- Pour de nombreuses filles, fréquenter l’école reste une entreprise risquée quelle que soit la situation, et bien sûr aussi lors d’un conflit. Un conflit conduit en effet à la dégradation des mécanismes de protection habituels, ce qui peut causer un risque accru d’agressions ou de harcèlement des filles sur le chemin de l’école. Des enseignants dépourvus de conscience professionnelle peuvent se servir de leur pouvoir pour exploiter sexuellement des filles. Le manque de personnel d’encadrement augmente le risque de voies de fait au sein de l’école. En outre, la pauvreté extrême causée par des situations d’urgence peut conduire les filles à pratiquer le sexe tarifé ou à accepter une relation d’exploitation sexuelle afin de payer leurs frais de scolarité (Équipe de travail spécialisée sur le genre de l’INEE, 2006). En temps de conflit, les filles doivent surmonter des obstacles encore plus importants que d’habitude pour accéder à l’éducation, ce qui freine ensuite leur autonomisation économique et sociale (Mooney & French, 2005).
- Toutefois, des programmes éducatifs soigneusement conçus peuvent limiter de différentes façons le risque de violence sexuelle envers les filles :
- L’éducation est un atout maître pour générer des opportunités économiques futures. Elle permet aux filles de vaincre l’oppression systémique fondée sur le sexe en les autonomisant et en leur apportant savoir et compétences.
- Les écoles peuvent offrir aux filles un environnement stable, encourageant et sûr. Les filles qui fréquentent une école sont moins sujettes à contracter un mariage précoce ou à se faire exploiter.
- L’école est également un endroit où les normes culturelles peuvent être remises en question et redéfinies afin d’y intégrer l’égalité des sexes et de prévenir la violence envers les femmes et les filles (Oxfam GB & Kafa, 2011). Les enfants peuvent y acquérir des compétences importantes pour leur vie de tous les jours, portant par exemple sur le règlement des conflits, les risques liés aux pratiques sexuelles et le VIH/sida, ainsi que des compétences relationnelles (CPI, 2005).
- De plus, les situations de crise peuvent donner l’occasion d’introduire une éducation sensible au genre qui entraînera une modification plus large et plus durable du système éducatif, en faveur de l’égalité des sexes au profit des femmes et des filles et d’une diminution de la violence et de la tolérance envers celle-ci (CPI, 2006).
a. Éléments essentiels à prendre en compte dans le secteur/groupe sectoriel de l’éducation
- Tous les programmes scolaires doivent être établis en suivant les recommandations du Réseau inter-agences pour l’éducation en situations d’urgence (INEE), Minimum Standards for Education in Emergencies.Les Directives VBG du CPI (pp. et la fiche-conseils du Domaine de responsabilité VBG sur l’éducation fournissent directives et recommandations pour améliorer les stratégies d’établissement des programmes éducatifs afin de prévenir la violence envers les femmes et les filles. La Banque mondiale publie également des directives à ce sujet : addressing VAWG within the education sector.
- En outre, le secteur éducatif doit prendre en compte les préoccupations suivantes :
1. Redéfinir les normes culturelles en faveur de l’égalité des sexes. Rendre les programmes scolaires plus sensibles au genre et former les enseignants à la problématique du genre sont des préalables à la remise en question des normes établies sur le genre et le recours à la violence. Différentes stratégies sont possibles :
-
- recourir à un arsenal diversifié de méthodes d’enseignement et d’approches non traditionnelles de l’apprentissage des filles et des garçons.
- montrer et encourager des formes de masculinité différentes et non violentes, telles que le règlement des conflits par la discussion (plutôt que par la force physique) ou l’identification et l’expression de toute la palette des émotions.
- encourager des formes non traditionnelles de la féminité, telles que l’assertivité (Oxfam GB & KAFA, 2011).
- prévenir la violence entre élèves en élargissant le programme scolaire pour inclure et encourager les techniques de gestion des conflits, les droits des femmes et des enfants, le respect, l’éducation à la paix et à la tolérance, et en organisant des discussions avec les garçons et les filles, séparément et ensemble, afin d’appréhender leur conception de la violence et du genre, et de bâtir des relations saines (HCR), 2007b.
