Les étapes générales des interrogatoires

Dernière modification: December 30, 2011

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Les options
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Les étapes générales des interrogatoires des survivantes sont les suivantes :

Planification et préparation

  • Choisir un lieu approprié : Si possible, la survivante devrait décider si elle accepte de répondre aux questions dans les locaux de la police ou si elle préfèrerait le faire ailleurs (chez elle, si elle y est en sécurité, dans un hôpital, un centre de crise ou un autre établissement d’appui). Les interrogatoires ayant lieu dans les locaux de la police devraient être menés dans un espace privé, hors de portée de la vue et de l’ouïe de l’agresseur, et pas dans une salle d’interrogation étant donné le statut de victime de la survivante.
  • Déterminer si d’autres personnes seront présentes : L’interrogatoire devrait être mené par un agent expérimenté (de  préférence une femme, encore que cela puisse varier selon le contexte). Avec l’accord de la survivante, l’agent interrogateur peut être accompagné d’un autre agent et d’une personne de soutien pour la survivante.
  • Prévoir les questions à poser : L’agent doit se conformer à un protocole existant ou établir un guide d’interrogation pour déterminer avec tact les faits en rapport avec l’incident (répondre aux questions qui, quoi, quand, où, pourquoi et comment).

Prise de contact et explications

  • Présentation : L’agent/les agents doi(ven)t se présenter en donnant son/leur nom à la survivante.
  • Règles de l’interrogatoire : Il faut expliquer le processus de l’interrogatoire à la survivante et obtenir son consentement éclairé avant de commencer, afin de s’assurer que celle-ci est bien disposée à parler de l’incident et comprend bien les suites de l’affaire.

Entretien

  • Récit libre : L’agent interrogateur doit commencer l’interrogation en laissant la survivante décrire l’incident et fournir tout autre renseignement qu’elle considère pertinent, sans l’interrompre. La survivante doit être encouragée à donner son point de vue et se voir accorder tout le temps nécessaire pour partager son expérience comme elle l’entend, pendant que l’interrogateur consigne soigneusement les information comme il convient.
  • Questions ouvertes : L’agent peut poursuivre, après le récit, en posant des questions qui permettent à la survivante de décrire plus en détail certains points de l’incident ou de clarifier certains renseignements (questions du type : Parlez-moi de … ; que s’est-il passé après …?; dites-moi ce que vous vous rappelez d’autre … ; et après ?).
  • Questions spécifiques : L’agent pourra en dernier lieu poser des questions fermées, auxquelles on peut répondre par « oui » ou « non », pour compléter les informations données dans le récit.

Clôture

  • Orientation/Plan de sécurité : Les survivantes doivent être informées des autres services d’appui disponibles (soins médicaux/psychologiques, hébergement, aide juridique, etc.) et, dans la mesure du possible, la police doit leur faciliter l’accès à ces services (par exemple en assurant leur transport vers les centres d’appui, en facilitant la prise de contact avec organismes de défense des droits de femmes, etc). Dans les cas de violence domestique, de traite des femmes, de mariage forcé et de crimes dits « d’honneur », il est indispensable que la police établisse un plan de sécurité avec les femmes et les filles à risque de maltraitance future, avant de conclure l’interogatoire.
  • Conclusion : L’agent interrogateur devrait également donner à la survivante une possibilité supplémentaire de communiquer d’autres informations sur l’incident et de poser des questions sur le processus ou les étapes suivantes. La survivante devrait être informée des mesures que prendra la police (en veillant à rester réaliste et à ne pas lui laisser espérer des résultats qui ne peuvent pas être garantis) et remerciée de sa contribution au processus.

Évaluation

  • Une analyse individuelle ou en équipe de l’interrogatoire et des résultats devrait être réalisée pour déterminer les mesures de suivi, mettre en évidence les leçons à retenir et éclairer de futures révisions du processus afin de l’améliorer.

(Adapté d’après UNODC. 2010. Handbook on Effective police responses to violence against women; [Manuel sur les réponses policières efficaces à la violence envers les femmes] et UNODC, 2009. Anti-human trafficking manual for criminal justice practitioners: Module 8: Interviewing victims of trafficking in persons who are potential witnesses [Manuel de lutte contre la traite des êtres humains à l’usage des praticiens de la justice pénale. Module 8 : Interrogatoire des victimes de la traite des personnes qui sont des témoins potentiels])

Exemple illustratif :
Protocoles et procédures de la Police ougandaise pour le traitement des victimes et des suspects  

Principes clés applicables aux cas de violence domestique:

  • Parlez séparément au suspect et à la survivante.

