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Travailler avec des groupes armés

Dernière modification: December 13, 2013

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  • Un groupe armé non étatique est un groupe capable d’utiliser les armes et la force pour atteindre ses objectifs politiques, idéologiques ou économiques, qui échappe au contrôle de l’État ou des États dans lesquels il est actif, et qui ne fait pas partie de la structure militaire officielle d’un État, d’une alliance nationale ou d’une organisation intergouvernementale.
  • Malgré l’attention croissante accordée aux femmes, à la paix et à la sécurité ces dix dernières années et l’existence d’une série d’outils et d’approches humanitaires en évolution constante qui visent à satisfaire les besoins des survivantes de violence sexuelle, les efforts portant sur la prévention de la violence sexuelle restent rares. Ce constat vaut tout particulièrement pour la violence sexuelle liée aux conflits perpétrée par des groupes armés. Ce sont pourtant ces groupes qui sont le plus souvent impliqués dans les pires violations des droits de l’homme liées aux conflits, y compris la violence sexuelle à l’encontre de civils.
  • Afin de combler cette lacune, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) ont lancé une initiative en plusieurs phases qui avait pour but de : (i) améliorer le socle de connaissances relatif aux moyens d’empêcher les factions armées de commettre des actes de violence sexuelle liée aux conflits, et (ii) d’élaborer des ressources préventives que pourraient utiliser les acteurs internationaux et de terrain pour mettre en œuvre des efforts de prévention.
  • Au cours de la première phase de ce projet (2010-2011), les chercheurs ont évalué quelques-uns des axes de travail potentiels pour l’action orientée vers les factions armées. Dans le même temps, ils ont proposé un cadre préliminaire identifiant plusieurs facteurs de risque de violence sexuelle et des interventions possibles. Les facteurs de risque sont organisés selon les quatre niveaux du modèle écologique, bien que ces niveaux aient été modifiés pour ne plus se concentrer sur la violence conjugale, comme à l’origine, mais refléter des « niveaux » plus pertinents dans le cas des groupes armés non étatiques. Par exemple, le niveau « relationnel » se rapporte aux structures, normes sociales et pratiques du groupe qui déterminent les règles, le comportement et les interactions entre le groupe armé non étatique et ses membres : les relations entre groupes armés non étatiques.
  • Ces facteurs de risque ne sont pas les seuls, et de nombreux autres risques pourraient s’ajouter au fil des deuxième et troisième phases du projet. Les discussions avec des experts pourraient aussi entraîner un changement de niveau pour l’un ou l’autre risque. Il importe de se rappeler que les niveaux ne s’excluent pas mutuellement et qu’il existe un certain chevauchement entre eux, éventuellement même entre trois ou quatre niveaux. Toutefois, ce cadre offre un bon point de départ pour le dialogue et l’action qui conduiront à intervenir auprès des groupes armés non étatiques afin de faire diminuer la violence sexuelle liée aux conflits.
  • Il faut aussi savoir que des connaissances très spécialisées s’imposent pour aborder la violence sexuelle avec les groupes armés non étatiques. Il n’est guère recommandé aux acteurs de la lutte contre la violence envers les femmes travaillant avec les populations de régions touchées par un conflit de se lancer dans pareille entreprise. Il est néanmoins utile de comprendre comment sont actuellement envisagées quelques stratégies qui pourraient être appliquées à de futurs programmes dans ce domaine.

Facteurs de risque de violence sexuelle (classés selon les niveaux du modèle écologique) et interventions possibles 

 

NIVEAU 

 

FACTEUR DE RISQUE 

 

 

INTERVENTIONS POSSIBLES 

Niveau individuel : 

Facteurs liés à l’histoire personnelle des membres du groupe armé non étatique et facteurs biologiques 

  • Jeune âge

  • Normes culturelles, idées et attitudes personnelles à l’égard de la violence sexuelle et des femmes et des filles

  • Expérience de la violence comme victime ou témoin de celle-ci

  • Se considère comme une victime

  • Recrutement forcé par le groupe armé

  • Interruption de la vie « normale » (école, emploi, agriculture, mariage, etc.)

