Les droits des plaignantes/survivantes

Dernière modification: February 28, 2011

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Toute loi sur les violences liées à la dot doit contenir une déclaration des droits des plaignantes/survivantes. Elle doit mettre en avant leur sécurité, leur représentation et les services d’aide, et empêcher un surcroît de violence. Elle doit aussi supprimer les obstacles qui pourraient empêcher les plaignantes/survivantes de se mettre en sécurité, comme la crainte d’être sanctionnées pour versement d’une dot ou les préoccupations concernant la garde des enfants et l’accès aux foyers d’accueil et à l’assistance juridique. Voir le Rapport de la réunion du groupe intergouvernemental d’experts chargé d’examiner et d’actualiser les Stratégies et mesures concrètes types relatives à l’élimination de la violence contre les femmes dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale, Bangkok, 23-25 mars 2009 ; et Combattre la violence à l’égard des femmes : normes minimales pour les services de soutien (2008, en anglais).

Par exemple, la loi espagnole (en espagnol) garantit les droits des victimes (art. 17). La déclaration des droits doit informer les plaignantes/survivantes des recours juridiques disponibles (comme les ordonnances de protection et les ordonnances sur requête) et des services d’aide proposés par l’État.

ÉTUDE DE CAS :

la Loi indienne de 2005 (en anglais) souligne, dans le corps du texte, les responsabilités des agents chargés de la protection, responsabilités qui ont trait, pour un grand nombre d’entre elles, à la victime elle-même. Ces agents doivent, par exemple, protéger la victime contre les actes de violence familiale et leur répétition, aider la victime à porter plainte ou à déposer une demande d’aide, y compris pour obtenir réparation, mettre sur pied un dispositif de sécurité, faciliter l’accès à des aides juridiques et médicales gratuites, tenir à jour une liste de prestataires locaux de services juridiques, médicaux et autres, assurer la coordination avec le foyer d'accueil de la victime et l'aider dans ses déplacements, communiquer avec les prestataires de services et faire l’intermédiaire entre la victime, la police et les prestataires de services, tenir un dossier à jour et aider la victime à régler les problèmes de garde des enfants et à récupérer ses effets personnels. Les responsables de la protection des victimes doivent également contribuer à l’exécution des décisions de justice, en faisant appel à la police pour confisquer des armes, effectuer des visites au domicile des victimes et établir un rapport sur les biens concernés, selon les instructions du tribunal. Même si cette liste de tâches procède d’une intention louable, les responsabilités ainsi dévolues aux agents chargés de la protection des victimes sont trop étendues. Le législateur doit redéfinir ces protections comme une déclaration des droits de la victime et attribuer des responsabilités spécifiques aux policiers, aux agents chargés de la protection, aux prestataires de services et à d’autres acteurs le cas échéant. Qu’il s’agisse des Règles relatives à la protection des femmes contre la violence familiale (en anglais) adoptées en Inde en 2006 ou de la Loi indienne de 2005 (en anglais), aucun chapitre spécifiquement consacré aux droits des personnes lésée n’est inclus dans le corps du texte, mais un formulaire concernant ces droits figure à la fin. Aux termes de l’article 8(ii) des Règles relatives à la protection des femmes contre la violence familiale, la personne chargée de la protection doit utiliser le formulaire IV pour informer les victimes, en anglais ou dans la langue locale, de leurs droits en vertu la Loi indienne de 2005. Le formulaire en question présente la loi, les droits des victimes et les voies de recours possibles, et contient un tableau permettant de dresser la liste des prestataires de services locaux.

Pratique encourageante : la loi espagnole (en espagnol) dispose que les femmes handicapées doivent recevoir des informations sur les voies de recours et les dispositifs d’aide « sous une forme accessible et compréhensible » (art. 18).

La loi doit définir les obligations de la police à l’égard des plaignantes/survivantes. Voir plus loin la partie sur les obligations de la police. La législation doit notamment ordonner à la police de donner suite à toutes les affaires de violences familiales, de violences liées à la dot, ainsi qu'aux meurtres et suicides de femmes, et de mener dans les meilleurs délais des enquêtes approfondies, conformément aux directives officielles. La police doit également être chargée de recueillir des preuves matérielles, y compris des éléments tangibles, de procéder à une enquête exhaustive qui ne se limite pas aux déclarations des proches et de veiller à ce que l’autopsie requise dans les affaires de meurtres ou de suicides soit pratiquée par une autorité compétente.

