La législation contre la traite à des fins sexuelles doit inclure un délai de rétablissement et de réflexion pour les victimes, au cours duquel elles peuvent bénéficier de services et de prestations indépendamment de leur statut au regard de la législation sur l’immigration ou de leur capacité ou volonté de coopérer avec les forces de l’ordre et les magistrats du parquet. Voir : Loi type de l’ONUDC contre la traite des personnes, art. 18. Par exemple, aux États-Unis, les victimes de la traite n’ont accès aux voies de recours en matière d’immigration que si elles acceptent de coopérer avec les forces de l’ordre. [Link to DISPOSITIONS RELATIVES À L’IMMIGRATION section of this Knowledge Asset.] Cette condition est excessivement sévère pour les victimes, qui souffrent des effets traumatiques de la traite et qui ne disposent pas de ce délai de réflexion.
En Australie, le gouvernement a récemment modifié le cadre national de protection contre la traite des êtres humains, supprimant l’obligation pour les victimes étrangères de coopérer avec les forces de l’ordre durant les 45 jours de la période initiale de repos et de rétablissement. En outre, celles qui sont disposées à participer à la procédure pénale mais qui en sont incapables peuvent demander à bénéficier de 45 jours supplémentaires d’aide. Voir : Stratégie du gouvernement australien pour lutter contre la traite des êtres humains, 2009 (en anglais).
Le module 3 du Manuel de l’ONUDC contre la traite des êtres humains à l’intention des praticiens du droit pénal (2009, en anglais) évoque l’impact psychologique d’une situation de traite sur les victimes et ses effets sur la capacité de celles-ci à prendre part à l’enquête et aux poursuites pénales engagées contre le trafiquant. Les victimes ont subi des violences et des sévices, et souffrent de multiples traumatismes. L’expérience traumatisante de la traite met en évidence le rôle joué par le délai de rétablissement et de réflexion.
La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains prévoit en son article 13 un délai de réflexion d’au moins 30 jours pour toutes les victimes de la traite « lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que la personne concernée est une victime ».
Ce délai permet aux victimes potentielles de la traite de « se rétablir et [d’] échapper à l’influence des trafiquants et/ou [de prendre], en connaissance de cause, une décision quant à [leur] coopération avec les autorités compétentes ». Dans une étude sur l’impact de la traite sur la santé des femmes, des policiers ont indiqué que le délai de réflexion pouvait rendre les femmes plus disposées à participer aux poursuites visant leur trafiquant.
Pratiques encourageantes : Dans plusieurs pays, un délai de réflexion est prévu dans les lois contre la traite à des fins sexuelles. La durée varie entre les 30 jours recommandés par la Convention du Conseil de l’Europe et 180 jours au Canada et en Norvège. Voir : Rapport 2009 du département d’État américain sur la traite des personnes, p. 99 et 229 (en anglais). Ce délai est de 30 jours en Espagne et en Suède (voir p. 263 et 270). Il varie entre 30 et 90 jours au Danemark (p. 121). Le Royaume-Uni prescrit un délai de réflexion de 45 jours (p. 294) et en République tchèque il est fixé automatiquement à 60 jours (p. 120).
ÉTUDE DE CAS :
En Norvège, les victimes sont autorisées à rester dans le pays sans condition pendant une période de réflexion de six mois afin de recevoir de l’aide. En 2008, 40 victimes ont bénéficié de cette mesure contre 30 en 2007. À l’issue du délai de réflexion, les victimes peuvent soumettre une demande d’autorisation de séjour d’un an. En 2008, 15 personnes se sont vu accorder un titre de séjour temporaire. Le gouvernement a encouragé les victimes à participer aux enquêtes et aux poursuites menées dans le cadre d’affaires de traite. Elles n’ont pas été sanctionnées durant la période couverte par ce rapport pour des actes illicites découlant directement de la traite dont elles ont fait l’objet. Voir : Rapport 2009 du département d’État américain sur la traite des personnes, p. 229 (en anglais).
Anette Brunovskis, chercheuse à l’Institut des études internationales appliquées, explique que le délai de réflexion peut être prorogé d’une année supplémentaire si la victime participe à une enquête de police ou à une procédure judiciaire. Aucune condition n’est requise pour bénéficier du délai initial de six mois. En outre, tandis qu’au Danemark ce délai correspond à la période pendant laquelle la victime est autorisée à rester sur le territoire, il s’agit en Norvège d’un permis de résidence temporaire assorti d’un permis de travail. C’est une mesure qui peut être importante car elle est susceptible de faciliter la phase de transition pour les victimes de la traite lors de leur rapatriement si elles sont en mesure de prouver qu’elles ont réellement travaillé et si elles disposent d’un peu d’argent à leur retour dans leur pays d’origine. Toutefois, à ce jour l’objectif de l’emploi s’est avéré difficile à remplir. Le délai de réflexion reste une initiative positive, qui a été acceptée pour le moment par 27 victimes cette année. Le système actuel a été mis en place en novembre 2006. Auparavant, la Norvège disposait d’un dispositif similaire à celui du Danemark. Les victimes se voyaient par conséquent offrir 45 jours pour réfléchir aux possibilités qui s’offraient à elles, mais pendant les deux années d’application de ce dispositif, seule une femme a choisi d’en bénéficier et il n’a donc pas été considéré comme un instrument particulièrement efficace. Voir : Aspects sociaux de la traite des êtres humains, Anette Brunovskis, Institut des études internationales appliquées, Commentaire de la Norvège, § 2.2, 2007 (en anglais).