La législation doit spécifier que la mission première de la police est de protéger les victimes et de faire en sorte que les auteurs d’infraction aient à répondre de leurs actes en appliquant la loi et les procédures établies afin que tous les crimes « d’honneur » soient jugés par la justice pénale. À cette fin, la législation doit autoriser la police, par des mandats le cas échéant, à pénétrer dans des locaux, à procéder à l’arrestation de l’agresseur initial ou des agresseurs initiaux, et à confisquer les armes ou les substances dangereuses dans les affaires « d’honneur ». Elle doit charger la police, devant des violences commises au nom de « l’honneur », de travailler en coopération avec les avocats, les professionnels de la santé, les acteurs de la justice pénale, notamment le parquet, les services de protection de l’enfance, les entreprises locales, les médias, les employeurs, les chefs religieux, le clergé et les organismes travaillant auprès des victimes et des communautés immigrées. Voir : Action communautaire concertée (en anglais), StopVAW.
La législation doit faire obligation aux services ministériels compétents de collaborer avec la police, le parquet, les juges, les professionnels de la santé et de l’éducation pour élaborer des règlements, des directives et d’autres protocoles devant être mis en œuvre dans un délai déterminé après l’entrée en vigueur de la loi. Voir : Manuel ONU, 3.2.6. L’instance chargée de les adopter doit travailler en étroite collaboration avec les organisations non gouvernementales et les groupes de défense des victimes. Ces politiques doivent tendre à harmoniser l’action de la police, de façon que les forces de l’ordre utilisent les mêmes formations, les mêmes matériels d’information et le même modèle d’évaluation des risques. La loi doit imposer que les protocoles, règlements et directives employés par la police comprennent au minimum les éléments suivants :
- une définition commune des crimes « d’honneur » concordant avec une définition nationale. Lorsqu’il n’existe pas de définition nationale, il est possible de définir les crimes « d’honneur » comme étant « toute forme de violence à l’égard des femmes et des filles commise au nom de codes traditionnels prétendument d’honneur ». Voir : la partie Définition des crimes « d’honneur » ;
ÉTUDE DE CAS :
au Royaume-Uni, la police de Londres utilise la définition suivante des violences commises au nom de « l’honneur » : « un délit ou un incident ayant ou susceptible d’avoir été commis pour protéger ou défendre l’honneur de la famille et/ou de la communauté ». Cette définition est accompagnée d’une note expliquant :
Il n’y a aucun honneur dans le fait de commettre un meurtre, un viol, un enlèvement et dans les nombreux actes ou comportements qualifiés de « crimes d’honneur ».
La simplicité de la définition ci-dessus ne vise nullement à minimiser l’importance des violences, des préjudices et des souffrances causés par la commission de ces actes.
Il s’agit d’un ensemble de pratiques utilisées pour contrôler les comportements au sein des familles afin de protéger des croyances culturelles ou religieuses et/ou une certaine perception de l’honneur. Ce type de violences peut se produire lorsqu’une personne a le sentiment qu’un proche a déshonoré la famille et/ou la communauté en enfreignant leur code de l’honneur. Les femmes sont les principales victimes (mais pas les seules) des violences commises prétendument au nom de « l’honneur », violences qui sont utilisées pour asseoir le pouvoir masculin afin de contrôler l’autonomie et la sexualité des femmes.
Les violences prétendument commises au nom de « l’honneur » se distinguent des autres formes de violence par le fait qu’elles se produisent souvent avec un certain degré d’approbation et/ou de connivence de la part de membres de la famille et/ou de la communauté.
Voir : Projet pilote du CPS sur le mariage forcé et les crimes prétendument « d’honneur » – Conclusions (en anglais), Crown Prosecution Service (ministère public de l’Angleterre et du Pays de Galles), annexe B, 2008.
- la création d’un système de collecte de données, de suivi et de partage d’informations sur la violence à l’égard des femmes, notamment sur les crimes « d’honneur ». Ce système doit inclure des catégories distinctes pour les crimes « d’honneur », ainsi qu’un mécanisme permettant aux autorités de police locales de faire remonter à une entité nationale les statistiques sur les violences commises au nom de « l’honneur ». Les systèmes de partage d’informations doivent également renseigner sur les ordonnances de protection et injonctions d’éloignement prononcées, afin que la police puisse savoir si une décision de ce type est en vigueur ;
- l’organisation structurelle du traitement des affaires « d’honneur », en veillant à ce que la responsabilité des crimes « d’honneur » soit confiée aux niveaux hiérarchiques les plus élevés. Des compétences spécialisées doivent être développées dans les services de police, même si tous les agents de police doivent aussi recevoir des formations appropriées sur les violences faites aux femmes et aux filles. Il serait souhaitable d’augmenter la présence des femmes dans la police, notamment dans les unités opérationnelles, et de donner aux victimes de crimes « d’honneur » et aux personnes craignant de l’être la possibilité de parler à un agent de sexe féminin ;
Pratique encourageante : au Pakistan, la Loi pénale de 2004 dispose qu’aucun policier en dessous du grade de commissaire ne peut enquêter sur un crime « d’honneur ».
