La législation destinée à éliminer la violence contre les femmes, notamment les pratiques néfastes, « aura plus de chance d’être effectivement appliquée si elle s’accompagne d’un cadre général d’orientations incluant un plan d’action ou une stratégie au niveau national ». Manuel ONU, 3.2.1.
- Dans les pays ne disposant pas de stratégie ou de plan d'action national concernant les pratiques néfastes, le législateur doit imposer l'élaboration, l'adoption et la mise en œuvre d'un plan et d'une stratégie à l'échelle nationale dans l'objectif de faire disparaître ces pratiques.
- Le plan d'action et la stratégie au niveau national doivent :
- comporter des repères et des indicateurs mesurables afin d'évaluer les progrès accomplis dans le sens de l'éradication des pratiques néfastes ;
- établir un cadre pour une approche globale et coordonnée de la mise en œuvre de la loi.
- Dans les pays où il existe un plan d'action national pour lutter contre les pratiques néfastes, la loi doit considérer ce plan comme le cadre permettant sa mise en œuvre globale et coordonnée.
- Un plan d'action national doit prévoir la ratification des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme.
- La loi doit affirmer la primauté de la constitution et du droit national sur les lois coutumières ou religieuses.
- Le plan (ou la stratégie) doit apporter une information juste et précise, qui sera présentée dans toutes les langues locales pertinentes, ainsi qu’aux personnes illettrées.
- Il doit souligner l'importance d'une approche communautaire coordonnée pour l'éradication des pratiques néfastes, avec communication et coopération entre les différents organes pour définir et atteindre des objectifs concrets.
- La loi doit prévoir l'intégration des services de protection de l'enfance dans le plan et la stratégie prévus au niveau national.
- Elle doit exiger que des moyens financiers suffisants soient consacrés à la mise en œuvre du plan et de la stratégie.
Ainsi, la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a adopté un Plan d'action visant à l'élimination des pratiques traditionnelles préjudiciables affectant la santé des femmes et des enfants. Ce Plan expose les éléments d'action ci-dessous au niveau national dans le but d'éradiquer les pratiques traditionnelles néfastes préjudiciables à la santé des femmes et des enfants.
Action sur le plan national :
(1) Les gouvernements des pays concernés doivent exprimer clairement leur volonté politique et prendre l'engagement de mettre fin aux pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des fillettes, en particulier l'excision.
(2) Les instruments internationaux, notamment ceux qui ont trait à la protection des femmes et des enfants, devraient être ratifiés et appliqués concrètement.
(3) Une législation interdisant les pratiques préjudiciables à la santé des femmes et des enfants, en particulier l'excision, devrait être élaborée.
(4) Des organes gouvernementaux devraient être créés et chargés de mettre en oeuvre les politiques officielles adoptées.
(5) Les institutions gouvernementales créées pour assurer la mise en oeuvre des Stratégies prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme, adoptées à Nairobi en 1985 par la Conférence mondiale chargée d'examiner et d'évaluer les résultats de la Décennie des Nations Unies pour la femme : égalité, développement et paix, devraient entreprendre des activités pour lutter contre les pratiques traditionnelles préjudiciables affectant la santé des femmes et des enfants.
(6) Des comités nationaux devraient être créés pour lutter contre les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des filles, en particulier l'excision, et ces comités devraient bénéficier de l'assistance financière des gouvernements.
(7) Les programmes et les manuels scolaires existants devraient être recensés et révisés en vue d'éliminer les préjugés défavorables aux femmes.
(8) Des cours relatifs aux méfaits de l'excision et des autres pratiques traditionnelles devraient être inclus dans les programmes de formation du personnel médical et paramédical.
(9) Des éléments d'information relatifs aux effets néfastes de ces pratiques devraient être inclus dans les programmes d'éducation sanitaire et sexuelle.
(10) Les thèmes relatifs aux pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants devraient être traités dans les campagnes d'alphabétisation fonctionnelle.
(11) Des programmes audiovisuels (sketches, pièces de théâtre, etc.) devraient être élaborés et des articles relatifs aux pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des femmes et des filles, notamment à l'excision, devraient être publiés dans la presse.
(12) Une collaboration devrait être instaurée avec les institutions religieuses et leurs dirigeants et avec les autorités traditionnelles, afin d'éliminer les pratiques telles que l'excision qui sont préjudiciables à la santé des femmes et des enfants.
