Obligations légales de l’employeur

Dernière modification: January 13, 2011

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Les employeurs doivent être tenus par la loi de prendre toutes les mesures raisonnablement nécessaires pour créer un environnement de travail sûr pour les femmes. Par exemple, la loi du Bénin impose au chef d’entreprise de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir le harcèlement sexuel. Voir : Loi sur le harcèlement sexuel, 2006. La Finlande prévoit que les employeurs doivent « veiller, dans toute la mesure du possible, à ce qu’un employé ne soit pas victime de harcèlement sexuel ». Voir : Loi relative à l’égalité entre les femmes et les hommes (en anglais), art. 6. Cela requiert au minimum de l’employeur qu’il réagisse immédiatement à des allégations de harcèlement et qu’il prenne des mesures correctives au besoin. Les obligations légales de l’employeur doivent également comprendre l’élaboration et la diffusion de directives, des formations régulières, l’adoption de procédures effectives de plainte et d’enquête, ainsi qu’un travail de collecte de données et d’établissement de rapports.

 

Réaction immédiate

Toutes les lois doivent imposer aux employeurs de prendre des mesures immédiates face à une plainte pour harcèlement sexuel. Il s’agit d’enregistrer la plainte, de faire cesser tout harcèlement allégué, d’ouvrir une enquête et d’apporter un soutien à la victime. Au Belize par exemple, « un employeur prendra immédiatement les mesures qui s’imposent pour remédier à tout acte de harcèlement sexuel envers des employés sur le lieu de travail, lorsque l’employeur, ses agents ou ses superviseurs ont connaissance ou sont informés desdits agissements ». Voir : Loi relative à la protection contre le harcèlement sexuel (en anglais), art. 8.

 

 

ÉTUDE DE CAS – Chili

En 2003, la Cour suprême du Chili a reconnu le bien-fondé d’une plainte pour harcèlement sexuel malgré l’absence de lois l’interdisant expressément à l’époque. La plaignante avait informé le chef de son supérieur du harcèlement dont elle était victime, mais l’employeur n’avait rien fait pour y mettre fin. La plaignante a subi des souffrances morales et a dû finalement prendre un congé maladie pour cause de stress lié au travail en raison du harcèlement sexuel dont elle continuait d’être victime de la part de son supérieur direct. La Cour s’est prononcée en faveur de la plainte pour licenciement indirect dû à une violation de l’article 184 du Code du travail, en vertu duquel les employeurs sont tenus de protéger la santé et la sécurité de leurs employés. La Cour a également invoqué l’article 19 de la Charte fondamentale (qui reconnaît à chaque individu le droit à la vie et à l’intégrité physique et psychique ainsi qu’au respect et à la protection de la vie et de l’honneur personnel et familial) pour condamner l’absence de réaction de l’employeur. Elle a déclaré en outre que l’employeur n’avait pas agi de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail. La Cour n’a pas donné de définition légale du harcèlement sexuel, indiquant seulement que la plaignante avait qualifié à juste titre sa situation de harcèlement sexuel. En 2008, une plainte pour licenciement indirect a été déclarée fondée, sur la base des mêmes arguments : des faits de harcèlement sexuel avaient été signalés à un autre employeur qui n’avait rien fait pour remédier à la situation. Voir : Cour suprême, 09/04/2003, 27092002 Dginnia Giovanna Riveri Cerón c. Fundación Comunicaciones Cultura Capacitación Agro ; Cour d’appel de Santiago, 27/05/2008, 44752007 Paola González Miranda c. Rodríguez Peñaloza y Compañía.

 

Élaboration de directives

Les lois doivent faire obligation aux employeurs d’établir et de diffuser à tous les employés et les non-employés présents sur le lieu de travail des directives internes interdisant le harcèlement sexuel et encourageant les employés et les autres personnes à signaler ces comportements. Aux Philippines par exemple, les employeurs sont tenus « a) d’adopter des règlements appropriés en consultation avec les employés et avec leur accord […]. Lesdits règlements publiés en vertu du présent sous-paragraphe a) comprennent, entre autres, des recommandations sur la bienséance dans les relations de travail… ». Voir : Loi n°7877 de la République des Philippines (en anglais), art. 4. Les directives internes doivent encourager les employés à signaler les faits de harcèlement avant qu’ils ne s’aggravent ou ne deviennent omniprésents. L’entreprise devrait afficher les directives internes en permanence sur le lieu de travail et les revoir périodiquement. Les directives de l’entreprise en matière de harcèlement doivent être adoptées par la personne idoine au sein de l’entreprise, et désigner cette personne comme ayant la responsabilité ultime de prévenir le harcèlement dans l’entreprise. Les directives doivent donner la liste des mesures disciplinaires pouvant être prises à l’encontre d’un employé qui s’est rendu coupable de harcèlement sexuel sur un autre employé ou a exercé des représailles sur un employé ayant signalé un harcèlement sexuel ou ayant témoigné dans une enquête sur un harcèlement sexuel. Les directives doivent également prévoir des mesures correctives visant à muter l’employé ou l’employée au poste qui aurait été le sien s’il ou elle n’avait pas été victime du harcèlement. À Lagos (Nigéria), l’école de commerce de l’Université panafricaine a publié sur son site web des modèles de directives en matière de harcèlement sexuel (en anglais) destinés aux petites et moyennes entreprises ; les modèles présentés ne sont pas basés sur un cadre légal national particulier. Voir : Responsabilités de l’employeur (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights.

