- Si le modèle écologique révèle l’importance d’une approche de la compréhension et du traitement des facteurs de risque liés à la violence à l’égard des femmes et des filles se situant à l’échelle de la société, et si le cadre multisectoriel souligne les responsabilités de chacun des secteurs clés et de leur ensemble en matière de prévention de la violence et d’intervention, l’approche systémique aborde directement la question de la responsabilité incombant aux organisations prestataires de services de santé d’offrir des services efficaces, performants et satisfaisant aux normes éthiques.
- Cette approche se concentre sur le développement des ressources et des compétences à l’échelle d’une organisation entière, plutôt que la formation des prestataires de service individuels (Heise, 1999 cité dans Bott et al., 2004; USAID, 2006). Les principaux éléments de l’approche systémique sont énumérés ci-après.
Le tableau ci-dessous est adapté d’après Improving the Health Sector Response to Gender-Based Violence: A Resource Manual for Health Care Professionals in Developing Countries [Améliorer la réponse du secteur de la santé à la violence sexiste : Manuel destiné aux professionnels de la santé des pays en développement] (Bott et al., 2004). |
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Éléments clés |
En quoi cet élément est-il important ? |
Renforcer l’engagement institutionnel dans la lutte contre la violence sexiste |
L’engagement général d’une institution peut avoir une influence décisive sur la culture professionnelle des centres de soins de santé. Pour bien faire, il faudrait que leurs responsables désignent la violence sexiste comme un problème de santé publique et une violation des droits de la personne et soutiennent les actions visant à améliorer la réponse des services de santé face à la violence. Le milieu professionnel devrait encourager l’ensemble du personnel à se montrer respectueux vis-à-vis de tous leurs collègues, notamment les femmes et les subalternes, et manifester son attachement à la non-violence en adoptant des mesures interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. |
Collaborer avec d’autres organisations actives dans la lutte contre la violence sexiste |
La lutte contre la violence sexiste implique une action multidisciplinaire. Au vu des difficultés opérationnelles et financières auxquelles se heurterait une organisation agissant seule, il s’agit de mener dans cette lutte une action collective, d’évaluer la situation et de décider de la répartition des tâches. L’impossibilité d’une initiative isolée de la part d’une seule organisation doit être un motif d’incitation à la coopération plutôt qu’un prétexte à l’inaction. |
Améliorer l’infrastructure et les programmes cliniques pour renforcer l’intimité et le caractère confidentiel des services médicaux offerts aux femmes qui sollicitent des soins de santé |
Le respect de la vie privée et de la confidentialité est essentiel à la sécurité des femmes dans toutes les circonstances où des soins de santé sont dispensés. La violation de la confidentialité concernant la grossesse, la séropositivité au VIH et d’autres problèmes est susceptible de faire courir aux femmes de nouveaux risques de violence et de les exposer à des représailles. La certitude du respect de la confidentialité est, par ailleurs, indispensable pour que les victimes de la violence sexiste soient disposées à déclarer les faits aux autorités. Les établissements doivent s’assurer que les salles de consultation soient insonorisées, que les femmes n’aient pas à communiquer des informations de caractère privé dans des espaces publics, comme la réception, et préciser dans leurs règlements où et dans quelles circonstances les prestataires de service sont autorisés à échanger des informations confidentielles sur leurs patientes. |
Améliorer les connaissances des agents de santé et de la force publique sur la législation et les politiques locales et nationales en matière de violence à l’égard des femmes et le secteur de la santé |
Les administrateurs et les prestataires de services doivent être au fait de la législation sur la violence sexiste, notamment ce qui constitue une infraction à la loi, comment sauvegarder les preuves médico-légales, comment déclarer les incidents violents, les conditions dans lesquelles les femmes peuvent obtenir des ordonnances de protection, les démarches à entreprendre pour se séparer d’un mari violent, et les obligations juridiques des prestataires de service lorsqu’ils relèvent des indices de violence sexuelle envers un enfant. Ces connaissances permettent aux agents de santé de fournir des informations correctes aux victimes et de procéder à la collecte de preuves médico-légales s’il y a lieu. Elles contribuent aussi à atténuer les craintes des prestataires de services de s’impliquer dans des procédures judiciaires. |
Sensibiliser et former les prestataires de service en vue d’améliorer leurs connaissances, mentalités et qualifications |
Tous les prestataires de soins de santé aux femmes doivent pouvoir répondre aux confidences de violence sexiste avec compassion et tact. Même quand ils n’abordent pas la question avec leurs interlocutrices, celles-ci l’évoquent parfois d’elles-mêmes. Les prestataires de service qui réagissent mal risquent d’infliger de graves préjudices affectifs ou de ne pas dispenser les soins médicaux appropriés. De plus, le fait d’ignorer si les femmes vivent dans un environnement violent empêche les prestataires de soins d’offrir des conseils judicieux sur la contraception, la prévention du VIH, ou de traiter des problèmes de santé comme la récurrence des IST. Chaque établissement doit décider ce qu’il peut offrir en guise de formation. À tout le moins, le personnel doit connaître l’épidémiologie de la violence sexiste et les besoins des victimes. Les établissements doivent également offrir un soutien affectif aux prestataires des services intervenant dans les domaines liés à la violence. |
