Étapes clés de la conception d’une stratégie de communication
La communication doit, pour être efficace, être axée sur le but de la campagne, à savoir sur ce qui doit changer et qui il faut atteindre pour induire le changement souhaité. Dans le cadre de la stratégie générale de la campagne, la stratégie de communication définit les moyens à mettre en œuvre pour attirer l’attention des publics cibles et pour faire passer un message de campagne convaincant.
Au cours du processus de planification de la campagne, le problème a été défini, la situation analysée, les parties prenantes et les publics cibles déterminés et les objectifs ou les effets escomptés fixés. Ceci constitue la base sur laquelle on s’appuiera pour élaborer la stratégie de communication.
L’élaboration de la stratégie de communication se déroule selon les grandes étapes énoncées ci-après :
1. Fixer le but et les objectifs de la communication : Dans certaines campagnes visant à un changement de comportement, les buts et objectifs de la communication peuvent être les mêmes que ceux de l’ensemble de la campagne, par exemple, « rompre le silence » concernant la violence domestique. Mais il est plus fréquent que les buts de la communication varient selon le public cible. Il en est ainsi, et c’est là une norme, dans les campagnes de plaidoyer, étant donné que le public cible primaire et les publics cibles secondaires doivent être atteints différemment et qu’il est attendu d’eux différents types d’action.
2. Élaborer des messages clés adaptés aux publics cibles : Les messages doivent être formulés de manière à trouver un écho auprès du/des public(s) cible(s) et il pourra convenir de produire différentes versions du message pour différents publics. Par exemple, le message que « la violence à l’égard des femmes est une violation des droits de la personne » peut être compris différemment par un parlementaire, un chef religieux ou un ancien de village et il peut y avoir lieu de l’adapter, sans en modifier le sens, pour qu’il soit mieux compris. Il est important également de tenir compte des messagers, à savoir des personnes qui véhiculent le message. Par exemple, les messages visant un changement de comportement passent mieux s’ils sont transmis par des pairs du public cible alors que les messages de sensibilisation et de plaidoyer peuvent être plus puissants s’ils proviennent de personnalités et de politiciens en vue. Voir aussi ci-dessous Élaboration du message de la campagne.
Exemples :
Australie : La campagne d’éducation publique « Violence Against Women: It’s Against All the Rules » [La violence à l’égard des femmes : c’est contre toutes les règles] menée par la Violence against Women Specialist Unit de la Nouvelle-Galles du Sud (Australie) en 2000-2001, visait spécifiquement à renforcer les capacités des communautés à faire face au problème de la violence à l’égard des femmes en impliquant des personnalités du monde du sport pour faire comprendre aux jeunes hommes ce message que les comportements violents envers les femmes sont inacceptables. L’un des principaux constats de l’évaluation de la campagne est que l’emploi « d’un langage et de termes sportifs » pour formuler le message a ajouté à l’attractivité de la campagne pour les hommes, étant donné qu’il soulignait le fait que le message était transmis par des hommes (et, chose importance, des modèles de rôle/icônes) à l’intention d’autres hommes. Ceci a aidé le public cible masculin à comprendre que « la violence à l’égard des femmes est moralement mauvaise ». Par ailleurs, l’image forte et claire présentée par des sportifs est l’élément accrocheur qui a retenu l’attention des hommes : la majorité des hommes interrogés (89,06 %) se rappelaient d’au moins l’un des sportifs connus présentés dans la campagne. Lire l’étude de cas de la campagne.
Mauritanie – Un projet lancé par des sages-femmes de Mauritanie pour aider les survivantes de violences sexuelles a bénéficié considérablement de l’implication d’imams locaux. L’Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l’enfant (AMSME), une ONG locale, a été financée par l’UNFPA et d’autres bailleurs de fonds pour lui permettre d’étendre ses activités de formation et d’éducation communautaires axées sur la violence sexuelle. Elle offre toute une gamme de programmes pour les femmes et les filles, mais l’un de ses grandes stratégies dans ses initiatives visant à influer sur l’opinion publique a été d’associer des imams au projet. Les créatrices du projet ont ciblé des imams progressistes et ont obtenu leur appui. Ceux-ci ont assisté à des ateliers locaux de sensibilisation et ont justifié le projet en tant que programme humanitaire qui bénéficierait aux personnes vulnérables et qui souffrent. Les imams ont formulé des bases religieuses, fondées sur des recherches dans le Coran, pour les activités du projet, notamment pour la fourniture de conseils psychosociaux et médicaux aux victimes de viol. Ils ont ensuite informé les forces de police, les magistrats et les responsables gouvernementaux de manière à recueillir leur soutien en faveur des survivantes de viol. Voir UNFPA, Programming to Address Violence Against Women: 10 Case Studies [Les programmes de lutte contre la violence à l’égard des femmes : 10 études de cas], 1-10 (2006).
