- La loi doit contenir une définition très large de la violence familiale, qui inclut les violences physiques, sexuelles, psychologiques et économiques.
Le législateur doit envisager de limiter l’intervention du système judiciaire et l’utilisation des ordonnances de protection aux affaires impliquant des violences physiques, car dans certains cas le fait que la violence psychologique et économique figure dans la définition de la violence familiale a eu pour conséquence involontaire de permettre aux auteurs de violence physique de porter plainte contre leurs victimes pour violence psychologique ou économique. Par exemple, un mari violent mécontent ou en colère peut demander des mesures de protection contre sa femme au prétexte qu’elle utilise des biens lui appartenant. De même, un auteur de violence peut affirmer que la violence physique est une réponse appropriée à un acte qu’il estime préjudiciable pour lui sur le plan économique. Dans de nombreux cas de violences mentales ou psychologiques, l’intervention de l’État sous la forme d’ordonnances de protection ou de sanctions pénales peut avoir des conséquences néfastes non voulues sur la victime. Par ailleurs, les violences psychologiques et économiques peuvent s’avérer très difficiles à prouver dans une procédure judiciaire.
En 2008, un groupe d’experts réunis par les Nations Unies a fait la recommandation suivante : « Il est donc essentiel que les définitions de la violence domestique qui incluent la violence psychologique ou la violence économique, lorsqu’elles existent, soient appliquées dans un esprit tenant compte de l’égalité entre les sexes et de manière appropriée. Pour déterminer si un comportement est violent, il importe de faire appel aux professionnels compétents, qu’il s’agisse de psychologues ou de conseillers, d’avocats ou de prestataires de services aux plaignantes/survivantes ou encore d’universitaires. » Voir le Manuel ONU, 3.4.2.
Voir aussi le Plan de loi type des Nations Unies, II 3, qui engage les États à adopter une définition la plus large possible des actes de violence familiale, compatible avec les normes internationales ; et Lois relatives à la violence sexiste en Afrique sub-saharienne (en anglais), 2007, p. 52.
La Loi bulgare de 2005 relative à la protection contre la violence familiale (en anglais, ci-après appelée loi bulgare) dispose :
« On entend par violence familiale tout acte de violence physique, mentale ou sexuelle ou toute tentative de commettre un tel acte, ainsi que toute restriction forcée de la liberté individuelle et de la vie privée contre une personne ayant ou ayant eu un lien de famille ou de parenté avec l’auteur des actes ou vivant au même domicile » (ch. 1, S.2).
Une description détaillée des comportements interdits permet de limiter les interprétations partisanes de la loi dans les procédures judiciaires. Voir La législation sur la violence domestique et sa mise en oeuvre. Une analyse pour les pays de l'ANASE basée sur des normes et bonnes pratiques internationales (en anglais), 2009.
Le législateur doit cependant être conscient du fait que l’inclusion, dans le texte de loi, d’une liste détaillée d’actes de violence peut aussi avoir pour effet d’exclure du champ de la loi des comportements violents non prévus.
La loi brésilienne (en anglais) définit la violence familiale comme « toute action ou omission fondée sur le sexe et entraînant chez une femme la mort, des blessures, une souffrance physique, sexuelle ou psychologique, ou un préjudice moral ou patrimonial ». Elle comprend une liste détaillée des comportements interdits :
Article 7. La violence familiale peut prendre, entre autres, les formes suivantes :
I - la violence physique, c'est-à-dire tout comportement portant atteinte à l’intégrité physique ou à la santé de la femme ;
II - la violence psychologique, c'est-à-dire tout comportement qui provoque des dégâts affectifs et une réduction de l’estime de soi, ou qui empêche et limite le développement personnel, ou qui vise à rabaisser ou à contrôler les actes, les comportements, les croyances et les décisions de la femme, par le biais de la menace, de la mise dans l’embarras, de l’humiliation, de la manipulation, de l’isolement, de la surveillance constante, du harcèlement, de l’insulte, du chantage, de la raillerie, de l’exploitation, de la restriction de la liberté de mouvement ou de tout autre moyen portant atteinte à la santé psychologique de la femme et à sa maîtrise de son propre destin ;
III - la violence sexuelle, c'est-à-dire tout comportement qui contraint la femme à assister, contribuer ou participer à des rapports sexuels non désirés, par le biais de l’humiliation, de la menace, de la contrainte ou de la force ; qui l’incite à commercialiser ou à utiliser de toute autre manière sa sexualité, l’empêche d’utiliser une méthode contraceptive ou la contraint au mariage, à une grossesse, à un avortement ou à la prostitution au moyen de la contrainte, du chantage, de la corruption ou de la manipulation ; ou qui limite ou empêche l’exercice de ses droits sexuels et reproductifs ;
IV - la violence patrimoniale, c'est-à-dire tout comportement consistant à retenir, soustraire, détruire en partie ou totalement les objets, les instruments de travail, les papiers personnels, les biens, le patrimoine ou les droits ou ressources économiques de la femme, notamment ceux qui lui permettent de répondre à ses besoins ;
V - la violence morale, c'est-à-dire tout comportement s’apparentant à de la diffamation ou à des insultes.
