Inclusion de statistiques générales sur l’utilisation de la législation
- Il convient de se procurer des statistiques sur la fréquence des actes de violence à l’égard des femmes auprès des ministères compétents, des forces de l’ordre, du système judiciaire, des professionnels de la santé et des ONG fournissent des services aux survivantes d’actes de violence. Les enquêteurs devraient indiquer si ces statistiques sont à la disposition du public et d’accès facile. Il conviendra également d’obtenir des statistiques sur les causes et les conséquences des actes de violence à l’égard des femmes, notamment les chiffres des récidives et les données permettant de savoir si les faits constituant récidive ont une ou plusieurs victimes. Voir : Manuel de législation de l’ONU, 3.3.2 ; Indicators on violence against women and state response (Les indicateurs de la violence à l’égard des femmes et la réponse de l’État), p.19.
- Les enquêteurs doivent également établir le nombre (rapporté à la population totale) et la distribution géographique des permanences téléphoniques, des foyers d’accueil et des centres de crise, et l’utilisation qui en est faite. Voir : Indicators on violence against women and state response (Les indicateurs de la violence à l’égard des femmes et la réponse de l’État), p. 28.
Suivi des dépenses publiques
- Les enquêteurs peuvent savoir quelles sont les priorités de l’État en analysant les financements publics alloués à l’application de la législation, des politiques et des programmes de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles.
- Les enquêteurs devraient étudier l’utilisation des fonds spécifiquement destinés à la lutte contre la violence sexiste et établir l’existence et les montants des fonds alloués aux poursuites judiciaires et à la prévention de cette violence.
- Pour plus d’informations sur la méthodologie du suivi des budgets publics, voir: Budgeting for Women’s Rights : Monitoring Government Budgets for Compliance with CEDAW (La budgétisation axée sur les droits des femmes : Suivi des allocations budgétaires de l’État pour le respect des dispositions de la CEDAW) (2006) et Gender Responsive Budgeting (La budgétisation sexospécifique) à http://www.gender-budgets.org/ d’UNIFEM.
Suivi des dossiers de la police
- Les enquêteurs devraient établir le nombre de cas de violence à l’égard des femmes et des filles signalés aux forces de l’ordre. Dans certains États, les statistiques en la matière sont facilement disponibles auprès des administrations ou des bureaux de statistique ; dans d’autres, les enquêteurs seront obligés de poser des questions stratégiques aux responsables de l’administration chargée du maintien de l’ordre. Il peut alors s’agir d’un processus en plusieurs étapes passant par des demandes officielles d’entretien, mais cela peut en valoir la peine. En Inde, dans le Troisième rapport de suivi et d’évaluation de 2009 sur la Loi de 2005 relative à la protection des femmes contre la violence domestique (en anglais) rédigé par l’Initiative du collectif d’avocats pour les droits des femmes (en anglais), les enquêteurs indiquent avoir été contraints de consacrer un temps considérable à ce genre de démarches (p. 19).
Suivi des dossiers des tribunaux
- Les enquêteurs devraient étudier les dossiers des tribunaux sur les affaires de violence à l’égard des femmes et des filles, relever le nombre d’affaires et leur type, noter si les auteurs des faits ont été poursuivis, si une condamnation a été obtenue, quelles sanctions ont été imposées et quel est le taux de récidives. Si les données ne sont pas centralisées, les enquêteurs devront se préparer à de longues procédures pour demander et obtenir les dossiers. Ils peuvent être amenés à se déplacer dans tout le pays pour consulter ces dossiers.
ÉTUDE DE CAS : L’utilisation des dossiers des tribunaux dans une étude de suivi de l’application d’une loi sur la violence domestique
- S’il existe une loi sur la violence domestique et que des recours civils ont été prévus, étudier les dossiers des tribunaux civils et des tribunaux des affaires familiales afin d’établir le nombre d’affaires dans lesquelles ont été portées des accusations de violence domestique.
- Après avoir établi le nombre de dossiers à étudier, déterminer combien il faudra de temps pour les examiner, par exemple une ou deux années.
- Établir le nombre total d’affaires et le nombre de celles-ci où il est fait allégation de violence domestique.
- Décrire les faits.
- Décrire de quelle façon le tribunal a traité les sévices.
- Dans une affaire de droit familial, les sévices ont-ils eu une incidence sur sa résolution ?
