Le législateur doit veiller à incorporer dans la législation contre la traite à des fins sexuelles des dispositions relatives au rôle des poursuites, de la protection, de la prévention et des partenariats. Le texte de loi à proprement parler pourra définir les principes et normes d’ordre général tandis que les décrets d’application ou les réglementations préciseront les actions plus spécifiques nécessaires.
Le préambule du Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants dispose, en termes clairs, qu’une « action efficace visant à prévenir et combattre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, exige de la part des pays d’origine, de transit et de destination une approche globale et internationale comprenant des mesures destinées à prévenir une telle traite, à punir les trafiquants et à protéger les victimes de cette traite, notamment en faisant respecter leurs droits fondamentaux internationalement reconnus ».
Les principes de prévention, de poursuites et de protection sont par ailleurs définis clairement dans la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains ainsi que dans la Loi type de l’ONUDC contre la traite des personnes. Ceux de partenariat et de coordination sont fréquemment considérés comme essentiels à la réussite des efforts de lutte contre la traite.
Mohamed Mattar, professeur d’université et directeur exécutif du programme The Protection Project, évoque lui aussi l’importance de l’harmonisation de l’arsenal législatif pour venir à bout de la traite des êtres humains : « Parallèlement au mouvement vers l’élaboration de lois visant spécifiquement à combattre la traite, on a assisté à une harmonisation progressive de la législation relative, entre autres, à l’immigration, au travail, à la santé et à la protection de l’enfance, de façon à ce que tous les aspects liés à la traite soient couverts et qu’un cadre complet de lutte contre ce phénomène soit mis en place. Ce processus d’harmonisation peut contribuer à renforcer la lutte contre une infraction, en particulier contre la traite des personnes – une infraction complexe et étroitement interconnectée avec d’autres, y compris le trafic de drogues, le trafic d’armes, le trafic illicite de migrants, le blanchiment d’argent, le tourisme pédophile, la pornographie mettant en scène des enfants et la falsification de documents. » Voir : rapport établi par Mohamed Mattar à la demande des Nations Unies, p. 19 (en anglais).
L’engagement de poursuites contre les auteurs de la traite à des fins sexuelles
[This section should be linked with DISPOSITIONS PÉNALES.]
La législation contre la traite à des fins sexuelles doit indiquer clairement qu’elle a notamment pour objet « d’assurer des enquêtes et des poursuites efficaces ; de promouvoir la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains ». Voir : Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, chap. 1, art. 1 ; Protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes, art. 2 ; Loi type de l’ONUDC contre la traite des personnes, art. 3. Des poursuites efficaces découragent les trafiquants, en particulier lorsque les condamnations s’accompagnent de peines justes et lourdes, lorsque les autorités accordent la priorité à la poursuite des auteurs de la traite et lorsque les victimes sont protégées et non punies. Voir : Loi type sur la protection des victimes de la traite des êtres humains rédigée à l’intention des États fédérés des États-Unis d’Amérique, division A, section I (b) (6), 2005 (en anglais).
La protection des victimes de la traite à des fins sexuelles
[This section should be linked with PROTECTION DES VICTIMES ET TÉMOINS ET ASSISTANCE À CES PERSONNES, VOIES DE RECOURS CIVILES, and DISPOSITIONS RELATIVES À L’IMMIGRATION.]
Le législateur doit affirmer clairement l’objet de protection des victimes de la traite à des fins sexuelles, assurée par des mesures d’assistance à ces personnes et le plein respect de leurs droits fondamentaux. L’obligation de protéger les personnes exploitées est spécifiquement inscrite dans les protocoles relatifs à l’enfance et à la traite, ainsi que dans les conventions fondamentales, dans les règles d’opinio juris et dans le droit international coutumier. Manquer à cette obligation revient à enfreindre un grand nombre des droits de l’homme : les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ; le droit de ne pas être tenu en esclave ni de subir des pratiques analogues à l’esclavage ; le droit de ne pas être torturé ; le droit à une égale protection de la loi ; et le droit à un recours utile.
