Dans le contexte des activités de campagne, le terme « accroissement d’échelle » désigne souvent une amplification (approfondissement ou élargissement) de la campagne considérée visant à l’obtention d’un impact plus vaste. Il peut consister en une expansion des publics cibles, des thèmes de la campagne, des capacités, des activités, des communications et de la couverture géographique (au sein d’un même pays ou pour en englober d’autres), ainsi que des moyens financiers nécessaires pour procéder à l’expansion.
Les campagnes dont on prévoit ainsi l’expansion sont généralement des initiatives qui ont été menées à bien à petite échelle, ou qui comprenaient une phase pilote, et qui ont procédé à un suivi et évaluation rigoureux pour déterminer leurs forces, leurs faiblesses, leurs bonnes pratiques et leur impact. L’accroissement d’échelle peut aussi prendre la forme d’une « réplication » d’une campagne d’un pays à l’autre, constituant un passage de l’échelle nationale à l’échelle mondiale. Dans ces cas, par exemple pour les campagnes mondiales annuelles telles que la campagne du Ruban blanc et les 16 journées de mobilisation contre la violence sexiste, il y a un modèle de campagne ou un thème déterminé (différent chaque année par exemple) fourni par les responsables de la campagne initiale et auquel les autres peuvent se conformer. Les activités peuvent présenter des différences notables compte tenu des divers contextes locaux ou nationaux, mais le thème général, le message et le modèle d’exécution restent essentiellement les mêmes, ce qui confère une cohérence importance à l’impact de l’ensemble de la campagne.
Formes d’accroissement d’échelle
- De la phase pilote ou d’une petite échelle à la pleine échelle : On peut envisager un accroissement d’échelle sous la forme d’expansions diverses des publics cibles : augmentation du nombre de gens à atteindre au sein d’un public donné (100 % des lycéennes au lieu de 20 %), addition de publics analogues dans d’autres régions géographiques (d’un seul établissement scolaire à un district scolaire entier), ou addition d’autres publics cibles (administrateurs et enseignants en sus des lycéennes). L’accroissement d’échelle peut aussi consister en l’addition d’autres secteurs cibles (santé, application de la loi, système juridique) ou d’autres formes de violence à l’égard des femmes (violence domestique, harcèlement sexuel, violence sexuelle, etc.). Les campagnes novatrices visant à modifier les comportements, par exemple, peuvent démarrer à petite échelle, au sein d’une communauté donnée, pour tester et valider la stratégie de la campagne et y apporter des réajustements éventuels. Il est essentiel de définir lors du processus de planification initial quelles sont les informations nécessaires et à quel moment elles le sont, pour déterminer si la stratégie de la campagne peut être considérée comme efficace et donc susceptible de faire l’objet d’un accroissement d’échelle. Le système de suivi doit comprendre des indicateurs spécifiques et des jalons qui doivent être évalués en temps utile. On pourra utiliser différentes méthodes de suivi, notamment celle de la conception quasi-expérimentale. (Voir le chapitre Suivi et évaluation du présent module pour des orientations sur ces questions.)
Du niveau national au niveau international : Les campagnes exécutées dans un premier temps dans un pays donné peuvent être reproduites avec succès dans d’autres régions du monde ou forger des alliances avec des campagnes dans d’autres pays de manière à exercer une influence plus grande aux niveaux national et international. Lorsque le contexte national du pays où la campagne est transplantée présente des caractéristiques semblables à celles du pays d’origine, la campagne modèle peut être exécutée sans modifications substantielles. Il en a été ainsi, par exemple, de la Campagne du Ruban blanc, ciblant les hommes et les garçons, qui est partie du Canada et s’est étendue à 60 pays de par le monde. Il convient, pour accroître les chances de succès de ces transplantations, de mener un processus de planification stratégique intégral avec un plan de suivi soigneusement établi et exécuté. L’omission de cette étape risque d’aboutir à des mesures d’exécution qui ne sont pas adaptées aux contextes locaux, ce qui présente des ambiguïtés pour les publics cibles, occasionne un gaspillage de ressources et porte atteinte à la crédibilité de la campagne.
Exemple : En 2008, Breakthrough a lancé sa campagne Bell Bajao/Sonnez à la porte [en anglais] pour inviter les hommes et les garçons à prendre position contre la violence domestique par une intervention simple par lesquels les témoins s’impliquent, en sonnant à la porte de la maison lorsqu’ils constatent la commission d’actes de violence. La stratégie culturelle, organisationnelle et médias intégrée visait à inclure le problème dans le débat quotidien, à accroître les connaissances sur la violence domestique et les femmes séropositives et à modifier les attitudes communautaires ainsi que les comportements individuels. En 2010, grâce aux annonces d’intérêt public diffusées à la télévision, à la radio et dans la presse écrite, à sa campagne multimédia, aux matériels pédagogiques et à son bus à équipement vidéo, l’initiative avait atteint plus de 130 millions de personnes. Par ailleurs, plus de 75 000 défenseurs des droits avaient été formés en tant qu’agents de changement dont les efforts conjugués ont produit une augmentation de 49 % du nombre de personnes sensibilisées à la Loi sur la protection des femmes contre la violence domestique en Inde et une augmentation de 15 % du nombre de survivantes accédant aux services d’aide.
