Définition de la maltraitance des veuves
Le législateur doit reconnaître que la maltraitance des veuves englobe différents types de violations des droits de l’homme. Les veuves sont confrontées à la violence domestique, aux violences sexuelles, au mariage forcé, à la traite d’êtres humains, à la saisie de leurs biens, à l’usurpation de biens, à l’éviction forcée, ainsi qu’à la discrimination à l’égard des femmes s’agissant du mariage, de sa dissolution et du divorce, du droit de propriété et sur la terre, des enfants et de l’héritage. La législation civile et pénale doit aborder et prohiber toutes ces formes de violations, protéger les droits des femmes et des filles, prévoir des voies de recours légales et prendre des mesures pour que les responsables des violations aient à rendre compte de leurs actes.
Définition de la discrimination à l’égard des femmes
Le législateur doit définir au sens large la discrimination à l’égard des femmes comme « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ». Voir : CEDAW, art. 1. Le législateur doit également reconnaître aux veuves le droit à la liberté de mouvement, l’accès aux services sociaux, éducatifs et de santé, le droit de choisir leur résidence, leur nourriture, leur tenue vestimentaire et leur mode de vie, ainsi que l’égalité avec les hommes en matière de citoyenneté. Voir le Modèle de charte des droits des veuves (en anglais), art. 4. En outre, la loi doit protéger les veuves atteintes du VIH/sida en prohibant toute discrimination liée au VIH/sida s’agissant de la vente, de la location, de l’héritage ou du transfert d’autres biens. Voir : Réseau juridique canadien VIH/sida, Respecter, protéger et s’engager : une législation pour les droits des femmes dans le contexte du VIH/sida, vol. 2 : Questions relatives à la famille et à la propriété (en anglais), 2009, § 5-7.
Discrimination à l’égard des femmes s’agissant du mariage
La législation doit garantir aux femmes l’égalité des droits et responsabilités avec les hommes dans le cadre du mariage, indépendamment de la forme de la famille ou de la religion, de la coutume, de la tradition ou du système juridique selon lequel le mariage a été conclu. Le législateur doit comprendre que la discrimination à l’égard des femmes s’agissant du mariage englobe plusieurs questions, notamment leur état civil, leur capacité de se marier avec la personne choisie par elles, leur capacité juridique de posséder et de gérer des biens, leur droit à l’héritage, leur nationalité, et leurs droits et responsabilités à l’égard de leurs enfants. La législation doit aborder la discrimination dans tous ces domaines et la prohiber en vue de promouvoir et de protéger les droits des veuves.
La législation doit exiger le libre et plein consentement des deux parties au mariage et protéger le droit de la femme de décider ou non de se marier et de choisir son conjoint. Voir le chapitre Mariage forcé et mariage des enfants. La législation doit prévoir la même protection juridique d’égalité de statut entre les parties dans une union de fait ou un mariage coutumier et non officiel que dans le mariage civil officiel. Elle doit disposer que les parents ont les mêmes droits et responsabilités s’agissant de la garde, de l’entretien et de la protection des enfants. Voir la section Discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne les enfants.
Le législateur doit abroger les lois et prohiber les pratiques qui empêchent les femmes de conclure des contrats ou d’obtenir un crédit financier ou qui conditionnent l’obtention d’un crédit à l’accord ou à la caution d’un homme, qui empêchent une femme d’être seule propriétaire d’un bien et lui interdisent de gérer ses propres affaires commerciales, qui restreignent le droit d’une femme de réaliser ou de conserver son droit de partage d’un bien avec un homme, qui restreignent le droit d’une femme d’exercer un recours devant les tribunaux, qui accordent au témoignage ou aux éléments de preuves fournis par une femme une importance moins grande au regard de la loi qu’à ceux fournis par un homme, et qui restreignent le droit des femmes de choisir leur lieu de résidence dans les mêmes conditions que les hommes. Les lois doivent prohiber les lois et pratiques qui autorisent les mariages polygames. Voir la section sur Mariages polygames. Voir le chapitre Mariage forcé et mariage des enfants
La législation doit veiller à ce que les femmes jouissent du même droit que les hommes de posséder, d’administrer, d’utiliser et de se dessaisir d’un bien. Elle doit tout particulièrement protéger le droit des femmes de posséder, d’administrer et de transférer des parts de biens égales à celles des hommes durant le mariage et lors de sa dissolution. Le législateur doit abroger ou amender les lois qui accordent aux hommes une part plus grande des biens lors de la dissolution du mariage ou à la mort d’un conjoint. En cas de division ou de partage des biens de la communauté entre époux, la législation doit accorder une importance équitable aux contributions financières et aux contributions non financières à ces biens, dont le travail domestique non rémunéré ou le travail agricole. Enfin, la législation doit veiller à ce que les femmes bénéficient à égalité avec les hommes des réformes agraires et des programmes de redistribution des terres. Voir la section Discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne la terre et le droit de propriété.
