Le législateur doit ériger en infraction la traite à des fins sexuelles. Il doit incriminer le fait de tenter de se livrer à la traite à des fins sexuelles, de la faciliter ou de l’encourager, d’utiliser illicitement des documents d’identité ou de voyage pour permettre cette pratique, de divulguer illicitement l’identité des victimes ou des témoins, et de se rendre complice de la traite à des fins sexuelles. Dans les peines encourues par les auteurs de traite à des fins sexuelles, il convient de tenir compte de circonstances aggravantes et de sanctionner la participation des pouvoirs publics à cette pratique ou à d’autres formes d’exploitation, ou la complicité de ceux-ci. Voir : Protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes, art. 3 et 5.
L’incrimination de la traite à des fins sexuelles doit s’accompagner de sanctions pour les acheteurs. De plus en plus de travaux de recherche font apparaître que les efforts pour agir au niveau de la demande d’êtres humains vendus à des fins sexuelles jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la traite. [Link to section Sanctions encourues par les acheteurs.]
Le législateur doit veiller à ce que la définition de la traite à des fins sexuelles et des infractions connexes dans le droit interne ne sanctionne pas par inadvertance les victimes pour des infractions qui résultent de la traite dont elles ont fait l’objet. Il doit élaborer des dispositions positives visant à protéger les victimes pour qu’elles ne soient pas arrêtées, inculpées, détenues ni déclarées coupables de ces infractions. En l’absence de telles dispositions, les droits fondamentaux des victimes ne peuvent pas être protégés. En outre, celles-ci seront peu désireuses, voire refuseront, de participer aux poursuites engagées contre leurs trafiquants si elles ne sont pas protégées, craignant d’être la cible de représailles, de se voir causer du tort ou d’être tuées. Si les auteurs de la traite à des fins sexuelles ne sont pas poursuivis et condamnés, rien ne dissuadera d’autres personnes de commettre cette infraction, rien ne fera connaître largement sa nature criminelle et odieuse.
Infractions pénales spécifiques
Les lois visant à combattre la traite à des fins sexuelles doivent conférer le caractère d’infraction pénale aux actes ci-après :
- Se livrer à la traite à des fins sexuelles (cas des trafiquants et de ceux qui achètent dans un cadre commercial des actes sexuels, y compris la prostitution) ;
- Tenter de se livrer à la traite à des fins sexuelles (les personnes qui tentent de se livrer à la traite à des fins sexuelles doivent être tenues pour responsables conformément à l’infraction de « tentative » de commission d’autres infractions graves) ;
- Faciliter la traite à des fins sexuelles ou y apporter son concours (les personnes qui contribuent et participent à la traite à des fins sexuelles commises par d’autres personnes doivent être tenues pour responsables conformément à l’infraction de « complicité » d’autres infractions graves) ;
- Se rendre complice de la traite à des fins sexuelles ;
- Organiser la traite à des fins sexuelles ou donner des instructions à cette fin à d’autres personnes ;
- Utiliser illicitement des documents d’identité ou de voyage pour faciliter la traite à des fins sexuelles ;
- Divulguer illicitement l’identité des victimes ou des témoins ;
- Commettre une infraction de traite à des fins sexuelles accompagnée de circonstances aggravantes ;
- Prendre part, pour des agents des pouvoirs publics, à la traite et à l’exploitation qui en découle, ou s’en rendre complice.
Voir : Protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes, art. 5 ; Loi type de l’ONUDC contre la traite des personnes, chap. V et VII, 2009 ; Principes et directives des Nations unies concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains : recommandations, directive 4 (10) ; Principes directeurs du HCR sur la protection internationale - Application de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés aux victimes de la traite et aux personnes risquant d’être victimes de la traite, section II (d) (21-24), p. 9-10, 2008.
Le législateur doit étudier les éléments communs aux lois types ainsi qu’à celles en vigueur. [Link to Outils at end of this chapter of the Knowledge Asset.] Par ailleurs, il doit s’informer sur l’effectivité de la législation actuelle dans ce domaine en consultant les rapports relatifs à son application. L’ONUDC et le département d’État des États-Unis publient chaque année un rapport sur la traite des personnes. Le législateur doit passer en revue l’analyse qui est faite des mesures prises par les gouvernements du monde entier pour combattre la traite à des fins sexuelles afin d’incorporer les enseignements tirés dans les nouvelles propositions de loi relatives à la traite des femmes et des filles. Ceux qui rédigent les textes de loi ont aussi la possibilité de consulter les rapports présentés par leur propre gouvernement au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, ainsi que les observations finales de ce Comité sur les rapports de l’État partie. Parallèlement à l’examen des rapports des gouvernements, il convient de consulter les contre-rapports des organisations non gouvernementales pour connaître les répercussions sur le terrain des efforts déployés par les gouvernements et en tenir compte lors de la rédaction et de l’application des lois relatives à la traite à des fins sexuelles.
Le Rapport mondial 2009 de l’ONUDC sur la traite des personnes (en anglais) indique que 98 pays et territoires (soit 63 %) sur les 155 qui ont fourni des informations pour ce rapport ont érigé la traite des êtres humains en infraction. Vingt-sept d’entre eux ont une législation spécifique contre la traite des personnes limitée à certaines formes d’exploitation et à certaines catégories de victimes (par exemple la traite à des fins d’exploitation sexuelle, la traite des enfants) ou dépourvue d’une définition claire de cette infraction. En 2009, selon le Rapport du département d’État américain sur la traite des personnes (en anglais), 28 pays étaient classés dans la « catégorie 1 », qui regroupe ceux respectant pleinement les exigences minimales de la Loi des États-Unis sur la protection des victimes de la traite. Le rapport sur les progrès accomplis par les États pour protéger les enfants et les adolescents contre la traite à des fins sexuelles (en anglais) publié par ECPAT International indiquait que, en janvier 2010, seuls 29 % des 41 pays étudiés avaient incriminé de manière satisfaisante la traite des enfants dans leur droit interne, conformément au Protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes.
L’infraction pénale de traite à des fins sexuelles compte trois éléments distincts : les actes qui constituent la traite, les moyens par lesquels ces actes sont commis et la fin visée par les actes commis.