  • Alcoolisme ou toxicomanie

  • Sentiment de ne pas pouvoir être traduit en justice

 

  • Mettre sur pied des programmes ciblant les auteurs connus 

a)    Étudier les programmes existants qui ciblent les auteurs de violence sexuelle dans des régions industrialisées et hors conflit, et chercher un moyen d’adapter et d’appliquer ces programmes aux groupes armés non étatiques.

 

  • Faire participer les hommes et les garçons aux efforts de prévention 

a)    Étudier les méthodes actuelles de collaboration avec les hommes et les garçons, et chercher un moyen d’adapter et d’appliquer ces méthodes aux groupes armés non étatiques.

b)    Se concentrer sur la prévention, cibler les hommes et les garçons avant qu’ils ne soient recrutés par les groupes armés non étatiques.

c)    Étudier l’utilisation des stratégies visant la modification des comportements, des stratégies liées aux normes sociales et des campagnes de communication.

 

Niveau « relationnel » : 

Structures, normes sociales et pratiques du groupe qui déterminent les règles, le comportement et les interactions entre le groupe armé non étatique et ses membres

  • Virilité/identité masculine – la violence sexuelle est-elle utilisée dans le but de renforcer la cohésion du groupe et les liens entre ses membres ?

  • Violence sexuelle utilisée comme moyen de rompre les liens entre les individus et leur famille et leur communauté

  • Suprématie masculine au sein du groupe armé non étatique

  • Conflit et concurrence entre les membres de bas rang

  • Présence (ou absence) d’une autorité religieuse ou traditionnelle

  • Image du groupe armé non étatique auprès de la communauté locale (surtout si le groupe armé non étatique a des motivations politiques)

  • Insuffisance ou faiblesse des structures de commandement et de la hiérarchie

  • Émulation liée à la socialisation militaire

 

  • Faire le point sur l’intervention d’observateurs et les stratégies de programmation en matière de leadership pour savoir s’il est envisageable d’y recourir dans le cas d’une intervention auprès de groupes armés non étatiques

a)    Poursuivre la recherche sur l’intervention d’observateurs pour savoir s’il est envisageable d’y recourir dans le cas d’une intervention auprès de groupes armés non étatiques. [Remarque : il peut être dangereux pour des civils/des personnes extérieures à ces groupes d’intervenir en tant qu’observateurs] Déterminer le bien-fondé de l’utilisation d’une telle approche au sein de groupes armés non étatiques et entre pairs uniquement.

b)    Réaliser une étude afin de déterminer si des programmes de leadership destinés aux groupes armés non étatiques seraient ou non porteurs de résultats positifs, directs et indirects.

 

  • Faire le point sur les outils, programmes et documents concernant les actions relatives au VIH/sida menées auprès des groupes armés non étatiques afin de déterminer s’il est possible de les appliquer à la violence envers les femmes et les filles 

a)    Réaliser une étude et une évaluation des initiatives, méthodes et outils qui cherchent à prendre en compte la prévention du VIH/sida afin de déterminer s’il est possible de les appliquer lors d’un conflit armé.

 

  • Inclure la prévention de la violence sexuelle à un stade précoce de la médiation

a)    Identifier les organisations, comme le Centre pour le dialogue humanitaire (Centre DH), qui s’emploient à encourager le dialogue et la médiation entre les parties belligérantes.

b)    Entamer un dialogue avec les organisations identifiées pour déterminer s’il existe des exemples d’efforts de négociation ou de médiation qui accordent la priorité à la lutte contre la violence sexuelle, en particulier en rapport avec les groupes armés non étatiques.

c)    Passer en revue les travaux de ces organisations pour y chercher les enseignements tirés qui pourraient contribuer au renforcement de la prévention de la violence sexuelle par la médiation.

