Principes déontologiques dans les enquêtes de suivi de la législation
Les normes de déontologie préservant la sécurité des survivantes et la confidentialité de leurs réponses devraient être intégrées dans les procédures de suivi de la législation sur la violence à l’égard des femmes.
Les principales normes déontologiques en matière de recherches sur la violence à l’égard des femmes sont les suivantes :
- La sécurité de la personne interrogée est le facteur primordial.
- La participation à la recherche devrait être strictement volontaire.
- Toutes les identités doivent rester confidentielles, autant pendant le processus menant à l’entretien que dans le rapport subséquent.
- Les droits de la personne universellement reconnus doivent servir de base à l’étude.
- Les enquêteurs devraient faire des recherches pertinentes par pays.
- Les personnes conduisant les entretiens devraient préparer une introduction à l’étude résumant ses objectifs et les procédures de confidentialité.
- Les enquêteurs devraient être impartiaux, objectifs, précis et patients.
- Lors des entretiens avec des survivantes, certaines questions doivent être prises en considération. Le respect de leur vie privée et leur sécurité doivent venir avant tout. Une aide doit pouvoir être fournie à la demande après l’entretien. Voir la section suivante sur les Questions de déontologie propres aux entretiens avec les survivantes.
(Voir : Putting Women First: Ethical and Safety Recommendations for Research on Domestic Violence Against Women (Les femmes d’abord : Recommandations relatives à l’éthique et à la sécurité dans les recherches sur la violence domestique) ; Perspectives and Standards for Good Practice in Data Collection on Violence against Women at European Level (Perspectives et normes de bonnes pratiques pour la collecte des données sur la violence à l’égard des femmes au niveau européen) ; et Researching Violence Against Women: A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants), 2005)
Questions de déontologie propres aux entretiens avec les survivantes
- Les survivantes de la violence peuvent fournir des informations précieuses sur la façon dont est appliquée la loi. Toutefois, avant de demander un entretien, les enquêteurs doivent soigneusement peser les avantages et les risques, ceux-ci pouvant être que la survivante soit gravement blessée, perde son domicile ou perde la garde de ses enfants. C’est ce qui peut se produire si l’agresseur ou des membres de sa famille apprennent qu’une survivante a fourni des informations.
- Il est également possible d’obtenir des informations valides auprès des défenseurs des survivantes, de leurs avocats et des personnels de santé ou des services sociaux. Si les enquêteurs décident d’interroger des survivantes, ils doivent suivre des règles déontologiques strictes, et notamment :
- Les entretiens doivent être conduits dans un environnement sécurisé, entièrement privé, garantissant la confidentialité.
- Le consentement éclairé de la personne interrogée doit être obtenu, c’est à dire qu’elle doit être informée de l’objectif de l’étude et de la nature des questions qui lui seront posées.
- Les personnes devraient avoir la possibilité de ne pas répondre à certaines questions ou de mettre fin à l’entretien à tout moment. Par exemple, l’Étude multipays de l’Organisation mondiale de la santé sur la santé des femmes et la violence domestique a utilisé la procédure du consentement oral, laquelle incluait une explication détaillée sur la nature des questions immédiatement avant qu’elles soient posées, et il était rappelé aux personnes interrogées qu’elles pouvaient mettre fin à l’entretien. Voir : Researching Violence Against Women: A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes : Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants), Chapitre 2.
- Les enquêteurs devraient n’interroger qu’une seule femme par foyer afin que, par exemple, la parente d’un auteur de violences ne puisse rapporter à celui-ci la nature de l’enquête à laquelle a participé sa femme.
- Tout repère permettant de retrouver l’identité des personnes interrogées doit être éliminé selon des protocoles stricts avant la saisie et la publication.
- Les enquêteurs devraient être des femmes formées à la déontologie et à la sécurité, ainsi qu’à la stratégie des entretiens.
- Les questionnaires devraient être soigneusement construits pour tenir compte des émotions des survivantes se remémorant les épisodes de violence.
- Les administrateurs de l’étude devraient fournir à la demande des rapports d’après enquête.
