- En sus des mécanismes de justice transitionnelle, les survivantes de VFFF liées aux conflits peuvent, dans certains cas, accéder à la justice par l’intermédiaire de mécanismes judiciaires internationaux et internationalisés. De même que pour les autres formes de justice, il est important que les acteurs de la lutte contre les VFFF connaissent ces types de mécanismes judiciaires, même s’ils n’ont pas à y avoir recours directement. Il s’agit, par exemple, des organismes suivants:
1. La Cour pénale internationale, premier organisme judiciaire international permanent ayant autorité pour traduire en justice les contrevenants et pour offrir des mesures réparatoires aux victimes lorsque les États ne sont pas en mesure de le faire ou n’y sont pas disposés. Ses actions représentent un progrès majeur pour la justice internationale. Pour de plus amples informations, voir Amnesty International. 2005. Cour pénale Internationale, Fiche d’information 7, Garantir l’accès à la justice des femmes, AI Index 40/006/2005, (12 avril 2005).
Voir les Rapports genre de la Cour pénale internationale.
2. Juridictions pénales internationales ad hoc. En 1993 et en 1994 respectivement, le Conseil de sécurité des Nations Unies a institué le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) pour juger les auteurs de nombreux crimes commis dans les Balkans et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) en réponse au génocide commis dans ce pays. Ces deux instances revêtent un caractère international, à savoir:
- qu’elles ont été établies indépendamment des systèmes judiciaires nationaux des pays concernés;
- qu’elles ont des juges, des avocats et du personnel internationaux;
- qu’elles sont financés par la communauté internationale;
- qu’elles opèrent hors de la juridiction où les crimes ont été commis.
- Bien qu’ils aient connu d’un nombre important d’affaires, concernant en particulier les VFFF – le viol et les autres formes de violences sexuelles étant reconnus comme constituant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité – le TPIY et le TPIR ont éprouvé des difficultés à obtenir la coopération des États pour l’appréhension et la comparution des auteurs présumés de ces crimes. Ce sont les seuls cas où l’on a recouru à ce modèle de tribunal international ad hoc. (Amnesty International, Autres juridictions internationales et internationalisées).
3. Tribunaux internationalisés ou hybrides. Tout comme les juridictions pénales internationales ad hoc, des tribunaux internationalisés ou hybrides ont été établis avec une participation active des Nations Unies et visent le même objectif fondamental: sanctionner les violations graves du droit humanitaire international et du droit des droits de l’homme commises par des individus et, par là, prévenir de futures violations dans les sociétés en phase de post-conflit (voir le Projet sur les cours et tribunaux internationaux). Selon cette formule, la communauté internationale a coopéré avec le pays concerné pour instituer des tribunaux « internationalisés » qui s’allient (d’où l’hybridation) aux systèmes nationaux et internationaux.
- Il n’a pas été établi de modèle standard, mais il est considéré que ces tribunaux sont plus susceptibles que les instances internationales d’avoir un impact sur le pays concerné et de contribuer au renforcement des capacités nationales au sein du secteur judiciaire. Parmi les exemples figurent:
- Les programmes du Timor-Leste et du Kosovo: L’administration des Nations Unies a introduit dans ces pays une capacité pénale internationalisée au sein du système juridique national (programme des juges et procureurs internationaux au Kosovo et Groupe des crimes graves et groupes spéciaux sur les crimes graves au Timor-Leste).
- Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone: Les Nations Unies ont conclu un accord avec le gouvernement et ont créé le Tribunal spécial hors de l’appareil judiciaire national, qui est régi par ses propres statuts, règles de procédures et règles d’administration de la preuve.
- Les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens: Les Nations Unies ont conclu un accord avec le gouvernement et ont créé des « chambres extraordinaires », régies elles aussi par leurs propres statuts et procédures (OHCHR, 2006 disponible en français et en anglais).
- À l’instar des juridictions pénales internationales ad hoc, les tribunaux internationalisés ou hybrides sont conçus pour connaître de crimes spécifiques pendant une période déterminée et ont pour mandat de poursuivre les accusés en ayant recours à la coopération, au financement et à l’aide judiciaire de la communauté internationale. Ils s’en distinguent toutefois par plusieurs aspects importants:
- Ils peuvent faire partie de l’appareil judiciaire du pays, ou « se greffer » sur celui-ci;
- Ils possèdent un personnel international ainsi que local;
- Ils appliquent un amalgame de droit international et national (voir la définition dans le Projet sur les cours et tribunaux internationaux).
4. Juridiction extraterritoriale ou universelle. Dans certains cas, par exemple celui de la mise en accusation de Pinochet au Royaume-Uni, des poursuites peuvent être engagées au sein d’une juridiction tierce, selon le principe de la « juridiction universelle ». Les procès qui se déroulent selon ce principe n’ont pas nécessairement de relations directes avec les victimes et la population du pays, ce qui peut limiter leur rôle pour rétablir la confiance dans le secteur judiciaire/juridique. Ils peuvent toutefois redonner un nouvel élan à l’action judiciaire nationale, comme dans le cas de Pinochet au Chili (OHCHR, 2006, p. 29-32).