Le législateur doit envisager d’intégrer les lois, aides et services relatifs au mariage forcé, à ceux qui concernent la violence familiale. Cette dernière peut prendre de nombreuses formes (en anglais), dont le mariage forcé. Le mariage forcé et le mariage des enfants font intervenir bon nombre d’attitudes de pouvoir et de contrôle que l’on retrouve dans la violence familiale. Voir : Qu’est-ce que la violence familiale ? (en anglais), Stop VAW, The Advocates for Human Rights. En intégrant le mariage forcé dans un dispositif de lutte contre la violence familiale, les pouvoirs publics peuvent permettre aux victimes de mariages forcés de bénéficier des structures d’aide existantes. Le législateur doit toutefois être conscient du niveau de connaissances spécialisées requis pour traiter des questions de crimes « d’honneur » et de mariage forcé. Voir le module sur les crimes « d’honneur ». Par ailleurs, il doit réfléchir à l’opportunité d’intégrer certaines formes de mariage forcé aux lois sur la traite des êtres humains. Toute loi sur la traite couvrant le mariage forcé doit prévoir une aide au rétablissement physique, psychologique et social des victimes. Voir les modules sur la violence familiale et la traite des femmes et des filles à des fins sexuelles.
- La loi doit garantir que les victimes reçoivent en temps voulu une assistance financière suffisante pour répondre à leurs besoins.
- La législation doit garantir aux victimes de mariages d’enfants le droit de faire des études, de se réinsérer dans la société et de bénéficier d’autres aides. Les enfants qui ont été mariés n’ont souvent pas les mêmes droits à l’éducation que les autres enfants. La loi doit faire en sorte que les victimes de mariages d’enfants reçoivent toute l’assistance dont elles ont besoin, pour leur permettre de se réinsérer pleinement dans la société et de se rétablir complètement sur le plan physique et psychologique.
- La législation doit garantir l’accès aux soins médicaux, en particulier aux soins de santé reproductive et de prévention du VIH. Les épouses de mariages polygames et les épouses mineures ont souvent moins la possibilité de négocier des rapports sexuels protégés, ce qui accroît leur risque de contracter des MST et le VIH. De plus, les mineures mariées de force souffrent souvent de complications de santé liées aux grossesses précoces et rapprochées et ont davantage de risques d’avoir des problèmes obstétricaux comme les fistules. Voir ci-dessus la section sur la fixation d’un âge minimum du mariage. La pénurie de centres médicaux et de professionnels de santé expérimentés aggrave ces risques. Selon une étude de l’UNICEF, le corps d’une jeune fille n’est pas prêt à subir un accouchement avant 18 ans (Fiche d’information n° 23 du Haut-Commissariat aux droits de l'homme sur les pratiques traditionnelles néfastes affectant la santé des femmes et des enfants, § E, citant l’UNICEF). Par ailleurs, une grossesse précoce laisse présager des grossesses plus rapprochées et plus nombreuses pendant toute la vie de la femme. Enfin, des tabous culturels empêchent parfois une mère de satisfaire ses besoins nutritionnels (Fiche d’information n° 23 du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, § E, citant l’UNICEF). Toute loi doit prendre en considération les conséquences physiques du mariage forcé, du mariage des enfants et du mariage polygame.
- La loi doit aussi rendre obligatoire la mise en place d’une permanence téléphonique gratuite fonctionnant 24 heures sur 24, accessible depuis tout le territoire national et tenue par des personnes formées aux questions de mariage forcé. Voir : Centres d’accueil et permanences téléphoniques (en anglais), Stop VAW, The Advocates for Human Rights. Cette permanence téléphonique doit être multilingue. Les pays peuvent réfléchir à la mise en place de services de conseil et de renseignement sur Internet, mais en prévoyant des mécanismes pour préserver la confidentialité des recherches effectuées sur Internet et en informant les internautes de l’existence de ces mécanismes. Voir le site de l’EPIC (en anglais), qui présente des outils utilisables pour protéger la confidentialité des données des internautes.
