L’analyse situationnelle met en évidence les caractéristiques clés du contexte et des parties prenantes du programme, notamment les facteurs de risque (tels que la tolérance et la commission d’actes de violence de la part de la police envers les femmes et les filles) et les facteurs de protection (telle que la présence d’un service sexospécifique ou d’un point focal du genre dans l’organisation de police locale). Sachant quels sont les types de violence qui existent, les personnes les plus affectées et l’opinion qu’ont les femmes et les filles des services et acteurs de sécurité auxquels elles ont accès rate, les concepteurs des programmes peuvent se faire une idée des problèmes clés à résoudre. Une telle analyse est requise pour déterminer les stratégies, points d’entrée et partenariats éventuels utiles pour planifier et concevoir l’intervention, de manière à ce que celle-ci soit adaptée au contexte locale et en évitant les redondances d’efforts. L’analyse situationnelle se distingue de l’analyse de la situation de référence, laquelle est menée au début d’un programme, une fois les stratégies conçues, afin de pouvoir mesurer les changements obtenus dans le temps; elle ne la remplace pas mais peut la compléter. Une bonne analyse situationnelle doit être fondée sur une approche axée sur les droits de la personne, entre autres principes directeurs fondamentaux.
Que faut-il inclure dans une analyse situationnelle ?
Le tableau ci-dessous indique les domaines clés à considérer et donne des exemples de questions appropriées pour effectuer une analyse situationnelle du secteur, domaines et questions qui peuvent être modifiés pour être employés au niveau national ou local. Il indique également les sources d’information possibles. Toutefois, lorsque les données sont limitées, il faudra mener des recherches primaires. Les questions ci-dessous pourront être utilisées dans le cadre de questionnaires d’enquête ou d’interviews des parties prenantes ou servir à guider les débats de groupes de consultation.
Nature de la violence à l’égard des femmes et des filles
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Cadre juridique et politique |
Pour des exemples de lois et de politiques nationales, voir
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Obligations et pratiques institutionnelles (dans les initiatives et réformes nationales du secteur de la sécurité) |
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Capacités du personnel de la police et d’autres entités |
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Mécanismes de coordination et de collaboration |
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Besoins de sécurité des femmes et des filles
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Accessibilité des services de sécurité |
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Adapté d’après : OECD/DAC, 2010, Handbook on Security Sector Reform: Section 9: Integrating Gender Awareness and Equality [OCDE/CAD, 2010, Manuel de l'OCDE/CAD sur la réforme des systèmes de sécurité : Section 9 Intégration des sexospécificités et de l’égalité des sexes]
Exemples de sources de données :
On trouvera des informations sur les analyses situationnelles auprès de toute une série de sources et notamment les suivantes :
- Les enquêtes de population sur la violence à l’égard des femmes, qui peuvent fournir des données sur la prévalence au niveau national ou en certains lieux de la violence physique et sexuelle ainsi que sur des questions telles que la demande d’aide et les conséquences de la violence, entre autres facteurs.
- La Base de données du Secrétaire général de l’ONU sur la violence contre les femmes, qui contient des informations sur les mesures et les services juridiques, politiques et institutionnels pour les survivantes, entre autres initiatives des États pour la prévention de la violence à l’égard des femmes et les interventions face à cette violence, et qui peut être interrogée, entre autres catégories, par pays, par mesures spécifiques (par exemple, les bureaux sexospécifiques) ou par formes de violence.
- Les enquêtes nationales ou régionales sur la violence domestique, telles que le rapport Eurobarometer, 2010, Domestic Violence Against Women Report [Rapport sur la violence à l’égard des femmes], qui contient une section consacrée au rôle des institutions, telles que la police, dans les interventions.
- Les enquêtes sur la perception du crime, telles que celles réalisées par Afrobarometer.
- Les études régionales telles que ECLAC, 2004, Violence Against Women in Couples: Latin America and the Caribbean [Violence à l’égard des femmes dans les couples : Amérique latine et Caraïbes; Population Council, 2008, Sexual and Gender-Based Violence in Africa: Literature Review [Violence sexuelle et sexiste en Afrique : analyse documentaire], ou DCAF, 2011, Le secteur de la sécurité et le genre en Afrique de l’Ouest : Une étude de police, de la défense, de la justice et des services pénitentiaires dans les pays de la CEDEAO.
- Les études nationales de petite envergure et les rapports sur les droits de la personne tels que les observations finales du CEDAW ou les rapports de la Rapporteuse spéciale sur la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences.
L’analyse situationnelle peut également porter sur les possibilités d’intervention et repérer :
- Les stratégies et activités existantes ou les lacunes en matière d’interventions auxquelles le secteur est associé, ainsi que les possibilités d’y intégrer la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles, au lieu de créer une stratégie distincte;
- Les acteurs et les organisations déjà actifs dans ce domaine, pour repérer les partenaires potentiels du secteur et éviter les redondances d’efforts.