Les services d’aide doivent comprendre des moyens de transport pour se rendre dans les foyers d’accueil, des services d’urgence et d’autres programmes de soutien aux plaignantes/survivantes et à leurs familles. La loi doit préciser que le consentement de la victime est nécessaire avant tout transfert dans un foyer. Par exemple, la Loi moldave de 2007 sur la prévention de la violence au sein de la famille et la lutte contre cette violence (en anglais, ci-après appelée loi moldave) dispose qu’une victime peut être placée dans un foyer à sa demande ou, si elle est mineure, avec l’accord de son représentant légal (art. 14).

La loi doit désigner un ou plusieurs organismes chargés des services aux victimes et en décrire clairement les responsabilités. Le législateur doit, en concertation avec des avocats et des ONG, définir les normes et critères minimaux applicables par ces organismes. Ainsi, le formulaire VI figurant dans les Règles relatives à la protection des femmes contre la violence familiale adoptées en Inde en 2006 permet aux prestataires de services de se faire enregistrer, comme le prévoit la Loi sur la protection des femmes contre la violence familiale. Les prestataires fournissant des services de foyers d’accueil, de consultations psychiatriques, de consultations familiales, de formation professionnelle, d'aide médicale, de sensibilisation du public, de consultations collectives ou autres peuvent s'inscrire sur ce formulaire. Chaque prestataire doit décrire les services, les infrastructures et les installations proposés et indiquer le niveau d’expérience et la formation de son personnel. 

La loi doit prévoir la fourniture d’une aide juridique gratuite et accessible dans les affaires de violences ou de meurtres liés à la dot. Dans le cadre de cette aide, les victimes doivent être informées de leurs droits et des voies de recours légales et bénéficier des conseils d’un juriste pour ce qui touche à la succession, au chantage, aux expulsions illégales et à la récupération de leurs effets personnels.

ÉTUDE DE CAS :

la Loi bangladaise sur les services d’aide juridique (2000) prévoit que les personnes indigentes, en particulier les femmes pauvres et les victimes d’attaques à l’acide, peuvent bénéficier d'une aide juridique gratuite. Obtenir une aide juridique en s’adressant aux barreaux est néanmoins difficile en raison de la complexité des procédures légales. Voir Salma Ali, Approches juridiques, réformes, domaines législatifs, évaluation de l’efficacité de certains cadres juridiques ou dispositions, leçons, bonnes pratiques et pratiques encourageantes mises en évidence au Bangladesh (en anglais), réunion d’experts des Nations Unies, Division de la promotion de la femme, 2009, p. 6. Le législateur doit veiller à ce que les victimes puissent bénéficier d’une aide juridique sans devoir suivre des procédures trop contraignantes.

Pratique encourageante : une association rwandaise nommée Haguruka a organisé des sessions de formation à l’intention de centaines d’assistants juridiques qui peuvent ensuite informer et guider les femmes au sujet de leurs droits, notamment en matière de propriété. Le législateur peut également envisager de mettre sur pied des programmes de sensibilisation de la population aux droits fondamentaux des hommes et des femmes et aux voies de recours qui existent en cas de violation de ces droits. Voir Catharine Newbury & Hannah Baldwin, « Confronting the Aftermath of Conflict: Women’s Organizations in Postgenocide Rwanda » (Faire face aux séquelles du conflit – Des organisations de femmes au Rwanda après le génocide), dans Krishna Kumar (sous la direction de), Women and Civil War: Impact, Organizations and Action (Les femmes et la guerre civile : impact, organisations et action), p. 97-107, 2001.

Elle doit exiger que la branche du système judiciaire en charge des affaires de violence familiale dispose de personnel spécialisé dans l’aide aux victimes de violences familiales ou liées à la dot. Voir le Code type des États-Unis (en anglais).

