Les partenariats, au sein du secteur de la sécurité ainsi qu’entre les acteurs de ce secteur et de divers autres secteurs et organisations, sont d’une importance essentielle pour assurer la durabilité des impacts de toute initiative et il convient de les établir dès que possible dans le déroulement du programme. Ils peuvent se situer au niveau national, régional ou international ainsi qu’entre différents niveaux, par exemple entre des entités nationales et des groupes sous-nationaux ou communautaires (tel qu’entre le ministère de l’Intérieur et les unités de police à base communautaire).
Pourquoi les partenariats sont importants
- Conformément aux approches sectorielles, l’établissement de partenariats entre les forces de police, fréquemment les principaux acteurs de sécurité en contact direct avec les survivantes, les autres acteurs de sécurité (tels que les forces armées dans certaines circonstances) et les organisations intervenant depuis le niveau des politiques jusqu’à celui des activités communautaires (tels que les organismes de gestion et de supervision, notamment les organes du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, les ministères et les groupes de la société civile notamment les groupement de femmes, les commissions des droits de la personne, les médias, les entreprises privées et les bureaux de médiateurs) a pour effet d’assurer que les apports d’une initiative particulière en faveur de la sécurité contribue à l’instauration de changements au niveau des institutions et de l’ensemble du système.
- Les partenariats entre le secteur de la sécurité et d’autres secteurs (santé, justice, etc.) et acteurs, notamment les organisations de la société civile, les groupes de soutien féminin et d’assistance juridique et les organisations fournissant des services d’hébergement/de logement, sont importants pour fournir les services les plus complets possibles aux survivantes. Les partenariats multisectoriels peuvent contribuer à éduquer les personnels des forces de police sur la violence sexiste et sur les expériences des femmes et des filles ainsi qu’à leur faire mieux comprendre les types d’interaction et les modalités de documentation nécessaires pour soutenir les survivantes qui peuvent souhaiter se pourvoir en justice. Voir par exemple l’étude de cas sur la Conférence multiorganisations d’évaluation des risques (en anglais) au Royaume-Uni.
- L’appropriation locale des programmes et les partenariats communautaires avec la police peuvent améliorer la qualité des services fournis aux survivantes, en accroissant la demande de services de sécurité de la part des femmes et des filles et en augmentation la confiance des survivantes. Ceci peut contribuer à vaincre les hésitations des femmes et des filles à s’adresser à la police et autres personnels de sécurité, en particulier s’ils ont la réputation d’être peu disposés à intervenir ou peu sensibles aux besoins des survivantes, voire d’être eux-mêmes les auteurs des actes de violence. Ce type de collaboration est une composante fondamentale de la police de proximité.
Exemple illustratif : Les Conclusions du Conseil [de l’Union européenne] sur l’amélioration de la prévention de la violence à l’égard des femmes et de l’assistance aux victimes de cette violence dans le cadre de l’action répressive (adoptées en avril 2010) contiennent la déclaration suivante :
« La société civile et, en particulier, les ONG, les associations de femmes et, selon le cas, d'autres organisations bénévoles, publiques ou privées, impliquées dans les questions de violence envers les femmes, participent de manière importante aux efforts de lutte contre toutes les formes de violence envers les femmes. Il semble donc opportun de veiller à une coopération étroite entre les services répressifs et la société civile sur cette question. »
- Les partenariats accroissent l’efficacité générale des efforts visant à résoudre la problème en rationalisant l’emploi des ressources et les activités les plus nécessaires, en coordonnant le recueil des données pour améliorer la gestion des dossiers et le suivi de leur traitement, etc. Ceci peut contribuer à la réalisation des cibles fixées par les pouvoirs publics (par exemple au titre du plan d’action national) ou à l’application effective de la législation en vigueur aubsu qu’à un renforcement de l’impact des ressources limités disponibles pour s’attaquer au problème.
Comment établir des partenariats
Les directives ci-dessous peuvent aider les organisations à choisir leurs partenaires et à établir des partenariats stratégiques :
- S’appuyer sur l’analyse des parties prenantes et examiner les institutions, organisations et acteurs du secteur de la sécurité et des secteurs connexes pour déterminer s’ils sont appropriés en tant que partenaires, en se posant les questions suivantes :
- Les survivantes leur font-elles confiance ?
- Ont-ils de bons rapports avec les organisations travaillant avec les survivantes (au niveau des politiques, du plaidoyer, des institutions ou de la communauté selon qu’il est approprié) et sont-ils respectés par elles ?
- Y a-t-il certains risques particuliers à prendre en considération (par exemple, mauvaise réputation ou manque d’expérience concernant les problèmes spécifiques) ?
- Choisir les partenaires et « alliés » de manière stratégiques (organisations/individus appuyant l’approche de l’initiative), en se demandant :
- Quels sont ceux qui sont en mesure de plaider en faveur du changement (par exemple au niveau politique, institutionnel ou communautaire) ?