La législation doit garantir que le mari et la femme ont le droit d’hériter à égalité à la mort de leur conjoint, notamment de recevoir des parts égales et d’avoir un rang égal dans l’ordre de succession. Toute loi qui empêche les femmes d’hériter à égalité avec les hommes ou qui restreint les droits des femmes à hériter de biens doit être abrogée. Voir la section sur la Discrimination à l’égard des femmes en matière d’héritage.
La législation doit faire de la communauté modifiée ou partielle le régime matrimonial par défaut. Voir la section Régimes matrimoniaux.
Voir CEDAW. Recommandation générale n° 21. Égalité dans le mariage et les rapports familiaux.
Discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne les enfants
Le législateur doit préciser que les lois et pratiques qui privent les femmes de droits et responsabilités égaux à ceux des hommes s’agissant de leurs enfants constituent une discrimination à l’égard des femmes. Il doit abroger les lois et prohiber les pratiques qui transfèrent automatiquement le droit de garde à une personne autre que la mère en cas de décès du père ou de dissolution du mariage. La législation doit prohiber les pratiques qui permettent à un testateur de confier la garde d’enfants à une personne autre que leur mère et préciser que de telles dispositions sont nulles et non avenues.
Le législateur doit prévoir que les parents, quelle que soit leur situation matrimoniale, partagent les mêmes droits et responsabilités s’agissant de leurs enfants, y compris concernant la garde et la tutelle. Toutefois, dans le cas où un enfant est conçu et né à la suite d’une agression sexuelle, le législateur doit priver le père biologique auteur du viol de ces droits égaux, de la garde et de la tutelle ainsi que du droit de visite.
La loi doit prévoir qu’un enfant a le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux et qu’il a droit à son identité, y compris aux relations familiales. Les lois traitant de la maltraitance des veuves doivent préciser qu’un enfant ne peut être séparé de sa mère devenue veuve contre le gré de celle-ci après le décès du père et mari.
Discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne la terre et le droit de propriété
La législation doit garantir aux femmes l’égalité des droits avec les hommes pour conclure des contrats et administrer des biens. Elle doit tout particulièrement reconnaître aux femmes le droit indépendant de conclure un contrat et d’obtenir un crédit sans l’autorisation ou la caution de son mari ou d’un homme de sa famille. Les lois doivent traiter également les hommes et les femmes à tous les stades de la procédure judiciaire.
Le droit des femmes de bénéficier à égalité avec les hommes de la réforme agraire et des programmes de redistribution des terres doit être garanti. La législation doit prendre en compte les rôles traditionnels et la manière dont ils peuvent entraver l’accès des femmes à la terre dans les systèmes d’enregistrement. Les formulaires administratifs qui utilisent l’expression « chef de famille » constituent une discrimination à l’égard des femmes dans la pratique ; cette expression doit être supprimée ou, à défaut, d’autres mesures doivent être prises pour garantir aux femmes le même accès à la terre qu’aux hommes. Par exemple, les programmes de redistribution des terres qui exigent l’enregistrement par le chef de famille doivent veiller à ce que le titre de propriété de la terre porte le nom des deux époux, même dans le cas où un seul d’entre eux est enregistré.
