- Les défenseurs doivent prendre le temps de tisser et de conserver des liens forts dans tous les secteurs concernés par l’action ou susceptibles d’en ressentir les effets. Il peut être tentant de travailler chacun de son côté au vu du temps et de la somme de travail nécessaires, mais les objectifs sont plus souvent atteints lorsque toutes ces entités œuvrent ensemble.
- Les défenseurs doivent consulter les experts nationaux et internationaux qui sont à même de les conseiller, ainsi que la population et les divers partenaires concernés et intéressés. Ils souhaiteront peut-être les faire participer au sein d’une coalition. Il s’agira alors de repérer les ONG qui pourraient devenir des partenaires ou des alliés et engager le dialogue. Lorsque les partenaires d’une coalition ont été identifiés et invités à participer à l’action de plaidoyer, il appartiendrait à l’ONG dirigeant l’action de réunir tous les participants.
- Lors de cette première rencontre, les partenaires de la coalition doivent définir les stratégies et les objectifs de plaidoyer communs et établir un plan pour le processus décisionnel, les réunions et les communications. En outre, ils doivent :
- décider de la personne qui assumera la direction de la coalition,
- définir les rôles de chacun des membres de la coalition,
- identifier les ressources financières disponibles,
- convenir de la périodicité des réunions,
- décider de la périodicité et de la forme des communications entre les membres,
- mettre en commun le texte du projet de loi,
- faire circuler les exposés d’opinion,
- organiser des réunions d’information dans le but d’intégrer de nouvelles ONG à la coalition.
- Une fois la coalition créée, il incombe aux militants de veiller à ce que suffisamment de temps et de ressources soient investis à l’entretien des relations entre les membres et à l’élargissement du réseau d’influence aux personnes et organisations suivantes
- Les responsables gouvernementaux
- Les ONG
- Le public
- Les législateurs ou parlementaires
- Les médias
(Voir : Global Rights, Legislative Advocacy Resource Guide : Promoting Human Rights in Bosnia and Herzegovina (Guide des ressources pour une action de plaidoyer en vue d’une réforme législative : la promotion des droits de l’homme en Bosnie-Herzégovine), p. 15, 2005 ; Women, Law & Development International et Human Rights Watch, Women’s Human Rights Step by Step (Les droits fondamentaux des femmes étape par étape), 1997)
ÉTUDE DE CAS : en Inde, le Lawyers Collective (Collectif des avocats) a été créé au début des années 1980 avec pour objectif de promouvoir les droits des groupes marginalisés par des actions de sensibilisation et la défense au tribunal d’affaires intéressant la collectivité. L’Initiative du Collectif des avocats en faveur des droits des femmes (LCWRI) est une branche du Collectif des avocats créée en 1998 grâce à une subvention de la Fondation Ford ; elle avait pour mandat de fournir une assistance juridique aux victimes de violence familiale, de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles. À l’époque de sa création, aucune loi indienne ne réprimait spécifiquement la violence familiale. Les violences au sein du foyer étaient traitées par le biais de dispositions pénales sur la cruauté dans le mariage et de dispositions civiles sur le divorce. L’utilisation de ces textes avait ses limites dans la mesure où rien n’y était prévu pour aider les femmes en termes de refuges ou de pension alimentaire. En conséquence, celles-ci se retrouvaient souvent sans domicile et sans ressources lorsqu’elles décidaient d’avoir recours à la justice en cas de violences domestiques.
La LCWRI a jugé nécessaire l’adoption d’une loi civile sur la violence familiale dont le but serait de venir en aide aux femmes victimes de violences au foyer et d’obtenir des ordonnances d’injonction. C’est grâce à sa pratique de l’aide juridique apportée aux femmes que la LCWRI a repéré cette carence du code civil. Elle a alors rédigé un avant-projet à partir de ses recherches sur la législation de l’Inde et d’autres pays, sur la jurisprudence des tribunaux nationaux et des forums internationaux d’arbitrage, ainsi que sur les normes internationales en matière de violence à l’égard des femmes.
