Les voix des femmes et des filles qui ont connu la violence dans leur existence peuvent être pour les campagnes une force puissante que l’on ne doit pas ignorer ou sous-estimer. Les messages émanant directement de celles qui ont subi des violences, l’ont combattue ou ont aidé à éviter que d’autres en soient victimes ajoute de la crédibilité et donne aux faits et aux statistiques un visage humain qui peut inciter le public à agir.
Toutefois, lorsque l’on envisage d’inclure cet élément dans une campagne, il est indispensable d’évaluer les risques potentiels qui y sont associés et la sécurité doit primer. C’est ainsi, par exemple, que la publication du nom ou de l’adresse des survivantes dans des articles de presse, des sites web ou des vidéos, peut amener à des représailles de la part des agresseurs et se traduire par un surcroît de violent non seulement envers les survivantes mais aussi envers leur famille et les personnes qui leur viennent en aide.
On évitera donc de faire connaître au public les cas spécifiques de violence à l’égard des femmes et des filles, sans que les survivantes soient pleinement informées des conséquences éventuelles et qu’elles aident donné leur consentement exprès, si possible par écrit. En outre, il est impératif de veiller à ce que toute information sur les cas individuels de violence à l’égard des femmes et des filles soit traitée de manière strictement confidentielle, par exemple lors de la publication des résultats des recherches ou dans les matériels de la campagne. Une exception envisageable est celle de la dénonciation publique, qui consiste en la publication d’information sur les violations prouvées commises par des personnalités connues, en tant que tactique délibérée de campagne. Mais il est tout aussi indispensable, dans cette éventualité, de consulter les survivantes concernées par le cas, d’obtenir leur consentement libre et entier et de présenter les faits d’une manière qui respecte leur dignité et leur vie privée.
On notera que même lorsque les survivantes ont donné leur consentement éclairé à ce que leur expérience soit publiée, il est important d’évaluer les risques en permanence et de faire passer la sécurité d’abord, par exemple en faisant usage de pseudonymes, en brouillant les visages (à la télévision ou dans les vidéos) et en modifiant tout élément d’information qui permettrait d’identifier les personnes concernées. On se gardera d’utiliser la photo de survivantes sans leur consentement éclairé et sans les informer pleinement de l’emploi potentiel et de la diffusion de la publication contenant leur photo et autres informations. On se rappellera aussi que même lorsqu’elles ont donné leur consentement en toute connaissance de cause, les personnes participant à la campagne peuvent ne pas être pleinement au courant des risques qu’elles courent; il convient donc de les leur expliquer clairement et il est impératif de laisser chaque personne déterminer, à tout moment, si elle souhaite faire connaître sa propre expérience à autrui, au sein de l’alliance de la campagne ou à l’extérieur.
Les quatre principes du consentement éclairé présentés ci-dessous sont conçus à des fins d’interviews et de recherches. Ils peuvent toutefois être appliqués aux activités de campagne susceptibles d’exposer les participantes à des risques, telles que les manifestations publiques ou les activités faisant intervenir les médias.
- Divulgation : Il faut faire connaître et expliciter l’emploi qui sera fait des informations demandées aux survivantes d’actes de violence à l’égard des femmes et aux autres personnes participant aux recherches (« les sujets ») ainsi que le but visé, de manière à assurer leur sécurité et à maintenir des relations honnêtes entre elles et les chercheurs.
- Caractère volontaire : Le sujet doit donner l’autorisation expresse, de préférence par écrit, d’employer les informations qu’il communique, en précisant s’il souhaite être identifié par son nom. Il doit être dans une situation qui lui permet de donner cette autorisation volontairement.
- Compréhension : Le sujet doit comprendre les conséquences qui découlent de son consentement à fournir des informations. Ceci peut être compliqué si elle ne connaît pas bien la modalité de diffusion prévue (par exemple via l’internet). L’intervieweur doit veiller à la sécurité du sujet sans être condescendant.
- Compétence : Le sujet doit être mentalement capable de comprendre les conséquences de sa participation. Ceci revêt une importance particulière pour les survivantes de violences qui ont été gravement traumatisées et qui peuvent ne pas être psychologiquement prêtes à refuser de donner leur consentement.
(Adapté d’après Witness)
Un autre point décisif dans les activités de campagne sur la violence à l’égard des femmes est l’autonomisation. Étant donné que la violence à l’égard des femmes peut avoir des effets profondément déshabilitants, il est important que les survivantes aient la possibilité de s’exprimer, mais uniquement si elles souhaitent le faire et si elles sont suffisamment préparées à cela (par exemple au moyen de séances préalables de répétition de leurs déclarations en groupe et en se prémunissant contre les risques éventuels).