Discrimination à l’égard des femmes en matière d’héritage
La législation doit disposer que les hommes et les femmes ayant le même lien de parenté avec un défunt ont droit à des parts égales de ses biens et à un rang égal dans l’ordre de succession. Elle doit étendre cette égalité de statut à l’héritage aux cas de succession ab intestat. Le législateur doit abroger les lois et prohiber les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes et des filles en matière d’héritage, notamment celles qui empêchent les femmes d’hériter de leur mari ou de leur père ou d’hériter d’une part égale ou à un rang égal à ceux des hommes, qui les empêchent d’exécuter un testament, et qui restreignent les droits des femmes à l’héritage à des droits limités ou contrôlés ou au seul revenu des biens du défunt.
Voir CEDAW. Recommandation générale n° 21. Égalité dans le mariage et les rapports familiaux
Définition de l’agression sexuelle
La définition de l’agression sexuelle doit préciser ce qui suit :
- Il s’agit d’un acte de violence physique ou sexuelle contre une personne.
- La victime peut être un homme ou une femme. Voir : Stratégies et mesures concrètes types relatives à l’élimination de la violence contre les femmes dans le domaine de la prévention du crime et de la justice pénale. Manuel pratique, p. 18 et la Loi contre le viol (2000) adoptée par la Namibie.
- Il s’agit d’une violation de l’intégrité corporelle et de l’autonomie sexuelle d’une personne.
- Il ne s’agit pas d’une atteinte à la morale ou à la décence ni d’un crime contre la famille (voir le Manuel ONU, 3.4.3.1, et la Recommandation Rec (2002)5 du Comité des ministres aux États membres sur la protection des femmes contre la violence, § 34.
- La preuve de la pénétration n’est pas requise.
- La force ou la violence ne sont pas des conditions nécessaires. L’utilisation de la force doit être une circonstance aggravante. Voir le chapitre Agressions sexuelles.
La relation sexuelle sans consentement est souvent obtenue non seulement par la force mais aussi par la contrainte, ce qui peut recouvrir toute une série de comportements, y compris l’intimidation, la manipulation, les menaces de traitement négatif (supprimer un service ou un avantage dont la personne a besoin) et le chantage. Voir Qu'est-ce qu'une agression sexuelle ? (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights.
La législation doit définir explicitement la « purification de la veuve » comme une forme d’agression sexuelle ou de relation sexuelle non consentie. Dans cette pratique, les attentes et la pression de la communauté peuvent contraindre une veuve à avoir des relations sexuelles avec un purificateur ou un parent proche de son mari pour la purifier de l’esprit de son mari défunt. Le législateur doit veiller à ce que les lois prohibant les violences sexuelles s’appliquent à cette pratique. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les lois et pratiques coutumières n’autorisent ni ne cautionnent la « purification de la veuve » et que les auteurs de tels actes soient sanctionnés.
Le législateur doit veiller à ce que le viol conjugal, y compris le viol dans le cadre de mariages contractés au titre du lévirat ou du sororat, soit un crime passible de poursuites. Voir Agression sexuelle commise par le conjoint ou un partenaire intime (en anglais), Stop VAW, The Advocates for Human Rights. Le lévirat est le mariage forcé d’une veuve au frère de son mari défunt ; le sororat est le mariage forcé de la sœur d’une femme décédée ou sans enfants, contrainte d’épouser son beau-frère (le veuf ou le mari) ou d’avoir des relations sexuelles avec lui. Voir la section Droit pénal.
Définition de la violence domestique
La législation doit inclure une définition large de la violence domestique, y compris ses formes physiques, sexuelles, psychologiques et économiques. En 2008, un groupe d’experts réuni par les Nations Unies a recommandé que « les définitions de la violence domestique qui incluent la violence psychologique ou la violence économique, lorsqu’elles existent, soient appliquées dans un esprit tenant compte de l’égalité entre les sexes et de manière appropriée ». Le législateur doit inclure la disposition suivante dans la définition de la violence domestique : « Le mariage ou une autre relation ne constitue en aucun cas un élément de défense contre une accusation d’attaque sexuelle au sens de la législation ». Voir Manuel ONU, 3.4.3.1.
