Le Manuel ONU énonce plusieurs recommandations sur les lois régissant les obligations de la police dans les affaires de violences contre des femmes. La police doit :
- RÉAGIR rapidement à toute demande d’assistance et de protection, même lorsque la personne qui signale les actes de violence n’est pas la plaignante/survivante ;
- DONNER la même priorité aux appels concernant des actes de violence à l’égard des femmes qu’aux appels concernant d’autres actes de violence ;
- À RÉCEPTION d’une plainte, procéder à une évaluation coordonnée des risques sur les lieux de l’infraction et intervenir en conséquence dans une langue comprise par la plaignante/survivante, notamment :
- en interrogeant les parties et les témoins, notamment les enfants, dans des pièces séparées afin de garantir qu’ils puissent parler librement ;
- en consignant la plainte de manière détaillée ;
- en informant la plaignante/survivante de ses droits ;
- en établissant un procès-verbal officiel ;
- en assurant ou en organisant le transport de la plaignante/survivante vers l’hôpital ou le centre médical le plus proche pour y recevoir des soins en cas de nécessité ou de demande en ce sens ;
- en assurant ou en organisant le transport de la plaignante/survivante et de ses enfants ou personnes à charge, en cas de nécessité ou de demande en ce sens ;
- en assurant la protection de la personne ayant signalé les violences.
Le législateur peut s’inspirer du Guide pratique sur la gestion des affaires de mariage forcé à l’intention des différents acteurs concernés (en anglais) rédigé par les autorités britanniques. La loi doit faire passer à tous les acteurs concernés le message selon lequel le fait de négliger le témoignage d’une personne qui prétend être victime d’un mariage forcé peut lui faire perdre son unique chance d’être sauvée. Ce guide pratique contient des recommandations sur quatre situations de mariage forcé : 1) une victime potentielle qui craint d’être contrainte à un mariage forcé ; 2) un tiers signalant qu’une victime a été emmenée à l’étranger pour un mariage forcé ; 3) une victime de mariage forcé ; et 4) une personne immigrée au Royaume-Uni, ayant contracté un mariage forcé. Le législateur doit réfléchir à la définition de directives spécifiques pour traiter chaque situation. On trouvera ci-dessous un résumé des recommandations britanniques. Pour plus de détails, se reporter au Guide pratique.
Quand la police rencontre la victime, les règles minimales suivantes sont recommandées dans un protocole d’intervention de la police :
- RENCONTRER la victime seule dans un lieu sûr et privé ;
- RASSURER la victime sur la confidentialité de l’échange et respecter ses souhaits ;
- SE METTRE D’ACCORD sur un moyen de se contacter et sur un mot servant de code pour identifier avec certitude la victime ;
- INDIQUER à la victime toutes les solutions et les recours disponibles, qui peuvent comprendre l’annulation, le divorce, les ordonnances de protection, les ordonnances de cessation de harcèlement ;
- Informer la victime de son droit de demander une assistance juridique ;
- CONSEILLER à la victime de ne pas se rendre à l’étranger. Si la victime a besoin de se rendre dans un autre pays, la police doit prendre les précautions suivantes :
- obtenir une photocopie de son passeport, ainsi que des informations sur la famille (nom et date de naissance de la victime, nom du père, adresse à l’étranger, nom du conjoint et du beau-père potentiels, date du mariage, coordonnées de la famille dans les deux pays), sur l’itinéraire et les personnes voyageant avec la victime, les coordonnées de parents proches dans le pays de départ, la date approximative de retour, les coordonnées d’un tiers permettant de contacter la victime de manière sûre durant son séjour à l’étranger (information connue seulement de la victime). La police doit aussi demander à la victime de la contacter à son retour et obtenir une déclaration écrite de sa part indiquant qu’elle autorise la police ou toute autre autorité gouvernementale à agir en son nom au cas où elle ne reviendrait pas à la date prévue ;
- donner à la victime des conseils de sécurité.