- La loi doit prévoir un centre d’accueil pour 10 000 habitants, procurant un hébergement d’urgence sûr, des services de conseil compétents et une aide pour trouver un logement durable. L’hébergement d’accueil doit tenir compte des besoins particuliers des femmes et des filles qui sont victimes ou victimes potentielles d’un mariage forcé, ainsi que du fait que les victimes puissent percevoir leur besoin d’un lieu de refuge comme étant un déshonneur pour leur famille, qu’elles puissent subir des pressions ou des menaces de membres de leur famille pour les obliger à revenir chez elles, et qu’elles puissent être forcées de couper tout contact. Dans son rapport Agir contre le mariage forcé (en anglais), le ministère des Affaires sociales et familiales, de la Santé et de la Protection des consommateurs de la Ville libre et hanséatique de Hambourg recommande de créer des structures spéciales de prise en charge qui garantissent l’anonymat, qui apportent soins et conseils aux victimes en tenant compte de l’absence brutale de la famille, et qui prévoient des mesures de protection pour les victimes et le personnel des structures d’accueil. En outre, les victimes de mariage forcé ont souvent besoin de trouver un logement stable leur permettant d’être indépendantes de leur famille. Voir la section sur le soutien aux victimes sur le long terme.
- La législation doit garantir aux victimes le droit de bénéficier d’une aide juridictionnelle gratuite dans toutes les procédures judiciaires, d’une assistance gratuite au tribunal, par exemple être accompagnées et/ou représentées par un service ou un intermédiaire qualifié, et d’un accès gratuit à des services d’interprétation compétents et neutres. La loi doit également protéger le droit de la victime de décider si elle souhaite être présente au tribunal ou présenter son dossier par d’autres voies ; permettre aux victimes qui témoignent au tribunal de le faire sans être confrontées au défendeur ; assurer une protection à la victime dans l’enceinte du tribunal ; n’exiger d’elle qu’elle témoigne seulement le nombre de fois strictement nécessaire ; demander des séances à huis clos lorsque la Constitution le permet ; et interdire toute publicité relative aux personnes impliquées dans l’affaire en prévoyant des recours appropriés en cas de non-respect. Le cas échéant, la loi doit renvoyer aux programmes de protection des témoins. Dans son rapport Agir contre le mariage forcé (en anglais), le ministère des Affaires sociales et familiales, de la Santé et de la Protection des consommateurs de la Ville libre et hanséatique de Hambourg recommande d’apporter aux victimes, dès le départ et durant toute la procédure judiciaire, une assistance juridique et psychosociale. Les victimes de mariage forcé doivent être accompagnées par des personnels expérimentés, capables de leur dispenser un soutien et des informations sur la procédure et sur leurs droits. Durant les audiences, le tribunal doit toujours faire appel à des interprètes assermentés plutôt qu’à des membres de la famille ou à des interprètes non qualifiés (p.39).
Pratique encourageante : au Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles), l’aide juridictionnelle est accessible sans conditions dans les affaires de mariage forcé comme dans celles de violence familiale. Il n’y a pas de plafond de patrimoine ni de revenu au-dessus duquel l’aide juridictionnelle n’est plus accordée, bien que le demandeur puisse tout de même être tenu de verser une contribution si son patrimoine ou son revenu est supérieur à un certain montant. Les critères d’attribution des aides juridictionnelles pour les violences familiales ne se limitent pas à une définition particulière des violences ou maltraitances familiales mais couvrent toutes les demandes de financement d’une représentation légale dans les affaires familiales impliquant une demande d’ordonnance, de renvoi ou de toute autre ordonnance destinée à protéger une personne, y compris les demandes d’ordonnance de protection contre un mariage forcé. Dans ces cas, le Code relatif à l’aide juridictionnelle impose au demandeur d’expliquer quelles mesures ont déjà été prises par la police et quelles autres protections, le cas échéant, sont déjà en place. En règle générale, il ne sera pas jugé opportun d’accorder une aide publique lorsque l’auteur de l’infraction est soumis à des conditions de libération sous caution qui apportent une protection au demandeur, à moins que ces conditions risquent d’être levées à brève échéance après l’engagement de poursuites pénales. Cette règle n’est toutefois pas absolue, et le degré de protection accordé au demandeur dans une affaire pénale doit être examiné au cas par cas.
La personne qui sollicite une aide juridictionnelle n’a pas besoin d’être de nationalité britannique ni de vivre en Angleterre ou au Pays de Galles pour en bénéficier, dès lors que l’affaire relève de la législation anglo-galloise. Fait important, l’aide juridictionnelle est accessible quel que soit le statut du demandeur au regard de l’immigration, et même si le client n’a pas accès à des aides publiques. L’aide juridictionnelle n’est pas classée dans les « aides publiques » à cet égard.