Le législateur doit s’efforcer d’indiquer d’une manière claire et reflétant la réalité du moment et la dynamique de la maltraitance des veuves l’ensemble des personnes qui doivent relever d’une loi de protection contre la violence domestique. Le champ d’application de la législation relative à la violence domestique a, dans de nombreux pays, été élargi pour inclure non seulement les couples mariés mais aussi toutes les personnes qui sont – ou ont été – des intimes de la victime, et les membres d’une famille et d’un même foyer. Voir Manuel ONU, 3.4.2.2. La législation protégeant les veuves contre la violence domestique doit garantir que l’ensemble des personnes concernées comprend leur belle-famille, à savoir les parents, frères et sœurs, oncles, tantes et cousins du défunt ainsi que tout autre héritier ab intestat ou selon le droit coutumier. Voir le chapitre La violence familiale.
Définition de la traite d’êtres humains
La législation doit prohiber la traite des veuves aux fins d’exploitation, par exemple la prostitution ou le mariage forcé, et sanctionner les responsables de tels agissements. Le législateur doit définir la traite sexuelle comme comprenant :
- les actes : recrutement, réception, séduction, hébergement, obtention, fourniture, transfert ou transport de personnes ;
- les moyens :
§ par tout moyen (en reconnaissant qu’aucun individu ne peut consentir à faire l’objet de traite aux fins d’exploitation sexuelle), ou
§ par l’un des moyens suivants afin d’obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur autrui aux fins d’exploitation (hormis le cas où les victimes de la traite sont âgées de moins de 18 ans) :
les menaces ou l’utilisation de la force ; ou
d’autres formes de contrainte, d’enlèvement, d’escroquerie, de tromperie ; l’abus de pouvoir ou d’une position de vulnérabilité ; ou
le fait de donner ou de recevoir de l’argent ou des avantages en vue d’obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur autrui ; ET
- le but : l’exploitation sexuelle, qui doit comprendre au minimum l’exploitation de la prostitution d’autrui.
Le législateur doit veiller à ce que l’élément de la définition de la traite sexuelle relatif aux moyens ne soit pas une condition requise pour la traite sexuelle d’enfants. Voir La traite sexuelle des femmes et des filles. Voir le chapitre La traite des femmes et des filles à des fins sexuelles.
Définition du mariage forcé
Le législateur doit veiller à ce que la définition du mariage forcé comprenne au minimum l’absence de libre et plein consentement de l’une ou des deux parties. Les lois et documents relatifs aux droits de l’homme décrivent généralement le mariage forcé comme une union contractée sans le libre et plein consentement des parties. La Résolution 1468 (2005) 1 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Mariages forcés et mariages d’enfants définit le mariage forcé comme étant « l’union de deux personnes dont l’une au moins n’a pas donné son libre et plein consentement au mariage » (§ 4). Voir la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages (art. 1 (1)) et le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique (art. 6 (a)), qui disposent que le mariage ne peut être conclu qu’avec le « libre et plein consentement » des deux parties.
En élaborant la définition du mariage forcé, le législateur doit examiner la manière de définir et d’établir le consentement dans les mariages forcés. Il peut consulter les lois d’autres pays qui ont utilisé des termes tels que « libre », « plein », « mutuel », « volontaire » et « informé » pour décrire le consentement. Les lois doivent inclure les éléments suivants dans la définition du consentement : libre, informé et non extorqué sous la pression ou vicié par des facteurs externes comme la contrainte. Le législateur pourrait inclure des observations juridiques expliquant que le consentement est absent lorsque la famille recourt « à des moyens coercitifs tels que pressions, chantage affectif, contraintes physiques, violence, enlèvement, enfermement, confiscation de papiers » dans un mariage arrangé, privant ainsi l’une ou les deux parties de la possibilité de refuser. Voir Mariages forcés et mariages d’enfants. Rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Section II.A.1.b.16-17, 2005.