La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains a pour objet essentiel « de protéger les droits de la personne humaine des victimes de la traite, de concevoir un cadre complet de protection et d’assistance aux victimes et aux témoins, en garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que d’assurer des enquêtes et des poursuites efficaces » tout en considérant que « le respect des droits des victimes et leur protection, ainsi que la lutte contre la traite des êtres humains doivent être les objectifs primordiaux ». Voir : Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, préambule et chap. 1, art. 1 ; Protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes, art. 2 ; Loi type de l’ONUDC contre la traite des personnes, art. 3 ; rapport établi par Mohamed Mattar à la demande des Nations Unies, p. 8 (en anglais).
La prévention de la traite à des fins sexuelles [This section should be linked with DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES ET ADMINISTRATIVES]
Le législateur doit aussi placer explicitement la prévention au nombre des visées essentielles de la loi contre la traite à des fins sexuelles. La prévention doit s’appuyer sur toute une série d’initiatives, par exemple des organismes de coordination et des équipes spéciales chargés de lutter contre la traite aux niveaux local et national ; des mécanismes et des organes de suivi et de communication d’informations aux niveaux local et national ; des programmes de formation professionnelle à l’intention des personnes chargées d’appliquer les lois contre la traite ; des mesures visant à diminuer la demande ; ainsi que des campagnes de sensibilisation s’adressant spécifiquement tant aux adultes qu’aux mineurs. Voir : Protocole des Nations Unies relatif à la traite des personnes, chap. 1, art. 2 et chap. 2 ; Loi type de l’ONUDC contre la traite des personnes, art. 1 ; Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, chap. 1, art. 2.
Les partenariats
[This section should be linked with Équipes spéciales et coopération interinstitutions.]
Enfin, le législateur doit définir quels sont les partenariats cruciaux qu’il convient de nouer et d’entretenir pour combattre efficacement la traite à des fins sexuelles. Les spécialistes de la traite des êtres humains insistent notamment sur la nécessité de travailler au sein d’un partenariat ou d’une démarche locale, nationale et internationale coordonnée pour parvenir à cette fin. Les agents de la force publique, les magistrats du parquet, les juges, les prestataires de services et le public doivent œuvrer ensemble afin de tirer le meilleur parti du système juridique de leur pays pour protéger les victimes, amener les auteurs de la traite à répondre de leurs actes et traduire dans les faits l’interdiction de vendre des êtres humains à des fins sexuelles. Des programmes d’action communautaire concertée doivent impliquer l’ensemble de la société dans l’effort pour faire évoluer les normes et attitudes sociales qui favorisent la traite à des fins sexuelles. Voir : Action communautaire concertée, StopVAW, The Advocates for Human Rights (en anglais) ; lettre de la Secrétaire d’État des États-Unis Hillary Rodham Clinton dans le Rapport 2009 du département d’État américain sur la traite des personnes (en anglais) ; Loi type de l’ONUDC contre la traite des personnes, art. 3.
M. Mattar a évoqué l’idée d’une action communautaire concertée, tout en mettant l’accent sur le rôle vital joué par la participation et l’harmonisation dans la lutte contre la traite :
« Les organisations de la société civile sont des partenaires essentiels, notamment dans le cadre des efforts de prévention et de protection. Elles peuvent aussi apporter une contribution déterminante aux pouvoirs publics dans le domaine des poursuites pénales, en aidant à détecter les victimes de la traite, en leur apportant soutien et assistance tout au long de la procédure judiciaire, y compris une aide juridique, des soins médicaux et un accompagnement psychologique, et en favorisant le rapatriement de la victime dans la dignité (si tel est le souhait de celle-ci) et sa réintégration, ou son intégration dans la société dans le cas où une autorisation de résidence a été délivrée. Avant que n’entre en vigueur le Protocole des Nations Unies, le rôle de la société civile avait rarement été traité dans le droit interne étant donné que la plupart des lois tendaient soit à classer les victimes de la traite dans une catégorie de délinquants et à ne pas leur accorder les avantages auxquels toute victime a droit, soit à simplement modifier le code pénal afin d’incriminer la traite sans offrir aucun mécanisme de prévention, de protection ou de participation. »
(Voir : rapport établi par Mohamed Mattar à la demande des Nations Unies, p. 16 (en anglais).)
Le module 6 du Manuel de l’ONUDC contre la traite des êtres humains à l’intention des praticiens du droit pénal (2009, en anglais) aborde plusieurs formes de coopération internationale et transjuridictionnelle et donne des exemples de réussite.