Immigration et asile

Dernière modification: February 25, 2011

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  •  Des lois et des politiques de référence sur l’immigration et l’asile pour cause de MGF doivent être élaborées dans le cadre du droit international relatif aux droits de l’homme. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) reconnaît qu’une fillette ou une femme qui demande l’asile parce qu’elle a été contrainte de subir, ou risque de subir, une MGF, peut prétendre au statut de réfugiée en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Il estime en outre que, dans certaines circonstances, la mère ou le père d'une enfant menacée de MGF peut également faire valoir des craintes légitimes et fondées de persécution à son égard, la plaçant dans le champ de la définition du réfugié donnée par la Convention de 1951. Voir le document du HCR en anglais Guidance Note on Refugee Claims Relating to Female Genital Mutilation, Mai 2009 (Lignes directrices sur les demandes du statut de réfugiée liées aux mutilations génitales féminines).
  • Le HCR considère officiellement les MGF comme une forme de violence sexiste infligeant un grave préjudice, aussi bien mental que physique, et constituant de fait une persécution. Il reconnaît par ailleurs que la peur de subir une MGF constitue une crainte fondée de persécution pouvant découler de l'appartenance à un groupe social particulier, ainsi que de certaines opinions politiques ou convictions religieuses. Pour le HCR, les MGF sont infligées aux fillettes et aux femmes parce qu'elles sont de sexe féminin, afin de les assujettir et de contrôler leur sexualité. Cette pratique s’inscrit souvent dans un ensemble plus vaste d'usages discriminatoires visant les femmes et les fillettes dans certaines sociétés. Le HCR recommande en outre que les MGF soient reconnues comme une forme durable de préjudice, d’où il résulte qu’une femme ou une fillette qui a déjà été victime de MGF peut légitimement craindre de subir de nouvelles persécutions. Voir : HCR, Note d'orientation sur les demandes du statut de réfugié pour des raisons liées aux mutilations génitales féminines, mai 2009 (en anglais).
  • Les législations et les politiques régissant l’octroi du droit d'asile pour des raisons liées aux MGF doivent notamment comporter les éléments suivants :
  • La loi doit indiquer que la menace de MGF constitue en soi une forme de persécution aux termes de la législation relative au droit d'asile. Les législateurs veilleront à ce que les personnes susceptibles d’être victimes de MGF soient considérées comme constituant un « groupe social particulier » aux termes de la loi sur le droit d'asile. Voir : Manuel de l’ONU, 3.14.
  • Exemples :
  • États-Unis : « Dans l’affaire Fauziya Kassinja, 21 I. et N. Dec. 357, Interim Decision 3278, 1996 WL 379826 (Board of Immigration Appeals 1996), le conseil des appels du Ministère de la justice des États-Unis d’Amérique a accordé l’asile à une femme qui s’était enfuie du Togo pour ne pas risquer d’y être victime d’une mutilation génitale féminine. Un tel raisonnement n’a toutefois pas toujours été appliqué uniformément par les tribunaux de ce pays dans toutes les affaires de violence à l’égard des femmes. » Manuel de l’ONU, 3.14.
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  • Allemagne : Une femme originaire de Côte d’Ivoire a déposé une demande d’asile devant le tribunal administratif de Magdebourg, au motif qu’elle risquait de subir une MGF si elle retournait dans son pays. Le tribunal a estimé que le gouvernement ivoirien n’allait probablement pas protéger la demandeuse à son retour et que cette dernière risquait donc très vraisemblablement de subir une MGF. Considérant que le fait de réaliser une MGF sur une personne contre son gré constituait une atteinte à l’intégrité physique et mentale de celle-ci, le tribunal a reconnu la validité de la demande d'asile. Voir : Female Genital Mutilation: A Guide to Laws and Policies Worldwide, p. 161.
  • La législation doit disposer que le risque de subir une MGF est un motif légitime de demande d’asile, non seulement pour la personne menacée, mais également pour les membres de son entourage qui sont responsables d'elle. La législation doit indiquer que, lorsqu’une personne résidente risque d’être victime de MGF, cette personne, ainsi que sa famille, peut faire une demande de statut de résidente, même dans le cas où la personne en danger possède déjà ce statut ou la citoyenneté du pays, ses parents ou tuteurs ne le ou la possédant pas.

 

Exemple :

 

  • États-Unis : Dans l’affaire Abay v. Ashcroft, 368 F3d 634 (6th Cir. 2004), un tribunal du sixième circuit a estimé que les craintes de persécution d’une jeune Éthiopienne et de sa mère étaient fondées, pour l’une comme pour l’autre. Le tribunal a considéré que les MGF étaient très répandues en Éthiopie, que la jeune fille avait des craintes légitimes d’être soumise à cette pratique et que la peur de la mère de celle-ci, qui redoutait « d'être contrainte d'assister à la douleur et à la souffrance de sa fille » était elle aussi fondée.

 

  • La législation doit reconnaître que les MGF constituent un préjudice qui s'étend dans la durée et accorder l'asile aux personnes qui ont déjà été soumises à cette pratique.