La législation doit prévoir que le lévirat et le sororat qui exigent d’une femme qu’elle épouse son beau-frère constituent un mariage forcé et sont prohibés. Le lévirat est le mariage forcé d’une veuve avec le frère de son mari décédé, tandis que le sororat est le mariage forcé de la sœur d’une femme décédée ou sans enfants, contrainte d’épouser son beau-frère (le veuf/mari), ou d’avoir des relations sexuelles avec lui. La législation doit également aborder les mariages polygames sous la rubrique des mariages forcés et prohiber cette pratique.
Voir le chapitre Mariage forcé et mariage des enfants.
Définition de l’expulsion forcée
La législation doit prohiber l’expulsion forcée des veuves et de leurs enfants. Une définition de l’expulsion (ou éviction) forcée doit inclure les éléments fondamentaux suivants :
- le départ involontaire d’une veuve ou de la veuve et de ses enfants de la résidence ou de la terre familiales ;
- l’utilisation de la force ou de la contrainte ;
- l’absence d’accès à des voies de recours juridiques appropriées ou à d’autres formes de protection.
La Fiche d’information n° 25 du Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies définit l’éviction forcée comme le :
« départ involontaire d’un individu de son foyer ou de sa terre, qui est directement ou indirectement attribuable à l’État. Elle suppose l’élimination effective pour un individu ou un groupe de la possibilité de vivre dans une certaine habitation, un certain lieu de résidence ou une certaine localité, et le déplacement assisté (en cas de réinstallation) ou non assisté (sans réinstallation) des personnes ou des groupes évincés vers d’autres lieux ».
Le Centre pour le droit au logement et contre les expulsions (COHRE) (en anglais) décrit l’expulsion forcée comme le
« départ permanent ou temporaire et contre leur gré d’individus, de familles et/ou de groupes de leur foyer et/ou des terres qu’ils occupent, en l’absence d’accès à des voies de recours juridiques appropriées, entre autres formes de protection. Les évictions forcées sont une forme particulière de déplacement le plus souvent caractérisée par 1) une relation à des décisions particulières, à la législation ou à la politique d’un État ou au fait que l’État n’intervient pas pour empêcher des évictions effectuées par des agents non étatiques ; 2) un élément de force ou de contrainte ; et 3) elles sont souvent planifiées, formulées et annoncées à l’avance. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a affirmé que "les décisions d’expulsion forcée sont prima faciae contraires aux dispositions" du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qu’elles ne peuvent être justifiées que dans les circonstances les plus exceptionnelles et qu’elles doivent "se faire dans le strict respect des dispositions pertinentes de la législation internationale" ». Voir : Observation générale n° 7 du Comité et Fiche d’information n° 25. L’éviction forcée et les droits de l’homme. Le COHRE fait également observer que « la privation arbitraire des femmes de logement, de terre et de biens quand elle résulte de normes, de politiques et de pratiques discriminatoires liées au genre et qui affectent les femmes » doit relever de l’obligation de l’État de protéger tous les individus contre l’expulsion forcée. Ceci est d’autant plus important que l’expulsion forcée de femmes isolées est souvent invisible, contrairement aux évictions de masse, plus visibles. Voir : COHRE. Shelter from the Storm: Women’s Housing Rights and the Struggle against HIV/AIDS in Sub-Saharan Africa (Un abri contre la tempête. Les droits des femmes au logement et la lutte contre le VIH/sida en Afrique subsaharienne, en anglais), 2009 ; Fiche d’information n° 25. L’éviction forcée et les droits de l’homme ; COHRE. Fiche d’information n° 3 : les femmes et l’expulsion forcée (en anglais).
Le législateur doit prendre en compte le fait que le domicile conjugal peut être au nom de l’époux et que les systèmes coutumiers ou religieux peuvent en transférer la propriété aux proches de celui-ci. Dans ce cas ainsi que dans le cas de succession ab intestat, la législation doit garantir le droit de la veuve de continuer à y résider avec ses enfants en bénéficiant de l’usufruit et préciser que son remariage ne met pas fin à ce droit. La législation doit interdire à un testateur de transmettre le domicile conjugal à un tiers dans le cas où son épouse lui survit ; une telle disposition doit être considérée comme nulle et non avenue.
