Le fait de prendre le temps de regarder le processus évoluer en tant qu’observateur impartial permet d’obtenir de précieux renseignements qui pourraient échapper autrement à l’attention de parties fortement impliquées dans une question donnée. Les données d’observation peuvent également comprendre des photos ou des vidéos utilisables ultérieurement pour des activités de mobilisation, des formations ou des campagnes de sensibilisation du public. Les observations doivent toujours s’effectuer dans le respect des normes éthiques relatives à la recherche sur la violence envers les femmes et garantir la confidentialité de toutes les parties.
Afrique du Sud - Tracking Justice Project (Projet de suivi de la justice)
Le Tshwaranang Legal Advocacy Centre a entrepris l’une des études les plus importantes jamais menée sur le suivi des affaires de viol portées devant la justice pénale. L’étude Tracking Justice a utilisé un processus d’échantillonnage aléatoire pour sélectionner un échantillon représentatif de cas à partir de presque 12.000 cas de viol rapportés en 2003 à la police dans la province de Gauteng. Les dossiers des cas sélectionnés ont ensuite été obtenus auprès de la police, des tribunaux de première instance, des tribunaux de district et des tribunaux de grande instance. L’étude n’a utilisé que des affaires classées.
L’étude a eu recours à de nombreux instruments de collecte des données. La première fiche de données a enregistré des renseignements provenant des dossiers de police et extraits par une équipe d’agents de terrain qualifiés. Une autre fiche de données, établie par un juriste et un chercheur juridique, a permis de consigner des renseignements sur les cas portés devant les tribunaux. Dans les cas où les affaires n’ont pas abouti à une arrestation et à un procès ultérieur, des informations ont été recueillies sur les raisons de l’absence de progression du dossier. La fiche de données comportait des questions fermées et ouvertes. Les questions fermées ont été utilisées pour des points qui demandaient des réponses claires, comme l’âge, la langue, la profession, certaines dates, ou pour des situations qui limitaient le nombre de réponses possibles, comme la question de l’utilisation d’armes. Les questions ouvertes ont été utilisées pour des sujets comme les circonstances du viol, les ordres données aux victimes pendant le viol et les actions qui ont suivi le viol.
Sur les 2.064 cas retenus dans l’étude, la moitié a abouti à des arrestations (50,5%), mais seulement 42,8% ont été portés devant les tribunaux. Des procès ont été engagés dans moins d’un cas sur cinq (17,3%). Une inculpation pour un crime quelconque n’a été prononcée qu’à peine dans un cas sur 20 (6,2%). Aussi, certaines de ces inculpations ont porté sur des accusations moins graves, de sorte qu’au total, seuls 4,1% des cas signalés comme des viols ont abouti à des inculpations pour viol. 15,6% des inculpations pour viol ont reçu moins que la peine minimale autorisée de 10 ans. L’autre peine prévue pour viol, la prison à vie, n’a été que très rarement appliquée.Trente-quatre hommes (ou 41%) condamnés pour viol ont été passibles de la prison à perpétuité, mais cette peine n’a été prononcée que dans trois cas.
L’étude Tracking Justice a été utilisée à des fins de mobilisation et d’éducation de bien des façons. Le Centre Tshwaranang assure une formation pour des spécialistes médico-légaux, des animateurs communautaires et d’autres personnes, à partir des données de l’étude. Ces données ont orienté la politique du gouvernement, en particulier les pratiques policières, et l’organisation a été invitée à participer au processus de réévaluation de la politique gouvernementale en matière de justice pénale. Enfin, ces données éclairent régulièrement les contentieux par le biais “d’amicus briefs” dans des affaires apparentées.
Malgré les résultats notables obtenus par cette étude, son chercheur principal souligne la difficulté de faire avancer les réformes du fait que le processus repose entièrement sur la volonté politique. Même si la formation est assurée, des systèmes doivent être mis en place par le biais de processus politiques permettant aux citoyens de mettre leur formation en pratique. La réforme des politiques et des plans nationaux repose sur des acteurs politiques, et lorsque ceux-ci changent, les processus de réforme risquent de subir un coup d’arrêt. De plus, le financement permettant de continuer l’évaluation de l’impact d’une recherche de base comme celle-ci n’est pas facile à obtenir.
Pour plus d’information sur la recherche et les programmes de défense des droits sur les questions relatives à la violence à l’égard des femmes du Centre Tshwaranang, y compris des articles de presse, des rapports de recherche, des mémoirs adressés au gouvernement, des synthèses politiques et des analyses juridiques à l’appui des affaires judiciaires, veuillez consulter leur page Publications.
Sources: Vetten et al., 2008; Entretien avec Lisa Vetten, janvier 2011.
Vous trouverez ci-dessous un certain nombre de méthodes spécifiques utilisables dans un processus d’évaluation, en combinaison ou seule. D’autres méthodes de collecte d’informations sont examinées dans cette section.