Exemple : Analyse situationnelle du trafic des personnes en République dominicaine
En novembre 2005, à la demande de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) en République dominicaine, Chemonics International Inc. a effectué une analyse situationnelle dans le pays pour examiner la portée du trafic des personnes au niveau national, évaluer les efforts en matière de prévention, de protection et de répression du trafic, repérer les lacunes au niveau des interventions et émettre des recommandations concernant une éventuelle aide extérieure apportée par l’USAID.
L’analyse a été menée par une équipe de deux consultants qui ont procédé à un examen des publications et des rapports de recherche disponibles, puis à des interviews dans le pays au cours d’une période de quinze jours. L’équipe a participé à une session d’information initiale sur la teneur des travaux et les produits à livrer, puis à une session finale avec débats consacrée à la présentation des conclusions préliminaires et des recommandations programmatiques avec la Mission des États-Unis. Des entretiens ont eu lieu avec plus de 30 parties prenantes clés représentant des partenaires étatiques et non étatiques et des organisations internationales, ainsi que du personnel de l’École nationale de police, du Service de police chargé de la répression du trafic et de la Police touristique.
Les auteurs de l’analyse ont émis des recommandations clés concernant le secteur de la sécurité et ont signalé en particulier la nécessité d’une formation spécialisée et institutionnalisée du personnel des forces de l’ordre afin d’améliorer l’identification des cas, les enquêtes et les poursuites, ainsi que le besoin d’une réforme et d’un renforcement des programmes de protection des témoins. Entre autres recommandations complémentaires, ils ont aussi conseillé de revoir les mécanismes de coordination nationaux, l’appui aux organisations de la société civile actives dans les domaines de la sensibilisation du public et de la fourniture de services de protection ainsi que d’accroître les échanges de connaissances et le financement de programmes de prévention du trafic, de protection des survivantes et de promotion des poursuites judiciaires.
Source : USAID. 2005. Anti-Trafficking Technical Assistance: Dominican Republic Anti-Trafficking Assessment [Assistance technique pour la lutte contre le trafic des personnes : évaluation en République dominicaine]. USAID. Washington.
Exemple : Analyse situationnelle de la violence sexuelle et sexiste dans les camps de personnes déplacées après les violences post-électorales au Kenya en 2009.
Méthodologie
Une analyse situationnelle a été effectuée dans les camps de personnes déplacées du Kenya pour déterminer les niveaux de violence sexiste, les informations ayant été collectées selon les méthodes suivantes:
- Enquête auprès de 629 personnes (400 femmes, 229 hommes)
- Débat dans 28 groupes de consultation avec un total de 249 personnes (174 femmes et 75 hommes)
- Entrevues avec des informateurs clés, travailleurs d’aide humanitaire, responsables de camps et autres parties prenantes
- 10 études de cas
Les données quantitatives ont été analysées au moyen d’un logiciel SPSS et les données qualitatives l’ont été manuellement.
Constats
- La violence sexiste est classée au 4e rang (10,7 %) et l’insécurité au 8e rang (5,1 %) des principales préoccupations des hommes et des femmes hébergés dans les camps.
- Les membres des forces de l’ordre sont perçus comme étant les principaux auteurs des actes de violence sexiste par 12,5 % des personnes interrogées.
- L’insécurité est perçue comme un facteur contribuant à la violence.
- 22,3 % des personnes qui n’ont pas subi de violences sexistes pensent que cela est dû à la présence de personnel de sécurité.
- 5,5 % des survivantes de violences ont indiqué qu’elles avaient signalé l’incident et 31,1 % ont indiqué qu’elles ne l’avaient pas fait.
- Près de la moitié (43,9 %) des survivantes ayant déclaré la survenue des incidents ont parlé aux responsables des camps et plus d’un tiers (35,4 %) ont signalé les faits aux forces de l’ordre.
- Parmi les femmes interviewées ayant signalé les violences, seules 0,6 % ont dit avoir bénéficié d’une certaine aide en matière de sécurité.
- La réticence des forces de l’ordre à reconnaître les cas de violence sexiste a été signalée comme un désincitatif à déclarer les faits par 6,9 % des personnes interviewées.
- Une des recommandations clés émises est la nécessité d’établir un environnement favorisant la déclaration des faits par une formation des forces de l’ordre/travailleurs de la santé, entre autres prestataires de services.
Source : Njiru, R., 2009. Situational Analysis of Sexual and Gender Based Violence in the Internally Displaced Persons’ Camps after the Post Election Violence au Kenya [Analyse situationnelle de la violence sexuelle et sexiste dans les camps de personnes déplacées après les violences post-électorales au Kenya] basées sur Kenya National Commission on Gender and Development, NGO Women’s Empowerment Link and UNFPA, 2009, Situational Analysis of Sexual and Gender-Based Violence in the Internally Displaced Persons’ Camps after the Post Election Violence in Kenya [Analyse situationnelle de la violence sexuelle et sexiste dans les camps de personnes déplacées après les violences post-électorales au Kenya].