(13) Toutes les personnes pouvant contribuer directement ou indirectement à l'éradication de ces pratiques devraient être sollicitées.
Autres exemples :
- Uruguay - la Loi relative à la prévention, la détection précoce, la surveillance et l’élimination de la violence domestique (2002) prévoit l’établissement d’un plan national contre celle-ci. (voir Manuel ONU 3.2.1.)
- Kenya - L'article 46 de la Loi relative aux délits sexuels (2006, en anglais) charge le ministre compétent de préparer un cadre d’orientation national pour guider l’application et l’administration de cette loi et de revoir ce cadre au moins une fois tous les cinq ans.
46. Le ministre
(a) élabore un schéma-cadre national destiné à guider la mise en œuvre et l’administration de la présente loi afin d’assurer le traitement acceptable et uniforme de tous les délits à caractère sexuel, y compris le traitement et la prise en charge des victimes de délits sexuels ;
(b) réexamine le schéma-cadre au moins une fois tous les cinq ans et
(c) si nécessaire, modifie le schéma-cadre.
- Mexique – La Loi relative au droit des femmes à une vie sans violence (2007, en anglais) privilégie l'intégration dans le Plan de développement national de mesures et d'actions visant à lutter contre la violence à l'égard des femmes et contraint le gouvernement à élaborer et à mettre en œuvre une politique nationale pour empêcher cette violence, y faire face, l'éradiquer et en réprimer les auteurs.
- Inde – Plan d'action national relatif aux enfants (2005, en anglais)
Le chapitre 6 du Plan d'action national relatif aux enfants (en anglais) examine les droits des filles. Il fait explicitement apparaître comme objectifs la disparition de la sélection prénatale en fonction du sexe du fœtus, le fœticide et l'infanticide féminins, ainsi que les mariages des enfants. Il vise notamment à s'attaquer aux causes profondes des pratiques néfastes, notamment à la préférence accordée aux fils et à l'élimination des pratiques qui en résultent, comme la sélection prénatale, ainsi que le meurtre de fœtus et de nouveaux-nés de sexe féminin. Au nombre des stratégies mises en œuvre pour atteindre ces objectifs figurent la mobilisation par l'intermédiaire des responsables locaux, des dignitaires religieux et des agents du gouvernement, ainsi que l'application de lois en faveur de l'égalité des droits pour les filles.
6 - DROITS DES FILLES
6.1 BUTS
6.1.1 Veiller à ce que les filles jouissent d'un statut égal à celui des garçons en tant que personnes et citoyennes à part entière, notamment en leur permettant de grandir et de se développer.
6.1.2 Garantir la survie, le développement et la protection des filles et créer un environnement favorable à une vie dans la dignité et riche en possibilités de choix et de progrès.
6.1.3 Faire cesser la sélection prénatale en fonction du sexe du fœtus ainsi que le fœticide et l'infanticide féminins.
6.1.4 Éradiquer les mariages d'enfants.
6.1.5 Garantir la sécurité des filles et les protéger des mauvais traitements, des formes d'exploitation et de victimisation ainsi que de toutes les autres formes de violence.
6.1.6 Les protéger des privations et des négligences et leur garantir la jouissance, à parts égales, des soins et des ressources du foyer et de la communauté, ainsi qu'un accès égal aux services.
6.1.7 Adopter des mesures pour protéger les filles de tout traitement portant atteinte à leur estime de soi et entraînant leur exclusion de la vie sociale ordinaire, ainsi que pour venir à bout des stéréotypes tenaces liés au sexe.
6.1.8 Éliminer tous les obstacles empêchant les filles de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux et de leur liberté, y compris de l'égalité de droits en matière de succession et d'héritage.
6.1.9 Veiller à ce que toutes les filles jouissent de l'égalité des chances en termes d'accès à une éducation élémentaire gratuite et obligatoire.
6.2 OBJECTIFS
6.2.1 Supprimer tous les préjugés et les discriminations de nature sociale et familiale dont sont victimes les filles tout au long de leur vie.
6.2.2 Veiller à la protection et à la promotion des droits des filles en accordant une attention particulière aux besoins propres à leur âge.