La Loi sur la violence familiale adoptée par la Malaisie en 1994 (en anglais, ci-après appelée loi malaisienne) dispose : On entend par "violence familiale" les actes ci-dessous :
a) le fait de placer ou de tenter de placer volontairement ou en connaissance de cause la victime dans une situation où elle risque d’être blessée ;
b) le fait d’infliger une blessure physique à la victime par un acte dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il entraînerait une telle blessure ;
c) le fait de contraindre la victime, par la force ou la menace, à participer à un comportement ou à un acte, sexuel ou autre, qu’elle est en droit de refuser ;
d) le fait d’enfermer ou de détenir la victime contre son gré ;
e) le fait d’endommager ou de détruire des biens dans l’intention de causer ou en sachant que cela va probablement causer chez la victime de la peine ou de la contrariété, lorsqu’un tel acte est commis par une personne contre :
i) son conjoint ou sa conjointe ;
ii) son ex-conjoint ou son ex-conjointe ;
iii) un enfant ;
iv) un adulte handicapé ;
v) tout autre membre de sa famille… (titre I, 2)
La Loi indienne de 2005 sur la protection des femmes contre la violence familiale (en anglais, ci-après appelée loi indienne) définit la violence domestique de la manière suivante :
3. Définition de la violence familiale. Aux fins de la présente Loi, on entend par violence familiale tout acte, omission ou comportement qui :
a) porte préjudice à la victime, la blesse ou met en danger sa santé, sa sécurité, sa vie, son intégrité physique ou son bien-être physique ou mental, ou est susceptible de le faire, comme les violences physiques, sexuelles, verbales, affectives ou économiques ;
b) harcèle, lèse, blesse ou met en danger la victime dans le but de la contraindre ou de contraindre une personne de son entourage à satisfaire une demande illégale de dot ou d’autres biens ou valeurs mobilières ;
c) a pour effet de menacer la victime ou toute autre personne de son entourage par le biais d’un comportement mentionné à l’alinéa a) ou b) ;
d) provoque de quelque manière que ce soit, chez la victime, des blessures ou un préjudice physique ou mental.
Explication I – Aux fins du présent chapitre :
i) on entend par « violences physiques » tout acte ou comportement qui est de nature à provoquer des douleurs physiques chez la victime, à lui porter préjudice, à mettre en danger sa vie, son intégrité physique ou sa santé, ou à altérer sa santé ou son développement, comme les coups et blessures, les actes d’intimidation criminels et l’usage criminel de la force ;
ii) on entend par « violences sexuelles » tout comportement sexuel abusif, humiliant, dégradant ou portant atteinte de quelque manière que ce soit à la dignité de la femme ;
iii) on entend par « violences verbales et affectives » :
a) les insultes, railleries, humiliations et injures ou les insultes et moqueries liées au fait que la femme n’arrive pas à avoir d’enfants ou ne donne naissance qu’à des filles,
b) les menaces répétées de faire subir des souffrances physiques à une personne proche de la victime ;
iv) on entend par « violences économiques » :
a) la privation totale ou partielle des moyens économiques ou financiers auxquels la victime a droit en vertu du droit classique ou coutumier, que leur versement découle ou non d’une décision de justice, ou des moyens dont la victime a besoin pour vivre, tels que les biens d’équipement ménagers nécessaires à la victime et à ses enfants, si elle en a, sa dot, les biens qu’elle possède personnellement ou conjointement, les sommes nécessaires au paiement des frais relatifs au domicile conjugal et à son entretien ;
b) la cession de biens d’équipement ménagers ou l’aliénation de biens meubles ou immeubles, objets de valeurs, actions, titres, reconnaissances de dettes ou autres titres similaires ou d’autres biens dans lesquels la victime a un intérêt ou qu’elle est autorisée à utiliser en vertu des liens familiaux, ou qui peuvent être raisonnablement réclamés par la victime ou ses enfants, ou encore de sa dot ou de tout autre bien détenu conjointement ou individuellement par la victime ;
c) la privation ou la restriction de l’accès permanent aux ressources ou aux équipements que la victime a le droit d’utiliser ou dont elle a la jouissance en vertu des liens familiaux, notamment l’accès au domicile conjugal.
Explication II – Pour déterminer si un acte, une omission ou un comportement relève de la "violence familiale" aux termes du présent chapitre, il convient de prendre en compte l’ensemble des faits et des circonstances. (Ch. II, 3)
Voir : Qu'est-ce que la violence domestique ? (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights ; Différents types de violence domestique (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights ; et le Code type des États des États-Unis sur la violence familiale (en anglais, ci-après appelé Code type des États-Unis), 1994.