- Y a-t-il des personnes qui sont des « champions » des changements souhaités au sein des forces de police, des forces armées, des ministères, qui sont respectées par leurs collègues et qui peuvent les influencer de manière informelle ?
- Y a-t-il un dirigeant ou une personnalité en vue (au niveau national, institutionnel ou local selon l’initiative) qui puisse apporter un soutien appréciable s’il se présente des obstacles au cours de la mise en œuvre du projet ? Au niveau communautaire, ces personnes pourront comprendre des représentants d’organisations respectées ou des individus tels que des dirigeants religieux, des chefs, hommes et femmes, traditionnels, des dirigeants de groupes de jeunes, des célébrités, etc. Ces partenariats doivent évoluer et s’approfondir de manière à s’assurer que les messages et les actions de ces personnes restent en concordance avec les principes du programme au fil du temps.
- Parer aux risques associés à un engagement institutionnel concentré sur l’amélioration du travail de partenaires ayant des pratiques négatives en adoptant un plan de travail et une stratégie de communication conjoints pour minimiser les problèmes et expliquer le partenariat à la communauté locale et aux publics extérieurs. Par exemple, des groupes de soutien de femmes peuvent émettre des objections à un partenariat avec une unité de police ayant la réputation de ne pas répondre aux appels de femmes demandant sa protection lors d’incidents de violence domestique, ces groupes percevant la police comme un obstacle qui empêche les femmes d’exercer leurs droits. dans de tels cas, un plan établi conjointement avec l’unité en question pourra exposer clairement ce que l’initiative fera pour améliorer les attitudes, les pratiques et les interventions de la police dans les cas de violence domestique.
- Élaborer un mémorandum d’accord énonçant clairement les responsabilités, les calendriers, les détails du budget (s’il y a lieu), etc., demandant à tous les partenaires de s’engager à respecter un code de conduite (pratiques et principes directeurs à appliquer et précisant les conditions spécifiques de la coopération (à savoir les problèmes visés et les approches à appliquer par le biais du partenariat). On peut se servir d’une analyse des parties prenantes pour définir les conditions du partenariat, lequel devrait être établi sous sa forme définitive au moyen de débats participatifs avec tous les partenaires afin de déterminer leurs aptitudes, connaissances et expériences spécifiques relatives au secteur de la sécurité et de veiller à l’intégration de la violence à l’égard des femmes et des filles.
- Formuler une stratégie et un plan d’action prévoyant des directives communes pour les partenaires et tirant parti des forces et connaissances spécialisées individuelles. Pour que le partenariat soit efficace, ses membres doivent avoir une compréhension commune du problème (par exemple des différentes formes de violence que subissent les femmes et de la définition de ces formes de violence), compréhension qui peut s’appuyer sur une analyse situationnelle.
Exemple illustratif : Étapes de l’élaboration d’un Plan d’action
1. Analyse du problème
Réfléchir aux questions suivantes durant les débats :
- Quels sont les problèmes pratiques qui suscitent vos préoccupations ? (En quoi s’opposent-ils à la sécurité des femmes/à l’exercice de la responsabilité de l’auteur des infractions ?)
- Cette préoccupation provient-elle d’un cas/événement distinct ou représente-t-elle un problème systémique (même problème s’étant présenté à de multiples reprises) ?
- Cette préoccupation porte-t-elle sur un processus administratif, un flux d’information, etc. ?
- Cette préoccupation indique-t-elle la nécessité d’une formation complémentaire ?
- Cette préoccupation est-elle motivée par une attitude, une supposition ou une croyance concernant la violence à l’égard des femmes ?
- La préoccupation ou le problème proviennent-ils de carences en matière d’orientation/d’aiguillage ?
- Peut-on répondre à la préoccupation/résoudre le problème au niveau local ou faut-il l’intervention d’autorités de niveau supérieur ?
2. Visualisation du changement
La visualisation exige un effort axé sur les objectifs et des discussions conjointes sur le résultat optimal. En tant que groupe, on se demandera quelle est la solution optimale et on la définira en termes concrets (par exemple : « Toutes les femmes victimes d’agression sont orientées de manière prompte, sensible et appropriée vers un organisme qui l’informe de ses droits et de ses options en matière de soutien. »)
3. Élaboration d’un plan
Une fois le problème cerné et la vision du changement définie, on peut lancer le processus d’élaboration d’un plan d’action. Les questions suivantes pourront guider les débats :
- Problèmes pratiques : Que peut-on faire à présent (ou qu’est-ce qui a été fait) pour remédier à la situation ? Qui sera chargé d’agir ? D’ici quelle date ? Quelle est la stratégie convenue ?
- Problèmes systémiques représentés par le problème : Quels sont les améliorations durable que l’on peut apporter au niveau locale pour s’attaquer au problème ?