Pratique encourageante : la loi brésilienne (en anglais) appelle à créer des tribunaux spécialisés dans la violence familiale contre les femmes, qui devront s’appuyer sur une « équipe d’assistance multidisciplinaire composée de professionnels spécialisés dans les domaines de la psychologie, du droit et de la santé ». Cette équipe doit ensuite adresser des recommandations aux juges, au ministère public et au service du défenseur du peuple (art. 29 et 30).
Pratique encourageante : la loi espagnole (en espagnol) prévoit des tribunaux spécialisés dans la violence contre les femmes, dont tous les employés, des juges aux greffiers, devront recevoir une formation sur la violence liée au sexe, et qui tiendront tout particulièrement compte de la « vulnérabilité des victimes » (art. 47).

 

La loi doit prévoir une aide économique pour les plaignantes/survivantes, qui doivent être économiquement indépendantes pour pouvoir échapper aux situations de violence. Elle doit prévoir une aide financière à court terme et un soutien économique à plus long terme, avec une aide à la recherche d’emploi. La loi doit instaurer le droit des femmes à la dot en disposant que le titre et le droit de propriété afférents à la dot sont automatiquement au nom de la fiancée ou de l’épouse. Un agent doit également être chargé d’aider les femmes à récupérer leur dot et les autres biens leur appartenant. La loi doit aussi créer un mécanisme pour les aider à demander la restitution des biens ou une indemnisation financière.

Par exemple, la loi brésilienne prévoit que les tribunaux peuvent décider de faire bénéficier la personne plaignante/survivante, homme ou femme, des programmes d’aide disponibles au niveau de l’État fédéral, des États et des municipalités ; elle dispose que cette personne est prioritaire pour les mutations si elle est fonctionnaire, ou lui garantit un emploi pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois si elle doit quitter son lieu de travail (art. 9).

La loi doit également disposer que la dot remise par la famille de la fiancée au couple marié, tout en pouvant être partagée et utilisée pour les besoins du ménage, demeure la propriété de la fiancée et lui appartient. La loi doit prévoir qu’en cas de décès la dot revient aux enfants de la femme, si elle en a, ou à ses parents. Il faut enfin une disposition prévoyant que la victime puisse intenter une action civile, soit pour récupérer la dot soit pour obtenir une indemnisation.

Pratique encourageante : aux termes de la Loi indienne sur l’interdiction de la dot [TO BE UPLOADED], la dot (contrairement aux simples cadeaux) doit être remise à la femme dans les trois mois qui suivent le mariage, l’acceptation de la dot ou son 18e anniversaire. Si la dot n’est pas remise à l'épouse dans le délai prescrit, celle-ci peut déposer plainte contre sa belle-famille, qui peut être condamnée à une peine d'amende (de 5 000 à 10 000 roupies) ou d’emprisonnement (de six mois à deux ans), voire les deux. Le législateur doit envisager de faire voter des lois disposant que le titre et le droit de propriété afférents à la dot sont automatiquement au nom de la fiancée ou de l’épouse. Dans l’affaire Pratibha Rani c. Suraj Kumar (AIR 1985 SC 628), l’épouse avait reçu de ses parents, à titre de dot, une somme d’argent, de l'or, des vêtements et d'autres objets. Sa belle-famille l’avait chassée de chez elle en ne lui laissant que trois vêtements et en refusant de lui rendre le reste. La Cour suprême a jugé que la jouissance et l’usage communs de la dot et des cadeaux par les membres du ménage n’étaient pas synonymes de copropriété ni de droit de contrôle conjoint. L'époux ou la belle-famille peuvent exercer un droit d'usage ou de garde sur la dot, en qualité de fiduciaires, mais la dot demeure la propriété de l’épouse nonobstant l’usage conjoint.
Pratique encourageante : la loi espagnole (en espagnol) contient un système exhaustif d’aide aux victimes, qui prévoit des droits en matière d’emploi (art. 21), des aides financières (art. 27) et un accès prioritaire aux logements sociaux (art. 28).

(Voir le Plan de loi type des Nations Unies, qui contient une « déclaration des droits de la victime » ; et Protection des victimes, aide et soutien (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights.)