Pour une illustration des actions menées par le WRC auprès des filles du Darfour, voir Women’s Commission for Refugee Women and Children. 2005b. Don’t Forget Us: The Education and Gender-Based Violence Protection Needs of Adolescent Girls from Darfur in Chad, New York, WRC.
2. Inclure la violence basée sur le genre dans les formations aux compétences de la vie courante destinées aux enseignants, aux filles et aux garçons, dans toutes les situations éducatives (CPI, 2006).
3. Mettre en place des mécanismes de prévention et de réaction à l’exploitation et aux abus sexuels dans les structures éducatives (CPI, 2006).
4. Plaider pour la cause. Plaider en faveur de politiques gouvernementales nationales offrant le libre accès à l’éducation primaire et d’une réglementation claire interdisant et punissant la violence et l’exploitation. Plaider pour que les écoles de réfugiés et de personnes déplacées soient reconnues comme des écoles officielles, et donc pour que les autorités gouvernementales leur garantissent les mêmes services et le même suivi sur le plan de la sécurité (HCR, 2007b).
5. Suivi et évaluation. Renforcer la capacité des autorités locales et judiciaires à contrôler les enseignants et le personnel des écoles, à élargir le programme scolaire, à s’assurer que les mesures de sécurité soient mises en place, et à faire respecter les codes de bonne conduite. Soutenir la création de structures communautaires telles que des comités éducatifs et, au besoin, participer à leur création. Faire participer les femmes et les filles au suivi actif de la sécurité dans les écoles (HCR, 2007b).
Exemple : Un rapport conjoint du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et de Save the Children UK daté de 2002 a attiré l’attention sur l’exploitation sexuelle courante des filles par leurs professeurs masculins, en échange de bons résultats scolaires ou d’autres privilèges au sein de l’école. Afin de créer un environnement éducatif plus sûr pour les filles, une nouvelle stratégie consistant à recruter davantage de professeurs de sexe féminin a été mise en place. Toutefois, cette stratégie s’est avérée difficile à mettre en œuvre à court terme, vu le nombre limité de réfugiées ou de femmes locales disposant du niveau d’éducation, du temps, du soutien de leur famille et des moyens financiers nécessaires pour devenir enseignantes. Les femmes instruites étaient souvent recrutées pour des fonctions plus lucratives au sein des Nations Unies, d’ONG ou d’autres organismes présents dans les camps. D’autres, tout particulièrement les mères célibataires, étaient dans l’incapacité d’abandonner leurs charges familiales. C’est pourquoi en 2002, en Guinée, le Comité international de secours (IRC) a lancé le programme d’assistantes en classe. Peu de temps après, ce programme a été adopté par l’IRC en Sierra Leone, dans le cadre de ses programmes éducatifs destinés aux réfugiés du Libéria.
Les conditions posées pour devenir assistante en classe (avoir terminé la 9e année d’études) sont flexibles, afin qu’un plus grand nombre de réfugiées puissent se porter candidates. Les femmes sélectionnées participent à un bref atelier de formation d’une durée de 2 à 5 jours, comprenant des cours sur la planification des leçons, l’enseignement en équipe, le suivi des notes et de l’assiduité scolaire des filles, et la rédaction de rapports. D’autres sujets sont également abordés au cours de cet atelier, comme les droits et la protection des enfants, et la prévention de l’exploitation et des abus sexuels. En outre, des techniques de communication et de conseil y sont enseignées. Les assistantes sont ensuite envoyées dans des classes allant de la 3e à la 6e année, où elles doivent chaque jour accompagner les élèves, tout au long de la journée. Des inspecteurs de l’IRC leur rendent des visites régulières. Les assistantes leur communiquent leurs rapports mensuels détaillant l’assiduité scolaire des filles, leurs activités et les visites à domicile.
