L’abolition d’un nombre de pratiques ou de mécanismes de justice peut être l’objectif de certains projets de réforme de la justice. En particulier, dans les cas où les mécanismes informels mettent en danger les femmes et les filles, les exposent à la discrimination fondée sur l’appartenance sexuelle ou autres critères (comme la race ou l’ethnie, le niveau de revenu, le lieu de résidence urbaine ou rurale, etc), ou utilisent les châtiments corporels qui constituent un traitement inhumain et dégradant, ces mécanismes doivent être abolis.
L’abolition peut s’obtenir par des changements législatifs ou par l’éducation et la présentation de solutions de rechange. Il est généralement admis que la simple mise hors la loi de pratiques ou de mécanismes qui n’est pas accompagné d’une campagne d’éducation et de sensibilisation constitue le moyen le moins pratique de réforme du secteur informel. Il est préférable de procéder à des changements législatifs en parallèle avec une formation et une présentation de solutions alternatives.
Dans tous les cas de figure, surtout lorsque l’abolition de tout un mécanisme de justice est proposée, il est important d’étudier attentivement les dangers d’une telle mesure et son impact sur la sécurité des femmes (DANIDA, 2009; Penal Reform International, 2000). Dans un tel cas, les praticiens doivent examiner les mécanismes de justice alternatifs qui sont toujours disponibles aux femmes. Est-ce que l’abolition d’un mécanisme de justice risque de causer anarchie et vigilantisme, par exemple? Qu’est-ce qui prendra sa place? Quelles seront les retombées de l’abolition sur les autres structures communautaires qui affectent aussi les droits humains des femmes et des filles? En cas d’abolition de mécanismes informels, les États devront consacrer des ressources à la mise en place de mécanismes de justice formelle efficaces, cohérents et faciles d’accès pour la défense des droits des femmes et des filles victimes de la violence.
Palestine: contrats négociés pour faire cesser les crimes d’honneur
Le Centre des femmes pour l’assistance juridique et le conseil (Women’s Centre for Legal Aid and Counseling) (WCLAC), organisation palestinienne de défense des droits des femmes, travaille à l’intersection des secteurs de la justice formelle et informelle en s’attaquant à la pratique des crimes d’honneur. Afin d’empêcher les familles de recourir à cette pratique ancienne, le Centre, en collaboration avec le Fonds d’affectation des Nations Unies pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, collabore étroitement avec des familles, des chefs religieux, des représentants du secteur de la justice formelle et des responsables gouvernementaux laïcs à l’élaboration de solutions de rechange. Une solution consiste à réunir les parties pour entendre les victimes, à négocier un accord qui, aux yeux de la famille, sauvegarde son honneur, mais protège également la sécurité de la femme ou de la fille, et à faire signer un contrat aux membres de la famille en la présence de figures d’autorité religieuses et séculières stipulant qu’ils honoreront l’accord négocié du groupe de ne pas commettre un crime d’honneur. Le Centre utilise le suivi continu et la collecte des données en matière de fémicides pour adapter constamment ses stratégies de prévention. La Centre a formé un partenariat avec l’Institut de médecine légale de l’Université Al-Najah pour essayer de faire en sorte que les décès des femmes soient enregistrés correctement comme fémicides plutôt que comme accidents ou suicides. Outre la présentation de solutions de rechange aux familles qui envisagent de commettre des fémicides, le Centre plaide pour des changements législatifs et politiques et continue de prôner des changements juridiques visant à alourdir les peines prononcées à l’encontre des personnes reconnues coupables de crimes d’honneur.
Source; Spindel et al. 2000. With an End in Sight, p. 103-104; WCLAC. 2000. Heading Towards Achieving Hope: 2009 Annual Report.