 

Exemple :

 

  • États-Unis : Dans l’affaire Mohammed v. Gonzales, 400 F3d 785 (9th Cir. 2005), un tribunal du neuvième circuit a accordé l’asile à une Somalienne pour cause de MGF. Il a estimé que les MGF constituaient un préjudice durable, analogue à la stérilisation forcée.
  • États-Unis : Dans l’affaire Hassan v. Gonzales, 484 F3d 513 (8th Cir. 2007), un tribunal du huitième circuit a estimé que le fait de faire la démonstration d’une persécution passée, sous forme de MGF, suffisait à établir une présomption de crainte fondée de persécution, la demandeuse risquant d'être victime par la suite de formes de persécution autres que les MGF.

 

  • La législation doit permettre à une femme placée dans une situation de dépendance à l’égard de son mari de bénéficier, pour cause de MGF, d’une situation indépendante, pour elle ou pour ses filles.
  • Les législateurs doivent être conscients des conséquences qu'une condamnation pénale peut avoir sur la situation au regard de la législation sur l'immigration d’une personne estimée responsable de MGF. Dans l'intérêt supérieur de l'enfant, la législation doit être élaborée avec soin, afin d'éviter qu'une telle personne puisse être expulsée, lorsqu'elle est le père, la mère ou, plus généralement, le responsable de mineurs, ces derniers risquant de se retrouver seuls en cas d'exécution d'une mesure d'expulsion. Ces précautions, prises lors de la rédaction des textes juridiques, devraient permettre d’éviter que la législation pénale ne soit utilisée comme prétexte pour harceler les membres d'une minorité ou d'un groupe de réfugiés pratiquant traditionnellement les MGF mais ayant immigré dans un pays où cette pratique est illégale.
  • Les législateurs veilleront à ce que tous les candidats à l'immigration et tous les demandeurs d'asile puissent bénéficier de services de santé et d'une éducation concernant les MGF. Ces services doivent notamment comporter une information sur les risques des MGF, une information destinée aux personnes ayant déjà subi une MGF et concernant les complications, en particulier pendant la grossesse, et une sensibilisation aux conséquences légales auxquelles s'exposent les personnes pratiquant les MGF.

 

Pratiques encourageantes : États-Unis – Information obligatoire en matière de MGF des personnes à l’arrivée, candidates ou non à l’immigration

  • États-Unis : Le Service de la citoyenneté et de l’immigration (ex-Service d'immigration et de naturalisation) des États-Unis est tenu par la loi d’informer sur les MGF et sur les conséquences légales de cette pratique aux États-Unis toutes les personnes, candidates ou non à l’immigration, arrivant sur le territoire américain en provenance de pays où les MGF sont largement répandues. La loi dispose notamment :

8 USC §1374 (2005) Information concernant les mutilations génitales féminines (en anglais) 

(a) Information concernant les mutilations génitales féminines

Le Service d'immigration et de naturalisation des États-Unis (en collaboration avec le Département d’État) fournira à tous les étrangers bénéficiant d’un visa d’immigration ou de non-immigration, avant ou au moment de leur entrée aux États-Unis, les informations suivantes :

(1) des informations concernant le grave préjudice causé à la santé physique et psychologique par les mutilations génitales féminines, réunies et présentées d’une manière ne se limitant pas à la pratique même et respectant les valeurs culturelles des sociétés dans lesquelles ladite pratique a cours ;

(2) des informations concernant les éventuelles conséquences juridiques que peut avoir aux États-Unis

(A) le fait de réaliser une mutilation génitale féminine,

(B) ou le fait de permettre qu’une enfant dont on a la garde soit soumise à une mutilation génitale féminine, aux termes du Code pénal ou de la Loi sur la protection de l'enfance, ou en tant que forme de maltraitance infantile.

 

(b) Limitation

Le commissaire à l’immigration et à la naturalisation, en concertation avec le secrétaire d’État, dressera la liste des pays dans lesquelles les mutilations génitales féminines sont couramment pratiquées et, autant que faire se peut, limitera l’information prévue en vertu de l’alinéa (a) du présent article aux étrangers en provenance de ces pays.

(c) Définition du terme « mutilation génitale féminine »

Aux fins du présent article, le terme « mutilation génitale féminine » désigne l'excision ou/et l'infibulation, totale ou partielle, du clitoris, des petites lèvres ou des grandes lèvres. 

Pour plus de précisions concernant les MGF et les demandes d’asile aux États-Unis, voir : Asylum Law and Female Genital Mutilation: Recent Developments (La loi sur l’asile et les mutilations génitales féminines : évolutions récentes), Yule Kim, rapport du service de documentation du Congrès, 15 février 2008 (en anglais) ; CGRS Advice- Female Genital Cutting Asylum Cases (Conseils du CGRS sur les affaires de demande d’asile liées aux MGF), Center for Gender and Refugee Studies (octobre 2007) (en anglais).

Le rapport d'expert de Carole Ageng’o (en anglais) cite d'autres affaires similaires (pp. 5-9).