(Voir : Indicators on violence against women and state response (Les indicateurs de la violence à l’égard des femmes et la réponse de l’État))
Pour plus de renseignements sur les moyens d’interroger les survivantes sans les mettre en danger, voir: Researching Violence Against Women: A Practical Guide for Researchers and Activists (Les recherches sur la violence à l’égard des femmes: Guide pratique à l’usage des chercheurs et des militants), Chapitre 2.
- Dans La sécurité commence à la maison : Enquête destinée à renseigner le premier plan d’action stratégique national contre la violence domestique au Kosovo (en anglais) (2008), les enquêteurs ont appliqué un certain nombre de mesures pour assurer l’application d’une approche déontologique : l’équipe d’enquêteurs a appris à utiliser une approche soucieuse de la sécurité et du bien-être des personnes interrogées (p. 8), les hommes ont été interrogé par des hommes et les femmes par des femmes, la confidentialité des informations était une priorité et les enquêteurs se sont efforcés de maximiser les avantages qu’avaient les personnes à leur répondre, par exemple en leur fournissant des informations sur les services dont elles pouvaient bénéficier (p. 9).
ÉTUDE DE CAS : La violence contre les femmes : une perspective internationale (2008)
Cet ouvrage (en anglais) est une compilation des résultats obtenus lors d’une enquête internationale comparative décrivant les expériences de femmes victimes de la violence. Les auteurs ont interrogé plus de 23 000 femmes dans neuf pays : Australie, Costa Rica, Danemark, Hong-Kong, Mozambique, Philippines, Pologne, République tchèque et Suisse. L’enquête associe l’approche utilisée dans l’Enquête internationale sur les victimes de crimes (en anglais) à celle de l’Enquête sur la violence envers les femmes élaborée pour la première fois en 1993, au Canada. Il s’agit de la seule enquête détaillée envisagée du point de vue criminel et non du point de vue sanitaire. Ses objectifs étaient notamment de construire une base de données permettant de procéder à des analyses d’un pays à l’autre et d’utiliser les données pour élaborer des politiques sur la violence à l’égard des femmes, sur la sensibilisation de l’opinion et sur l’amélioration de la réponse du système pénal et des services sociaux.
Les auteurs y abordent les difficultés inhérentes à la collecte des données sur la violence envers les femmes telles que la peur de représailles, la honte et les attitudes culturelles. Ils notent que les statistiques de la police, lesquelles sont souvent les seules disponibles en matière de prévalence de la violence à l’égard des femmes, ne sont pas fiables parce que toutes les violences ne sont pas signalées et aussi pour d’autres raisons, notamment le fait que la police répugne à poursuivre ces actes et à enregistrer les incidents.
L’enquête s’articule en trois parties : l’expérience de la violence, les conséquences de celle-ci et le contexte. Toutes les enquêtrices avaient été formées à la dynamique de la violence à l’égard des femmes, aux questions de sécurité, celle des personnes interrogées comme la leur propre, sur le moyen de rester neutre et impartiale dans leur comportement, et sur la façon de répondre à un traumatisme émotionnel. Les entretiens étaient conduits au téléphone ou en face à face, et ils étaient programmés dans l’espace et dans le temps de manière à assurer une discrétion maximale.
Les auteurs ont analysé la prévalence et la gravité de la violence à l’égard des femmes dans les neuf pays ciblés, ainsi que son impact sur les victimes, les conséquences pour ces dernières, et leur expérience du système pénal. Les résultats ont été ventilés suivant l’âge, la situation matrimoniale et la situation socio-économique des victimes. Ils ont également émis plusieurs recommandations sur les moyens de mettre fin à la violence à l’égard des femmes, notamment en poursuivant les agresseurs et en améliorant les services aux victimes. Les auteurs recommandent que tous les secteurs de la société œuvrent de concert à l’élimination de ce problème largement répandu.
Voir : International Violence Against Women Survey (Enquête internationale sur la violence à l’égard des femmes) (2005) et Violence Against Women: An International Perspective (La violence à l’égard des femmes : Perspective internationale) (2008).
Pour une bibliographie sur les moyens de mesurer les divers types de violence à l’égard des femmes, voir la section Ressources, ci-dessous.