- Il faut, dans les situations de conflit et de post-conflit, que le secteur de la sécurité soit gouverné de manière efficace et responsabilisé afin que les acteurs de la sécurité n’abusent pas de leurs pouvoirs, que les autorités politiques n’abusent pas du contrôle qu’elles exercent sur ce secteur et, surtout, afin de renforcer la confiance du public et d’établir ou de rétablir la légitimité du secteur (UNODC, 2011). Pour cela, les acteurs du secteur de la sécurité doivent accepter que leurs décisions et leurs actions puissent être mises en question et que tout écart de conduite puisse donner lieu à des sanctions ou à des dédommagements pour les victimes. L’absence de responsabilisation et de transparence risque de déboucher sur la corruption et sur d’autres formes d’inconduite (UNODC, 2011).
- Des mécanismes tant internes qu’externes peuvent assurer la supervision et accroître la responsabilisation du secteur de la sécurité (résumé d’après OECD, 2009; UN Secretary General, 2008, cité dans le module du Secteur de la sécurité):
- Des entités de gouvernance et de contrôle internes (concernant la police militaire, les comités de discipline, les unités chargées du comportement/de la conduite, les ressources humaines, les tribunaux militaires) assurant la supervision du personnel et le suivi de ses prestations, ainsi que des systèmes disciplinaires pour signaler les abus commis par les personnels de la police, des forces armées et d’autres services de sécurité, y réagir et répondre aux plaintes.
- Des mécanismes de contrôle exécutif (impliquant le chef d’État, les ministères de la Défense et de l’Intérieur, les organes consultatifs et de coordination de la sécurité nationale) par des mesures qui manifestent un haut niveau d’engagement pour ces questions.
- Des mécanismes de supervision des organes législatifs/parlementaires (auxquels participent les parlementaires et les organismes de supervision).
- Des entités de supervision indépendantes (ex.: bureaux de médiateurs, institutions nationales de défense des droits fondamentaux, commissions d’examen indépendantes, bureaux d’audit, commissions des plaintes du public).
- Des organismes de la société civile supervisant le secteur (groupes de réflexion, organisations non gouvernementales et de la société civile, groupes de femmes, médias).
- Comme l’illustre le tableau ci-dessous, l’exemple retenu étant celui de la police, divers acteurs se partagent la responsabilité de la supervision aux divers stades des actions et des opérations de la police; ils peuvent se compléter ou se chevaucher. Tous les mécanismes ne sont pas présents simultanément dans tous les pays.
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Interne
1. Police (avant, pendant et après les actions et opérations de la police)
Chaîne hiérarchique de la police, centres de formation
Définition des orientations, supervision, examen et évaluation : évaluation préalable et action face aux situations, sur la base d’un jugement professionnel dans un cadre défini
Externe
Supervision civile
2. Institutions de l’État, y inclus au niveau provincial et municipal (avant et après les actions et opérations de la police)
Pouvoir exécutif : ministère de l’Intérieur, Inspection générale
Pouvoir législatif : parlement, commissions parlementaires spécifiques,
Pouvoir judiciaire : juges et parquet
Définition des orientations, examen et évaluation : élaboration de lois, directives et politiques; priorisation
3. Public (avant et après les actions et opérations de la police)
Organisations non gouvernementales et de la société civile, enseignement, médias, particuliers
Définition des orientations, supervision, examen et évaluation : expression des besoins et préoccupations et communication des attentes; dépôt de plaintes
4 Entités indépendantes (après les actions et opérations de la police)
Institutions nationales de défense des droits de la personne, organismes de plaintes et de supervision de la police
Évaluation et examen des actions et opérations de la police; réception des plaintes et enquête sur celles-ci
Source: UNODC. 2011. Handbook on police accountability, oversight and integrity [Manuel sur la responsabilisation, la supervision et l’intégrité de la police], p. 18. UN: New York. Disponible en anglais.
- Le fait d’assurer la pleine participation des organisations de femmes aux mécanismes de supervision internes et externes offre une excellente occasion de traiter de la problématique hommes-femmes et peut rendre ces mécanismes plus participatifs et plus complets (Barnes and Albrecht, 2008). L’information du public sur la conduite et les écarts de conduite des acteurs du secteur de la sécurité, peut avoir pour effet d’accroître la confiance qu’il accorde à ces acteurs et permettre aux femmes de déterminer si elles peuvent leur signaler les actes de violence dont elles sont victimes sans s’exposer à des dangers supplémentaires.
Exemple: Responsabilisation et supervision en Haïti.