Définition de l’appropriation de biens et de l’occupation sans titre
Appropriation de biens
La législation doit définir l’appropriation des biens d’une veuve par sa belle-famille et/ou d’autres membres de la communauté et se pencher sur cette question. Le législateur doit soit définir une infraction spécifique et globale de l’appropriation de biens, soit aborder cette question par le biais d’autres infractions connexes. L’infraction spécifique de l’appropriation de biens doit être définie comme le fait de priver l’épouse et/ou les enfants d’une personne décédée des biens qui leur appartiennent. Ces biens peuvent être la résidence conjugale, la terre, et tout autre bien mobilier ou immobilier. Les infractions connexes sont le vol, le détournement de fonds ou l’usurpation, l’utilisation sans autorisation et l’atteinte aux biens ainsi que les tentatives de commettre ces infractions. La législation doit traiter des violences physiques ou des menaces accompagnant l’appropriation de biens. Voir la section Droit pénal.
La législation traitant de l’appropriation des biens des veuves doit définir le vol comme le fait de s’emparer des biens meubles ou immeubles détenus par une veuve. Elle doit énoncer les circonstances aggravantes du vol, par exemple le cas où le bien saisi a une grande valeur ou est important pour la survie de la veuve, où l’appropriation entraîne une perte importante pour elle en raison de sa situation financière, ainsi que le cas où l’auteur de l’infraction profite de la situation de veuvage de la victime ou de sa vulnérabilité liée par exemple à sa séropositivité, où il utilise une arme dangereuse ou des menaces envers la veuve et sa famille, où encore le cas où l’appropriation s’accompagne d’une pénétration par effraction au domicile de la veuve.
Les lois relatives à l’appropriation des biens des veuves doivent définir le détournement ou la corruption comme le fait de s’emparer de biens meubles ou immeubles d’une veuve qui se trouvent en la possession de sa belle-famille. La législation doit énoncer les facteurs aggravants, par exemple les cas où le bien meuble ou immeuble a une grande valeur ou est important pour la survie de la veuve, où l’infraction entraîne une perte importante pour elle en raison de sa situation financière, et où l’auteur de l’infraction profite de sa position de responsabilité particulière, par exemple comme exécuteur testamentaire.
La législation traitant de l’appropriation des biens des veuves doit définir l’utilisation sans autorisation comme l’utilisation de biens meubles et immeubles de la veuve sans qu’elle ait donné librement son consentement. Les facteurs aggravants doivent comprendre l’utilisation des biens pour en tirer un profit appréciable ou la perte ou les difficultés importantes qui en résultent pour la victime.
La législation traitant de l’appropriation des biens des veuves doit définir la pénétration par effraction comme la prise de possession, le déplacement ou la dissimulation des biens meubles détenus par une veuve, l’utilisation de la terre détenue par une veuve sans son consentement accordé librement, par exemple pour la cultiver, la creuser, y enterrer des êtres humains ou des animaux, l’utiliser comme pâturage, ou prendre possession de la terre ou d’un bâtiment détenu par une veuve.
Occupation sans titre
La législation doit aborder d’autres formes insidieuses d’appropriation de biens, par exemple les tactiques d’occupation sans titre. Elle doit définir l’occupation sans titre comme l’acte par lequel une partie occupe la terre d’autrui jusqu’à ce qu’elle puisse prétendre à un titre légal de propriété. Généralement, les conditions requises sont l’occupation réelle, manifeste, notoire, exclusive, hostile, sous couvert d’une revendication ou d’un droit, continue et ininterrompue pendant une période précise. Par exemple, les proches du défunt peuvent planter des récoltes en bordure de la terre d’une veuve de manière à modifier les limites, ce qui peut constituer une tentative d’occuper sans titre une partie de sa terre.