Après la rédaction du premier jet, en 1999, la LCWRI a mené au cours des deux années suivantes une série de consultations à la recherche d’un consensus national. Les consultations régionales, organisées avec le concours de l’Alliance nationale des femmes (NAWO) et d’autres entités locales, ont permis de former une coalition sur ce thème. L’idée était également d’intégrer au projet de loi les expériences acquises par les organisations de femmes du pays tout entier qui étaient venues en aide aux survivantes de violence au niveau local. Le projet de loi a été modifié plusieurs fois afin d’inclure les suggestions apparues lors de ces consultations.
Les alliances formées au cours de ces consultations régionales ont été maintenues pendant la campagne de lobbying en faveur de cette loi, c’est-à-dire jusqu’en 2005, date de sa promulgation par l’autorité centrale sous le nom de Loi relative à la protection des femmes contre la violence familiale (PWDVA). L’année suivante, la LCWRI a rédigé les décrets d’application permettant sa mise en œuvre. La PWDVA a finalement été mise en application en 2006. Voir la communication personnelle d’Asmita Basu, 31 janvier 2010 et La violence familiale (en anglais), Collectif des avocats.
ÉTUDE DE CAS : le 28 décembre 2004, l’Espagne a adopté des modifications à la Loi organique 1/2004 (en anglais et en espagnol) pour y incorporer des mesures de protection contre la violence sexiste. Les associations de défense des femmes œuvraient depuis 1993 à faire adopter une loi devant permettre à la victime d’obtenir une ordonnance de protection à l’encontre de l’auteur des violences familiales. En 1998, le Parti socialiste a demandé aux associations de femmes de participer à la rédaction d’un texte de loi réprimant la violence sexiste. Présenté devant le Parlement en décembre 2001, le texte proposé a été rejeté par le parti au pouvoir.
Malgré ce rejet, les associations de femmes ont continué de rechercher le soutien d’organisations internationales et nationales qui pourraient les aider à faire adopter une loi réprimant la violence sexiste. En janvier 2002, un certain nombre d’organisations nationales et régionales ont formé le Réseau féministe contre la violence sexiste (en espagnol) dans le but d’œuvrer collectivement à l’adoption d’une loi globale sur la violence fondée sur le sexe. Le réseau partait du principe qu’elle considérait toutes les formes de violences à l’égard des femmes, à savoir la violence familiale, les agressions sexuelles, le harcèlement sexuel et toutes les autres formes de violences faites aux femmes comme des violences sexistes. De fait, le préambule à la Loi organique 1/2004 dispose :
La violence à l’égard des femmes n’est pas un problème réservé à la sphère privée. Au contraire, c’est le symbole le plus brutal des inégalités qui persistent dans notre société. C’est une violence dirigée contre des femmes uniquement parce qu’elles sont des femmes et que, selon leurs agresseurs, elles ne disposent donc pas des droits les plus élémentaires à la liberté, au respect et au pouvoir de décision. Voir le préambule à la Loi organique 1/2004 (en anglais et en espagnol).
Dès sa formation en 2002 et jusqu’à l’adoption de la loi en 2004, le réseau s’est réuni et a communiqué son message aux membres du gouvernement et des groupes parlementaires. Il a lancé une campagne appelée Pour une loi intégrale. En même temps, divers médias commentaient les débats sur la constitutionnalité de la loi. Ces débats ont peut-être contribué à ce que le gouvernement examine en priorité la sécurité des femmes et leur droit à l’égalité et à la non-discrimination. En définitive, les travaux du réseau ont permis de sensibiliser l’opinion publique à la violence sexiste et, en plaidant pour l’adoption de lois sur ce type de violence, de faire en sorte que la protection des droits fondamentaux des femmes soit de la responsabilité de l’État.
Voir : Élaboration d’une loi sur la violence à l’égard des femmes en Espagne, réponse de Carmen de la Fuente Méndez, Pueblos Unidos, mars 2010 ; Le gouvernement soutient que la loi contre la violence ne doit protéger que les femmes (en espagnol), Mujeres en Red, 2004.