  • Informez la survivante des questions de confidentialité et de divulgation.

  • Ne révélez pas au suspect la source des informations.

  • Écoutez calmement les propos de la survivante.

  • Ne faites pas de commentaires ou ne tirez pas de conclusions constituant un jugement de votre part.

  • Donnez-lui la possibilité d’exprimer son opinion.

  • Évitez de lui raconter votre expérience personnelle en matière de violence.

  • Aidez-la à réfléchir et à considérer les options de sécurité pour elle et ses enfants.

  • Aidez-la à évaluer ses risques.

  • Informez-la sur les ressources disponibles pour les victimes de violence.

  • Orientez-la vers d’autres services pour une aide supplémentaire.

Travail avec les femmes victimes de violence :

Principes clés

  • Faites savoir à la survivante qu’elle n’a pas à se faire de reproches en rapport avec la violence.

  • Dites-lui que la violence n’est absolument pas justifiable.

  • Rappelez-vous que la survivante a essayé d’autres options avant de s’adresser finalement à la police.

  • Assurez-la de votre soutien.

  • Conformez-vous aux règles de confidentialité et de divulgation dont vous avez convenu avec elle.

  • Ne lui faites pas de promesses si vous ne pouvez pas les tenir.

  • Interrogez la survivante en privé et ne permettez-pas à d’autres d’émettre des commentaires sur l’affaire.

Guide de l’interrogatoire

Accueillez la cliente. Donnez-lui votre nom et expliquez-lui que vous allez lui poser quelques questions sur son cas. Questions :

  • Qu’est-ce qui vous a amenée ici aujourd’hui ?

  • Y a-t-il eu précédemment d’autres incidents de violence dans votre relation ?

  • Le suspect a-t-il jamais menacé de vous tuer ou de vous faire du mal ?

  • Pensez-vous que vous courez des dangers immédiats ? [Dans l’affirmative, voir le guide d’évaluation des risques (en anglais)]

  • Y avait-il d’autres personnes présentes lors de l’incident (ex.: vos enfants, des proches, des voisins)?

  • Avez-vous informé d’autres personnes de ce qui s’est passé (ex.: proches, belle-famille, conseils locaux) ?

  • Que voudriez-vous que la police fasse pour vous aider ?

  • Pensez-vous que vous ne serez pas en danger en rentrant chez vous ?

  • Se peut-il que votre partenaire vous agresse de nouveau et comment pouvez-vous planifier votre sécurité si cela se produisait ?

  • Y a-t-il d’autres informations que vous souhaitez donner à la police sur les dangers que vous courez ?

  • Décrivez les options de la cliente, par exemple : avertissement écrit envoyé au suspect, arrestation du suspect, poursuites judiciaires, etc.), en expliquant les conditions et les implications de chacune de ces options.

  • Voulez-vous des conseils psychosociaux ou des soins de santé ? (Donnez à la cliente la liste de références et aidez-la à comprendre ses options.)

  • Donnez votre rapport d’interrogation à la cliente (ou donnez-en-lui lecture si elle ne sait pas lire) et demandez-lui si cela décrit bien les faits et ses intentions.

  • Expliquez les étapes suivantes et demandez-lui si elle y consent.

Travail avec les suspects de violence domestique :

Principes clés

  • Calmez le suspect s’il est en colère, agité ou violent.

  • Employez des termes qui ne passent pas de jugement en interrogeant le suspect.

  • Recueillez la version des faits du suspect.

  • Évitez la question : « Pourquoi avez-vous recouru à la violence ? », qui tend à justifier le recours à la violence.

  • Assurez-vous que le suspect vous écoute et que vous êtes en contrôle de la situation.

  • Évitez de dire au suspect que vous avez parlé à sa femme/partenaire.

  • Évitez de dire au suspect qui a appelé la police dans les cas où celle-ci a effectué une arrestation.

  • Ne laissez pas le suspect prendre la direction de l’interrogatoire.

  • Dites au suspect que son arrestation est une décision de la police et pas de la victime.

  • Informez le suspect du type d’infraction qu’il a commis.

  • Ne vous laissez pas entraîner dans des discussions sur des questions sans rapport avec l’infraction signalée.