6.2.3 Garantir aux filles l'égalité d'accès aux possibilités d'apprentissage à tous les âges, pour leur permettre de développer une image positive d'elles-mêmes en tant que participantes de plein droit à la société.
6.2.4 Prendre des mesures pour permettre aux filles de développer l'intégralité de leur potentiel grâce à une égalité d'accès à l'éducation et à la formation, à l'alimentation, aux soins de santé physique et mentale ainsi qu'aux opportunités d'ordre social.
6.2.5 S'attaquer aux causes profondes de la préférence pour les fils et à la discrimination qui en résulte à l'égard des filles.
6.2.6 Éliminer toutes les formes de discrimination envers les filles résultant de pratiques néfastes inacceptables sur le plan éthique, comme la sélection prénatale en fonction du sexe du fœtus, le fœticide et l'infanticide féminins, les stéréotypes fondés sur le sexe ainsi que la discrimination en matière de soins, d'alimentation ou de vie en société.
6.2.7 Prendre des mesures au moyen de lois, de politiques et de programmes pour éradiquer toutes les formes de violence à l'égard des filles ; et mettre en place des services et des programmes de soutien juridique, médical, social et psychologique pour venir en aide aux fillettes ayant été victimes de violence.
6.2.8 Adopter des mesures pour que les filles handicapées bénéficient d'un accès plein et entier à tous les services, notamment à une aide répondant à la spécificité de leurs besoins.
6.2.9 Créer et maintenir un système éducatif tenant compte des sexospécificités pour que les filles jouissent des mêmes chances en matière d'éducation et d'apprentissage, dans l'objectif de garantir la parité entre garçons et filles à tous les stades de l'enseignement.
6.3. STRATÉGIES
Les objectifs énoncés ci-dessus seront atteints grâce à la mise en place des stratégies suivantes :
6.3.1 Assurer la mobilisation par le biais des responsables sociaux, politiques et religieux et de tous les programmes gouvernementaux pour faire évoluer les comportements et les pratiques discriminatoires à l'égard des filles.
6.3.2 Faire appliquer les lois défendant l'égalité des droits pour les filles, comme par exemple la Loi relative à l'interdiction du mariage des enfants, la Loi relative aux techniques de diagnostic prénatal, la Loi relative à la prévention de la traite, la Loi relative à la justice des mineurs (Aide et protection de l'enfance), la Loi relative au travail des mineurs (Interdiction et réglementation), en établissant un soutien social et en recourant à d'autres actions nécessaires.
6.3.3 Encourager et soutenir les organisations non gouvernementales et les associations locales pour promouvoir l'adoption d'attitudes et de pratiques positives envers les filles.
6.3.4 Prendre des mesures pour que toutes les filles soient inscrites à l'école et pour générer un environnement favorable leur permettant de poursuivre et de réussir leurs études.
6.3.5 Mettre en place des mesures antidiscriminatoires pour supprimer la discrimination fondée sur le sexe dont sont victimes les filles et pour informer et sensibiliser l'opinion à propos des pratiques traditionnelles et coutumières qui leur sont préjudiciables.
6.3.6. Surveiller tous les centres de santé et autres centres médicaux pour empêcher la sélection prénatale en fonction du sexe du fœtus et le fœticide féminin ; enregistrer toutes les grossesses, contribuer à leur bon déroulement et en assurer le suivi de manière à empêcher les avortements sélectifs.
6.3.7. Sensibiliser à la discrimination fondée sur le sexe toutes les autorités en place, notamment le pouvoir judiciaire, la police et les autorités locales ainsi que l'opinion publique.
6.3.8. Développer et promouvoir les services de garde d'enfants pour dégager les filles de la responsabilité de s'occuper de la fratrie. L'existence de ces structures leur permettra de bénéficier d'opportunités pour leur propre épanouissement.
6.3.9. Prendre des mesures pour faire en sorte que toutes les filles bénéficient de soins médicaux globaux et d'une protection médicale, notamment de services de prévention et de soin à tous les âges de la vie, y compris d'informations et de services en matière de santé reproductive.
6.3.10. Combattre la discrimination en matière d'alimentation dont sont victimes les filles à travers des programmes de sensibilisation et de communication afin qu'elles bénéficient d'un accès égal à la distribution alimentaire au sein du foyer.
6.3.11. Prendre des mesures de prévention, de protection et de réadaptation pour faire face à la plus grande vulnérabilité des filles à l'exploitation économique et sexuelle.