Les assistantes en classe ont pour mission spécifique d’obtenir une diminution du nombre de cas d’abus et d’exploitation d’élèves. Plus globalement, le programme a été conçu pour créer un environnement scolaire plus propice et plus agréable pour les filles, et pour contribuer à un enseignement de qualité pour l’ensemble des élèves. L’une des tâches essentielles des assistantes consiste à consigner les notes attribuées par les professeurs, qu’elles doivent conserver. Ainsi, les élèves ne discutent pas directement de leurs notes avec leurs professeurs, ce qui contribue à éviter les situations dans lesquelles des enseignants peuvent manipuler des filles et les exploiter sexuellement en échange d’une modification de leurs résultats scolaires. De plus, les assistantes contrôlent les présences et effectuent des visites de suivi à domicile en cas d’absence. Elles aident les filles à réussir leurs études, soutiennent les activités éducatives liées à la santé, et participent aux activités des clubs sociaux, comme la couture, les jeux ou les sports.
Ce travail donne également à de nombreuses assistantes en classe l’occasion de parfaire leur propre éducation : elles sont encouragées à suivre des cours du soir pour terminer leurs études secondaires, à participer à des formations destinées aux enseignants, et à devenir elles-mêmes enseignantes.
Source : Adapté de l’Équipe de travail spécialisée sur le genre du Réseau inter-agences pour l’éducation en situations d’urgence, 2006, « Preventing and Responding to Gender Based Violence In and Through Education », p. 6. (Réseau inter-agences pour l’éducation en situations d’urgence)
Outils supplémentaires :
La boîte à outils pour une bonne école (Good School Toolkit) de Raising Voices en Ouganda contient un ensemble d’idées et d’outils pour aider les éducateurs à définir ce qu’est une bonne école, et pour les guider tout au long d’un processus qui les aidera à en créer une. Elle a été élaborée avec l’aide d’écoles ougandaises et se focalise délibérément sur des idées et des activités qui ne requièrent pas de ressources financières particulières, mais uniquement de la volonté et de la persévérance. La boîte à outils comporte quatre objectifs interdépendants liés à la création d’une vision commune, à la mise sur pied d’un environnement d’apprentissage, à la mise en œuvre d’une méthode d’enseignement plus progressive et à la question de la gouvernance de l’école. Ces objectifs sont :
- Créer une vision commune de la « bonne école » et identifier les connaissances et les compétences nécessaires pour en bâtir une.
- Créer un environnement sain d’un point de vue physique et psychologique, dans lequel un enseignement efficace peut prendre place.
- Créer une méthode didactique qui aide les enseignants à enseigner et les élèves à apprendre.
- Créer des politiques équitables et respectables qui inspirent le comportement et les actions de l’ensemble de la communauté scolaire. Télécharger la boîte à outils pour de plus amples informations.
Pour obtenir des manuels de formation sur la prévention de la violence envers les filles en milieu scolaire destinés aux étudiants et aux enseignants, consulter : USAID. 2009. Doorways Overview, Doorways 1, Doorways 2 and Doorways 3.
Pour obtenir une liste des indicateurs permettant d’analyser la planification axée sur l’égalité des sexes dans le secteur éducatif, consulter la page 58 du Guide pour l’intégration de l’égalité des sexes dans l’action humanitaire, Comité permanent interorganisations, 2006.
Pour obtenir des informations accompagnées d’exemples sur la façon de structurer les Codes de conduite pour les écoles de réfugiés, consulter l’annexe 1 de « Safe Schools and Learning Environment : How to Prevent and Respond to Violence in Refugee Schools, » par le HCR, 2007b.
Pour obtenir une note d’orientation rapide sur les principales étapes et mesures à garder à l’esprit lorsque l’on aborde la question de la violence envers les femmes et les filles dans le secteur éducatif, consulter l’annexe 3 de « Safe Schools and Learning Environment : How to Prevent and Respond to Violence in Refugee Schools, » par le HCR, 2007b.
Pour obtenir une boîte à outils et des recommandations du HCR sur la prévention et la lutte contre la violence envers les femmes et les filles dans les écoles pour réfugiés, consulter le document du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 2007b, « Safe Schools and Learning Environment : How to Prevent and Respond to Violence in Refugee Schools », Genève, Section d’appui technique, Division des services opérationnels, HCR.