 

  • Passer en revue les initiatives de négociation directe avec les groupes armés concernant leurs normes sociales et leur comportement 

a)    Identifier et passer en revue les cadres existants élaborés pour intégrer les perspectives du conflit dans les initiatives de développement, et les évaluer pour déterminer s’il est possible de les appliquer à l’action auprès des groupes armés non étatiques.

b)    Procéder à un examen détaillé des travaux réalisés en matière de gestion des conflits et de consolidation de la paix qui cherchent à persuader les parties belligérantes et les décideurs, afin de voir si certaines approches pourraient être intégrées aux approches existantes (ou futures) en matière de prévention.

 

Niveau communautaire :

Interactions entre les groupes armés non étatiques et les communautés dans lesquelles ils vivent

  • Absence de code de conduite ou faiblesse de celui-ci

  • Vulnérabilité de l’environnement (pression et bouleversements économiques ; marginalisation sociale ; absence de ressources disponibles)

  • Dimension du conflit liée à l’exploitation des ressources naturelles (minières, forestières, agricoles)

  • Manque d’accès aux médias et aux informations sur la violence sexuelle et sur le genre (pas d’information sur la violence sexuelle et ses auteurs sont traduits en justice)

  • Normes communautaires qui justifient la violence envers les femmes (viol utilisé comme arme de guerre)

  • Absence de sanctions informelles ou formelles au sein du groupe armé non étatique en cas de violence envers les femmes

  • Culture organisationnelle qui encourage les attitudes négatives à l’égard des femmes

  • Niveau élevé de violence au sein de la communauté

  • Dépendance à l’égard des communautés locales pour se procurer de la nourriture, du travail, etc.

 

  • Élaborer des réseaux consultatifs pour l’alerte précoce et la prévention 

a)    Effectuer des recherches pour étudier d’autres pratiques de systèmes d’alerte précoce utilisées dans différents contextes, pour déterminer si celles-ci peuvent être appliquées à des situations de conflit.

 

  • Mener diverses campagnes médiatiques et de discussions en face à face 

a)    Identifier des organisations capables de concevoir et de mener des campagnes médiatiques sur mesures pour prévenir la violence sexuelle lors d’un conflit. Le but poursuivi est de mener des campagnes de sensibilisation visant à éduquer les civils et les groupes armés non étatiques en matière de genre, de violence basée sur le genre et concernant d’autres thèmes choisis selon le conflit en cours.

b)    Pour de plus amples informations concernant la conception et la mise en œuvre de ces campagnes, consulter le module Campagnes.

 

  • S’assurer la coopération des institutions religieuses 

a)    Effectuer des recherches pour déterminer s’il y a d’autres exemples de la participation des institutions religieuses au combat pour mettre fin à la violence sexuelle, et de quelle manière exactement cette coopération s’est mise en place dans les différents contextes.

 

  • Faire participer les communautés locales au dialogue avec le groupe armé non étatique 

a)    Étudier les travaux du Geneva Call et d’autres organisations qui ont encouragé le dialogue entre les communautés locales et les groupes armés non étatiques, et étudier leur expérience éventuelle du dialogue avec les factions armées au sujet de la violence sexuelle (ou les modèles qui pourraient y être adaptés).

 

  • S’assurer la coopération des acteurs humanitaires 

a)    Entamer un dialogue avec les acteurs humanitaires pour rassembler des exemples de bonnes pratiques de négociation permettant d’accéder à un groupe armé non étatique et de bâtir des relations avec celui-ci.

b)    Effectuer des recherches pour savoir si un acteur humanitaire a réussi à influencer et à modifier le comportement des combattants à l’égard des droits de la personne et plus particulièrement afin de prévenir la violence envers les femmes et les filles.

 
  • Faire participer les dirigeants communautaires et les hommes qui disposent d’un pouvoir politique au plaidoyer en faveur de la modification des comportements et de la prévention de la violence

a)    Identifier et passer en revue des exemples précis de dirigeants communautaires participant à la modification des comportements dans différents contextes.

b)    Identifier et passer en revue des exemples de collaboration avec des dirigeants au sujet de questions prêtant à controverse comme la violence envers les femmes et les filles, la violence sexuelle, la violence domestique et le VIH/sida, éventuellement dans des zones non conflictuelles.

