catégories de personnes concernées par ces directives (élèves, parents, enseignants, personnel) ;
- faire participer tous les membres de la communauté éducative (par exemple le juriste de l’établissement, les organismes d’État et les autres individus ou organismes connaissant les problèmes de harcèlement et les questions relatives aux droits civiques) ;
- veiller à ce que les personnes participant à l’élaboration des directives reçoivent une formation et aient accès à des spécialistes pouvant les conseiller sur la rédaction de directives justes et complètes ;
- diffuser largement les directives dans tout l’établissement et la communauté par des affichages publics, lors de discussions avec les élèves et les adultes, lors des réunions parents-enseignants, et dans les langues parlées par la population de l’établissement ;
- fixer un délai et affecter des ressources à la mise en œuvre de la politique, notamment pour la formation des membres du personnel ;
- aligner leurs directives sur les autres réglementations du district, telles que les codes de conduite écrits et les guides à l’usage du personnel et des élèves.
Voir : AAUW, Comment mettre fin au harcèlement sexuel dans les établissements scolaires ? (en anglais), 23, 2004 ; Amnesty International, Des écoles plus sûres - un droit pour toutes les filles, 2008.
Les lois portant sur le harcèlement sexuel en milieu éducatif doivent imposer aux établissements d’informer les élèves, le personnel et les parents du problème du harcèlement sexuel. Il est également recommandé d’intégrer une instruction sur le sujet dans le programme scolaire : c’est un bon moyen de prévenir le harcèlement en apprenant aux élèves à s’exprimer. Plusieurs organismes dispensent des informations sur la manière de sensibiliser au harcèlement sexuel les enseignants, le personnel, et particulièrement les élèves de sexe féminin.
En Égypte, le Centre égyptien pour les droits des femmes (en arabe et anglais) a mené pendant plusieurs années une campagne de sensibilisation au harcèlement sexuel, notamment au harcèlement sur les enfants. L’association a réalisé un film et un manuel pédagogique comprenant des jeux destinés à informer les enfants sur le harcèlement sexuel sans générer de craintes excessives. Womankind (en anglais), une association britannique qui travaille avec des jeunes pour leur faire concevoir des campagnes contre les brimades sexuelles, encadre des élèves qui vont enquêter auprès de camarades sur leurs expériences de harcèlement sexuel. L’Association canadienne pour la santé en milieu scolaire maintient un site web proposant de nombreux plans de leçons sur le harcèlement sexuel adaptés aux élèves de différents âges, pouvant être intégrés aux matières enseignées en classe. La Commission australienne des droits de la personne a également élaboré un programme d’apprentissage appelé Lutter contre le harcèlement sexuel dans votre établissement scolaire (en anglais).
ÉTUDE DE CAS – Costa Rica
Dans le cadre de la mise en œuvre de sa Loi n° 7476 sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et en milieu éducatif (en espagnol), le Costa Rica a entrepris une vaste action d’information et de sensibilisation du public au harcèlement des adolescentes. Le Centre national pour le développement de la femme et de la famille a lancé un Programme sur les adolescentes comprenant une enquête nationale. L’enquête a été menée dans des collèges publics, privés, semi-officiels et techniques de tout le pays dans le but d’évaluer le degré de connaissance de la loi et de recueillir des données sur la fréquence du harcèlement sexuel dans le milieu éducatif. Le programme incluait également une campagne médiatique ciblée sur la prévention, la sanction et l’élimination du harcèlement sexuel des jeunes filles. Enfin, il a dispensé de la formation sur la prévention du harcèlement sexuel aux conseillers d’orientation, aux enseignants, au personnel administratif et aux élèves adolescents des établissements d’enseignement secondaire, ainsi qu’aux étudiants des universités. Les pouvoirs publics ont aussi réalisé des supports pédagogiques avec l’appui des Nations Unies et de l’Union européenne, notamment « Dites non au harcèlement sexuel » et « Harcèlement sexuel : comment réagir ». Voir : Premier, deuxième et troisième rapports périodiques combinés des États parties – Costa Rica, CEDAW/C/CRI/1-3.