Guide de l’interrogatoire

  • Remarques d’accueil

  • Demandez au suspect de décrire ce qui s’est passé entre lui et sa partenaire.

  • Cela s’est-il produit précédemment ?

  • Savez-vous quelle infraction vous avez commise ? (Expliquez au suspect l’infraction qui lui est imputée.)

  • Savez-vous quelles sont les conséquences de cette infraction ? (Expliquez au suspect ce qui va se passer.)

  • Si des poursuites judiciaires ne sont pas engagées, expliquez au suspect quelles autres mesures seront prises (ex.: déclaration écrite signée, rapport transmis à l’échelon supérieur).

  • Informez le suspect de ce que la violence à l’égard des femmes n’est pas tolérée.

  • Voulez-vous parler à un conseiller ou à un autre responsable ? Dans l’affirmative, communiquez-lui la liste de référence.

Extrait de : Turyasingura, H. (2007), Responding to Domestic Violence, A Handbook for Ugandan Police Force [Réponse à la violence domestique. Manuel à l’intention de la Police ougandaise], Kampala: Uganda Police and CEDOVIP.

 

Outils clés

Manuel sur les réponses policières efficaces à la violence envers les femmes – Série de manuels sur la justice pénale (UNODC, 2010). Ce manuel a pour but d’aider et de guider les policiers dans leurs actions visant à prévenir la violence à l’égard des femmes et à y répondre, en les familiarisant avec les lois, règles et normes internationales qui s’appliquent en matière de violence faite aux femmes,  ainsi qu’en les informant sur certaines méthodes prometteuses permettnt de combattre efficacement ces formes de violence. Il décrit les bonnes stratégies, procédures et pratiques qui ont aidé les forces de police à accroître la sûreté et la sécurité des femmes au niveau des communautés. Disponible en français et en anglais.

Victim Translation Assistance Tool - Life support messages for victims of human trafficking [Outil d’aide à la traduction pour les victimes – Messages d’appui vital pour les victimes de la traite des personnes] (UNODC, 2010). Cet outil est une ressource unique en son genre pour les personnels des forces de l’ordre qui fournissent une aide de base aux victimes de la traite des personnes. Élaboré en coopération avec des survivant(e)s de la traite et des spécialistes de l’appui aux survivantes, il emploie des messages audio pour faciliter l’identification des victimes de la traite, la communication avec elles et le lancement d’une enquête criminelle. Il contient 35 questions et messages fondamentaux enregistrés, traduits en 40 langues, adapté selon le sexe des victimes et comprenant des questions spéciales pour les enfants. Disponible en anglais.           
 

Responding to Domestic Violence: A Handbook for Ugandan Police Force [Réponse à la violence domestique. Manuel à l’intention de la Police ougandaise] (Turyasingura, H., 2007). Ce manuel donne des informations générales sur le problème de la violence domestique en tant que violation des droits de la personne, ainsi que des directives sur la façon d’interroger les victimes, les enfants touchés par la violence domestique en tant que victimes et témoins, et les auteurs des actes de violence domestique. Disponible en anglais.

Stratégies et mesures concrètes types actualisées relatives à l’élimination de la violence contre les femmes dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale, Annexe à la résolution 65/228 de l’Assemblée générale de 2011 (actualisation de la résolution 52/86) (ONUDC, 2009). Les stratégies et mesures concrètes actualisent la version de 1997 et tiennent compte des nouvelles approches, des nouveaux outils de prévention et des bonnes pratiques en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Disponible en français et en anglais.

Ending Domestic Violence: a Manual for PWDVA Protection Officers [Élimination de la violence domestique : Manuel à l’intention des officiers de protection de la PWDVA] (UNIFEM/ Lawyers Collective Women’s Rights Initiative/ Indian Ministry of Women and Child Development, National Commission for Women, 2009). Ce manuel vise à fournir des conseils étape par étape aux officiers chargés de  la protection dans le cadre de la Loi de protection des femmes contre la violence domestique (PWDVA) sur la façon de s’acquitter de leurs fonctions au titre de la loi, depuis la réception des survivantes, jusqu’à la fin du stade de la procédure judiciaire, notamment pour les obligations que leur imposent les tribunaux. Écrit pour des non-juristes et fondé sur les connaissances et l’expérience pratique de la Loi du collectif d’avocats, ce manuel est une ressource indispensable pour former les officiers à l’application efficace de la Loi et dans le respect de leurs obligations juridiques et des objectifs de la loi. Il peut également être utilisé par les forces de police, les prestataires de services, les personnels d’établissements médicaux et de foyers d’accueil et d’autres groupes de la société civile actifs dans le domaine de la lutte contre la violence domestique, ainsi que par les femmes qui se pourvoient devant les tribunaux au titre de la Loi. Disponible en anglais.