 

Niveau sociétal :

Structures générales de l’ordre social

  • Effondrement général du droit et de l’ordre public, accompagné d’une hausse de toutes les formes de violence

  • Absence ou faiblesse des sanctions pénales pour les auteurs de violences

  • Manque de compréhension ou absence d’application du droit coutumier

  • Effondrement de la société en raison de la violence, menant à l’absence de protection pour les femmes

  • Degré élevé de violence en général dans la société

  • Présence active des troupes de maintien de la paix insuffisante (troupes mal entraînées ou mandat manquant de clarté)

  • Insatisfaction ou échec de l’opération de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR)

  • Absence d’application et de renforcement du droit et des règles internationaux

 

  • Accroître, renforcer et faire participer les soldats de la paix à la prévention de la violence envers les femmes et les filles

a)    Veiller à ce que la prévention de la violence sexuelle soit expressément mentionnée dans les mandats de maintien de la paix.

b)    Veiller à ce que les soldats de la paix comprennent leur rôle lié à ce mandat de protection et reçoivent une formation adéquate avant leur déploiement.

c)    Renforcer le rôle des spécialistes du genre qui font partie des équipes communes de protection dans le cadre du maintien de la paix, et veiller à ce que des spécialistes de la violence envers les femmes et les filles soient intégrés dans ces équipes.

 

  • Renforcer les lois et principes internationaux pour mettre fin à l’impunité des auteurs de violence sexuelle liée aux conflits

a)    Identifier les plans d’action existants relatifs à l’absence de recrutement d’enfants et réfléchir à la possibilité d’adapter ces plans d’action pour combattre la violence sexuelle liée aux conflits.

  • Soutenir les programmes de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR).

  • Renforcer le soutien à la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS)

a)    Effectuer des recherches pour déterminer s’il existe une formation en genre, violence basée sur le genre et protection de l’enfance destinée aux soldats et aux anciens soldats dans des pays récemment sortis d’un conflit qui pourrait être appliquée aux interventions auprès des groupes armés non étatiques.

 

Résumé de : Lafreniere, J./UNICEF, OCHA et Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle en temps de conflit, 2011. « Strengthening Prevention of Conflict-Related Sexual Violence with Non-State Armed Groups: A Preliminary Framework for Key Prevention Strategies ».

  • Outre le projet de l’UNICEF et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), en juillet 2012 l’association Geneva Call a publié un Acte d’engagement intitulé Deed of Commitment on the Prohibition of Sexual Violence in Armed Conflict and towards the Elimination of Gender Discrimination. Il s’agit d’un document standard et universel qui donne aux factions armées non étatiques la possibilité d’adopter officiellement les normes internationales et de prévenir et prohiber la violence sexuelle dans les conflits armés. Cet Acte d’engagement (« Deed of Commitment ») est un outil permettant à Geneva Call de :
    • Dialoguer avec les groupes armés non étatiques, les instruire et les sensibiliser aux répercussions de la violence sexuelle, ainsi qu’au cadre juridique international qui s’y rapporte, en vue de l’interdiction formelle de la violence sexuelle, qui sera traduite par une modification de la politique et des pratiques des groupes armés non étatiques ; et
    • Encourager les groupes armés non étatiques à éliminer la discrimination entre hommes et femmes, à modifier de façon formelle leurs politiques, et à garantir une participation accrue des femmes à tous les niveaux de la prise de décisions.
  • L’association Geneva Call a engagé un dialogue avec les groupes armés non étatiques sur la base de cet Acte d’engagement. Elle collabore avec la société civile et les autres parties prenantes des zones de conflit pour les informer, les instruire et débattre des questions soulevées par l’Acte d’engagement. Elle utilise pour ce faire des outils de formation mis au point expressément pour être utilisés là où opèrent des groupes armés non étatiques.

Outils supplémentaires:

Le Centre pour le dialogue humanitaire (Centre DH) est une organisation indépendante qui se consacre à l’amélioration de la prévention des conflits armés et de la réaction à ceux-ci. Voir les publications portant sur leurs actions qui visent à faire des droits des femmes et du rôle joué par les femmes dans la consolidation de la paix des priorités.