3. Déterminer les canaux, techniques et outils de communication efficaces : On peut distinguer les canaux interpersonnels (contact individuel de personne à personne), les canaux à orientation communautaire (qui ont recours aux réseaux sociaux existants) et les canaux médiatiques (qui comprennent les médias modernes tels que la radio et la télévision, les nouveaux médias, tels que l’internet et les SMS, et les « médias populaires », tels que les contes oraux et les représentations culturelles traditionnelles). On se demandera quels techniques et outils offrent les meilleures possibilités d’atteindre efficacement le(s) public(s) par ces diverses canaux ?
Exemple : WITNESS est une organisation de défense des droits de la personne qui s’attache à éduquer les militant(e)s et les intervenant(e)s dans les campagnes à l’usage de la vidéo en tant qu’outil de changement et à l’emploi de l’internet en tant que voie efficace de diffusion des films et images. Voir la section Vidéo numérique pour des informations plus détaillées et des conseils.
Les évaluations indiquent que les campagnes visant à un changement de comportement sont d’une efficacité maximale lorsqu’elles répètent le message à de multiples reprises (technique) et ont recours à plusieurs canaux de communication, y inclus aux contacts individuels.
4. Déterminer les ressources accessibles en matière de communication : Parmi ces ressources figurent, par exemple, les capacités de production médiatique, l’accès au temps d’antenne gratuit ou aux services d’experts bénévoles et aux matériels appropriés d’autres campagnes, de niveau international et national.
5. Fixer et surveiller les calendriers, jalons et indicateurs des plans d’action : Ainsi qu’il est noté dans les sections Établissement d’un plan d’action et Suivi et évaluation du présent module, un plan d’action de communication traduit la stratégie en des conseils spécifiques pour guider les activités, alors que le suivi permet de vérifier à intervalles réguliers que la stratégie est appliquée comme prévu et de déterminer si une évolution éventuelle du contexte exige certaines modifications, de nature tactique par exemple.
6. Rédiger un document de stratégie de communication : Ceci est essentiel pour définir clairement, organiser et suivre toutes les étapes clés énoncées ci-dessus. Les documents écrits sont également faciles à partager avec tous les intervenants et à s’assurer que ceux-ci « accordent leurs violons » en ce qui concerne les messages et la réalisation des activités de communication.
Points à noter :
- Il peut y avoir lieu d’adapter la stratégie de communication au cours de la campagne pour tenir compte de nouveaux défis et de nouvelles opportunités. Par exemple, une contre-campagne menée par des adversaires s’opposant au but de la campagne peut amener les responsables à cibler de nouveaux publics; ou des restrictions imposées soudainement au militantisme peuvent exiger une révision des activités prévues. Certaines activités de communication ou certains matériels peuvent s’avérer plus efficaces que d’autres, ce qui peut amener à intensifier les activités ou l’usage des matériels efficaces et à réduire les autres activités ou l’usage des autres matériels. De nouveaux partenaires offrant des appuis intéressants peuvent se manifester et leurs apports peuvent exiger des modifications de la stratégie.
- Pour les groupes marginalisés, en particulier ceux qui sont en butte à des discriminations multiples, les médias ne sont pas nécessairement le meilleur moyen de les atteindre, en particulier en présence d’obstacles linguistiques ou si ces groupes n’ont pas accès à certains canaux de communication. Certaines communautés rurales minoritaires, par exemple, peuvent ne pas comprendre la langue nationale et ne pas avoir accès à la radio, à la télévision ou à l’internet, ce qui fait qu’il convient d’accorder la préférence aux matériels imprimés (illustrés dans le cas des communautés analphabètes). Dans certains contextes, il peut exister des médias spécialisés ciblant des groupes marginalisés, tels que des matériels imprimés en braille ou des stations de radio-télévision à émissions dans les langues des groupes minoritaires. Il est utile de déterminer avec quelle efficacité on pourra tirer parti de ces médias dans la campagne. Par ailleurs, les interventions au niveau communautaire, au moyen de militant(e)s formé(e)s appartenant aux communautés ciblées ou les connaissant bien, peuvent constituer un moyen efficace d’atteindre les groupes marginalisés. Voir la section Mobilisation communautaire pour des conseils détaillés.