- Étudier tous les documents figurant au dossier, y compris les certificats du médecin légiste. Comparer la description des blessures figurant dans le dossier avec celle du certificat médical. Comparer la description générale des blessures avec le niveau de l’agression tel qu’il a été établi par le médecin légiste.
- Passer en revue les dossiers des tribunaux pénaux afin de déterminer la proportion des poursuites pour crime de violence domestique. Décider d’un délai raisonnable pour les étudier.
- Établir leur proportion dans le total des affaires pénales et dans le total des agressions. Chercher d’autres comparaisons intéressantes.
- Décrire les affaires en détail, y compris les faits, la façon dont la police a procédé, la résolution de l’affaire et la peine prononcée.
- Étudier tous les documents figurant au dossier, y compris les certificats du médecin légiste. Comparer la description des blessures figurant dans le dossier avec celle du certificat médical. Comparer la description générale des blessures avec le niveau de l’agression tel qu’il a été établi par le médecin légiste.
Pratique encourageante : Le suivi de l’application de la loi par l’examen des dossiers des tribunaux.
En 2005, l’État du Minnesota, aux États-Unis, a promulgué une loi par laquelle la strangulation d’un membre de la famille ou du foyer devenait un crime. Depuis son adoption, l’organisation WATCH, basée à Minneapolis (Minnesota) qui se consacre à la surveillance des activités des tribunaux, a effectué un suivi de l’efficacité de la loi en étudiant toutes les poursuites engagées en vertu de cette loi dans le Comté de Hennepin (Minnesota) entre le 1er août 2007 et le 31 juillet 2008.
Le rapport de WATCH, intitulé « L’Impact de la Loi sur le crime de strangulation au Minnesota » (en anglais) (mai 2009), décrivait les chefs d’accusation originels, le règlement de l’affaire, les liens de parenté entre la victime et le défendeur, la méthode de strangulation utilisée, le contenu de la plainte, la longueur de la peine imposée, les conséquences de la violation de la liberté conditionnelle, le lieu de l’incident et les personnels du système pénal impliqués dans chaque affaire. L’organisation a assisté à plus de soixante procès pour strangulation domestique pendant cette période.
Sur la base des informations qu’elle a recueillies, l’organisation a conclu que « la loi continue d’avoir un impact positif sur la sécurité des victimes et sur les poursuites engagées contre les auteurs ». Les taux de condamnations dans les affaires incluant des épisodes de strangulation se sont légèrement accrus par rapport à une période précédemment étudiée, et les condamnations ont en fait diminué dans les affaires jugées uniquement en vertu de la loi sur la strangulation.
Le rapport de suivi a aussi relevé une augmentation importante des condamnations obtenues pour des crimes autres que la strangulation, ce qui laisse penser que la loi sur la strangulation est utilisée pour faire pression dans d’autres affaires, notamment lorsque la victime ne peut pas ou ne veut pas témoigner. Le rapport a également conclu qu’il fallait améliorer la façon dont les agents de la force publique rédigent les rapports de police et que, pour obtenir à coup sûr des condamnations pour le crime de strangulation, ils devaient utiliser un vocabulaire approprié et détaillé. Cette conclusion du rapport a été l’occasion de mettre en place une formation et/ou une mobilisation au sein de la police.
- Amnesty International a publié en 2010 un rapport de suivi de l’application de la loi albanaise sur la violence domestique en étudiant, entre autres, les dossiers des tribunaux sur les ordonnances de protection délivrées à Tirana (Albanie) au cours des dernières années. Le rapport, Mettre fin à la violence domestique en Albanie : les prochaines étapes (en anglais) indique que bien que des centaines de femmes aient sollicité la délivrance d’une ordonnance de protection depuis 2007, la majorité d’entre elles ont ensuite retiré leur demande ou ne se sont pas présentées à l’audience. En examinant les dossiers des tribunaux, les enquêteurs ont noté les renseignements concernant les requérantes « typiques » et les ordonnances effectivement délivrées. Le rapport émet un certain nombre de recommandations à l’intention de l’État albanais, notamment sur l’assistance juridique gratuite pour les victimes de la violence domestique et sur la formation continue des professionnels du système judiciaire et des forces de l’ordre pour faire en sorte que les ordonnances de protection soient effectivement appliquées.