 

ÉTUDE DE CAS – Le Code de bonnes pratiques de l’Afrique du Sud

En Afrique du Sud, le Conseil national du développement économique et du travail (NEDLAC) a adopté un Code de bonnes pratiques sur la gestion du harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Bien qu’il n’ait pas force de loi, le Code définit les principes directeurs relatifs aux enquêtes sur des signalements de harcèlement, à la confidentialité, à la formation, et à l’élaboration de procédures pour le traitement des cas de harcèlement sexuel. Le Code fournit également des lignes directrices sur les procédures disciplinaires telles que les avertissements pour les incidents mineurs, la mutation de l’auteur de l’infraction, et le licenciement pour les cas graves et la poursuite des agissements après avertissements. Voir : Le harcèlement sexuel et le Code de bonnes pratiques amendé sur la gestion du harcèlement sexuel en Afrique du Sud (en anglais), Women’s Legal Centre (2006) ; base de données du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes, Code de bonnes pratiques sur la gestion du harcèlement sexuel publié aux termes de la Loi relative aux relations de travail (en anglais).

Formation régulière

Les employeurs doivent avoir l’obligation légale d’organiser des formations sur la prévention du harcèlement sexuel. Périodiquement, le personnel d’encadrement et de direction devrait suivre des formations approfondies afin d’être à même d’expliquer les directives de l’entreprise en matière de harcèlement sexuel à leurs subordonnés et prendre des mesures destinées à favoriser le respect des directives. Ces personnes doivent être formées à être attentives et compréhensives à l’égard de tout employé se plaignant de harcèlement sexuel, à fournir des informations complètes et claires sur la procédure de plainte, à assurer la confidentialité de toutes les plaintes pour harcèlement sexuel, et à agir pour empêcher la poursuite du harcèlement. Un exemple de programme de formation des employés à la Prévention du harcèlement sexuel (en anglais) est disponible sur le site de l’État de New York (États-Unis).

Les employeurs doivent surveiller la façon dont le personnel d’encadrement et de direction s’acquitte de ses responsabilités. Aux États-Unis, une loi de l’État de Californie fait obligation aux entreprises de plus de 50 employés d’assurer au personnel d’encadrement une formation sur le harcèlement sexuel tous les deux ans ou dans les six mois suivant le recrutement d’un nouvel employé, et présente également des normes de qualité pour les formations requises. D’autres mesures de prévention peuvent aussi être prévues, par exemple l’obligation de procéder à certains contrôles lors des recrutements : les éventuels antécédents de harcèlement des candidats à un poste d’encadrement ou de direction doivent être vérifiés et pris en compte pour retenir ou rejeter leur candidature. Voir : Christopher E. Cobey et David N. Goldman, Une nouvelle obligation pour les employeurs en Californie : la formation à la prévention du harcèlement sexuel (en anglais) ; Les responsabilités de l’employeur (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights.

 