Renforcer les réseaux d’orientation des victimes de la violence et faciliter leur accès aux autres services |
Compte tenu des difficultés d’une organisation à répondre à elle seule à tous les besoins des victimes de la violence, les programmes de santé devront se renseigner sur les services sociaux et juridiques disponibles sur le plan local, réunir des informations pour les prestataires de services et constituer des réseaux d’orientation des victimes pour faciliter l’accès de celles-ci aux services. Les organisations devront aussi envisager la mise en place de services internes, notamment la constitution de groupes d’appui aux femmes, dont les interventions, peu coûteuses, sont jugées d’une grande utilité par les victimes de la violence. La formation de réseaux et de coalitions permet également au secteur de la santé de tenir sa place dans le cadre plus large du débat politique en présentant la violence à l’égard des femmes comme un problème de santé publique. |
Formuler ou améliorer les textes des programmes et protocoles institutionnels relatifs aux services médicaux offerts aux femmes victimes de la violence |
Les programmes de santé devraient rédiger des protocoles destinés aux agents sanitaires sur la manière d’aborder la question de la violence avec les femmes, de traiter celles qui en font état et de les orienter sur des services spécialisés (voir Warshaw et Ganley, 1998; Bott et al., 2004). Des règles écrites et sans ambigüité devraient contribuer à réduire les risques de nuire aux patientes par un comportement négatif du personnel, surtout si elles sont établies en collaboration avec les prestataires et les gestionnaires de service sur le terrain. Malgré le nombre important de modèles déjà appliqués, ces règles sont d’une efficacité optimale lorsqu’elles sont adaptées aux spécificités de chaque organisation. |
Pourvoir à la fourniture de services et de matériel d’urgence |
Les femmes victimes de la violence peuvent avoir besoin de services et de fournitures d’urgence, notamment des premiers secours, des traitements prophylactiques d’IST (dans certains cas du VIH), des examens médico-légaux, une contraception d’urgence (lorsqu’elle est autorisée par la loi), et ainsi de suite. Les établissements de santé devront donc disposer du matériel médical approprié et du personnel qualifié pour le faire fonctionner. |
Produire ou améliorer le matériel pédagogique destiné aux patientes sur les questions relatives à la violence sexiste |
La publication et la diffusion d’affiches, de brochures et de fiches techniques sur la violence sexiste sont d’excellents moyens de refléter l’attachement d’une organisation à la lutte contre la violence, et de faire prendre conscience du problème, d’éduquer les patientes, et d’informer les femmes sur les droits qui leur sont accordés par la loi ainsi que sur les organisations susceptibles de leur venir en aide. |
Améliorer les systèmes d’archivage et d’informations médicales permettant au personnel d’étayer et de suivre les dossiers de violence sexiste |
Les systèmes d’information jouent un rôle décisif dans les interventions contre la violence sexiste. L’inclusion d’attestations de violence dans les dossiers médicaux est importante pour assurer l’exhaustivité de ces dossiers et, dans certains cas, permet de fournir les preuves nécessaires pour des actions en justice ultérieures. L’archivage des dossiers médicaux en lieu sûr garantit la sécurité et le bien-être des patientes. Les systèmes d’information jouent également un rôle important dans le suivi des activités des organisations de santé en matière de violence sexiste, car ils facilitent la collecte de statistiques auprès des différents services sur le nombre des femmes identifiées comme victimes de la violence, permettant ainsi d’évaluer la demande. |
Vérifier la qualité des processus de suivi et d’évaluation de la violence sexiste |
Le suivi et l’évaluation de la qualité des soins sont un autre moyen important de vérification que les services de santé réagissent correctement à la violence. Les prestataires de services doivent à cette fin fournir en continu des retours d’information aux administrateurs pour cerner les problèmes et appliquer des mesures d’amélioration des prestations. Par ailleurs, la contribution des femmes victimes de la violence peut s’avérer décisive pour améliorer l’organisation des services. Il convient également de veiller à documenter les conséquences imprévues des interventions. |
Extrait de USAID, 2006. Addressing Gender-Based Violence through USAID’s Health Programs: A Guide for Health Sector Program Officers [Programmes de santé de l’USAID contre la violence sexiste : Guide destiné aux responsables des programmes du secteur de la santé]. Washington, p. 26-27, et adapté d’après S. Bott, A. Guedes, C. Claramunt et A. Guezmes, 2004. Improving the Health Sector Response to Gender-Based Violence: A Resource Manual for Health Care Professionals in Developing Countries. New York [Améliorer les réponses du secteur de la santé à la violence familiale : Un manuel destiné aux professionnels de santé dans les pays en développement]. New York: Fédération internationale pour la planification familiale, Région de l’hémisphère occidental. Disponible en anglais et en espagnol.