- Éthiopie – Plan d'action national - Politique nationale relative aux femmes (en anglais)
D'après l'introduction de la Politique nationale éthiopienne relative aux femmes (en anglais) :
Le gouvernement fédéral démocratique d'Éthiopie s'est clairement engagé en faveur de l'épanouissement de la femme avec l'adoption en 1993 de la Politique nationale relative aux femmes (appelée Politique relative aux femmes) et la promulgation d'une nouvelle Constitution en 1994.
La Politique identifie les pratiques néfastes comme un facteur contribuant à l'oppression persistante dont sont victimes les femmes et les filles :
L'un des facteurs à l'origine de la position d'infériorité dans laquelle se trouvent les femmes éthiopiennes est l'existence de pratiques traditionnelles néfastes, qui nuit de surcroît à leur possibilité de bénéficier d'une évolution et d'un épanouissement identiques à celui des hommes. Il convient par conséquent de recourir à un plus grand nombre de programmes de sensibilisation abordant les diverses questions relatives à la parité des sexes ; les activités de sensibilisation au niveau des pouvoirs publics comme sur le terrain revêtent une importance essentielle et c'est la raison pour laquelle il est crucial de recourir à différents médias et à diverses stratégies selon des méthodes à la fois formelles et informelles. Des efforts concertés de la part des groupes concernés devraient avoir un retentissement et apporter les changements d'attitude souhaités. Une stratégie de sensibilisation a déjà été mise en œuvre à la fois par le gouvernement, les ONG et les groupes de défense des droits des femmes sur des questions telles que les mutilations génitales féminines, les autres pratiques traditionnelles néfastes et la violence contre les femmes, notamment au sein du foyer.
Outre les actions de sensibilisation, la Politique analyse les besoins en matière de renforcement des capacités, d'organisation et de participation de différents secteurs gouvernementaux et non gouvernementaux afin de faire évoluer les comportements, les connaissances et les pratiques. La Politique met également l'accent sur des changements législatifs et politiques spécifiques qui ont des répercussions sur l'éradication des pratiques néfastes :
La constitution nationale a été établie dans le souci de protéger les droits fondamentaux des femmes et leurs intérêts en matière d'accès aux ressources et de contrôle de celles-ci, ainsi que pour protéger l'égalité entre les sexes dans le cadre du mariage. Elle reconnaît que les femmes en Éthiopie subissent depuis longtemps inégalités et discriminations. Les Éthiopiennes ont le droit de bénéficier de mesures de réparation et d'initiatives positives pour leur permettre de lutter à armes égales avec les hommes et de participer sur un pied d'égalité à la vie politique, économique et sociale. Les femmes ont le droit d'être protégées par les pouvoirs publics des coutumes et des pratiques néfastes dont elles sont victimes ou qui leur causent des souffrances physiques ou mentales. Elles ont les mêmes droits que les hommes en matière d'emploi et d'avancement ; des mesures de discrimination positive sont adoptées afin d'améliorer la condition des femmes en matière d'emploi, notamment à travers la refonte des codes de l'administration et du droit du travail actuel. (C’est nous qui soulignons.)
De nouvelles politiques générales et de nouveaux programmes ont été élaborés et adoptés en tenant davantage compte de la parité et de l'égalité entre les sexes en matière d'accès aux ressources productives (telles que les terres agricoles, l'eau et les forêts) et de contrôle de celles-ci.
Concernant les droits de propriété et les droits fonciers, la constitution dispose que les femmes peuvent acquérir, gérer, contrôler, utiliser et transférer des biens. Les femmes jouissent de droits égaux à ceux des hommes en matière d'utilisation, de transfert, de gestion et de contrôle de la terre. La constitution accorde également une place explicite à l'emploi, à la promotion et au transfert des droits à la retraite.
La constitution prévoit aussi l'accès à des informations d'éducation à la planification familiale, ainsi que des activités de renforcement des capacités afin de protéger les femmes au cours de la grossesse et de l'accouchement et de préserver leur santé.
La constitution prévoit par ailleurs l'existence d'un congé de maternité avec versement de l'intégralité de son salaire à la femme ; la durée de ce congé est établie en tenant compte de la nature du travail et de la santé de la femme ainsi que du bien-être de l'enfant et de sa famille.