Dans certains cas, la victime peut se trouver à l’étranger ou ne pas être en mesure de produire immédiatement des justificatifs de ressources. Conformément aux directives relatives à l’utilisation des pouvoirs délégués, si l’avocat évalue que son client est financièrement habilité à en bénéficier et suit la procédure de délégation de pouvoirs, il sera rémunéré pour le travail accompli au titre de la représentation d’urgence, même s’il s’avère que le client ne pouvait finalement pas en bénéficier. Toutefois, dans la mesure où les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle sont levées dans ce type d’affaires, le plafond ne s’applique pas et la seule question pouvant se poser est celle du niveau de contribution à verser.
Assistance aux victimes sur le long terme
Outre la sécurité immédiate des victimes de mariages forcées et de mariages d’enfants, la loi doit prévoir un accompagnement et un soutien sur le long terme afin d’aider ces victimes à se réinsérer et de satisfaire leurs besoins physiques, sociaux et économiques. Cette assistance à long terme doit protéger les femmes et les filles exposées à un risque de représailles de la part de leur famille ou de leur ex-conjoint, et qui ne peuvent pas retourner dans leur famille. La législation doit répondre à leurs besoins sur le long terme, notamment en matière de protection de leur identité, d’aide psychologique, de services de santé reproductive, d’éducation, de logement, de soutien financier et de formation professionnelle.
- La loi doit préciser que les travailleurs sociaux, les professionnels de santé, les services de protection de l’enfance, les avocats et les autres professionnels travaillant avec des victimes de mariages forcés et de mariages d’enfants sont tenus de garder confidentielles toutes les informations relatives à la victime, notamment son identité. Les coordonnées des victimes de mariages forcés et de mariage d’enfants ne doivent être communiquées à quiconque qu’avec leur consentement. La loi doit prévoir des sanctions en cas de divulgation de ces informations sans autorisation.
- Elle doit aussi prévoir l’élaboration et le financement de projets de logements accompagnés, comme l’a recommandé le ministère des Affaires sociales et familiales, de la Santé et de la Protection des consommateurs de la Ville libre et hanséatique de Hambourg dans son rapport Agir contre le mariage forcé (en anglais), pour les victimes de mariages forcés ou de mariages d’enfants dont un tribunal a jugé qu’elles ne pouvaient pas retourner vivre dans leur famille.
- La loi doit garantir aux victimes un accès aux soins médicaux, en particulier aux soins de santé reproductive et aux traitements contre le VIH/sida et les MST.
- Elle doit comporter des dispositions sur l’obligation de subvenir aux besoins des enfants, notamment en ce qui concerne les calendriers de versement des pensions alimentaires et les moyens d’exécution, ou renvoyer aux dispositions correspondantes du droit de la famille. L’annulation d’un mariage ne dispense pas de cette obligation lorsque la victime a des enfants.
- La loi doit également comprendre des dispositions sur les aides financières dont les victimes de mariages forcés précoces et de mariages d’enfants peuvent bénéficier pour terminer leurs études, et doit rendre obligatoire la création d’un fonds à cette fin. Des bourses et des allocations doivent être accordées pour payer les frais de scolarité, les livres, les fournitures, les transports publics et les autres dépenses liées à la scolarité. Voir : Pour en finir avec le mariage des enfants : recommandations à la communauté internationale (en anglais). L’aide financière à la poursuite des études au-delà du cycle secondaire peut prendre la forme de prêts et être conditionnée aux résultats scolaires.
- La loi doit prévoir la création ou l’appui à des programmes de formation professionnelle et d’apprentissage destinés à aider les victimes de mariages forcés et de mariages d’enfants à acquérir une indépendance financière. Ces programmes doivent être organisés de manière à répondre aux besoins spécifiques des victimes de différentes formes de violence. Par exemple, les victimes de mariages d’enfants doivent bénéficier d’une formation à l’exercice des responsabilités parentales.
- La loi doit garantir une assistance financière aux victimes de mariages forcés et de mariages d’enfants jusqu’à ce qu’elles aient terminé leurs études et acquis les compétences nécessaires pour être financièrement indépendantes.
- La législation doit aussi prévoir de protéger les jeunes enfants de victimes, car ils risquent peut-être davantage d’être victimes à leur tour d’un mariage forcé ou d’un mariage d’enfant. Le législateur doit imposer aux services nationaux de protection de l’enfance de réaliser une étude pour déterminer si les enfants d’une victime risquent de devenir eux-mêmes victimes, et de demander une ordonnance de protection si nécessaire. Voir la section sur la protection des enfants.