Étude de cas : The International Planned Parenthood Federation/Western Hemisphere Region (IPPF/WHR) Regional Initiative to Address Gender-Based Violence [Initiative régionale contre la violence sexiste de la Fédération internationale pour la planification familiale/Région de l’hémisphère occidental]
Au lendemain de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) qui s’est déroulée en 1994 au Caire, la Fédération internationale pour la planification familiale/Région de l’hémisphère occidental (IPPF/WHR) a pris des mesures destinées à aider les associations membres à adopter une nouvelle perspective de la santé sexuelle et reproductive et à améliorer la qualité des programmes des services par l’intégration d’une dimension sexospécifique. À cette fin, l’IPPF/WHR a organisé des stages de formation et effectué des évaluations sur des questions liées à l’égalité des sexes afin d’y sensibiliser les personnels de ses associations membres. Tout le long du processus, les patients et les prestataires de service ont constamment signalé la violence physique et sexuelle comme une question qui méritait une attention particulière. Cette préoccupation a abouti à la mise en place de l’Initiative régionale contre la violence sexiste qui a été réalisée par quatre associations d’Amérique latine membres de la Fédération : Profamilia (République dominicaine), INPPARES (Pérou) et PLAFAM (Venezuela), avec le concours de BENFAM (Brésil). Illustrant l’approche systémique, l’Initiative a comporté les quatre volets suivants :
- Amélioration de la capacité des programmes de prestation de services de santé sexuelle et reproductive à soigner les femmes victimes de la violence;
- Sensibilisation du public à la violence à l’égard des femmes comme un problème de santé publique et une violation des droits de la personne;
- Plaidoyer en faveur de l’adoption et de l’application de lois plus favorables à la lutte contre la violence sexiste;
- Amélioration des connaissances sur les moyens d’intervention efficaces des services de santé dans le domaine de la violence sexiste.
La réalisation du premier objectif, l’amélioration des interventions des services de santé, a entraîné la mise en chantier de vastes réformes institutionnelles. Celles-ci ont été menées de nombreuses façons. Les services déjà existants de certaines filiales (comme les unités d’appui psychologique) ont été renforcés par une formation professionnelle et par la mise en œuvre de politiques institutionnelles. Dans d’autres cas, les filiales ont dû recruter du personnel qualifié pour fournir les services nécessaires. Dans certaines situations, les associations membres de la Fédération ont réussi à forger des partenariats avec des ONG en place vers lesquelles elles ont pu diriger les femmes en quête de services spécialisés, comme en République dominicaine, où un certain nombre de femmes ont été dirigées sur deux ONG (selon leur ville de résidence) fournissant des conseils juridiques. En vue d’effectuer une évaluation approfondie de l’Initiative, les organisations participantes ont produit des études initiales, à mi-parcours et de suivi faisant usage d’indicateurs et d’instruments normalisés et de systèmes de collecte de statistiques des services sur l’ampleur des dépistages, les taux de détection, les services d’orientation et les services spécialisés. Chaque organisation a documenté les études de cas sur les services pilotes, et le personnel des bureaux régionaux a vérifié les activités des associations par des visites sur place et des entretiens informels avec les prestataires de service, les responsables locaux et les patientes. L’initiative a été financée par la Commission européenne et la Fondation Bill et Melinda Gates, avec le concours de la Fondation Ford et de la Fondation MacArthur. (Extrait de : Guedes, 2004).
Voir des renseignements supplémentaires et les conclusions des évaluations en anglais.
L’Initiative a par ailleurs permis de produire les outils suivants :
Tools for Service Providers Working with Victims of Gender-Based Violence [Outils destinés aux prestataires de service qui travaillent avec les victimes de la violence sexiste] : Cette gamme d’outils, disponible en anglais et en espagnol, permet aux agents de santé de dépister la violence sexiste, de collecter des données et de procéder au suivi et à l’évaluation du phénomène.
Improving the Health Sector Response to Gender-Based Violence [Améliorer les réponses du secteur de la santé à la violence sexiste] : Disponible en anglais et en espagnol, ce manuel, produit en collaboration avec l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et la campagne des Nations Unies « Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes », fournit des outils et des instructions destinés aux administrateurs des services de santé permettant d’améliorer la réponse des services à la violence à l’égard des femmes dans les pays en développement. Il comprend des outils pratiques d’évaluation des attitudes des prestataires de service au sujet de la violence sexiste, des définitions et des attributions juridiques, et de la qualité des soins. Il s’inspire des activités de l’Initiative de l’IPPF/WHR qui visaient à intégrer les services destinés aux victimes de la violence sexiste aux programmes de santé sexuelle et reproductive.
Basta! Women Say No to Violence [Basta ! Les femmes disent non à la violence] : Cette vidéo, disponible en espagnol avec sous-titres en anglais, vise être un vecteur de sensibilisation générale au problème de la violence à l’égard des femmes, proposant des définitions clés et s’attaquant aux mythes les plus répandus de la violence sexiste.
Basta! The Health Sector Addresses Gender-Based Violence [Basta ! Le secteur de la santé s’attaque à la violence sexiste] : Cette vidéo de formation, disponible en espagnol avec sous-titres en anglais, est destinée aux prestataires de services de santé et autres parties intéressées susceptibles d’aider les femmes qui vivent dans une situation de violence. Elle approche le phénomène de la violence à l’égard des femmes comme une violation des droits de la personne et un problème de santé publique.