- Toute loi doit comprendre, dans sa définition de la violence familiale, la disposition suivante : « Aux termes de la présente loi, le mariage ou toute autre relation ne saurait en aucun cas constituer un élément de défense contre une accusation de violences sexuelles au sein du foyer. » Voir le Manuel ONU, 3.4.3.1.
- Le législateur doit envisager de préciser dans la définition que la violence familiale peut prendre la forme d’un ensemble de comportements. Par exemple, la Loi sierra-léonaise de 2007 sur la violence familiale (en anglais, ci-après appelée loi sierra-léonaise) contient la disposition suivante :
4. (1) La violence familiale peut prendre la forme d’un acte unique.
(2) Un ensemble d’actes formant un comportement à répétition peut constituer de la violence familiale même si certains ou la totalité des actes en question semblent mineurs ou anodins lorsqu’ils sont pris séparément (titre II, 4).
Voir aussi la Loi namibienne de 2003 relative à la lutte contre la violence familiale (en anglais, ci-après appelée loi namibienne), titre I, 2 (3) et (4).
- Une loi sur la violence familiale doit contenir certains actes qui n’ont été reconnus que récemment comme de graves menaces à l’égard des plaignantes/survivantes, et qui ne figurent peut-être pas dans le droit pénal, comme la traque (forme de harcèlement consistant à suivre sa victime partout) et les actes utilisant les technologies les plus récentes.
Par exemple, la loi loi sierra-léonaise (en anglais) contient la disposition suivante :
«… est considéré comme harcèlement le fait d’établir un contact sexuel avec une personne sans son consentement, de faire des avances sexuelles répétées à une personne contre son gré, de la suivre, la traquer ou l’accoster de manière répétée, ou de s’adresser à elle de manière répétée alors qu’elle ne le souhaite pas, par exemple :
(a) le fait d’observer le domicile de la personne harcelée ou son lieu de travail, d’activité commerciale, d’étude ou tout autre lieu où elle se trouve, ou de rôder autour ou à proximité d’un de ces lieux ;
(b) le fait de téléphoner de façon répétée à la personne harcelée ou de demander à une tierce personne de le faire, qu’il s’ensuive ou non une conversation téléphonique ;
(c) le fait d’envoyer, de déposer ou de faire envoyer de façon répétée des lettres, des télégrammes, des colis, des fax, des courriers électroniques ou d’autres objets ou messages au domicile de la personne harcelée ou sur son lieu de travail ou d’étude ;
(d) tout autre comportement menaçant » (titre I, 1.).
Voir Respecter, protéger, accomplir : La rédaction de lois en faveur des droits des femmes dans le contexte du VIH/sida. Module 2 : La violence domestique (en anglais), p. 2-4.
- La loi devra définir la traque comme une série de comportements de harcèlement ou de menace. Le fait de désigner ces comportements comme s’apparentant à de la « traque » est utile pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c’est la traque elle-même qui constitue une forme de violence, et non uniquement l’agression qui en résulte souvent. L’homme violent commet des actes spécifiquement destinés à intimider ou à contraindre son ancienne partenaire, par exemple en l’appelant ou en venant sur son lieu de travail. Par ailleurs, le terme « traque » désigne un ensemble de comportements qui aboutissent souvent à une agression grave ou mortelle. Il peut donc être utile d’identifier cet ensemble de comportements pour prendre des mesures de prévention. Enfin, le fait de nommer cet ensemble de comportements permet d’en traduire la gravité. En effet, pris séparément, ces actes, comme les appels téléphoniques ou l’envoi de textos, peuvent sembler relativement anodins. En revanche, mis tous ensemble, ils indiquent l’existence d’une grave menace pour la victime.
Le développement des technologies dans la société actuelle offre aux harceleurs davantage de moyens pour traquer leurs victimes. Le harcèlement numérique et la surveillance électronique en sont deux exemples. Le harceleur peut suivre l’activité informatique ou en ligne de sa victime, ou lui envoyer des courriers électroniques de menace ou des virus.
Informations tirées de : La traque (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights. Voir aussi : Bortel, Angela, « La technologie et la violence contre les femmes » (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights ; la loi du Minnesota (États-Unis) § 609.749 (en anglais) ;
Lemon, Nancy K.D., « Domestic Violence and Stalking: A Comment on the Model Anti-Stalking Code Proposed ty the National Institue of Justice » (La violence domestique et la traque. Observations sur le code type relatif à la lutte contre la traque proposé par l’Institut national de la justice, 1994) ; et Coalition du Minnesota pour les femmes battues, « Facts About Intimate Partner Stalking in Minnesota and the United Sates » (Des faits sur la traque entre partenaires intimes dans le Minnesota et l’ensemble des États-Unis, 2009).