- La résolution du problème exige-t-elle un changement à un autre niveau d’autorité ? Relève-t-il d’une autorité régionale (commissions de police, autorité de district) ?
- La résolution du problème exige-t-elle une action/intervention au niveau provincial ou ministériel ?
- Qui documentera le problème, les pratiques optimales et le plan ? Comment et à qui la documentation sera-t-elle communiquée ?
4. Suivi
Il sera utile de déterminer dès le départ quels seront les signes indicateurs de réussite. Il faudra évaluer les progrès et, si nécessaire, apporter des modifications à l’initiative en cours de route. Ne vous découragez pas si le problème initial doit être réexaminé plusieurs fois avant d’obtenir le succès envisagé. Un mécanisme de suivi et évaluation est indispensable pour tout processus de changement appréciable et il pourra y avoir lieu de l’affiner en continu afin de surmonter les obstacles éventuels.
Extrait et adapté d’après : Community Coordination for Women's Safety Project. 2005. Building Partnerships to End Violence Against Women: A Practical Guide for Rural and Isolated Communities [Établissement de partenariats pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes : Guide pratique pour les communautés rurales et isolées]. BC Association of Specialized Victim Assistance and Counselling Programs. Vancouver.
- Organiser des consultations régulières entre les partenaires pour veiller à ce que les stratégies et plans d’action conjoints soient bien mise en œuvre et pour appuyer un processus de partenariat efficace et durable. Le mécanisme de consultation est un élément essentiel pour renforcer les relations entre les acteurs ainsi que pour débattre de modifications éventuellement nécessaires des stratégies.
(Adapté d’après: DFID. 2003. Tools for Development: Handbook for those engaged in development activity [Outils pour le développement : Manuel pour les intervenants du développement] Londres. DFID; OCDE. 2011. Justice and Security M&E Toolkit [Boîte à outils de suivi et évaluation : justice et sécurité]. OCDE. Paris)
Exemples de partenariats associant des organisations de sécurité :
Albanie : En novembre 2008, un accord de coopération a été conclu entre cinq ministères (Travail, Affaires sociales et égalité des chances, Intérieur, Justice et Santé, Éducation et Science) pour l’application de la loi 9669 sur les mesures contre la violence intrafamiliale. Cet accord établit un partenariat entre la police et les foyers d’hébergement pour les victimes de violence domestique pour fournir des services d’orientation et d’aiguillage aux survivantes. (Gouvernement de l’Albanie, 2008)
Russie : En 2009, un mémorandum d’accord a été signé entre les instances gouvernementales locales, les forces d’application de la loi et les autres prestataires de services (État et société civile) pour aider les survivantes de la violence domestique et autres « personnes vivant dans des circonstances difficiles », instrument qui énonce les attributions générales des divers secteurs et appelle tous les organismes à mener des activités de prévention et à prendre des mesures pour standardiser les pratiques institutionnelles relatives à la formation, à la gestion des données, etc. (disponible en anglais et en russe) (DFID, 2003; OCDE, 2011).
Sierra Leone : Les Unités de soutien familial de la police sont partenaires du ministère des Affaires du bien-être social, du genre et de l’enfance pour lutter contre toutes les formes de maltraitance des enfants et des femmes. Le mémorandum d’accord conclu entre la Police de la Sierra Leone et le ministère prévoit l’affectation d’un travailleur/d’une travailleuse social(e) du ministère à chaque Unité de soutien familial, où il/elle sera chargé(e) de l’orientation des victimes ou de la fourniture de conseils psychosociaux et juridiques. Il y avait, en 2010, 41 Unités de soutien familial dans le pays (Base de données du Secrétaire général de l’ONU).
Outils clés :
Training Resources on Police Reform and Gender, Exercise 12: Community engagement map [Ressources de formation sur la réforme de la police et le genre, Exercice 12 : carte d’engagement communautaire] (Centre pour le contrôle démocratique des forces armées de Genève, 2009). Cet exercice, qui fait partie d’un dossier de ressources de formation, a pour objet de planifier la participation d’acteurs communautaires et l’obtention de leur appui en vue de la réalisation d’un objectif commun. Disponible en anglais.
Building Partnerships to End Violence Against Women: A Practical Guide for Rural and Isolated Communities [Établissement de partenariats pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes : Guide pratique pour les communautés rurales et isolées] (Community Coordination for Women's Safety Project, 2005 - BC Association of Specialized Victim Assistance and Counselling Programs, Vancouver). Ce guide est destiné aux organisations qui souhaitent forger des partenariats avec d’autres acteurs communautaires aux fins de prévenir la violence à l’égard des femmes. Il examine les avantages des partenariats, par rapport aux approches fragmentées, ainsi que l’établissement de relations, la clarification des engagements, le partage de l’information, la diversité, et autres sujets. Il contient divers outils et des études de cas et décrit les difficultés rencontrées. Disponible en anglais; 131 pages.