- le développement des échanges entre les services de police dans différents domaines, notamment en ce qui concerne la réception des victimes transférées ;
- des formations destinées aux policiers, qui les informent sur les droits fondamentaux des femmes, les violences contre les femmes, les sensibilités culturelles et les violences commises au nom de « l’honneur », notamment leur prévalence, avec une définition de leurs caractéristiques, des facteurs de risque et des conséquences. Les formations doivent s’employer à éliminer les stéréotypes préjudiciables aux femmes et aux filles, et insister sur l’obligation qu’a la police d’intervenir dans les crimes « d’honneur » avec le même professionnalisme et la même efficacité que dans les autres affaires. Les formations doivent viser à améliorer la manière dont la police identifie les crimes « d’honneur », enquête sur ces crimes et en poursuit les auteurs. Voir : Formation sur l’amélioration des techniques d’investigation de la police (en anglais), StopVAW ;
- des actions de communication ciblées sur les communautés exposées à un risque élevé de crimes « d’honneur » ;
- l’élaboration d’une réponse de la police aux crimes « d’honneur », comportant des actions plurisectorielles et coordonnées. Les objectifs de l’intervention de la police énoncés dans les directives établies doivent être de protéger la victime ou la personne en situation de risque, de procéder à l’arrestation, à l’inculpation et à la condamnation des coupables, et d’empêcher de nouvelles violences. Les mesures prises par la police doivent être guidées par la nécessité de prendre en compte les besoins des victimes de crimes « d’honneur », de respecter leur dignité et leur intégrité, de minimiser les intrusions dans leur vie, et de maintenir un niveau d’exigence élevé en matière de preuves. Les agents des forces de l’ordre confrontés à un crime « d’honneur » doivent le contextualiser et :
- intervenir dans une langue comprise par la plaignante/victime ;
- procéder à une évaluation coordonnée des risques sur les lieux du délit ;
- interroger séparément les parties et les témoins, notamment les enfants ;
- faire appel à un interprète agréé et ne pas utiliser un membre de la famille, un voisin, un ami ou une autre personne de la communauté pour servir d’interprète ;
- consigner la plainte en détail et établir un rapport officiel ;
- informer la victime de ses droits ;
- assurer le transport de la victime vers un lieu où elle pourra recevoir des soins en cas de nécessité ou de demande en ce sens ;
- assurer la protection de la personne ayant signalé les violences ;
- éviter de servir de médiateur entre la victime et les auteurs des violences.
Voir : Manuel ONU, 3.8.1 ; Résolution adoptée par l’Assemblée générale : Mesures en matière de prévention du crime et de justice pénale pour éliminer la violence contre les femmes, doc. ONU A/RES/52/86, 1998. [TO BE UPLOADED] ; Texte révisé des stratégies et mesures concrètes types relatives à l’élimination de la violence contre les femmes dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale (en anglais), rapport de la réunion du Groupe d’experts intergouvernemental chargé de revoir et de mettre à jour les Stratégies et mesures concrètes types relatives à l’élimination de la violence contre les femmes dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale, Bangkok, 23-25 mars 2009, Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, 2010.
- La législation doit commander aux forces de l’ordre de revoir les politiques concernées afin de vérifier qu’elles sont bien appliquées aux affaires « d’honneur ». Les services de police doivent passer en revue les politiques suivies en matière de violence familiale pour s’assurer qu’elle tiennent compte des problèmes particuliers associés aux crimes « d’honneur » : les violences commises au nom de « l’honneur » sont souvent ciblées sur les femmes et les filles ; elles peuvent toucher particulièrement les populations immigrées ou d’origine étrangère ; elles font souvent intervenir plusieurs coupables au sein de la même famille ou en dehors, et elles impliquent des facteurs de contrainte moins perceptibles tels que des restrictions à la liberté de mouvement, d’association et de communication, qui ne sont pas nécessairement prévues dans les lois sur la violence familiale, lesquelles portent en général sur les violences physiques. Les forces de l’ordre doivent également passer en revue les politiques de protection des témoins et des victimes afin de vérifier qu’elles protègent convenablement les victimes dans les affaires « d’honneur ». Aux termes de la loi, il doit être interdit à la police d’exiger des victimes qu’elles se soumettent à un test de virginité et de transférer une victime dans un centre de détention à titre de protection. La police ne doit transférer une victime dans un foyer d’accueil qu’avec son consentement, et doit se contenter de conseiller la victime, sans jamais l’obliger à prendre une décision.
Voir : Stratégie d’intervention face aux violences motivées par « l’honneur » (en anglais), ACPO (Association des hauts fonctionnaires de la police d’Angleterre, du Pays de Galles et d’Irlande du Nord).
- Il convient de veiller à ce que des lois et des directives régissant la conduite de la police soient en place. Dans certains cas, des manquements ou des entraves à la justice de la part de la police peuvent empêcher le bon déroulement des enquêtes sur des crimes « d’honneur ». Le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois proscrit la corruption et stipule qu’elle englobe « tout acte de commission ou d’omission accompli par le responsable dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions en échange de dons, de promesses ou d’avantages exigés ou acceptés, ou le fait de recevoir ceux-ci indûment, une fois l’acte considéré accompli » (art. 7, commentaire b). Il est important que les policiers reçoivent des formations sur les crimes « d’honneur » et les violences familiales afin de dissiper les idées fausses qu’ils peuvent avoir. Le législateur doit collaborer étroitement avec la société civile pour assurer une surveillance civile et indépendante du travail de la police et mettre en place des procédures de plaintes contre les manquements de la police, examinées par une instance indépendante.