Qu’est-ce qu’une étude de base?
Une étude de base vise à établir une base de données à l’aune de laquelle il convient de suivre et d’évaluer la progression et l’efficacité d’une activité pendant sa mise en oeuvre et après sa réalisation. Il arrive parfois que les données de référence nécessaires pour mesurer l’ampleur et la qualité des changements intervenus pendant la mise en oeuvre de l’activité existent déjà. Dans ces cas, il suffira de colliger les données et de s’assurer de leur mise à jour à plus long terme. Il convient donc de vérifier les données déjà disponibles. Le plus souvent, toutefois, les données manqueront, seront tronquées ou de piètre qualité, ou devront être complétées ou réparties en catégories correspondantes au projet en cours d’exécution.
Lors de la préparation de l’étude de base, l’organisme qui en a la charge devra déterminer quel changement évaluer et quel type de comparaison ou de comparaisons établir dans le cadre de l’évaluation du changement. Deux méthodes sont fréquemment utilisées à cette fin:
- activité “avec ou sans”: cette méthode vise à imiter l’utilisation du contrôle expérimental, et compare le changement intervenu sur le lieu de l’activité au changement qui se produit sur un lieu similaire où l’activité n’a pas lieu; et
- activité “avant et après” : cette méthode mesure l’évolution dans le temps sur le lieu de l’activité seulement.
L’étude doit être étroitement liée au plan de suivi de l’activité, de sorte que les données collectées puissent être reproduites si nécessaire pendant le suivi continu de l’activité, pour une analyse à mi-parcours, une évaluation menée pour le rapport d’achèvement de l’activité et des évaluations ultérieures. Les données de base doivent fournir un minimum d’informations nécessaires à l’évaluation de la qualité de la mise en oeuvre de l’activité et des résultats de sa progression.
Éthiques et études de base liées à la violence envers les femmes
Avant d’effectuer une recherche de base, il convient de prendre connaissance des directives concernant la recherche qui implique des sujets humains. Certaines institutions publiques, comme les universités, suiveront leurs propres processus d’approbation de la recherche impliquant la collecte de données auprès de sujets humains. Mais même les institutions privées doivent s’assurer qu’elles connaissent toutes les normes nationales en la matière et que leur méthodologie comporte des considérations éthiques. La plupart des pays disposent de directives formelles (juridiques) en matière de recherche et ceux qui s’y engagent doivent s’assurer que l’étude qu’ils mènent fait l’objet d’un processus d’évaluation ou d’approbation. Les États-Unis affichent en ligne les directives fédérales relatives aux pratiques de recherche liées aux sujets humains (federal guidelines on ethical research practices related to human subjects).
Méthodes pour les études de base
Les études de base peuvent être réalisées au moyen de nombreuses méthodes, dont celles décrites ci-dessus dans la section Planification des programmes (programme planning section), comme les enquêtes, les entrevues ou les groupes de discussion. Des éléments visuels comme les photos, les cartes et les diagrammes constituent des sources précieuses d’information qui sont pourtant fréquemment sous-utilisées dans une étude base. Il est souvent important de faire montre de créativité et d’innovation dans l’utilisation des sources de données. L’un des principaux critères de choix de la méthode de recherche réside dans la fiabilité des données effectivement collectées, c’est-à-dire qu’une personne différente qui recourt à la même méthode et refait la même collecte de données aboutit au même résultat. L’application combinée des méthodes de collecte de données est recommandée.
Adapté d’après: l’Agence australienne pour le développement international, Baseline Studies (Études de base) (2003).
Des ONG effectuent des études de base sur la violence envers les femmes (VFF) en Asie
L’organisation International Women’s Rights Action Watch (IWRAW) - Asie-Pacifique a aidé plusieurs organismes à mener des études de base sur la question de la violence envers les femmes en Asie, notamment au Bangladesh, en Inde et au Népal. Le Bangladesh Baseline Study a créé des données de base relatives à la prévalence de plusieurs formes de violence, dont la violence conjugale, le viol et la violence sexuelle, le meurtre et le suicide, l’attaque à l’acide, la violence communautaire (comme suite aux décisions d’une communauté de sanctionner un de ses membres), et la violence en détention (violences à l’encontre de personnes confiées à la garde de l’État). L’étude menée au Bangladesh a utilisé l’approche axée sur le partenariat, formant une coalition d’organisations non gouvernementales pour effectuer la recherche, et fondé ses travaux uniquement sur les sources secondaires de données. Les auteurs de l’étude ont souligné la difficulté de comparer des données provenant de différentes sources et de se fier, dans bien des cas, à la couverture médiatique. Le rapport décrit également les lois fondamentales qui s’appliquent aux affaires de violence envers les femmes, et les interventions judiciaires dans ce domaine.
En Inde, l’organisation Association for Advocacy and Legal Initiatives a mené une étude de base axée sur les droits des femmes découlant d’un mariage (Rights of Women in Relation to Marriage). L’association a organisé des forums pour des organisations de la société civile de deux États indiens au cours desquels on les a invitées à présenter des études de cas et des données liées à la violence contre les femmes, en particulier le mariage forcé et le mariage d’enfants. Cet exercice a permis de relever de graves lacunes dans la collecte publique des données relatives à la violence envers les femmes, et la minimisation par la société civile de certains types de violence, comme la violence conjugale. Le rapport de base définitif a analysé les données, les droits juridiques des femmes, et l’intervention des pouvoirs publics au cours de trois phases: au début du mariage, pendant le mariage et à sa dissolution. Le rapport décrit les lois fondamentales qui s’appliquent aux affaires de violence envers les femmes et les interventions de la justice pénale dans ce domaine, et offre des exemples d’études de cas pour faire ressortir les conclusions clés.