En Haït, en 1994-1995, un inspecteur général de la nouvelle Police nationale a pris des sanctions énergiques à l’encontre d’agents qui avaient commis de abus, en a suspendu et a même dans certains cas engagé des poursuites judiciaires. Ces mesures révolutionnaires ont fait clairement comprendre à la police et à la population que l’ère de l’impunité était révolue et que les agents des forces de l’ordre pouvaient être limogés, voire punis de peines de prison, s’ils manquaient à la loi et au code d’éthique de la police. À la même époque, le bureau de l’inspecteur général a commencé à tenir des conférences de presse hebdomadaires où étaient publiés le nombre de plaintes déposées contre la police, les mesures prises, y inclus l’ouverture de poursuites criminelles, et le statut des affaires en cours. Cette ouverture a encouragé la population à coopérer avec la police pour fournir des informations et identifier les suspects, ce qui a contribué à la prévention de la criminalité.
Source : Extrait de UNODC and United States Institute of Peace, 2011, p. 77.
- Dans les situations de conflit et de post-conflit, il est aussi important de veiller à ce que les réformes du secteur de la sécurité, et l’impact des prestations de la police, soient mesurés systématiquement. Abstraction faite des difficultés possibles de la tâche, certains outils sont disponibles pour ce faire, dont l’un a été élaboré par la Police des Nations Unies (UNPOL): le système PRIME (Police Reform Indicators and Measurement Evaluation) est un outil diagnostique réunissant 16 indicateurs de base groupés en quatre domaines d’effets principaux, qui est conçu pour fournir à l’UNPOL et à la communauté des donateurs un moyen plus systématique et plus complet d’évaluer les effets des réformes de la police au lendemain des conflits. Il peut servir à établir une situation de référence de la force de police qui permettra de déterminer les progrès accomplis ultérieurement et donner des prestations de la police une image ponctuelle à une date donnée. Les services locaux de la police peuvent y recourir en tant que mécanisme interne de responsabilisation et de planification (Bajraktari et al., 2006,).
Efficacité des prestations
Prise en considération de l’ampleur et de la qualité des efforts du service de police visant à assurer l’ordre public et à répondre à tous les niveaux de crime.
Capacité
Dotation en personnel et en équipement et formation suffisantes pour être efficace dans les circonstances actuelles
Autorité politique/juridique requise pour assurer la sécurité intérieure sur tout le territoire
Criminalité
Recueil et utilisation des statistiques sur la criminalité pour fixer et atteindre des objectifs de lutte contre la criminalité et de prévention de la criminalité
Coordination
Coordination externe avec le système de justice criminelle (ex. : prisons, tribunaux)
Gestion et supervision
Évaluation de la structure de base du service de police du point de vue de son aptitude à mener les opérations et de sa responsabilité devant la communauté
Mission et procédures
Mission, code de conduite, procédures opérationnelles et structure hiérarchique clairement définis
Planification stratégique et suivi
Existence de buts et de mesures de performance qui régissent la conduite professionnelle actuelle et future
Présence et force de mécanismes de supervision externes et internes qui assurent la responsabilisation du service
Personnel
Systèmes de recrutement et d’avancement transparents et fondés sur le mérite, et niveau des taux de rétention
Relations communautaires
Prise en compte des relations du service de police avec la communauté et de l’obtention de l’appui et de la confiance du public
Droits de la personne
Niveau d’attachement aux normes de la police démocratique, du respect de tous et de toutes, et de la volonté de protéger les droits des minorités
Coopération
Preuves de l’implication du public en vue d’assurer la sécurité interne et de mener à bien les enquêtes criminelles
Corruptibilité
Degré de corruption de la police et perception de l’intégrité de la police par le public
Acceptation du public
Acceptation de la police en tant que principale source légitime de sécurité interne
Durabilité
Évaluation de l’aptitude du service de police à s’auto-entretenir et de ses capacités sans le soutien et les conseils des donateurs internationaux
Budget
Planification budgétaire à long terme qui assure un financement suffisant autorisant le développement et le maintien du service de la police
Formation et équipement
Existence d’une capacité locale de formation des agents et de maintien de l’équipement policier nécessaire pour l’avenir
Indépendance politique
Isolement suffisant de l’influence politique pour la conservation de la neutralité et pour la protection de toute la population
Rémunération
Niveau suffisant de rémunération et autres avantages pour encourager une forte rétention du personnel et décourager la corruption
Source: Bajraktari et al. 2006. The PRIME System: Measuring the Success of Post-Conflict Police Reform [Le système PRIME: Mesure du succès de la réforme de la police en période de post-conflit], pp. 7-8.