Une fois que la police a rencontré une personne signalant un cas de mariage forcé, les règles minimales suivantes sont recommandées dans un protocole d’intervention de la police :
- Élaborer un plan de sécurité au cas où la victime serait vue en train de rencontrer la police ;
- enregistrer toute blessure et organiser un examen médical ;
- enquêter pour savoir s’il y a des antécédents familiaux de mariage forcé ;
- Identifier toute infraction ayant pu être commise et obtenir des détails des menaces, mauvais traitements ou toute autre manifestation d’hostilité ;
- consigner toutes les décisions prises en les motivant ;
- Consulter le service chargé des mariages forcés ou tout autre service approprié ;
- appliquer tout autre protocole ou procédure approprié aux autres problèmes connexes, tels que violence familiale, harcèlement ou enquête criminelle.
La police doit aussi coordonner son action avec les autres secteurs et orienter la victime vers les services appropriés. Elle doit au minimum :
- orienter la victime vers les services de protection de l’enfance si la victime est un enfant ;
- FOURNIR à la victime les coordonnées d’un spécialiste des mariages forcés, en lui donnant si possible le choix entre plusieurs personnes d’origine ethnique et de sexe différents, ainsi que les coordonnées d’autres prestataires de services appropriés ;
- orienter la victime vers d’autres prestataires de services appropriés.
Elle peut également :
- Obtenir les coordonnées de la personne contactant la police, qu’il s’agisse de la victime ou d’une tierce personne ;
- Obtenir une photographie ou d’autres documents d’identification de la victime ou de la victime potentielle ;
- Évaluer la nature et la gravité des risques encourus par la victime ;
- Obtenir les coordonnées d’amis et de parents dans lesquels la victime a confiance ;
- CONCERNANT les femmes victimes d’un mariage forcé immigrées au Royaume-Uni, la police doit faire appel à un interprète agréé, être culturellement attentive à leurs besoins, les orienter vers les prestataires de services appropriés, des spécialistes du mariage forcé s’il en existe, et des services de conseil juridique aux immigrés si nécessaire, enregistrer les éventuelles blessures et organiser un examen médical.
Les protocoles de police doivent tenir compte du fait que les plaignantes/survivantes de mariages forcés peuvent avoir subi des violences sexuelles. L’agression sexuelle peut avoir eu lieu sous la forme d’un viol conjugal, ou d’un crime « d’honneur » où la victime est contrainte d’épouser son violeur, ou dans le cadre de manœuvres illégales utilisées pour parvenir au mariage forcé. Un protocole de police bien conçu pour traiter les affaires d’agression sexuelle est indispensable pour poursuivre les agresseurs en justice et avoir un effet dissuasif. Les lois et politiques établies doivent faire obligation à la police de coordonner son travail avec les autres acteurs concernés, notamment les magistrats du parquet, les associations de soutien aux victimes et les autres organismes et personnes impliqués dans l’affaire. La police étant chargée de collecter les preuves, la loi doit prévoir la formation des officiers de police actuels et des futures recrues. Voir les modules sur les agressions sexuelles et les crimes « d’honneur ».
Devant des plaignantes/survivantes de mariages forcés, les policiers ne doivent pas oublier qu’elles peuvent avoir été victimes de la traite ou achetées par correspondance. Voir le module sur la traite des femmes et des filles à des fins sexuelles.
Enfin, le législateur doit prévoir des mécanismes d’obligation de rendre des comptes afin de garantir que la police fasse preuve de la diligence requise dans ses enquêtes et réagisse comme il convient face aux victimes ou aux victimes potentielles. Des attitudes discriminatoires vis-à-vis des femmes peuvent avoir pour résultat l’absence d’enquête ou une intervention inefficace. Le législateur doit prévoir des sanctions pour les agents des forces de l’ordre qui ne font pas preuve de la diligence requise dans une affaire de mariage forcé. Aux Philippines, la Loi de 2004 contre la violence à l’égard des femmes et de leurs enfants instaure des amendes pour les fonctionnaires locaux et les agents des forces de l’ordre qui ne signalent pas un acte de violence (art. 30). Par ailleurs, des formations sont nécessaires pour sensibiliser la police au problème et garantir qu’elle réagisse comme il convient.