Procédures d’enquête et de plainte

Les lois doivent imposer aux employeurs de créer une commission des plaintes ou de désigner un préposé aux plaintes extérieur à la direction, auquel les victimes de harcèlement sexuel peuvent s’adresser pour obtenir des conseils confidentiels ou pour déposer une plainte. Toute commission des plaintes doit être composée d’au moins 50 % de femmes. Il est recommandé qu’une partie tierce (une organisation non gouvernementale ou un autre organisme connaissant bien le sujet) soit représentée dans toute commission des plaintes afin d’éviter que les échelons supérieurs de l’entreprise n’exercent une influence indue sur la commission. Cette tierce partie peut être un représentant syndical ou un collègue ou un professionnel extérieur. Les membres de la commission doivent avoir une expérience du conseil, des relations de travail, et de la conduite d’enquêtes. La commission des plaintes ou le préposé aux plaintes désigné devrait garder confidentiels les dossiers de toutes les plaintes pour harcèlement, rédiger un rapport annuel résumant les activités menées durant l’année écoulée, et transmettre un exemplaire du rapport à la direction de l’entreprise. Par exemple, la loi israélienne prévoit que les employeurs doivent « 1) définir une procédure obligatoire et efficace pour le dépôt d’une plainte relative à des faits de harcèlement sexuel et pour l’examen de la plainte ; 2) traiter avec diligence toute affaire de harcèlement sexuel ou de mauvais traitements qui est portée à sa connaissance et faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir la répétition desdits actes et réparer les torts causés au plaignant du fait du harcèlement sexuel ou des mauvais traitements infligés ». À Lagos (Nigéria), l’école de commerce de l’Université panafricaine a publié sur son site web des modèles de directives en matière de harcèlement sexuel (en anglais) destinés aux petites et moyennes entreprises qui comprennent des exemples de lignes directrices sur la conduite d’une enquête concernant un cas de harcèlement sexuel et sur les mesures à prendre ; les modèles présentés ne sont pas basés sur un cadre légal national particulier. La Commission canadienne des droits de la personne propose également un Guide de l’employeur complet pour aider les petites, moyennes et grandes entreprises à élaborer des directives en matière de harcèlement sexuel ; il est toutefois fondé sur le droit canadien. Voir : Loi sur la prévention du harcèlement sexuel (en anglais), art. 7 ; Responsabilités de l’employeur (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights.

 

 

ÉTUDE DE CAS – L’affaire Ntsabo c. Real Security

En novembre 2003, le Tribunal du travail de l’Afrique du Sud, qui siège au Cap, a rendu une sentence qui a fait date dans une affaire où un employeur a été jugé coupable de n’avoir pris aucune mesure pour enquêter sur des faits de harcèlement sexuel signalés ni pour protéger son employée de ces agissements. La victime était une femme agent de sécurité qui avait été harcelée à plusieurs reprises et finalement agressée par un collègue. L’employée avait signalé les incidents à son supérieur, et le frère de l’employée avait déposé une plainte à la direction de l’entreprise après l’agression dont sa sœur avait été victime, mais l’entreprise n’avait pris aucune mesure et l’employée avait fini par démissionner. Le Tribunal du travail a déclaré :

Aux fins de l’EEA [Loi relative à l’égalité en matière d’emploi], l’absence de mesures prises par le défendeur pour traiter le problème amène toute l’affaire dans le champ de la discrimination. L’élément central de la plainte déposée contre le défendeur était le harcèlement sexuel. L’absence de réaction pour remédier au problème constitue par définition […] une discrimination fondée sur le harcèlement sexuel.

Cette décision a été la première prise par le Tribunal du travail de l’Afrique du Sud ayant engagé la responsabilité d’un employeur pour des faits de harcèlement sexuel considérés comme une discrimination sexiste. Voir : Bongiwe Ntsabo c. Real Security CC (Tribunal du travail de l’Afrique du Sud, 2003) (en anglais) ; Ntsabo c. Real Security (en anglais), Women’s Legal Centre.

 

Établissement de rapports

Les lois doivent rendre obligatoires la collecte de données et l’établissement de rapports sur le harcèlement sexuel afin que les pouvoirs publics puissent mener et coordonner des politiques nationales efficaces. En Suède par exemple, à partir de 25 employés, les employeurs sont tenus de soumettre tous les trois ans aux autorités gouvernementales un plan de promotion de l’égalité des sexes comprenant des mesures de lutte contre le harcèlement sexuel, et de rendre compte de la mise en œuvre des mesures prévues. Voir : Loi anti-discrimination de 2008 (en anglais), art. 13. [Cross link to chapter Contrôle]

 

ÉTUDE DE CAS – Costa Rica

La Loi n°7476 relative au harcèlement sexuel sur le lieu de travail et en milieu éducatif (en espagnol) interdit le harcèlement sexuel sur le lieu de travail au Costa Rica et impose certaines obligations aux employeurs. Les entreprises doivent intervenir sans délai et avec diligence devant une plainte pour harcèlement sur le lieu de travail. Les employeurs sont également tenus de signaler au ministère du Travail les incidents de harcèlement sexuel. En 2008, une employée d’une entreprise de réfrigération a porté plainte parce qu’elle recevait des courriers électroniques obscènes et subissait des avances importunes. Le juge a reproché à l’entreprise de ne pas avoir signalé immédiatement l’incident au ministère de Travail et a également déclaré que ce harcèlement constituait une forme de discrimination sur le lieu de travail. Pour ces deux raisons, le juge a condamné l’entreprise à verser 350 000 colones d’amende. Voir : Jugement [S.] n° 00038 du 23 janvier 2008, Deuxième Chambre de la Cour suprême de justice, Cons. IV.