Source: IWRAW-Asia Pacific.
La collecte des données de base spécifiques se fera en fonction des objectifs du programme à appliquer. Les études de base consacrées au secteur de la justice formelle et à la violence envers les femmes doivent prévoir la collecte de données dans les domaines suivants:
- prévalence de la violence faite aux femmes et aux filles, notamment la prévalence de certains types de violence dans la communauté ciblée.
- caractéristiques des femmes et des filles victimes des taux les plus élevés de violence.
- caractéristiques des agresseurs ayant un comportement violent.
- attitudes des principales parties concernées au sujet des origines et des conséquences de la violence envers les femmes
- attitudes des principales parties concernées au sujet des recours prévus en cas de violence à l’égard des femmes.
- nombre des affaires de violence envers les femmes traitées par le système de justice formelle, y compris les plaintes et les affaires ayant fait l’objet d’enquêtes, de poursuites, ou qui sont présentées au tribunal mais restent sans suite.
- connaissances des magistrats, des procureurs et d’autres personnels judiciaires sur les principes et obligations en matière de droits des femmes.
- Description du traitement type d’une affaire de violence envers les femmes et du cadre juridique de base:
° Tribunaux: Plus précisément les interventions du système judiciaire, notamment celles des administrateurs et du personnel des tribunaux, les programmes de formation, la collecte et la diffusion des données, l’infrastructure des tribunaux et les espaces sûrs, l’intervention judiciaire à l’occasion de l’interaction avec les victimes et les agresseurs, les interventions des responsables des personnels, et activisme et participation judiciaire à la vie communautaire pour ce qui concerne la violence envers les femmes. Cliquez ici pour des exemples d’indicateurs spécifiques.
° Procureurs: Comment les procureurs utilisent-ils les évaluations risque (risk assessments), comment interagissent-ils avec la victime et sa famille, comment réagissent-ils à l’absence de coopération de la victime, comment utilisent-ils les dispositions en matière d’interdiction de communiquer, les ordonnances restrictives, les requêtes de protection de l’intégrité des affaires présentées pendant le procès? Est-ce qu’ils utilisent les poursuites verticales, instruisent soigneusement les dossiers, établissent un plan de sécurité avec la victime, considèrent avec soin les décisions de mise en liberté sous caution, maintiennent des contacts réguliers avec les victimes et les tiennent informées de l’évolution et de l’état du dossier? Les données d’évaluation de la capacité des procureurs de mener à bien les dossiers doivent inclure non seulement le nombre des condamnations prononcées ou de négociations pénales menées, les taux de récidives et de participation des victimes, mais aussi leur état de sécurité et de rétablissemen. Cliquez ici pour autres exemples d’autres types de données à collecter au sujet des procureurs.
° Système de justice civile: Partenariats avec des prestataires locaux de services aux victimes, assistance juridique disponible, nombre d’avocats spécialement formés, et coordination avec le système judiciaire pénal. Cliquez ici pour des exemples spécifiques d’indicateurs relatifs au système judiciaire civil.
- Mise en place de mesures spéciales pour les affaires de violence envers les femmes
- Description de l’interaction des systèmes de justice formelle et informelle
- Description de la qualité et des coûts des services juridiques et de représentation des victimes
- Description de la qualité et des coûts des autres services disponibles aux victimes, en particulier le logement, l’accompagnement et l’assistance sociale, ou l’aide financière
Namibie: étude sur le retrait des plaintes pour viol
L’association Legal Assistance Center (Centre d’assistance juridique) de Namibie effectue des recherches rigoureuses dans le cadre des activités de mobilisation pour la réforme du système judiciaire. Une étude essentiellement quantitative réalisée en 2006 a révélé que le retrait des plaintes était la raison principale pour laquelle les plaintes pour viol n’étaient pas examinées par le système judiciaire pénal. Cette conclusion a incité les chercheurs du Centre à réaliser en 2008 une deuxième étude axée sur les raisons qui motivaient une telle décision. La deuxième étude a utilisé des méthodes qualitatives, en particulier des groupes de discussion, des entrevues avec les principales parties concernées et des membres des communautés. Dans le souci de préserver la sécurité et la confidentialité des victimes de viol, la plupart des informations contenues dans l’étude proviennent des perceptions exprimées par les membres des communautés et des prestataires de service, ainsi que des témoignages d’un certain nombre de victimes qui ont répondu à l’invitation des chercheurs de participer à l’étude. Les chercheurs ont également mené une analyse de la documentation provenant d’autres études consacrées aux retraits des plaintes pour viol afin de replacer les faits dans leur contexte et de comparer les résultats. L’étude a documenté les 10 raisons les plus souvent invoquées par les femmes de Namibie pour retirer leurs plaintes pour viol: obtention d’une indemnisation, pression exercée par la famille pour retirer la plainte, sentiment de honte d’avoir été violée, menaces de violence physique proférées par le violeur, longueur de l’instruction des affaires de viol, crainte de ne pas disposer des preuves suffisantes pour gagner en justice, manque d’informations nécessaires, statut social important du violeur, subornation de la femme et précarité financière.
Source: Legal Assistance Center. 2008. Withdrawn: Why complainants withdraw rape cases in Namibia.