Enhancing Law Enforcement Response to Victims: Resource Toolkit [Amélioration de la réponse des forces de l’ordre aux victimes : kit de ressources] (International Police Chiefs Association, 2008). Ce dossier pratique est l’une de trois ressources d’un dossier de stratégie destiné aux acteurs et aux décisionnaires étatiques et non étatiques du secteur de l’application de la loi. Il contient des déclarations de mission révisées, des calendriers et des descriptions de processus, des questions d’interrogation des parties prenantes, des spécimens de plans d’action, d’accords de partenariat, de politiques et de procédures d’intervention auprès des victimes, des évaluations d’engagement de personnel et d’appréciation des performances, des matériels d’information (brochures, communiqués de presse, sites Web) et des liens renvoyant à des ressources concernant les victimes. Disponible en anglais.

Principes d’éthique et de sécurité recommandés par l’OMS pour la recherche, la documentation et le suivi de la violence sexuelle dans les situations d’urgence (WHO, 2007). Ces principes recommandés sont conçus pour informer les personnes chargées de la planification, de la réalisation, du financement, de l’examen des protocoles, de l’approbation ou du soutien du receuil d’information sur la violence sexuelle dans le cadre des opérations humanitaires. Parmi les personnes intéressées figurent (sans s’y limiter) les chercheurs, les planificateurrs de programmes, les comités d’éthique, les responsables et le personnel des organisations humanitaires et de défense des droits de la personne, tous les personnels associés aux enquêtes sur la violence sexuelle (y inclus les traducteurs et interprètes, les personnels chargés de la saisie des données, les chauffeurs et autres). Disponible en français, anglais et arabe.

Sexual Assault Incident Reports - Investigative Strategies [Rapports sur les incidents d’agression sexuelles – Stratégies d’enquête] (International Association of Chiefs of Police, 2005). Ces directives et ces stratégies d’interrogation fondées sur les pratiques optimales appliquées aux États-Unis pour les enquêtes sur les agressions sexuelles ont été élaborées en collaboration avec les autorités de police, du parquet, des défenseurs des droits de la personne, du personnel médical et des médecins légistes au niveau fédéral, national et local. Les directives ont pour but d’aider les personnels et les services à préparer les dossiers sur les cas d’agression sexuelle en vue de poursuites judiciaires qui aboutiront à la condamnation des coupables, par une documentation détaillée et des enquêtes approfondies; elles portent sur le codage et le classement standardisés des affaires, la rédaction de rapports, l’interrogation de la victime et du suspect, l’enquête et le travail avec les populations vulnérables. Disponible en anglais.

WHO Ethical and safety recommendations for interviewing trafficked women [Recommandations d’éthique et de sécurité de l’OMS pour l’interrogation des femmes victimes de la traite] (Cathy Zimmerman and Charlotte Watts for the World Health Organization, 2003). Ce rapport est une ressource destinée aux chercheurs, aux membres des médias et aux prestataires de services ne possédant qu’une expérience limitée du travail avec les femmes victimes de la traite. Les recommandations, à utiliser conjointement avec les normes existantes, comprennent dix principes de base sur l’interrogation des femmes qui ont été ou sont toujours victimes de la traite, avec pour chaque principe des explications et des suggestions sur leur application. Disponible en anglais, arménien, bosniaque, croate, espagnol, japonais, roumain, russe et serbe.

Human Trafficking Investigation Manual [Manuel d’enquête sur la traite des êtres humains] (UNDP and DFID). Ce manuel a été élaboré dans le cadre du Programme de réforme de la police au Bangladesh pour appuyer les interventions des forces de l’ordre dans le domaine de la traite des personnes. Disponible en anglais et bengali.

Priorité aux femmes : Principes d’éthique et de sécurité recommandés pour les recherches sur les actes de violence familiale à l’égard des femmes (WHO, 2001). Ces directives sont destinées aux chercheurs et aux praticiens appelés à recueillir des informations auprès de survivantes de la violence domestique. Elles peuvent servir à guider les interrogations menées par des professionnels tesl que les personnels de police. Disponible en français, anglais et espagnol.