Enquêtes
Les lois doivent imposer aux établissements scolaires d’enquêter immédiatement sur toute allégation de harcèlement sexuel. Aux termes de la loi suédoise par exemple, si une structure éducative « apprend qu’un enfant, un élève ou un étudiant participant aux activités de la structure ou candidat à une admission estime avoir été victime, en rapport avec ces activités, de harcèlement ou de harcèlement sexuel, la structure éducative a l’obligation d’enquêter sur les circonstances du harcèlement allégué et, le cas échéant, de prendre les mesures pouvant raisonnablement être exigées pour prévenir de nouveaux actes de harcèlement ». Voir : Loi anti-discrimination (en anglais), ch. 2, art. 7.
Les enquêtes doivent être menées de façon confidentielle, et les victimes être tenues informées de leur avancement et de leur résultat. Lorsque le harcèlement est avéré, les lois et règlements doivent prévoir que des mesures soient prises pour minimiser le poids pesant sur la victime, par exemple en séparant la victime et l’auteur du harcèlement. Aux États-Unis, le ministère fédéral de l’Éducation présente des bonnes pratiques en matière d’enquête sur des cas de harcèlement sexuel en milieu éducatif dans sa publication Protéger les élèves du harcèlement et des actes de haine : un guide pour les établissements scolaires (en anglais).
Sanctions
Les mesures qui peuvent être prises face à un cas de harcèlement sexuel d’un élève comprennent, outre des mesures de soutien aux élèves affectés, le renvoi ou d’autres sanctions pour les adultes impliqués, l’introduction de changements dans l’établissement, et des amendes ou des sanctions pénales. Beaucoup de lois nationales prévoient que les auteurs de harcèlement sexuel soient punis personnellement, que ce soit par des sanctions pénales, le renvoi ou des peines civiles. Bien que la responsabilité individuelle soit essentielle, il est également important, pour protéger les filles et les femmes du harcèlement sexuel, que les établissements éducatifs soient juridiquement responsables des mesures qu’ils prennent pour assurer la sécurité des élèves.
Japon:
Dans l’enseignement supérieur, le harcèlement sexuel en milieu éducatif et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail se chevauchent souvent. Au Japon, un professeur de l’Université du Tohoku a été condamné à verser 9 millions de yens de réparations à une étudiante assistante. La Haute Cour de Sendai a estimé qu’il l’avait harcelée en exigeant qu’elle ait une relation sexuelle avec lui, et lorsqu’elle avait essayé de mettre fin à cette relation, il avait exigé qu’elle réécrive sa thèse de doctorat. Voir : Un professeur condamné à payer 9 millions de yens pour harcèlement sexuel, Asian Economic News, 10 juillet 2000.
États-Unis:
Aux États-Unis, les financements fédéraux aux établissements éducatifs sont conditionnés au respect de la législation interdisant le harcèlement sexuel des élèves en tant que forme de discrimination. Tout établissement – qu’il soit public ou privé – qui reçoit des fonds du gouvernement des États-Unis doit se conformer aux dispositions du Titre IX. En vertu du Titre IX, les établissements éducatifs ont l’obligation de publier des directives contre le harcèlement sexuel, de faire connaître les procédures à suivre pour déposer une plainte, et d’avoir un coordinateur chargé des affaires relevant du Titre IX. Voir : ministère de l’Éducation des États-Unis, Harcèlement sexuel : zéro de conduite (en anglais), 16 sept. 2008. Les coordinateurs sont des personnes spécialement désignées et formées pour aider les établissements à être en conformité avec les dispositions du Titre IX, qui portent notamment sur la prévention du harcèlement sexuel mais vont bien au-delà. Dans la jurisprudence, le Titre IX a été interprété comme pouvant rendre les districts scolaires passibles de réparations financières lorsque des élèves sont victimes de harcèlement, de la part d’un enseignant ou d’un autre élève, lorsqu’« un responsable habilité à faire cesser la discrimination avait effectivement eu connaissance de la discrimination et avait omis de réagir, de sorte que le manquement a constitué une indifférence délibérée ». Voir : Gebser c. District scolaire indépendant de Lago Vista, 524 U.S. 274 (1989) (en anglais) ; Davis c. Conseil scolaire du comté de Monroe, 526 U.S. 629 (1999) (en anglais). Ces règles de responsabilité sont sévères, mais la menace d’une action en responsabilité peut faire évoluer les pratiques des établissements éducatifs.