À la réunion annuelle de 2010 de la Clinton Global Initiative, il a été annoncé que la campagne Bell Bajao serait étendue à l’échelle mondiale en 2011. En outre, dans le cadre de sa campagne Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes, le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a publiquement accordé son soutien à la campagne Bell Bajao [en anglais]. Voir aussi le site web de la Campagne mondiale Bell Bajao [en anglais].
Indications pratiques pour l’accroissement d’échelle
L’Agence allemande de coopération internationale (GIZ, ancienne GTZ) offre des conseils étape par étape pour l’accroissement d’échelle [en anglais]. Ces conseils sont axés sur les projets de développement mais ils peuvent s’appliquer aussi sans difficulté aux campagnes :
Étape 1 : Choisir l’élément objet de l’accroissement d’échelle.
Trouver/donner une description précise et concise de l’expérience du projet qui a été choisie pour l’accroissement d’échelle (pour tirer parti de cette expérience) :
- Quelles sont les bonnes pratiques généralisables et applicables indépendamment du contexte du projet ?
- Dans quelles conditions financières et institutionnelles peuvent-elles être généralisées ?
Étape 2 : Formuler la stratégie d’accroissement d’échelle.
Lors de la formulation de la stratégie d’accroissement d’échelle, il y a lieu de mettre en évidence et de présenter/documenter plusieurs aspects clés :
- La présentation de l’innovation
- Les hypothèses de l’accroissement d’échelle de l’innovation, compte tenu des exigences de financement durable de l’innovation
- Le niveau auquel les résultats seront obtenus
- La stratégie de communication
- La stratégie de négociation avec les acteurs impliqués
- Les formes d’intervention et de soutien des parties prenantes.
Il est essentiellement impossible de planifier tous les détails, mais il est utile de parvenir à un accord avec les partenaires clés sur les jalons et les points limites des interventions.
Étape 3 : Choix des partenaires pour l’accroissement d’échelle.
Les partenaires doivent être choisis compte tenu de leurs compétences de base en matière de communication, de gestion des connaissances, de plaidoyer, de conseils de politique et d’autres critères. The stratégie exige que l’on procède à une analyse des parties prenantes au-delà du système de coopération de l’actuel projet de développement.
Étape 4 : Apport des ressources financières et humaines.
L’accroissement d’échelle comporte souvent un processus de négociation difficile et de durée imprévisible. Il faut trouver des ressources et pas seulement pour la phase de démarrage. Des ressources financières et humaines doivent être allouées pour entretenir l’innovation.
Étape 5 : Suivi et assurance qualité
Au cours du processus d’accroissement d’échelle, les nouveaux acteurs affectent l’innovation qui fait l’objet de ce processus. Il faut négocier des compromis et accorder des concessions. Un suivi conjoint dans le cadre du système des partenaires garantit l’assurance qualité et la bonne gestion du processus. Il est essentiel que les éléments fondamentaux de l’innovation puissent effectivement être transposés, diffusés et assimilés lors de l’accroissement d’échelle. Des attentes excessives risquent de faire obstacle au processus.
Étape 6 : Vérification des progrès en continu
La check-liste ci-dessous peut être employée pour déterminer en continu si les étapes convenues pour le processus d’accroissement d’échelle se sont déroulées comme prévu. Il se peut qu’au début du processus d’accroissement d’échelle un grand nombre de points n’aient pas fait l’objet d’un traitement suffisant ou aient été négligés, mais la liste peut néanmoins avoir son utilité pour suivre les progrès. Au fil du temps, on devrait enregistrer un nombre croissant d’étapes du processus qui se sont déroulées de manière satisfaisante.
Check-liste pour l’accroissement d’échelle
1. Évaluation des expériences
Avons-nous décrit les expériences et les bonnes pratiques du projet de manière précise et structurée ?
Connaissons-nous suffisamment les conditions financières et institutionnelles de l’accroissement d’échelle ? 2. Stratégie d’accroissement d’échelle
Avons-nous examiné les hypothèses relatives à l’accroissement d’échelle avec les divers partenaires clés ?
Avons-nous examiné les jalons et les points limites avec les partenaires et en avons-nous convenu avec eux ?
Avons-nous examiné différentes options pour l’accroissement d’échelle et pris une décision rationnelle en faveur de l’une d’elles ?
3. Sélection des partenaires
Avons-nous effectué une analyse des parties prenantes et l’avons-nous examinée avec différents partenaires ?
Les parties prenantes clés possèdent-elles les compétences de base nécessaires pour l’accroissement d’échelle ?
4. Ressources
Disposons-nous de ressources humaines et financières suffisantes pour la phase de démarrage ?
L’accroissement d’échelle de l’innovation est-il financièrement assuré, ou y a-t-il un modèle de financement ?
5. Suivi et assurance qualité
Disposons-nous des instruments requis pour suivre et diriger le processus conjointement avec les partenaires sélectionnés ?
Savons-nous quels sont les éléments fondamentaux de l’innovation qui doivent faire l’objet de l’accroissement d’échelle ?
(Adapté d’après Scaling Up in Development Cooperation [L’accroissement d’échelle dans la coopération au développement], GTZ, 2010)