- Lors de l’élaboration de mécanismes visant à assurer le respect des règles et la responsabilisation du personnel:
- Fixer des normes de performance pour surveiller le traitement des affaires par la police;
- Mettre en œuvre des processus de suivi pour mesurer les progrès de la réalisation des cibles de performance;
- Veiller à ce que les descriptifs d’emploi individuels incluent des dispositions relatives à la responsabilité de faire respecter les droits des femmes et des filles, avec référence explicite à la violence;
- Surveiller la perception des services par le public d’une façon qui fasse que les réponses soient à la fois complètes et éthiques. Un suivi régulier peut également mettre en évidence les lacunes des services et les possibilités d’un renforcement accru des capacités (Philippine National Police, 2008).
Exemple: Études sur les perceptions du public dans le cadre de la réforme de la police au Kosovo.
Une initiative importante en matière de réforme de la police a été mise en œuvre pour la première fois par le PNUD au Kosovo : le premier sondage d’opinion détaillé portant sur les perceptions de la police de la part du public et visant à apprécier le sentiment général de sécurité, ou de manque de sécurité, dans 30 municipalités du Kosovo. Le sondage du PNUD (Lumière bleue : perceptions de sécurité et performance de la police au Kosovo. 2004. Pristina: Kosovo) visait à appréhender ce que la population, principal de la police, pensait des prestations de l’institution en matière de prévention de la criminalité et de sécurité. Il a permis de préciser ce que le public savait du Service de police du Kosovo (SPK), sa formation, ses déploiements et ses activités, et de mesurer la perception de son « professionnalisme ». Il a été demandé à 6 000 personnes de répondre à toute une série de questions, et notamment:
- Combien y a-t-il d’agents de police affectés au poste de votre région et à quelle fréquence voyez-vous des patrouilles à pied?
- À quelle fréquence rencontrez-vous un agent du SPK et quelles sont la nature et la qualité de l’interaction?
- Percevez-vous le SPK comme un partenaire efficace dont les activités visent à aider la communauté?
- Les agents du SPK traitent-ils les gens de manière respectueuse?
- Combien de temps faut-il aux agents du SPK pour répondre aux appels d’intervention d’urgence?
- Vous sentez-vous plus en sécurité qu’il y a un an?
- La criminalité diminue-t-elle ou augmente-t-elle dans votre municipalité?
Les résultats du sondage ont permis d’établir une base empirique pour évaluer et reformuler les priorités en matière de développement professionnel, de directives opérationnelles et de planification des politiques. Les principaux constats ont été que la majorité des Kosovars « perçoit à présent la police comme une institution crédible et digne de confiance » et que le SPK « doit continuer de renforcer la confiance du public et de consulter les communautés par le biais de dialogues réguliers sur les mesures conjointes à prendre pour accroître le niveau actuel de sûreté et de sécurité ». Le processus même du sondage, réalisé en grande partie par des Kosovars, a renforcé les compétences locales en matière de réforme du secteur de la sécurité et a créé un noyau d’experts locaux capables de procéder à l’avenir à des activités analogues. Le sondage a également sensibilisé largement le public aux questions de sécurité publique et a encouragé un débat constructif dans une société qui n’était pas accoutumée à une telle ouverture.
Outils complémentaires
Pour de plus amples informations sur les façons d’accroître la responsabilisation du secteur, voir le module du Secteur de la sécurité.
Guide d’auto-évaluation sur le genre pour la police, les forces armées et le secteur de la justice (The Geneva Center for the Democratic Control of Armed Forces (DCAF). 2011). Ce guide est conçu à l’intention des services de police, des forces armées et des institutions du secteur de la justice, ainsi que de ceux et celles qui coopèrent avec ces entités. Il propose à l’utilisateur/trice un processus d’évaluation en huit étapes pour formuler un plan d’action qui permettra à l’institution concernée de progresse, ainsi qu’un plan de suivi et évaluation de l’application du plan d’action. Disponible en français et en anglais.
People friendly Police, Karnataka: A police trainer’s guide and resource manual for the initial aspects of gender sensitization [Une police conviviale au Karnakata: guide de l’instructeur de police et recueil de ressources pour les aspects initiaux de la sensibilisation aux questions de genre] (UNICEF. 2003). Cet ouvrage a été conçu avec la participation active et des suggestions de plus de 500 membres de la police du Karnataka; il est destiné aux formateurs de la police et porte sur les aspects initiaux de la sensibilisation de la police aux sexospécificités. Disponible en anglais.
Performance Standards and Assessment Tool for police Services Addressing Cases of Violence against Women [Normes de performance et outil d’évaluation pour les services de police traitant des cas de violence à l’égard des femmes] (Philippine National Police (PNP), National Commission on the Role of Filipino Women, and UNFPA. 2008). Cet outil est également conçu pour générer des données pour le suivi et évaluation du niveau de conformité du prestataire de services avec les politiques de lutte contre les VFFF du gouvernement des Philippines. Les données peuvent également servir à établir les priorités dans le cadre de la planification, et en particulier pour l’emploi du budget Genre et Développement. Disponible en anglais.