Incrimination pénale des crimes « d’honneur » et des délits connexes

Dernière modification: February 26, 2011

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Le législateur doit créer un délit spécifique de crime « d’honneur ». Voir plus haut : Définition des crimes « d’honneur ». Il doit veiller à ce que ces crimes ne puissent donner lieu à un arrangement amiable : les auteurs doivent être poursuivis même si la victime ou sa famille a retiré sa plainte ou si les parties ont conclu une transaction privée. Les peines encourues pour les crimes « d’honneur » doivent être proportionnées à la gravité du délit et comparables à celles prévues pour les autres délits similaires. Voir : la partie Sanctions pénales.

 

ÉTUDE DE CAS :

au Pakistan, dans certaines sociétés tribales, la femme est considérée comme la propriété des hommes de la famille, et donc comme une marchandise susceptible d’être négociée et vendue selon leur gré. Voir : Amnesty International, Pakistan. Les violences commises contre les femmes au nom de l’honneur (en anglais), 1999. Les dots ont encore cours pour les femmes. Une femme ou même une fille très jeune peut être vendue ou donnée à titre d’indemnisation pour régler un conflit familial ou tribal, ou pour réparer « l’honneur » bafoué d’un homme, parfois dans le cadre du règlement d’un karo kari. « L’honneur » continuant à être lié dans beaucoup de sociétés tribales à la richesse et aux possessions d’un homme, dont font partie les femmes et tout bien associé à une femme, il règne un climat qui tend à excuser les violences faites aux femmes lorsqu’elles transgressent les règles. Les lois qui érigent en infraction pénale les crimes « d’honneur » doivent reconnaître le rôle fondamental joué par la marchandisation des femmes dans ces crimes et, comme il est dit plus haut, rendre les poursuites obligatoires indépendamment de toute transaction conclue entre les parties.

La loi pakistanaise qui réprime les crimes « d’honneur » a été critiquée pour n’avoir pas interdit le classement de l’affaire en cas d’arrangement amiable, et pour avoir autorisé le règlement du « différend » comme une affaire privée entre le meurtrier et les héritiers de la victime, soit par le pardon (qisas) soit par le paiement d’une indemnité (diyat). Les femmes étant traditionnellement considérées comme des marchandises dont la valeur peut être négociée (dot ou « prix du sang »), et l’auteur du crime « d’honneur » étant souvent un membre de la famille, on a toutes les raisons de craindre que cette faille juridique permettra à de nombreux crimes « d’honneur » de rester impunis et aura un effet dissuasif extrêmement limité au Pakistan. Les actions menées pour supprimer cette faille se sont soldées par un échec au Parlement pakistanais en 2005. Voir : BBC News, Le Pakistan rejette un projet de loi favorable aux femmes (en anglais), 2 mars 2005.

 

Il est également souhaitable d’ériger en infraction pénale les délits connexes utilisés pour protéger ou restaurer « l’honneur », ou accompagnant la commission d’un crime « d’honneur ». Ces délits comprennent : le meurtre, les coups et blessures, la torture, l’inceste, les abus sexuels, le viol, l’enlèvement, le test de virginité, le suicide forcé, l’éviction forcée, les brûlures domestiques prétendument accidentelles, le mariage forcé, les attaques à l’acide, la mutilation et l’utilisation de femmes ou de filles à titre d’indemnisation pour réparer les crimes d’autrui ou à titre de règlement d’un différend. La législation doit interdire les agissements souvent associés à « l’honneur », tels que la séquestration, les restrictions à la liberté d’association ou l’interdiction de détenir des papiers d’identité ou des comptes bancaires, et garantir aux femmes et aux filles des droits égaux à ceux des hommes du point de vue des droits civiques, de la liberté d’association, de la liberté de communication et de l’accès à l’information. Le législateur doit s’assurer que ces lois punissent l’auteur de l’infraction et non la victime.

Il doit par ailleurs permettre au parquet de retenir plusieurs chefs d’accusation contre le défendeur pour tous les actes commis lorsque l’infraction viole différentes lois ou que l’infraction consiste en plusieurs actes pouvant être poursuivis séparément.

(Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), Division de la promotion de la femme des Nations Unies, 26-29 mai 2009, p. 18.)